dimanche 18 juillet 2004

Ravi Coltrane Quartet (Sunside - 17 Juillet 2004)

Cette fois-ci, le spectacle est dans la salle du haut, parce qu'il n'y a pas la place pour un piano sur la minuscule scène de la cave. On y perd en charme, mais tant pis, on n'est pas là pour contempler les murs non plus.
 
Plutôt pour écouter la jeune troupe, avec dans un ordre subjectif d'excellence :
- au piano, Luis Perdomo ; son jazz, matiné d'origines latines, ne brille pas particulièrement : la main gauche, quelque peu paresseuse, plaque des accords convenus, et la main droite mouline en amples mouvements les mélodies. Au bout d'un moment, son jeu répétitif devient essentiellement fonctionnel, n'apportant ni intensité ni émotion.
- à la basse, Lonnie Plaxico ; sur les trois sets, il ne s'offre qu'un seul solo, c'est dire si son truc c'est bien plutôt le rôle discret du phare dans la tempête, solide, élégant, efficace, et à l'attitude presque caricaturalement "cool".
- à la batterie, le programme annonçait le vétéran Billy Hart ; mais c'est EJ Strickland qui s'y colle. Excellent batteur, spectaculaire et explosif ! Son jeu intense s'est nourri en-dehors du jazz, où il apporte des sonorités volontiers aggressives (cymbales cloches, caisse claire très sèche...), et des rythmiques qui ne swinguent pas de manière naturelle, mais parviennent pourtant à alimenter la course de ses partenaires, en une énergie hachée, mais continue. Impression assez déconcertante. Ses solos sont presque aussi nombreux que ceux du pianiste, et beaucoup plus passionnants, des montées en charge d'adrénaline où il se lance visiblement des défis d'en faire toujours plus, sans se perdre non plus dans trop de tumulte.
- enfin, au saxophone, et aux commandes, Ravi Coltrane ; lourd héritage familial (papa John repris, mais comme il reprend du Monk, donc sans expliciter la filiation sans doute suffisament évidente, connue et pesante ; maman Alice citée plusieurs fois, mais aussi pour raisons commerciales : ils sortent ensemble un disque cet automne, et il tenait à le faire savoir...), mais son jeu me fait penser beaucoup plus à Steve Coleman (fondateur de M-Base, où Ravi a fait un tour). Plasticité des lignes, harmonies alambiquées,  vivacité des rythmiques, son langage est cohérent, incisif et imaginatif. On peut aussi rapprocher d'un Kenny Garrett (quand celui-ci explore). Jazz non trivial, plutôt à la pointe, mais sans jamais être inaccessible ou abstrus.
 
Trois sets bien pleins. Le premier est le plus "M-Base", avec il me semble uniquement des compositions personnelles. Le second set reprend du Monk ("Round Midnight" parait-il, mais irreconnaissable), et du Alice Coltrane (du prochain album, donc ; c'est la ballade la plus calme, et la plus directement émouvante de la soirée). Arrive en milieu de set un guitariste invité, "Michel Michel" ou un nom similaire. Son jeu, agréable au début, devient malheureusement de plus en plus stéréotypé et monotone, comme un Kenny Burrell accéléré et sans inspiration. Même problème que le pianiste, en quelque sorte. Le troisième set est un mélange des deux premiers, et se termine par une boucle interminable, qui laisse les musiciens et les spectateurs un peu groggy (il est alors près de 2h du mat).
 
En tout, un concert bien (de grands solos, et la découverte de deux très bons musiciens).