samedi 30 avril 2005

Madhavi Mugdal (Théâtre des Abbesses - 29 Avril 2005)

Après la confondante virtuosité de Shantala Shivalingappa en kuchipudi, voici une représentation d'odissi. Cette forme de danse n'est pas la plus spectaculaire des danses indiennes. Elle se base sur des ondulations, sinuosités des membres et du cou, "indépendance souple des hanches et du torse" explique le livret, avec une présence moins marquée du rythme et des sauts.
Directrice d'un centre de musique et de danse de New Dehli, Madhavi Mugdal invite sur scène, en plus de l'orchestre habituel (cette fois, un percussionniste, un chanteur, une chanteuse, un flûtiste et un joueur de sitar), trois danseuses, ce qui permet de varier les formations, solos, duos, trios, trios + soliste. C'est en solo qu'elle exécute les pièces les plus figuratives, mimant des poèmes d'amour en ruines ou des extraits de textes religieux ; mais j'ai bien du mal à me concentrer, elle ne fait naitre en moi aucune émotion.
Elle s'autorise aussi quelques effets de mise en scène par l'éclairage, par exemple en se découpant en ombres chinoises sur un très joli fond bleu lors de la première pièce.
Malheureusement, de manière générale, une certaine fatigue m'empèche de gouter vraiment ce spectacle, et je me laisse plus emporter par la musique que par la danse, trop humble, et à la grace trop intériorisée, pour m'atteindre ce soir.

lundi 25 avril 2005

Jolivet / Ravel / Roussel (Cité de la Musique - 24 Avril 2005)

André Jolivet - Cinq Eglogues pour alto

Outch, rude démarrage ! Cette série de pièces, architecturée en arche bartokienne, débute dans les angularités de lignes aux allures dodécaphoniques, avec des surprenantes alternances de sonorités, ample et soyeuse, ou fantomatique et métallique. Au centre, un ostinamente carrément tonal, qui brouille encore les pistes. Difficile de dater a priori ces églogues, même si leur naissance en 1967 les place plus dans une perspective passéiste ; mais elles restent bien vivaces, savoureuses, brillantes, sous l'archet sereinement passionné de Odile Auboin, impériale de calme détermination.

Maurice Ravel - Chansons madécasses

Superbe lied de chambre, pour chant, flûte, violoncelle et piano. Remplaçant le baryton Jean-Sébastien Bou malade, Mireille Delunsch assure magistralement ce chant quasiment continu, poème amoureux, brulot anticolonial qui débute et se termine d'un brutal "Méfiez-vous des Blancs, habitants du rivage", puis évocation nostalgique de la tranquille vie exotique, soutenue par le piano et le violoncelle, et surlignée de rares traits de flûte. C'est beau, c'est prenant, c'est impeccable.

Albert Roussel - Sérénade

Oeuvre pour flûte, trio à cordes et harpe, très agréable, raffinée, mais somme toute pas assez novatrice pour susciter un réel intérêt. Décoratif.

André Jolivet - Cinq Incantations pour flûte

Déception. Je ne connaissais ces pièces que par réputation, je trouve leur répétitivité primitiviste assez insupportable, ressassant les phrases dans une sonorité agressive, qui à aucun moment ne m'emportent dans ces "liens métaphysiques entre l'humain et le divin" évoqués par le livret.

jeudi 21 avril 2005

EZT is Back !

L'Hydre Internet dans toute sa splendeur...
Nouveau nom, nouvel hébergeur, mais même comptes, mêmes contenus, Easytree n'a pas mis longtemps à réapparaître. Je m'étais fait à l'idée d'un sevrage "cold Turkey", mais comment résister à tant de beauté ?
Dans la radio Pot-Pourri, une double pépite en cadeau surprise. Mais qui est-ce ? Qui est-ce exactement ? Réponse dans quelques jours, ou dans quelques commentaires...

Mise à jour : Damien a trouvé 3 musiciens sur 4 ; il s'agit d'une formation "parallèle" de Masada, qui a brièvement vécu aux débuts de l'épopée.
Sax: John Zorn /Clarinette: Ben Goldberg /Basse: Trevor Dunn /Batterie: Douglas Bowne
Ben Goldberg, avec son "New Klezmer Trio", a été, ai-je lu, une des sources d'inspiration de Zorn pour son "SongBook" masadien.

mercredi 20 avril 2005

Oui au Traité Constitutionnel Européen

Insomnie et prise de tête, suite à la fréquentation assidue de Publius. Se réveiller en pleine nuit avec en tête des questions tourbillonantes sur l'organisation politique/économique/sociale de la France, de l'Europe et du Monde, c'est nouveau pour moi, et guère réjouissant.
Solution 1 : Goldberg. Par Scott Ross. Toujours efficace. Mais tactique court terme...
Solution 2 : Mettre à plat par écrit, laisser refroidir, et voir. Typiquement ce que permet un blog, où l'intimité de la rédaction conjuguée à la possibilité d'être lu par de parfaits étrangers oblige à une mise en forme minimale des idées. Alors, faire une entorse à la définition de ce blog, qui devrait se consacrer à mes consommations d'événementiels culturels ? Si ça peut me permettre de fixer quelques pensées, allons-y. Mais pas sur que ce billet reste.

La question posée semble simple : "oui" ou "non". Sauf que le choix se pose entre trois objets :

  • Objet 1 : le(s) Traité(s) qui lient l'Europe aujourd'hui : Traité instituant la Communauté Européenne, Traité sur l'Union Européenne, Traité de Nice. Disponibles ici.
  • Objet 2 : Le Traité proposé aujourd'hui : Traité Etablissant une Constitution Européenne. Disponible ici.
  • Objet 3 : Un éventuel et hypothétique, voir fantasmé et chimérique "autre" Traité. Disponible nulle part, et pour cause.
Quelles sont les différences entre ces objets :
  • entre 1 et 2, c'est essentiellement les parties I (l'aspect le plus constitutionnel) et II (charte des droits fondamentaux). La partie III reprenant essentiellement ce qui existait déjà en 1. Plus de détails dans les postes magistraux de Samizdjazz sur Publius, dont le billet suivant donne la liste :
Liste des billets "Explication du texte" chez Publius
(séries à suivre...)
  • Entre 2 et 3, difficile à dire... Les incompatibilités entre les différentes propriétés que devrait acquérir l'objet 3, et l'impossibilité de déterminer de manière concrète la façon de le faire surgir dans le monde réel, rendent son examen difficile.
Il n'empèche que la plupart des débats sont pollués par cet objet 3, qui sert à dire "Je ne suis pas contre l'Europe, je suis pour une autre Europe ; une autre Europe est possible". Pourquoi pas, mais laquelle ?
  • une Europe plus démocratique :
    • étrangement, l'interlocuteur signifie la plupart du temps par cela qu'il veut donner plus de pouvoir au Parlement européen par rapport au Conseil. C'est déjà ce que fait le Traité Constitutionnel, mais "pas assez". Or, nos représentants au Parlement, les députés européens, ont été élus avec une abstention de 57%. Et notre représentant au Conseil, le président de la République, a été élu avec une abstention de 20%. Où est la plus grande légitimité démocratique ?
    • Peut-être est-ce du au fait que le président est de droite, alors que nos députés européens sont très légèrement de gauche ; il n'empèche que le Conseil, et le Parlement, sont aujourd'hui tous deux à droite. Ce rééquilibrage des pouvoirs n'apporterait pas dans l'immédiat un rééquilibrage de la couleur politique des décisions prises (ce qui compliquerait la création de l'objet 3, espéré plus à gauche que l'objet 2). Pour le futur, cela dépend bien sur de nos votes à venir, et de ceux du reste de l'Europe. Je crois que ça s'appelle la démocratie.
    • Mais est-ce que cela signifie que ces personnes ne font plus confiance au Président pour les représenter dans des réunions inter-gouvernementales, et préfèrent confier cette représentativité à un groupe de quasi-inconnus siégeant dans une assemblée loin, à Bruxelles, et votant des directives selon un process quasi-incompréhensible ? J'espère que cela annonce un intérêt soudain accru pour la façon dont fonctionne l'Europe, et que l'abstention aux prochaines élections européennes baissera fortement.
  • une Europe moins libérale :
    • voilà un mot qui ne veut plus rien dire, tellement usé, contre-usé, pris et repris par tous. Que n'entend-on pas sur "concurrence libre et non faussée" ! Le mot "concurrence" même devient nauséabond. Ah bon ? L'idéal est donc d'avoir une seule marque de yaourt dans nos supermarchés ? une seule marque de PC, de réfrigérateuur, de voiture ? Le magazine "60 Millions de consommateurs" et ses tableaux comparatifs est à la solde du Grand Capital ennemi des peuples, puisqu'il permet de profiter de la concurrence pour trouver le meilleur rapport qualité/prix ? S'ils mettent "17/20" à un fer à repasser, c'est surement que les ouvriers fabriquant ce fer sont rongés de stress, exploités par les cadences infernales, esclaves de leur Patronat maléfique ? Dans les critères déterminant la qualité d'un produit, on pourrait ajouter la localisation des usines, le taux de syndicalisation des ouvriers, le respect de l'environnement. Si vous êtes prêt à acheter plus cher un réfrigérateur parce que l'usine qui le fabrique est moins polluante et paye plus ses ouvriers. C'est peut-être un peu le cas en Allemagne, mais en France... Les boycotts lancés par les associations de consommateurs n'ont qu'un très faible écho. Or, la solidarité sociale ne s'impose pas par le politique, elle doit aussi se fabriquer au niveau des citoyens. Mais penser que l'individu est libre et qu'il doit assumer ses choix, il parait que c'est être libéral. Arrgh ! Serais-je donc libéral ?
    • De plus, oui, certains domaines doivent échapper à la mécanique de la concurrence, parce que cette concurrence n'apporte ni meilleure qualité, ni meilleur prix, aux consommateurs. C'est je pense principalement le cas des secteurs où le nombre de vendeurs est faible, et où entrer sur le marché demande des investissements très importants. Ce sont des marchés spécifiques, à régler au cas par cas. Mais dans la grande majorité des cas, proposer la concurrence comme fondement principal du marché est d'une telle évidence que dire que cela revient à un "choix politique" me semble idiot. Que mettre d'autre ? La solidarité, le partage librement consenti, le don ? Un brin utopique ; disons que le modèle réaliste d'un tel fonctionnement reste à définir... Le monopole, le controle exclusif par l'état ? Nationaliser la production de yaourt ? Je crains que les pays ex-satellites de l'Est ne soient pas bien d'accord, ils ont vu ce que ça donnait...
    • Donc, concurrence il y a, parce que c'est comme ça que ça marche. Et tant qu'à avoir une concurrence, je préfère qu'elle soit libre (de nouveaux acteurs peuvent intervenir s'ils le veulent ; si j'ai envie de lancer une marque de yaourt au gout de viande, j'ai le droit d'essayer de m'implanter, dans toute l'Europe, sans bureaucratie interminable dans chaque pays) et non faussée (lutte contre les alliances, contre les abus de position dominante, etc). C'est cet aspect "non faussé" qu'il me semble difficile d'obtenir lorsqu'il n'y a que 3 ou 4 vendeurs.
  • une Europe plus sociale :
    • qu'est-ce que cela veut dire ? Alors même que le Traité Constitutionnel introduit pour la première fois des mesures sociales, plein d'interlocuteurs se rebiffent là aussi par un "c'est pas assez". Ce que me semble, c'est qu'ils n'accepteraient que l'Europe parle de système social que dans l'unique condition que cela ne touche en rien le système français. Ils voudraient en fait que l'Europe garantisse que le gouvernement français ne puisse pas toucher au système social français... Etrange conception de l'Europe...
    • Car ce que l'Europe donne à la France doit être aussi donnée aux autres pays européens. Donc, ils veulent bien que l'Europe parle de social, mais soit pour que toute l'Europe adopte le système social français, soit pour que l'Europe garantisse qu'aucun pays n'ait le droit de modifier son propre système social, sauf si c'est pour le rapprocher du système français.
Alors oui, il y a surement crise de la représentativité politique en France. Nous élisons des gens en qui nous n'avons pas confiance. Faute à qui ? Et qu'est-ce que l'Europe vient faire là-dedans ? Je suppose que pour beaucoup, comme la question posée ne leur semble pas d'importance (une constitution pour l'Europe, bof, après tout quel intérêt ?), ils en profitent pour exprimer tout à fait autre chose. C'est leur choix. Mais ils devront assumer les conséquences. Quand je vois les multiples manières qu'ont beaucoup de gens de parler des "leçons du 21 Avril", il me semble que bien peu ont l'intention d'accepter d'assumer les conséquences même imprévues de leurs actes.

Quelles sont ces conséquences ? Aucune n'est certaine, ni avec le "oui", ni avec le "non". Pas de boule de cristal, ni de marc de café. Mais des hypothèses, des scénarii. Auxquels ont peut donner une probabilité, et une note (par exemple, entre +5 et -5).
Mais d'abord, il faudrait répondre à ces questions fondamentales :
  • est-ce qu'on veut ou non que l'Europe (et pas "le Conseil", "la Commission" ou "le Parlement", mais l'Europe en tant qu'entité politique et juridique) ait plus de pouvoir, par rapport aux parlements et aux gouvernements nationaux (et pas "plus de pouvoir que les parlements et gouvernements français", mais "plus de pouvoir qu'aujourd'hui, face aux parlements et gouvernements nationaux") ?
  • est-ce qu'on veut ou pas que l'Europe s'intéresse à l'aspect "Social" de nos systèmes de vie, et donc soit susceptible de légiférer dans ce domaine, quitte à forcer notre système social à changer ?
Dans le cas où on ne veut pas cela, la réponse est simple. Mais c'est alors être pour "moins d'Europe", ou "la même Europe qu'aujourd'hui et pas plus", pas pour "une autre Europe".

Dans le cas où on accepte et même souhaite ces changements vers plus d'Europe, alors quels sont les scénarii ?
(bien sur, c'est mon choix de scénarii, mon évaluation des probabilités, mes décisions de notes ; faites le même calcul avec vos scénarii, vos probabilités, vos notes, et obtenez votre décision)
  • En cas de "oui"
    • Fondamentalement, rien ne change ; proba: 45% ; note: 0
    • Les lois cadres sur les Services Publics, sur la Défense, et sans doute quelques autres, annoncées dans le TC, sont mises en chantier ; proba: 20% ; note: +1 (ne pas oublier que le Parlement est à droite ; une loi cadre aujourd'hui sur les Services Publics sera délicate ; mais une plus grande harmonie entre les pays européens reste souhaitable)
    • Les lois cadres prennent la poussière, mais le Parlement profite de son plus grand contrôle sur les décisions prises pour les améliorer, et la double majorité permet de prendre plus vite de bonnes décisions (c'est à dire, des décisions qui conviennent à la majorité des Européens) ; proba: 30% ; note: +2
    • Le TC possède des "trous", des articles facheux dont les effets se révèlent pervers et néfastes ; proba: 5% ; note : -2 (peu de chances que les garde-barrières des parlements nationaux, et que la Jurisprudence s'il faut aller jusque là, ne laisse passer un effet vraiment néfaste ; mais admettons...)
  • En cas de "non"
    • Fondamentalement, rien ne change; proba: 40% ; note: 0
    • Fondamentalement, rien ne change, sauf que la voix de la France au Conseil n'est plus autant écoutée ; proba: 40% ; note: -1 (difficile de mettre une note ; si la perte d'influence de la France permettait de casser la PAC et de mettre l'argent ainsi économisé vers l'éducation, la recherche, la santé, au lieu de subventionner les surproductions des pollueurs de nos nappes phréatiques, je mettrais +2 ; mais bon, on entre là dans des domaines que je maîtrise mal)
    • Suite au "non", le Traité constitutionnel passe par morceaux, en "coopérations renforcées" multiples et diverses, dans une Europe multi-vitesse à la carte, qui devient carrément incompréhensible pour qui que ce soit ; proba: 15% ; note: -2
    • Suite aux "non" français, anglais (et autres ?), un nouveau Traité est élaboré, qui est mieux par certains aspects, mais pire par d'autres, vu que c'est ce qui se passe dans des négociations entre revendications incompatibles; proba: 3% ; note: 0
    • Suite au "non", un nouveau Traité est élaboré, qui va plus dans le sens voulu par l'aile gauche du Non; proba: 2% ; note: +3
Gain moyen d'un "Oui": 0.7
Gain moyen d'un "Non": -0.64

Donc, pour moi, c'est "OUI".
J'aurais pu mettre le joli logo de Laurent Gloagen, mais comme il est spécialement adapté à sa charte graphique, je le laisse.

Bon, on voit que je suis en vacances, pour écrire des billets si longs, et que le travail pour atteindre une sorte de conscience politique est encore en ébauche.

J'ai pu constater sur Publius que certains partisans du Non sont adeptes de Trollage assez agressifs. Les copiés/collés d'articles issus du Web seront supprimés des commentaires. De toute façon, avec Haloscan, il y a une chance sur deux pour qu'ils se fassent débiter en tranches... Vous pouvez par contre laisser des URLs pointant vers ces textes si ça vous chante. Ne vous attendez pas non plus à ce que je réagisse aux commentaires sur cette note. Si vous voulez discuter du Oui/Non au TC, allez sur Publius.

Enfin, je voudrais remercier le travail exemplaire, citoyen et bénévole des bloggeurs suivants, sans qui j'en serais peut-être resté à admirer la haine paranoïaque de Cassen dans le Diplo, et serais resté dans la confortable pose morale d'un socialiste petit-bourgeois, lançant des anathèmes sur le libéralisme tout en en profitant à donf, et attendant d'autant plus le Grand Soir que je sais qu'il n'arrivera jamais :
Emmanuel, Versac, Hugues, Damien et les autres.
Ne me reste plus qu'à débroussailler mes questions, et commencer à chercher des réponses.

lundi 18 avril 2005

Saison 2005/2006 : Cité de la Musique

A la Cité, l'année commence avec du Jazz. Contrairement à la musique classique, où les programmes sont établis plusieurs années en avance, et plus encore en musique lyrique, le Jazz s'accompagne ... d'improvisation, et c'est souvent tardivement que les détails des soirées sont connus, ce qui n'empèche pas les groupes de changer de première partie ou de s'adjoindre des invités au dernier moment.
Bref, le Festival Jazz de de la Villette, du 30 Août au 10 Spetembre, sera consacré à John Coltrane, et même si quelques participants putatifs ne viendront pas, la fête restera prestigieuse, avec une pareille liste de noms : Ravi Coltrane, Alice Coltrane, McCoy Tyner, Reggie Workman, Pharaoh Sanders, Rashied Ali, Charles Gayle, Joe Lavano, David Murray, Dave Liebman (ah, enfin un nom que je connais pas...). A coté, entre autres, Magma, Louis Sclavis, DJ Shalom, Marc Ribot, Medeski Martin and Wood, et Anthony Braxton... Programme détaillé en Mai, miam...

Premier grand cycle : "La vie, la mort". Plein de requiems ! Je choisis l'Orphée version Jazz de Yves Robert, du Messiaen ("Et exspecto resurrectionem mortuari", par l'orchestre national de Lyon, leur carte de rattrapage par rapport à avant-hier), du Claude Vivier (compositeur québecquois mort assassiné à 35 ans, déjà entendu il y a quelques années à la Cité, un concert qui m'avait beaucoup marqué), du Mahler ("le Chant de la Terre", une fois de plus), et des oeuvres spectrales de Murail et Grisey. D'autres concerts me tentent, mais il faut maintenir un équilibre dans l'occupation des semaines. En Octobre/Novembre, d'autres spectacles du Festival d'Automne prendront place, et sans le temps de digérer, il y a du gachis.

Dans le cycle John Lennon, essentiellement consacré à des films et à des documentaires, une surprise : Bill Frisell, dans un trio Guitare / Violon / Guitare dobro (une version réduite d'Intercontinentals).

Début Novembre a lieu la 2ème biennale de quatuors à cordes, articulée autour des quatuors de Pascal Dusapin. Dans les 9 concerts programmés sur un seul Week-end, j'en choisis 2, un peu au hasard (euh.. Ferneyhough, "Adagissimo", ce n'est pas par hasard, finalement..).

Autour des folklores, le cycle "Cultures perdues / retrouvées" me permettra d'entendre du Bartok interprété par le "Budapest Festival Orchestra" (gage d'authenticité ?), et l'ensemble Umkulu, qui expérimentent autour du didgeridoo (ça peut donner n'importe quoi, mais faut bien essayer des trucs un peu surprenants de temps en temps...).

Autre curiosité en passant : "Dans la Nuit", film de Charles Vanel, accompagné musicalement par Louis Sclavis, et quelques compagnons. Je ne suis pas fan de ces films avec musique jouée live, l'objet final reste souvent trop hybride, et lors de musique contemporaine accompagnant un film muet, le décalage temporel est trop marqué. Bref, ça "marche" rarement. Mais là, avec du Jazz ? Faut voir !

La Cité propose souvent des "rencontres" entre un compositeur contemporain ou moderne et un ancien grand Maître. "Berio / Bach", "Beethoven / Stockhausen". Cette année, ils font très fort : "Lachenmann / Mozart". Sur, ça va grincer. Peu fan du Viennois perruqué, mon critère est simple : je prends les deux concerts où il y a le plus d'oeuvres de Lachenmann...

Nouveau cycle important : "Extase et trance". On commence avec les "Visions de l'amen", dont Zvezdo propose un très appétissant extrait dans sa radio ! Puis du Stockhausen sur des poésies amérindiennes et spatialisé, suivi des chanteurs harmoniques de David Hykes (ce disque est extraordianire). Plus des nuits qui peuvent être magiques : le 11/02, Terry Riley pour "In C", suivi d'un festival de musique indienne, et le 18/02, le même Terry Riley improvisant au piano, suivi de musiques electroniques plus ou moins expérimentales ! La dernière "nuit électronique" à la Cité m'ayant fortement déçu (le beat infiniment sclérosé, ce n'est plus de mon âge), je m'abstiens pour ce concert-là. Par contre, approfondir la musique indienne est un objectif à long terme, même si le lendemain, le 12/02, m'attendent Siegfried et Brünnhilde, Wotan et Hagen. "Schlafst du, Hagen, mein Sohn?". Un Crépuscule un peu pénible à suivre n'est pas à exclure.

"Le modèle classique" propose un gentil concert Monnet / Ligeti (le concerto pour piano) / Stravinski ("Pulcinella"). J'y prends aussi la dose annuelle de Bach, en motets allemands (une année sans concert Bach est une année gachée).
Le même cycle se conclut par un impressionnant dimanche, où Jean-Guihen Queyras interprète les six suites pour violoncelles de Bach, chacune accompagnée d'une oeuvre contemporaine commandée pour l'occasion : Ivan Fedele, Gilbert Amy, György Kurtag, Misato Mochizuki, Jonathan Harvey, Ichiro Nodaïra. Trois concerts successifs, un challenge invraisemblable ! Pour l'interprète, et peut-être aussi pour l'auditeur...

Du Jazz, de nouveau, sur le thème du métissage, mi Mars. Les quatre concerts de cette semaine sont passionnants : Art Ensemble of Chicago, Richard Galliano avec Gary Burton, Anouar Brahem dans sa formation "Le pas du chat noir", et le duo Dave Holland / Trilok Gurtu. Comment choisir ??? Finalement, j'élimine le Jazz Tango de Galliano (j'aime pas le Tango), et le duo final, parce que ma faible appréciation des solos de contrebasse risquerait de négativement contrebalancer mon amour des percussions.
Métissages toujours, du Steve Reich chorégraphié par Akram Khan, pour voir où il en est dans son parcours de chorégraphe en maturation, et un "événement scénique" de Philippe Manoury et Yannis Kokkos.

Retourner aux années cinquante par le biais des échanges Pierre Boulez / John Cage permettra de (re)découvrir des oeuvres de jeunesse, jeunesse des compositeurs, jeunesse de la musique qu'ils inventaient. "Cheap imitation" et "Dialogue de l'ombre double" seront chorégraphiés par Daniel Dobbels, que je ne connais absolument pas. Du piano préparé, et un "Marteau sans maître", concert indispensable. Et les "Notations" de Boulez, version piano, puis version orchestre (argh ! encore l'ON Lyon...).

L'année se termine par une visite du Japon. Après la découverte du Kabuki, j'essaie cette année le Bunraku. Et après que que les solistes EIC nous aient fait découvrir plein de compositeurs nippons, je terminerai cette année à la Cité par ... du Jazz, bien sur ! Le Big Band du conservatoire, dirigé au piano par Yosuke Yamashita.

Bon, une trentaine de concert, encore, cette année. Et j'ai du restreindre.
Stéphane Lissner avait marqué mes premières années parisiennes par sa programmation au Châtelet, Laurent Bayle marque les suivantes encore plus fortement par ses choix multi-horizons dans cette salle incontournable de la Cité.

samedi 16 avril 2005

Dukas - Ravel - Debussy - Schmitt (Cité de la Musique - 15 Avril 2005)

Paul Dukas - La Péri

Murmures irisés des cordes, lent embrasement des cuivres, maelstrom orgiaque, retour au calme ; de la musique à grand spectacle, où le chef Stéphane Denève dirige l'Orchestre National de Lyon en de grandioses gesticulations qui menacent de désordonner ses frisottis. Un peu lourd, mais efficace, pour les amateurs...

Maurice Ravel - Shéhérazade

Pas de bol. De ma place, dans les gradins et sur le coté, la silhouette quelque peu massive de Denève me masque presque complètement la vue de la cantatrice Sophie Koch, qui pare son corps de rêve d'une flamboyante et improbable robe du soir pour femme enceinte. Le reste, musique et chant, me touche peu.

Claude Debussy - Prélude à l'après-midi d'un faune

Extraordinaire. Moi qui pensais connaître ce chef-d'oeuvre ("la seule oeuvre absolument parfaite de toute l'histoire de la musique", dixit Ravel !), qui me souviens de la fois où l'éclosion de la ligne du hautbois m'avait fait pleuré d'émotion dans la salle du Châtelet (ONF, je crois, mais je ne sais plus qui dirigeait... tristesse de n'avoir pas tenu dans le passé un équivalent à ce blog...), je découvre qu'on peut opter pour une lecture architecturale, plans sonores strictement découpés, pupitres séparés, partition segmentée en interventions successives.
Pas de moelleux, pas de mystère, aucune grace. Cet assèchement tue quasiment toute beauté. Quand en plus, le joueur de hautbois, au-dessus de sa collègue flutiste, décide de parasiter les mélodies magiques qu'elle est supposée dérouler, en soufflant, resoufflant et reresoufflant, fort bruyamment, sur son instrument, passant soit pour un rustre, soit pour un incompétent, il ne reste vraiment plus grand-chose... Triste massacre.

Florent Schmitt - La Tragédie de Salomé

Si "La Péri" était du grand spectacle, que dire ici ? Que parfois, à viser le grandiose barbare et chatoyant, on obtient du boursouflé tonitruant. Comme une pâte avec trop de levure, ça monte, ça monte, mais ça croule à la fin, et le résultat est absolument indigeste.

Pour me remettre de tant de lourdeur étouffe-chrétienne, je mets en antidote dans la radio Pot-Pourri quelques préludes du premier livre de Debussy, joués par Zimerman.

dimanche 10 avril 2005

Kagel / Solistes EIC (Cité de la Musique - 9 Avril 2005)

Schattenklänge

Le sous-titre "Trois pièces pour clarinette basse" annonce le programme, qui contient donc :
- une longue ligne ample et sinueuse, louvoyant dans les registres bas de l'instrument, et s'aventurant pour de rares moments dans les aigus
- une évocation beaucoup plus Free Jazz, sons arrachés, tempi fiévreux, amtosphères en surchauffe, avec des passages de souffles purs et une conclusion borborygmique
- du pointillisme, peut-être la même mélodie qu'en 1, mais livrée par quelques notes ou groupes de notes isolés, à l'auditeur de reconstituer les mots manquants.
Une oeuvre à la structure simple, directe, sans chichis, un beau cadeau aux amateurs des sonorités de la clarinette basse.

Zwei Akte

L'idée est originale : un duo réunissant l'instrument le plus masculin (le saxophone), et le plus féminin (la harpe). Les hommes harpistes et les femmes saxophonistes seraient donc si rares ?
Distants au maximum sur le plateau, leurs discours initiaux se juxtaposent plus qu'ils ne dialoguent. Puis ils tentent de fusionner leurs sonorités, de s'amuser ensemble (il parle dans son saxophone, elle joue de la percussion sur sa harpe).
Mais globlalement, on ne s'éloigne jamais vraiment de la structure "chant accompagné", lui au chant, elle à l'accompagnement. Les rôles ne s'inversent ou ne s'échangent guère. Du coup, l'ennui s'installe assez vite, surtout que ça dure presque une demi-heure...

Sérénade


Du pur Kagel, tout en décalage, en humour, en fantaisie. Trois exécutants : Emmanuelle Ophèle, avec 4 flûtes ; Pablo Marquez, avec 4 ou 5 guitares ; Maxime Echardour, au milieu de percussions très hétérogènes, dont une vielle désaccordée.
Autour du thème de la sérénade, et de tous les clichés attenants, ces trois-là installent des moments loufoques, bricolages sonores et théâtraux, ponctués par des lancers de bouquets de fleurs qui viennent s'amonceler sur le devant de la scène.
Par exemple, le percussioniste frappe des castagnettes et tire les sons qu'il peut d'une scie musicale, tandis que la flûtiste vrombit, énervée, dans sa flûte basse, et que le guitariste plaque sans désemparer des accords d'une banalité à pleurer.
Ou alors, la flûtiste se lance dans des mélodies bucoliques et entrainantes, accompagnée de trilles de banjo, et de "plitch-plotch" frappés dans une bassine d'eau, auquel le percussioniste finit par adjoindre un gazouillis de sifflet.
L'oeuvre, éminement visuelle, ne doit pas avoir grand intérêt sur disque. Mais sur la scène de l'amphithéâtre de la Cité, plein cette fois-ci, elle apporte un air vif, joyeux, vivifiant, qui va bien à ce Week-End grisailleux.
Pendant les applaudissements, les musiciens jettent des fleurs au public, les chanceux des premiers rangs sortent garnis et odorants, et heureux...

samedi 9 avril 2005

Easytree c'est fini

C'est surement mon coup de pub qui leur a été fatal...
Malgré la mise en ligne de matériel censément exclusivement non copyrighté, le site a du fermer:

April 6, 2005, 16:00 GMT

Hello gals and guys,

We're very sorry having to tell you that we had to shut down EZT just a couple of minutes ago.

We got a call from our provider, they had received a few letters from a couple of lawyers. They requested EZT to be shut down immediately, otherwise we and the hosting service would be sued.
Dommage. Cibles suivantes ?

Mise à jour : Pour marquer le coup, je mets dans la Radio Pot-pourri un extrait du dernier concert récupéré, David Murray accompagné des Gwo-Ka Masters de Guadeloupe, à Willisau, en 2003.

Kagel / EIC (Cité de la Musique - 6 Avril 2005)

DoppelSextett

L'orchestre de chambre est deux fois divisé en deux : six cordes devant, six vents derrière ; six aigus à gauche, six graves à droite. Suite d'épisodes gentiment variés, l'oeuvre est tranquille, mais fade.

Finale

Ecrite pour son propre cinquantième anniversaire, "Finale" se construit scéniquement autour d'un gag très Kagelien : au deux-tiers de l'oeuvre, le chef d'orchestre s'effondre, comme frappé d'une crise cardaque. Olari Elts, très jeune chef d'orchestre étrangement engoncé dans son costume, comme si hors du pupitre il ne savait plus très bien quoi faire de ses bras, réussit joliment sa chute. Hae-Sun Kang, en premier violon, se lève et conduit la suite, dont les tempi flottent du coup un peu, mais ce ne peut qu'être exprès.
A part ça, comme souvent, Mauricio Kagel emprunte à beaucoup, un peu de Stravinsky ici, un peu de Ligeti là, mélange le tout avec un certain brio, et dissimule une sorte de désespoir tragique par des pirouettes de clown bouffon, l'orchestration frolant par moment le grotesque.
L'interprétation de l'EIC est de premier ordre, bien supérieure à la version 2E2M que je ne mettrais du coup pas sur la radio : tranchante, éclatante, elle en épouse les contours variés, et l'émotion cachée de l'oeuvre me devient accessible.

..., den 24.XII.1931

Comme le dit Zvezdo qui était là aussi, alors que la salle était à moitié vide (haut condamné, rangs clairsemés...), cette pièce est le "morceau de résistance". A partir d'articles de journaux écrits le jour de sa naissance, Kagel compose une suite de sept tableaux. Orchestration rutilante et raffinée, utilisation intelligente des gags (renversement d'une caisse pour l'effondrement de la bibiothèque vaticane, bottes militaires frottées sur une table pour la présence du nazisme, générateur électrique pour les cloches par télécommande... tout ce fourbi ne détourne pas de l'essence de la pièce, mais renforce au contraire chaque ambiance), soin donné au climat propre à chaque tableau (vociférations belliqueuses, ridicules et inquiétantes, du 3 ; le 4, extraordinaire, où sur un fond tendu d'angoisse souterraine, un soudard ivre hoquète les vertus des cigarettes légères et aromatiques ; les 5 et 6, d'une tristess plus classique ; le 7, en conclusion joyeusement ridicule, mais qui permet de soulager les tensions).
Le baryton Roland Hermann fait merveille : sussurant, vociférant de rire, parlant-chantant, déclamant, il assure magnifiquement, et mange la scène avec une délectation enthousiasmante.

lundi 4 avril 2005

Saison 2005/2006 : c'est parti !

La routine des abonnements... Le premier à dégainer, c'est le Châtelet, dès fin Mars. Viendront ensuite, d'ici quelques semaines, la Cité de la Musique, et en Juin, le Théâtre de la Ville. Bien plus tard, le Festival d'Automne à Paris. Je me limite à eux depuis plusieurs années. Ils suffisent à remplir confortablement mon année, et je ne me décide que rarement à les compléter par des concerts en "extra" ; du coup, aller dans une autre salle, devoir acheter un billet au guichet, devient presque une aventure !

Donc, premier abonnement de cette saison, le Théâtre du Châtelet. Pas de création d'Opéra contemporain, à part une "fantaisie lyrique" de Patrick Burgan, jouée chez Zingaro, qui ne m'attire pas. Je me contenterai ... du Ring, en fait déjà réservé depuis Février, malgré la mise en garde de Kozlika, mais c'était une sorte de promesse que je m'étais faite, donc...
Sur ce terrain lyrique, je complète avec des opéras en version de concert :
- "L'Amour de Loin" de Kaija Saariaho, qui sera pour l'occasion enregistré par Harmonia Mundi,
- et "Le Château de Barbe-Bleue" de Bartok, précédé de "Daphnis et Chloé" de Ravel, le tout dirigé par Boulez, avec malheureusement Peter Fried, qui m'avait peu convaincu l'an dernier, et Jessye Norman.

William Forsythe revient au Châtelet ! Avec des pièces que je crois avoir déjà vu, mais à la place du Ballet de Francfort, nous aurons droit au théâtre Mariinsky !

Enfin, pour la musique plus ordinairement orchestrale, j'ai choisi des concerts de Pierre-Laurent Aimard, pour entendre ce qu'il devient hors de l'EIC, et de Marie-Josèphe Jude sous la direction d'Arturo Tamayo, dont j'admire le travail sur l'intégrale en cours des oeuvres orchestrales de Xenakis.

Mise à jour : En fait, le programme de la Cité de la Musique pour la saison 2005-2006 est déjà disponible, à la Cité elle-même. Ils l'enverront sans doute prochainement par la poste. Parmi les concerts proposés, il y a des exceptionnels, des intriguants, des passionnants, des immanquables, et des pour tous les goûts. Bref, un formidable catalogue. J'espère pouvoir m'y mettre ce week-end. Va falloir choisir, ça va être cruel.