jeudi 5 mai 2005

France-Allemagne par l'Ensemble Court-Circuit (2) (Cité de la Musique - 4 Mai 2005)

Johannes Schöllhorn - Spur (für Josef Koffler)

Cette oeuvre, douceureuseusement émouvante, est une sorte de tombeau dédié au compositeur Koffler, exécuté avec sa famille en 1943. Ponctuée de silences, particulièrement présents en début et en fin, cette série de variations miniatures, pleine de réminiscences, de souvenirs, d'ombres et de fantomes, parle de la mémoire, de la foi dans le langage musical qui peut sauver de l'oubli, et garde tout du long une respectueuse distance avec les émotions, que la véhémence momentanée des violons n'entame guère. Admirable.

Brice Pauset - Ljusare

Ce duo pour violon et piano ne me touche absolument pas. Au-dessus de la partie pour piano relativement classique, s'agite frénétiquement le violon, en une démonstration de virtuosité que je trouve franchement stérile. De la "nouvelle complexité" sans intérêt.
De plus, Brice Pauset reste aussi humble que d'habitude dans le livret : "Dans cette courte fantaisie [il] s'agissait d'une sorte d'auto-psychanalyse musicale très bénéfique, me permettant d'obtenir plus de lumière [ ] sur ma propre inventivité musicale." Bon, si lui est content, c'est déjà ça !

Hanspeter Kyburz - Danse aveugle

Par vagues successives, la frénésie s'empare des musiciens, qui dansent au bord du gouffre, constament à la limite du déséquilibre, dans des rythmiques heurtées, grisantes, très travaillées. Les fort nombreuses et inventives techniques instrumentales mises en oeuvres, la richesse des textures, le mélange très probant de chaos et de rigueur, réclameraient de nouvelles écoutes.

Helmut Oehring - Zuendel

Lorsqu'on écrit, dans un tryptique intitulé "Fouillé brièvement dans les poubelles", une pièce sur le milliardaire pro-nazi et négationniste Zündel, il est normal d'y mettre de la colère, voire de la rage. Mais lorsque celle-ci s'exprime de manière aussi simple, dans une suite d'épisodes livrés bruts de décoffrage, sans élaboration, avec des rythmiques au pas de charge, juste frappées "boum boum boum" sur le violoncelle, et des bruits de souffle et d'archets à vide, qui à la suite de Lachenmann semblent un cliché obligé chez de nombreux compositeurs (chez Pesson, hier, déjà), l'évidence s'impose que la motivation initiale, si noble soit-elle au demeurant, ne suffit pas.

Gérard Grisey - Talea

Avec le même effectif que Murail hier (flûte, clarinette, piano, violon, violoncelle), Grisey développe ici un autre aspect de la musique spectrale : la composition par "processus" (au lieu des thèmes et variations, pour simplifier). Deux gestes s'opposent initialement, puis, s'érodant, se rapprochent jusqu'à se confondre ; puis une situation initiale est perturbée, de cycle en cycle, par des éléments individualisants de plus en plus présents. C'est moins ouvertement poétique que chez Murail, plus théorique et expérimental, mais c'est aussi un chef d'oeuvre. Je vais mettre les deux pièces dans le "Pot-Pourri", avec quelques autres.

Mise à jour: J'ajoute donc dans la radio Pot-Pourri trois oeuvres françaises écrites pour le même effectif de quintet (flûte, clarinette, piano, violon, violoncelle) par des maîtres de la musique spectrale (Grisey, Murail) ou post-spectrale (?) (Hurel), et trois oeuvres allemandes si on veut, puisque écrites par un Suisse né au Nigéria (Kyburz) et une Anglaise (Saunders), mais qui ont tous deux étudié la musique en Allemage ... et par un Allemand, quand même (Obst).

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