dimanche 29 mai 2005

No comment

J'ai mis un de mes morceaux fétiches sur la radio Pot-Pourri. Seconde partie du dernier Chant de la Terre. Allez, le printemps refleurira !

D'ailleurs, si vous avez des versions à conseiller (là c'est Boulez au Wiener Philarmoniker, avec Urmana et Schade. Je l'ai aussi par Sinopoli pour la Staatskapelle Dresden, avec Vermillion et Lewis). Je cherche des versions non historiques (j'ai encore du mal avec le son d'époque...), et si possible disponibles en magasin...

samedi 28 mai 2005

François Verret - Contrecoup (Théâtre de la Villle - 27 Mai 2005)

Depuis des années, François Verret s'entoure des mêmes collaborateurs, et fabrique des spectacles qui échappent aux catégories trop simples. Il récite des textes, entouré de danseurs qui font un peu de théâtre, parfois de musiciens qui dansent, ou de dessinateurs qui jouent aux artistes de cirque. Le tout dans un décor machinerie complexe et surprenant.
"Contrecoup" ne fait pas exception. Au centre de la scène trone une sorte de manège en métal, structure ronde qui peut tourner, avec une corde qui servira de hamac, des bancs à diverses hauteurs, un cercle de toit sur lequel on courra, une échelle, une autre corde qui permettra de tournoyer au centre du cercle.
Le texte, c'est tiré de "Absalon, Absalon !" de William Faulkner, sombre histoire de gamin pauvre rabroué par un esclave noir, obsédé par la volonté de réussir, c'est-à dire devenir propriétaire d'une plantation prospère, rêve réalisé aussitôt déchiré par la guerre de Sécession, et des drames familiaux, inceste et meurtre parmi ses enfants. Le récit, conformément au roman me dit la plaquette, est livré en puzzle.
Mais la magie ne fonctionne pas bien. Déjà, il me manque l'habituel et si exceptionnel Jean-Pierre Drouet, sur les machines musicales de Claudine Brahem ; la musique est cette année banale, ambiance de film, ou country-blues profond. Le dessinateur Vincent Fortemps brandit des fusains sur la violence et la guerre, mais cela reste mal exploité, peu intégré au reste. La danse est parfois intéressante, mais souvent fade, elle veut trop faire sens (masques, déshabillages / habillages, symétries hommes blancs / hommes noirs), ou trop faire spectacle (le coté cirque, acrobatie, élastiques, manquait le trampoline), jamais naturelle.
Reste le texte, énigmatique, bloc obscur, et quelques bons moments, principalement des tournoiements collectifs, machine et humains, mais chacun dans son sens, chacun à sa vitesse, donnant un beau chaos. C'est peu. Difficile de répéter d'année en année à peu près la même formule, quand elle si composite, en réussisant à l'imposer comme la meilleure manière de traiter le sujet. Cette année, le traitement apparaît forcé.

mercredi 25 mai 2005

Premier Anniversaire !

Découverte des Blogs

J'ai découvert l'existence des blogs par ... le Monde Diplomatique, en Aout 2003 ! Where is Raed ? d'abord, que pointait l'article, suivi de Baghdad Burning et Healing Iraq, ainsi que Turningtables, puis rebond vers les USA, par Juan Cole, George Paine, et autres Billmon... Après les warblogs, vint la présidentielle US. Et d'autres noms : Josh Marshall, Kevin Drum, Daniel Drezner, Andrew Sullivan... Et quelques blogs collectifs pour voir le monde d'un point de vue non français : Tacitus, Winds Of Change... Le nombre de pages que je lisais en anglais à l'époque, c'est incroyable ! Aujourd'hui, je fatigue rapide à cet exercice.

Au milieu de toutes ces pages, soudain, un lien vers un site ... écrit en français ! Le site émetteur était Matthew Yglesias, le bénéficiaire était Ceteris-Paribus, et cela se passait le 19 Avril 2004. On peut donc bloguer en français, incroyable ! De là, découverte de Phersu, de Versac, de Eolas. Les centres d'intérêt s'élargissent de blog-rolls en blog-rolls : Princesse H, CaliMinachex, Kozlika. On peut donc écrire non seulement en français, mais en plus sur des sujets plus frivoles que la politique internationale ou l'économie comparée ! Sans forcément parler cul et déprime amoureuse ! Parler musique ... L'idée germe ...

Parcours culturel

Quelques mots sur moi, tiens. Jusqu'à 18 ans, j'ai vécu dans le Sud de la France, dans une famille plutôt portée vers la musique : mon père adorateur de l'orgue et de Bach, frère et soeurs apprenant tous à jouer du piano, frère devenant un temps batteur professionnel dans un groupe de rock. Moi seul échappe aux leçons obligatoires de solfège, suite à une première année d'apprentissage désastreuse et à une certaine fatigue parentale. Jusqu'à 19 ans, je m'intéresse essentiellement à "Cure", "Simple Minds" et autres "Depeche Mode". Parti poursuivre mes études à Angers, où je découvre "Front 242", "Skinny Puppy" ou "Dead Can Dance", un copain de classe me fait écouter le "Sacre du Printemps". Grande claque. Quelques semaines plus tard, je trouve dans la discothèque paternelle la "Cinquième" de Chostakovitch, dirigée par Rostropovitch. Deuxième grande claque. Illico, j'entreprends d'écumer la médiathèque angevine de tout ce qu'elle contient en musique contemporaine. Et quelques visites de Paris me font comprendre que c'est là que je veux continuer ma vie : un seul Beaubourg en France, et un seul Ircam...
Parcours atypique : les sondages indiquent que les concerts de l'EIC sont principalement fréquentés par des CSP+ (là, j'en suis...), ayant une forte culture classique (ben non, là j'ai zappé), et pratiquant ou ayant pratiqué la musique (à part la flute à bec au collège, et de frapper des mains sur mes genoux, non, rien). C'est aussi pourquoi je ne fais pas de pédagogie ou d'explications trop techniques, je n'ai pas le background pour.

Arrivée à Paris en 1991. Mais il me faut quelques années avant de squatter les salles de spectacles. Comment ais-je commencé ? Eh bien, je ne me rappelle plus. Drame. Pareil que Kozlika : je perds la mémoire. C'est embêtant, parce qu'il y a des moments magnifiques que j'aimerais pouvoir retrouver, dans mes souvenirs, ou sur disque. Mais qui ais-je vu ? Quelles oeuvres ? Quand ? Ais-je aimé ? J'ai d'abord noté mes impressions sur un carnet, mais j'ai une écriture illisible même pour moi, et en plus, un carnet, on ne peut pas y faire de recherche rapide. J'ai ensuite commencé à remplir une petite base de données, mais cela ne me satisfaisait pas non plus. Trop contraignant, et pas assez de retour sur effort.

Naissance de ce blog

Au croisement du désir de garder une trace des événements culturels consommés, et du désir d'entrer à mon tour dans le monde fabuleux des bloc-notes informatiques, est né "Bien Culturel". Le titre s'est imposé immédiatement. J'en aime la vanité auto-parodique (en prenant "bien" en adverbe), et le caractère paradoxal (en prenant "bien" en substantif ; un événement culturel est-il un "bien" ?). Quant à "Bladsurb" (prononcez "Blad sseurb"), c'est le nom d'un groupe de New Wave électro-gothique dont je faisais partie à Angers ; si Th.B revendique le nom, qu'il me fasse signe !
Le but est de garder une trace de ces concerts, spectacles de danse ou de théâtre, que je puisse en retrouver l'émotion par la suite. Je ne cherche pas l'objectivité. Et abuse parfois de figures de styles ou d'images passablement lourdes ou contournées. En plus, parfois à dessein : une image incongrue peut plus facilement fixer une sensation particulière, et aider à retrouver cette exacte sensation par la suite, qu'une longue description plus conventionnelle.

Le fait que ces billets soient lus n'était, et n'est toujours pas, essentiel. Je voyais l'utilisation de l'outil "Blog" comme un moyen de bénéficier des avantages de cette infrastructure (accès depuis la maison ou le boulot ; indexation par Google ; automatisme de la mise en page ; archivage ; etc.). Même si la possibilité d'avoir des lecteurs m'oblige à un certain effort de rédaction, je fais peu d'efforts pédagogiques, et utilise sans gène des références culturelles personnelles sans les expliciter.
Pourquoi "BlogSpot" ? Parce que les premiers bloggueurs irakiens, et le premier blogueur français, que je fréquentais, utilisaient cette plateforme. Une forme d'hommage, donc. En fait, je n'ai même pas cherché à connaître les différentes possibilités, j'ai pris celle qui me semblait la plus naturelle, et accessible : gratuite, sans pub, et si ça convenait aux Irakiens, ça devait me convenir aussi.

Statistiques et fréquentations

A lire les statistiques de visites (d'abord par l'outil Blogger, puis par SiteMeter, enfin avec StatCounter), j'eus la rapide surprise de me découvrir dans la blog-roll de Zvezdoliki, et de ParisianSmile (où je ne suis pas resté longtemps ! cruauté du délistage ...). Premier pic de fréquentation suite au référencement par Un Blog Par Jour.
Augmentation régulière de la fréquentation :
  • par le biais des commentaires que je laisse ici et là (C'est dingue comme les lecteurs de Veuve Tarquine aiment suivre les liens ! Beaucoup plus que ceux de Embruns, par exemple ; ou alors, les commentaires que je laisse chez elle sont plus intriguants que ceux laissés chez lui).
  • par les moteurs de recherche, qui pointent d'autant plus chez moi que la matière à indexer devient plus importante. En général, beaucoup atterrissent ici sur des noms d'artistes ("philippe hurel", "christine leboutte", "robert curto"). Mais pour le plaisir, quelque requêtes récentes plus fantaisistes :
    • "qu'est ce qui permet de dire que la crise est une solution momentanée ?"
    • "extrait dialogue théâtral 2 personnages qui s'affrontent"
    • "60 millions de consommateurs réfrigérateur choix"
    • "chat jouée avec le fantasme"
En fait, le site des Radios (relai reçu de Zvezdo, passé depuis à Damien...) est plus fréquenté, mais c'est principalement pour la Radio-Dark (50% Dark ; 25% Jazz ; 25% Pot-Pourri), accédée directement en cherchant des groupes précis depuis RadioBlog (même si l'ordre aléatoire de cette radio ne donne que fort rarement à entendre le titre attendu !).

Depuis quelque temps, d'autres sites m'ont mis en référence, et certains commentaires m'honorent plus que le mérite ce site. Mais la folie des grandeurs est encore loin ! Pour preuve, voici la courbe des fréquentations (et première image jamais mise sur ce site !). Modeste, donc.

Bénéfices

Que m'a apporté ce site ?
D'abord, une motivation supplémentaire à assister à des concerts. Les décrire, c'est les partager. Habituellement, il y avait certaines semaines un peu trop denses en spectacles où je décidais de me passer de un ou deux, par fatigue. Cette année, pas un seul de loupé ! J'ai une mission à mener à bien !
Pendant le spectacle même, je suis plus attentif, j'essaie de saisir des moments particuliers, je prépare quelques phrases, ou seulement quelques adjectifs qui me permettront de bien rendre compte.
Vient la rédaction, le lendemain, le temps de digérer, mais sans trop attendre non plus, pour en oublier le moins, et que ça reste vivace. C'est un exercice que j'aime bien.
Et puis, par les commentaires qui sont déposés, les liens qui se croisent, les billets lus chez les confrères, cette étrange sensation de communauté, d'avoir ma place dans le paysage.

Je ne suis pas encore très à l'aise avec la notion de blogosphère, tout ça. Faut-il en rester à ce stade purement virtuel ? Ou aller à des rencontres plus concrètes ? Je ne sais pas. Paris-Carnet, ou pas ? Pour cette fois, je crois que je vais laisser un autre "Oui ou Non" décider à ma place...
Enfin, contrairement à d'autres, je ne vais certainement pas conclure par un "Et je m'arrête là". L'aventure continue, au moins pour l'année prochaine, vu le menu pantagruélique que je me suis préparé, ce serait dommage de se priver !

Mise à jour : je rajoute dans la radio Pot-pourri un morceau apte à ouvrir les chakras, du David Hykes (chant harmonique) qui hésite entre Steve Reich et Terry Riley.

samedi 21 mai 2005

David Krakauer - Klezmer Madness (Cité de la Musique - 20 Mai 2005)

Comme indiqué, Samizdjazz y était, et a déjà écrit son compte-rendu, avec plein de noms de morceaux dedans, ce qui va bien m'aider, vu que je n'ai rien noté ni rien retenu !
Premier morceau, "Der Gasn Nign". Krakauer se saisit du thème et ne lache plus le morceau : ça monte, ça monte, les notes grimpent à des hauteurs stratosphériques, dans un élan mystique et festif, jubilatoire et libérateur, qui n'est pas sans rappeler Coltrane (cette parenté, vue je ne sais plus où, m'avait étonné avant le concert ; je la comprends maintenant).
A partir du second morceau, les musiciens prennent plus de place. A la guitare électrique, Madame Sheryl Bailey, qui reste discrète dans son coin, et ne profite que de rares solos, pourtant assez intenses, bruitistes et abrupts. A l'accordéon, Robert Curto, qui me confirme que l'accordéon n'est pas un de mes instruments de prédilection. A la basse électrique, Mademoiselle Nicki Parrott, frétillante et sautillante blonde, qui bénéficie de quelques solos tout aussi bondissants qu'elle. A la batterie, Michael Sarin, très précis, peut-être trop, ce n'est pas un style de jeu que j'aime, il manque de "groove", c'est un train qui avance sur ses rails, je préfère la marée qui attaque la plage.
Enfin, DJ Socalled, aux échantillons, boîtes à rythme, et rap. Je n'ai été que partiellement convaincu. Les raps, en anglais ou en yiddish, m'ont peu intéressé, mais ils étaient rares. Les interventions aux boîtes à rythme ne me semblaient pas toujours nécessaires, le batteur aurait pu suffire. Les samplings ajoutaient par contre une couche originale à la musique, une touche indispensable dans le son de ce groupe.
Quel son ? Si le jeu de Krakauer est indubitablement du Jazz, la présence d'une guitare et d'une basse électriques, plus une boîte à rythme, donne un coté sauvage, brutal, presque hargneux par moments. Manière d'exorciser ce que la clarinette peut avoir de trop "joli" ?
Les morceaux s'enchaînent, présentés avec humour et pertinence par Krakauer, dans un excellent français. Le public, très nombreux, entassé sur les cotés, debout à droite et assis à gauche, met du temps à se lacher vraiment, comme devrait le réclamer cette musique, qui appelle à la danse. Au cours des rappels, enfin il se met debout, lance quelques farandoles, frappe des mains. Pour le calmer, Krakauer conclut par une belle ballade, "Love song for Lemberg".
Un bon concert, pas forcément facile à situer, entre Jazz "classique", fête juive, et expérimentations électro-Jazz, mais rempli de bons moments. Et l'intensité dyonisiaque de Krakauer, sa technique de souffle continu, ses variations mélodiques qui escaladent les étoiles, est à découvrir en concert !

dimanche 15 mai 2005

Saison 2005/2006 : Ensemble InterContemporain

L'essentiel des concerts proposés par l'EIC ont lieu à la Cité de la Musique où ils ont élu résidence, ce qui fait que les deux programmes ont une large portion commune. Néanmoins, certains spectacles valent de se pencher sur leur modeste brochure (50 pages en format de poche) :
- mi-novembre, un concert Kyburtz, où sera redonné "Danse Aveugle", suivi de "Double Points", en collaboration avec le danseur Emio Greco
- le 5 mars, de la musique spectrale de haute volée : "La Barque Mystique" de Murail, "Tombeau" de Hurel, et, youpi youpi, "Vortex Temporum" de Grisey !

Comme il faut quatre spectacles pour bénéficier des tarifs réduits (et que le précédent ne compte pas, il est gratuit pour les abonnés !), j'y ajoute des concerts pris quasiment au hasard, dans des périodes pas trop chargées de mon calendrier, et qui me permettront de découvrir de nouveaux compositeurs :
- le 16 décembre, des oeuvres commandées à des jeunes compositeurs, qui seront sélectionnés cet été, plus "Ur" de Lindberg
- le 21 mai, des oeuvres pour les solistes de l'EIC, de Boesmans et Nunes, que je connais peu, et de Béranger et Cattaneo, que je ne connais pas du tout
- le 17 juin, enfin, de nouveau du Lindberg, ainsi qu'encore deux compositeurs inconnus, Bedrossian et Poppe.

Et cette fois, en musique, pour 2005/2006, je pense avoir plus que ma dose...

samedi 14 mai 2005

Emigrations 1 (Cité de la Musique - 11 Mai 2005)

Iannis Xenakis - Linaia-Agon

Linos, au trombone, provoque en duel Apollon, au cor et au tuba. Le combat se base sur des matrices de gain venues de la théorie des jeux. Un programme informatique fait office d'arbitre et compte les points. L'ordinateur est projeté sur grand écran au-dessus des musiciens. On ne comprend strictement rien aux règles, ça claironne à tout va, un économiseur d'écran "Objects volants 3D" s'invite brièvement, le trombone se félicite de sa victoire, mais Apollon le tue quand même, tout ça est complètement anecdotique, mais plutôt rigolo, adjectifs rares quand on parle de Xenakis !

Béla Bartok - Sonate pour deux pianos et percussion

Grand classique du XXème siècle. Interprétation bien sur impeccable des pianistes de l'ensemble intercontemporain, mais je suis particulièrement subjugué par le jeu de Michel Cerutti aux timbales. Précision des frappes, variété des couleurs, douceur des timbres, sécheresse des attaques, il offre un magnifique équilibre entre fureur et mystère (hé!).

Edgard Varèse - Offrandes

Sous le chant rempli d'accents debussystes, interprété par Marie Devellereau, s'offre un splendide échantillon des beautés varésiennes. Ecriture aérée et lumineuse, mur de sept percussionistes qui pourtant n'empiètent jamais sur le territoire d'une harpe omniprésente (peut-être est-ce là l'équilibre sonore des pupitres que Boulez n'arrive pas à obtenir dans "Sur Incises"), bribes de mélodies percutantes et lancinantes.

Iannis Xenakis - Thalleïn

Cette oeuvre de 1984 me permet de découvrir un nouveau visage de Xenakis. Sans doute parce que je connais surtout les pièces pour quelques solistes, faciles à programmer, et celles pour grand ensemble, par les disques de Tamayo. Ici, nous sommes à mi-chemin, pour quatorze instrumentistes, qui ont reçu comme injonction impérative "Le vibrato est prescrit !".
Le titre, qui signifie "bourgeonner" évoque le monde végétal, mais l'oeuvre est plus mutante que ça, animale par bien des aspects aussi. C'est une créature aux contours mous, mais aux arêtes coupantes, qui avance par excroissances organiques, par reptations rhyzomatiques, entre un ensemble étal de vents aux couleurs étranges, et un quintet à cordes aux rythmiques virtuoses. J'aurais aimé que cela dure bien plus longtemps que ces 17 minutes, parce que cette pièce nous promène dans des climats sans cesse surprenants, aux évolutions imprévisibles et pourtant sans rien de chaotiques, comme un organisme étranger, parfaitement adapté à un environnenement non-humain.

Edgard Varèse - Intégrales

Pour terminer ce magnifique programme, où le thème "Emigrations" se fait peu sentir (la biographie des compositeurs, et l'impact sur leur musique, vaste sujet...), mais où les oeuvres s'enchaînent avec bonheur, se répondant sans doute souterrainement, un autre classique de XXème siècle.
J'adore comment Varèse décrit cette composition : "Regardons la projection changeante d'une figure géométrique sur un plan, avec la figure et le plan qui, tous deux, se meuvent dans l'espace, mais chacun avec ses vitesses propres, changeantes et variées, de translation et de rotation.". Cela semble bien abstrait, mais se traduit par un thème minimal, typique de Varèse, qui se déplace et se déforme dans tout l'orchestre, entre ombre et lumière, entre précipitation hispanisée et stagnation répétitive, entre tutti percussifs, et magnifiques traits finaux de hautbois aux charmes, encore une fois, debussystes.
Le chef d'orchestre s'appelle Baldur Brönnimann, mais avec l'EIC, il est difficile de déterminer la part de l'un et de l'autre dans l'excellence des interprétations.

Mise à jour : je rajoute dans la radio Pot-pourri deux extraits d'oeuvres de Xenakis, l'assez calme "Idmen" pour percussions (et choeur), et le plus effrayant "Shaar" pour grand orchestre à cordes.

lundi 9 mai 2005

Pina Bausch - Ten Chi (Théâtre de la Ville - 8 Mai 2005)

Ten Chi, Ciel et Terre, trois traits Yang au-dessus de trois traits Yin, cela donne dans le Yi-King l'hexagramme 12 "l'Adversité" ; equinoxe d'automne, absence de communication, stagnation. Clé peu validable, puisque le spectacle répond à une résidence à Tokyo, et non en Chine. Pourtant, le climat est bien celui-là.

Dans un décor (Peter Pabst) de baleine enfouie dont seule la queue surgit, en arbre étrange, sur le devant de la scène, et que viendra bientôt lentement recouvrir une douce pluie sèche de papier blanc (neige ? pétales ? ... cendres ?), s'avance Ditta Miranda Jasjfi, chavirante d'exubérance maîtrisée, d'inventivité expressive, recréant encore et encore un langage du corps, des bras et des mains. Miraculeuse entrée en scène. Suivent des solos à n'en plus pouvoir, certains presque banals (baclés ?), surtout pour les jeunes hommes, démonstrations d'énergie un peu gratuite, mais ponctués d'états de grace, femmes à la beauté renversante, puisant dans leur âme des cadeaux invraisemblables pour les offrir au public.
Entre ces solos, pas grand-chose. De l'anecdotique japonisant, éventails ou tatouages, de l'humour, sur la politesse pressante d'une guide stressée ("Can we think that we are going now ? Yes ?"), sur des leçons de prononciations ("Ki Mo No, kakekikokukoikaiki moooo noooo"), de l'interaction avec le public (Dominique Mercy essaie d'apprendre au public à ronfler ; c'est à peu près tout).

C'est là ce qui me frappe le plus, dans cette pièce. Pas de violence, pas de conflits, pratiquement pas d'échange. Les hommes agissent en chevaliers servants, apportant des objets quand ces dames le veulent, les portant, pour qu'elles flottent, qu'elles nagent, qu'elles patinent sur le sol, mais sont comme peu impliqués, déconnectés, absents. Lorsque mis au défi par sa belle, l'un d'eux se lance dans une démonstration acrobatique, c'est pour préférer s'enfuir lorsqu'elle accepte de s'approcher. Lorsque l'une d'elles s'avance en mix montrueusement drôle de Godzilla, de robot manga, et de Sadako Ring-esque, massacrant à grand bruit un oreiller, c'est, une fois installé à table, pour dévorer d'un baiser goulu son partenaire terrifié. Dominique Mercy, bien sur, est à part, autre part. Immobile sous les flocons, on le déshabille, couche après couche, de tous ses kimonos superposés, pour ensuite l'habiller à l'occidentale, étrange cérémonie au goût funèbre ; il plonge alors dans la danse, encore un solo, corps de pantin vieillissant, magnifique.
Les accessoires aussi ont changé. Une seule bouteille, mais vide, et qui s'écrase avec les pieds ; pas une seule goutte d'eau, pas de bain, pas de repas de groupe. A la place, des oreillers pour se boucher le visage, des serpents en plastique.
A la fin, un peu d'hystérie pour secouer : les hommes courent en tous sens, encombrés de cravates, les femmes suivent, se bouchant les oreilles puis hurlant, et le tout s'achève dans un tempo élevé, par une suite d'interventions solos, encore et toujours, chacun et chacune son tour traversant le plateau, marquant tout le spectacle sous le signe d'une solitude traumatisante, comme si la guerre des sexes s'était offert un armistice neurasthénique.

Mise à jour:
Dans la radio-blog Pot-Pourri, je rajoute une chanson de Beth Gibbons (la chanteuse de "Portishead") qui est dans "Ten Chi", et une reprise de "Paris-Texas" par Gotan Project (pourri, j'ai dit, le pot...) qui colle assez bien à l'atmosphère musicale des spectacles de Pina Bausch, cet exotisme fatigué et un peu triste (moins de "fado" cette fois-ci).

jeudi 5 mai 2005

France-Allemagne par l'Ensemble Court-Circuit (2) (Cité de la Musique - 4 Mai 2005)

Johannes Schöllhorn - Spur (für Josef Koffler)

Cette oeuvre, douceureuseusement émouvante, est une sorte de tombeau dédié au compositeur Koffler, exécuté avec sa famille en 1943. Ponctuée de silences, particulièrement présents en début et en fin, cette série de variations miniatures, pleine de réminiscences, de souvenirs, d'ombres et de fantomes, parle de la mémoire, de la foi dans le langage musical qui peut sauver de l'oubli, et garde tout du long une respectueuse distance avec les émotions, que la véhémence momentanée des violons n'entame guère. Admirable.

Brice Pauset - Ljusare

Ce duo pour violon et piano ne me touche absolument pas. Au-dessus de la partie pour piano relativement classique, s'agite frénétiquement le violon, en une démonstration de virtuosité que je trouve franchement stérile. De la "nouvelle complexité" sans intérêt.
De plus, Brice Pauset reste aussi humble que d'habitude dans le livret : "Dans cette courte fantaisie [il] s'agissait d'une sorte d'auto-psychanalyse musicale très bénéfique, me permettant d'obtenir plus de lumière [ ] sur ma propre inventivité musicale." Bon, si lui est content, c'est déjà ça !

Hanspeter Kyburz - Danse aveugle

Par vagues successives, la frénésie s'empare des musiciens, qui dansent au bord du gouffre, constament à la limite du déséquilibre, dans des rythmiques heurtées, grisantes, très travaillées. Les fort nombreuses et inventives techniques instrumentales mises en oeuvres, la richesse des textures, le mélange très probant de chaos et de rigueur, réclameraient de nouvelles écoutes.

Helmut Oehring - Zuendel

Lorsqu'on écrit, dans un tryptique intitulé "Fouillé brièvement dans les poubelles", une pièce sur le milliardaire pro-nazi et négationniste Zündel, il est normal d'y mettre de la colère, voire de la rage. Mais lorsque celle-ci s'exprime de manière aussi simple, dans une suite d'épisodes livrés bruts de décoffrage, sans élaboration, avec des rythmiques au pas de charge, juste frappées "boum boum boum" sur le violoncelle, et des bruits de souffle et d'archets à vide, qui à la suite de Lachenmann semblent un cliché obligé chez de nombreux compositeurs (chez Pesson, hier, déjà), l'évidence s'impose que la motivation initiale, si noble soit-elle au demeurant, ne suffit pas.

Gérard Grisey - Talea

Avec le même effectif que Murail hier (flûte, clarinette, piano, violon, violoncelle), Grisey développe ici un autre aspect de la musique spectrale : la composition par "processus" (au lieu des thèmes et variations, pour simplifier). Deux gestes s'opposent initialement, puis, s'érodant, se rapprochent jusqu'à se confondre ; puis une situation initiale est perturbée, de cycle en cycle, par des éléments individualisants de plus en plus présents. C'est moins ouvertement poétique que chez Murail, plus théorique et expérimental, mais c'est aussi un chef d'oeuvre. Je vais mettre les deux pièces dans le "Pot-Pourri", avec quelques autres.

Mise à jour: J'ajoute donc dans la radio Pot-Pourri trois oeuvres françaises écrites pour le même effectif de quintet (flûte, clarinette, piano, violon, violoncelle) par des maîtres de la musique spectrale (Grisey, Murail) ou post-spectrale (?) (Hurel), et trois oeuvres allemandes si on veut, puisque écrites par un Suisse né au Nigéria (Kyburz) et une Anglaise (Saunders), mais qui ont tous deux étudié la musique en Allemage ... et par un Allemand, quand même (Obst).

France-Allemagne par l'Ensemble Court-Circuit (1) (Cité de la Musique - 3 Mai 2005)

Oliver Schneller - Aquavit

Zoom arrière depuis les stridences stochastiques de l'intérieur d'une molécule d'eau, passant par les amples et vives mélodies des courants et des vagues, et s'achevant par l'étale beauté d'un calme océan, ce bel exercice est une jolie réussite.

Gérard Pesson - Récréations françaises

Lorsqu'un discours sur la parodie, l'allusion, le second degré et le clin d'oeil, ne s'habille que de quelques arêtes sonores et de fragments de peau, sonorités ténues jusqu'à l'effacement, rien d'affirmé, de posé, à peine construit, j'hésite entre l'ennui et l'énervement. Bref, j'ai pas du tout aimé.

Philippe Hurel - Figures libres

Malgré son titre, la pièce est très construite, en mouvements vif-lent-vif, denses conglomérats contrapunctiques aux rythmiques complexes, qui, lorque la menace de se laisser figer par les mécanismes de leur construction devient trop grande, se font hacher par l'irruption d'éléments externes, que sont ces figures libres. Efficace, plutôt captivant, à réentendre si possible.
Hurel est en fait l'organisateur de ces deux soirées franco-allemandes. Du coup, les compositeurs, les invités et leurs cours viennent le saluer en d'amples démonstrations de convivialité, qui finissent par crisper un peu. Mais l'homme a l'air particulièrement affable, même jovial, une anti-caricature de l'artiste dans sa tour d'ivoire !

Jörg Birkenkötter - Schwebende Form

Découverte de la soirée. Pièce "atmosphérique", forme planante, musique aux contours peu définis, qui m'évoque un imposant glacier sous lequel grouilleraient des formes mystérieuses, avec des moments plus énergiques, sortes d'explosions volcaniques qui resteraient froides. Très beau.

Tristan Murail - La Barque mystique

C'est presque un classique, désormais. A priori, la musique spectrale est plus simple à écrire en s'aidant d'électronique, ou à défaut avec un large ensemble. Murail réussit à rendre le son de ce quintet (flûte, clarinette, piano, violon, violoncenne) éminement malléable, mixant les sons des uns et des autres dans une seule pate dont il use avec brio, évoquant couleurs, peintures, paysages, rêves. Splendide interprétation de l'ensemble Court-Circuit, dirigé par Pierre-André Valade.

dimanche 1 mai 2005

Radioblog Jazz - Avril 2005

Pendant mes petites vacances du mois d'Avril, presque toutes mes commandes passées chez Amazon sont enfin arrivées. On y trouvait principalement les Dave Douglas suscités par Samizdjazz . De plus, le festival Blue Note a été l'occasion habituelle pour la Fnac de proposer une sélection de leur catalogue à petits prix. L'un dans l'autre, un mois assez chargé en achats, donc. De quoi faire une heure de plus dans la Radio Jazz, plus traditionnellement bop pour commencer, et plus tranquille pour finir.
Pour écouter :
Pour connaître la play-list : c'est ici.