vendredi 30 septembre 2005

Coucous radioblogués

Double constat :
- il commence à y avoir un peu trop de Jazz dans la radio Pot-Pourri, un rééquilibrage serait le bienvenu
- comme souvent, des billets de blogues voisins me parlent de musique, et me donnent envie de ressortir quelques disques.

Donc, en réponse ou en complément, voici :
- un morceau très automnal de Hindemith, qui peut ou ne peut pas être siffloté sous la douche (mais plus agréable à écouter plongé dans une baignoire)
- des offertes ondes sereines, mais où la compression radioblog ne permet pas vraiment de distinguer les échos des cloches vénitiennes
- un Graal Théâtre dont le titre vient, si si, du livre homonyme, en hommage direct (concerto vu comme un théâtre dont le soliste est le héros ; analogie du compositeur osant s'attaquer à un concerto pour violon, et de l'écrivain s'aventurant sur les terres arthuriennes)!
- une pièce de Kagaku, le plus ancien genre musical harmonique existant dans le monde actuel (un ami marié à une Japonaise l'appelait "la musique de mariage", car elle est encore aujourd'hui jouée en cette occasion !), qui aurait certainement beaucoup plu à Hector.

Par contre, je n'ai trouvé aucune musique pour évoquer Iznogoud(et il faut vraiment une bonne raison pour que le nom de Nicolas Sarkozy apparaisse dans ce billet !).

dimanche 25 septembre 2005

Radio Jazz : Neuvième heure

J'ai ajouté une nouvelle heure dans la Radio Jazz. Elle est entièrement composée de standards et d'hommages, respectivement un standard de Mills et Ellington, un hommage à Sidney Bechet, Don Byas et Fats Waller, un standard de Rodgers et Hammerstein, un hommage à Charlie Parker, un standard de Dave Brubeck, un standard de Tadd Cameron, un autre hommage à Charlie Parker, et enfin un hommage à John Coltrane. Autour duquel tournera la dixième heure, en préparation actuellement (quelques disques en attente de livraison ...).

Bonne écoute !

vendredi 23 septembre 2005

Yves Robert - Orphée (Cité de la Musique - 22 Septembre 2005)

Lire sur le livret une description qui commence par "Si chacun s'accorde à voir en Yves Robert l'un des musiciens les plus iventifs de ces vingt dernières années" m'aurait fait grimacer d'entrée de jeu, si un RER B en rade ne m'avait pas obligé à entrer dans l'amphithéâtre avec 10 bonnes minutes de retard, ce que je déteste.
J'ai donc loupé le début de l'oeuvre phare de la soirée, Orphée, longue pièce articulée en mouvements enchaînés, qui brode autour du couple mythique (un de plus ...). Problème : la voix de Charlène Martin m'indiffère, et ses lignes vocales inutilement contournées ne m'éveillent aucune émotion. Le fond sonore est assuré par le batteur Cyril Atef, au jeu très Conservatoire de Musique, techniquement impeccable et solide dans des transitions pas évidentes à négocier, mais sans groove, et par deux claviers, Xavier Garcia à l'échantillonneur, plein de gazouillis et tintinabilages sympathiques, et Emmanuel Bex, à l'orgue Hammond, qui ne saura résister à l'appel de l'orgue qui placarde l'amphi, pour y messiaeniser pendant cinq à dix plutôt longues minutes.
Reste les souffleurs : Yves Robert au trombone, et Christophe Monniot aux saxophones. Fameuse paire, qui quand ils peuvent se lancer dans des solos, s'y donnent à coeur joie, et de belle manière. Solos inventifs, puissants, entrainants, où Monniot passe d'un sax à l'autre et souffle parfois dans deux à la fois, bref, excellents. C'est la couche d'enrobage qui passe moins bien, un peu trop concept pour laisser le feu prendre, et pas assez complexe ou profond pour que cela puisse se consommer comme de la musique contemporaine. Un entre-deux peu satisfaisant, en fait.
En deuxième partie, ils interprèteront quelques chansons, cloturées par du Gainsbourg en rappel, mais la voix de Charlène Martin continuant à ne pas m'intéresser, j'ai du mal à accrocher.

Conclusion : il faut vraiment que je m'intéresse au Daniel Humair Baby Boom Quintet, parce que cela fait un musicien en plus dans cet ensemble dont j'admire la qualité de jeu !

jeudi 22 septembre 2005

Blogroll Automne 2005

Changer la blogroll, exercice insatisfaisant par nature, où règne l'arbitraire et l'injustifiable. Pourquoi celui-ci et pas celui-là ?
Je n'aime pas les listes de 150 noms en ordre alphabétique, qui découragent toute exploration, et donc sont parfaitement inutiles. Je préfère quelques poignées de sites, rangées en rubrique, même si cela ajoute une seconde couche de choix bancals et douloureux : pourquoi dans telle case et pas dans une autre ?
Voici ma sélection, dans la colonne à droite, et ici quelques explications sur les catégories.

Les arts : Ceux qui parlent de musique, de littérature, de photographie ou de peinture. Je cherche des blogs sur la danse et le théâtre, contemporain of course, d'ailleurs, peut-être pour la prochaine liste ...

Les âmes : Ceux qui s'exposent et me passionnent, par le design de leur site, par le ton de leurs billets, par la communauté des commentateurs qu'ils ont su rassembler.

Les politiques : Ceux qui, dans l'analyse économique et politique, dessinent des chemins entre le cynisme poujadiste et les utopies crétines. Tiens, tous sont de l'aventure Publius...

Les métiers : Ceux qui, passionnés par leur métier, en livre des clés et des échos. Rubrique un peu fourre-tout, cela dit...

Les voyages : Ceux qui nous amènent en ballade, pour découvrir les Etats-Unis, la Chine, ou Paris.

Les curiosités : Ceux qui surprennent continuellement par le sujet de leurs billets, aussi imprévisibles que les mathématiques ou les mythologies africaines, les tests culinaires ou les parodies littéraires. L'intitulé est à prendre dans le sens des cabinets de curiosité.

Les anglophones : Quelques blogs en anglais, donc, plutôt politique US, sauf le dernier.

Voili voilà. Tout ça peut disparaître dans une semaine, ou rester figé pendant un an, je n'en sais rien. J'espère que cela permettra à certains visiteurs de découvrir quelques autres sites de qualité, c'est là l'unique intérêt de l'exercice...

dimanche 18 septembre 2005

Coup de soleil en Septembre

Jamais à court d'initiatives surprenantes, Kozlika a écrit un compte-rendu anticipé de ce Paris Picnic 3. Vous pouvez vous y reporter pour le name-dropping, même si certains, attendus, ne sont pas venus, tandis que d'autres, imprévus, nous ont rejoints.
Nous avons parlé de tout et parfois de rien, nous avons poursuivi le soleil de place en place pour bénéficier de sa chaleur, nous avons bu du thé en thermos et du champagne, nous avons partagé diverses tartes aux pommes dont certaines étaient aux poires et dégusté l'excellent clafoutis de Kozlika, nous avons regardé courir les enfants en tous sens, nous avons écouté l'harmonie interpréter StarWars et "Another One Bytes The Dust" (ainsi que du Verdi, et parait-il du Wagner...), certains ont pris des tonnes de photos, et puis chacun est reparti, esseulé ou en groupe.
Un début de mal de tête dans le métro et une impression de chaleur assez désagréable me l'annoncent, puis un coup d'oeil étonné dans le miroir me le confirme : je vais avoir un beau coup de soleil sur tout le visage ! Traitre soleil de Septembre, déguisant ses rayons dans la fraîcheur...

Mise à jour : TarValanion, que je m'excuse d'avoir involontairement snobé dans le Métro, a rédigé un superbe compte-rendu illustré en photos et en anecdotes, et tient une scrupuleuse liste de ceux mis peu à peu en ligne.

mardi 13 septembre 2005

Annonce : Paris Pique-Nique 3, c'est Dimanche Prochain

Quelque fumeuse que me semblât l'hypothèse même de l'existence d'une tranche de mon lectorat qui serait susceptible d'être intéressée par ce genre d'événements, mais qui ne serait pas assez fidèle lecteur des billets et commentaires de Kozlika pour arriver à suivre, je me permets de vous rappeler donc que c'est le 18 Septembre qu'aura lieu le troisième et sans doute dernier de la saison déjeuner sur l'herbe du Parc Floral, sous l'arbre habituel, dont vous pouvez trouver la localisation ici ou .
Ce qu'il ne faut pas faire pour ne pas être privé de dessert, quand même...

dimanche 11 septembre 2005

Gonzales / Laurent Garnier (Cité de la Musique - 10 Septembre 2005)

Gonzales Solo Piano

Du coup, j'arrive dans la salle de la Cité au beau milieu de ce concert. Sur la scène, un piano droit partiellement désossé, au-dessus duquel est fixée une caméra qui relaie sur grand écran l'image du clavier où virevoltent les doigts de Gonzales, grand escogriffe dandy, et clown poète à ses heures. La salle, visiblement charmée par le personnage, lui obéit joyeusement, chantonnant ici, sifflant les airs requis là, riant beaucoup. Mais de quoi s'agit-t-il ? De détournements musicaux, principalement. Gonzales se saisit d'airs connus, ou de ritournelles personnelles, et les expose au piano de mille manières successives, empruntant à tous les genres, grands arpèges classiques, clusters dévastateurs, minimalisme mono-doigt, le tout pimenté de gags, de petites surprises, de jeux avec les attentes du public. C'est parfaitement ludique, rigoureusement léger, assurément superficiel, mais cela fonctionne, comme une gourmandise délicieusement sucrée.

Laurent Garnier

Le concert est bien présenté ainsi : Laurent Garnier, featuring Bugge Wesseltoft et Philippe Nadaud. Et c'est bien le DJ compositeur techno qui est aux manettes, qui sélectionne ses propres compositions et quelques autres, qui lance ses comparses, et qui impose son climat. De la techno, donc ; je ne suis plus ces courants d'assez près pour savoir à quelles sous-branches cela appartient. Mais dans les moments les plus réussis, cela donne de la musique qui déchire en même temps les tympans (la densité sonore est parfois volontairement poussée au-delà des capacités de digestion de la salle), les tripes (la musique de Garnier est souvent pleine de solitude urbaine, de paysages déshumanisés, d'une violence rageuse sans cause), et les pieds (impossible de résister aux montées de transe hypnotique, aux envolées rythmiques qui commandent la danse).
Il est peu possible de savoir qui fait quoi exactement entre Garnier et Wesseltoft, qui lancent des boucles de sample, des éléments rythmiques, diverses sources de bruit. Wesseltoft complète par de vrais solos au clavier (même si la sonorité choisie, habituelle chez lui, est un peu trop liquide dans cet environnement ; j'aurais préféré un son plus tranchant), et Philippe Nadaud vient compléter par des interventions musclées aux saxophones. Les deux rencontrent d'ailleurs le même problème : leurs solos ont du mal à trouver leurs marques, entre les couches électroniques, et doivent du coup passer en force. Par contre, une fois lancés, ils arrachent, principalement Nadaud, avec un son énorme, qui enflamme le son et la salle. A l'heure des derniers métros, la salle se vide un peu, cela laisse plus de place pour danser (de la bonne musique comme ça, sans fumée de cigarettes, sans cohue et avec une vraie belle sonorisation, faut en profiter !).
Du coup, fin à 2h30, rentrée à pied, jambes cassées, repos mérité, après cette énivrante (eh eh) soirée marathon.

Mise à jour : Toujours dans le Pot-Pourri, un morceau de l'album Live de Bugge Wesseltoft, même si cela n'exprime pas vraiment l'esprit de cette soirée ; il faudrait du Laurent Garnier Live, mais pas en DJ ... et j'ai pas ça en stock.

Aka Moon / Magic Malick (Trabendo - 10 Septembre 2005)

Aka Moon

Démarrage d'une soirée bien chargée, par ce groupe que j'apprécie toujours autant. Ce soir, Stéphane Galland est particulièrement explosif à la batterie, multipliant les dérapages et les subtiles dérives, les faux-pas, les fausses pistes et les chausse-trappes, un volcan en activité à peine sous contrôle. Pas de quoi alarmer le bassiste Michel Hatzigeorgiou, qui rigole, plutôt en retrait, ne se mettant en avant que pour "The Last Call From Jaco", un déjà classique moment de leurs concerts, où il s'auto-sample en boucle, et pare sa basse des multiples couleurs de guitares électriques. Enfin, au-dessus de ce paysage, virevolte et cabriole en dragon heureux de faire admirer ses écailles rutilantes, Fabrizio Cassol, au saxophone toujours aussi Colemanien. Ambiance presque débonnaire, ils sont si tranquillement installés sur scène et heureux de jouer qu'il faut qu'un des organisateurs leur rappelle l'horaire à respecter ! Du coup, set unique de 90 minutes.

Magic Malick Orchestra

Le temps que la scène soit changée, la seconde partie ne débute qu'à 22h, en même temps que "Gonzales Solo Piano", à la Cité de la musique ... Mauvaise idée de ma part que de vouloir trop en faire ! Orchestre de 10 personnes, c'est un peu encombrant, et peu évident à équilibrer au niveau sonore. Le premier morceau est lent, lourd, avec une batterie qui pateauge, et certains musiciens qu'on entend à peine, comme la contrebasse (doublée par une basse électrique !), ou le piano, renvoyé dans une sorte de soupe sonore. Le deuxième morceau est une sorte de folk enfiévré plus jouissif, mais le rythme se ralentit dès le troisième. Le son est trop dense à mon goût, épais, et l'excellence de Malik Mezzadri, splendides solos mélant flûte et voix, relance de son groupe par des interjections et par des gestes, ne suffit pas à compenser. C'est le premier concert pour cet orchestre étendu, tout ne semble pas encore vraiment en place. Et comme ma nuit ne s'achève pas là, je m'éclipse.
Pour un compte-rendu plus complet, argumenté et illustré d'extraits sonores, vous savez j'espère où il faut aller !

Mise à jour : On ne va pas se priver du plaisir d'ajouter un peu d'Aka Moon dans la radio Pot-Pourri ! Donc, successivement, un morceau "live" où Galland démontre sa volubilité, le morceau qui sert de terrain d'expérimentations à Hatzigeorgiou, et un morceau atypique pour faire la liaison avec la suite de la programmation.

samedi 10 septembre 2005

David Murray & The Gwo Ka Masters (Cité de la Musique - 9 Septembre 2005)

Aux portes de la salle, une déception sous forme d'affichette : la contrebasse de Jaribu Shahid est remplacé par la basse électrique de Jamaaladeen Tacuma (ce qui n'est pas forcément génant), et surtout le légendaire Hamid Drake est remplacé par le musicien de studio JT Lewis.
Entrée de la salle, surprise : places assises uniquement à l'étage, plafond noyé dans quelque fumée (qui permettra de jolis effets de lumière, plutôt inhabituels dans cette salle), ambiance de concert Rock sans le public correspondant.
Mais dès que les musiciens s'installent et lancent la machine, tous les doutes fondent : il va s'agir d'un concert de fusion World/Funk/Jazz de haute volée, sous forte dose d'adrénaline. Les deux maitres Gwo Ka, percussionistes et chanteurs, François Ladrezeau et Claude Kiavue, maintiendront tout au long du concert un feu roulant que JT Lewis renforcera discrètement. Tacuma à la basse et Hervé Sambe à la guitare apporteront la part Funk, en rythmiques bondissantes et dansantes (et le guitariste fera montre d'un spectaculaire spectre dans son jeu, de la ballade un peu fade, au Funk débridé, pour finir par un solo Hendricksien absolument extraordinaire). Au-dessus, trois souffleurs : Rasul Siddik à la trompette, un peu décevant sauf lors d'un beau solo de trompette bouchée ; Pharoah Sanders, pas au mieux de sa forme, imperturbable et marmoréen, puis se déridant peu à peu, pour finir par faire le clown en dansant et en utilisant son sax en trompe d'éléphant ; mais ses solos seront pour la plupart éclipsés par ceux de David Murray, maître de cérémonie, aux solos confondants de virtuosités et de force, intenses, variés, changeants, d'un son ample pour les acrobaties mélodiques à une saturation métallique pour les stridences Free.
La musique est basée sur les rythmiques Gwo Ka, résurgences créoles des racines africaines de la musique noire ; mais la formule est suffisament souple pour qu'ils la conjuguent en blues torride, ou en Reggae puissamment pulsant.
Le public suit le mouvement, heureusement, ondule, claque des mains, manifeste son plaisir, qui semble bien se communiquer à la scène. Après deux heures de cette forte musique et un petit rappel, nous repartons dans la nuit, un peu groggys.

Mise à jour : J'ajoute dans le Pot-Pourri du Pharaoh Sanders et du David Murray, interprétant l'un et l'autre du John Coltrane, dans des ambiances fort différentes.

McCoy Tyner (Cité de la Musique - 7 Septembre 2005)

Le Monde de Kota

Cette formation d'anciens élèves du Conservatoire est originale par les instruments réunis : guitare, contrebasse, harmonica et trombone. Les compositions évoquent fortement Henri Texier, ce qui est plutôt une bonne idée car ce grand homme avait encore peu de descendance musicale, et le climat créé ressemble à du ECM : un voyage agréable et tranquille, un peu trop tranquille, sans prises de risques, et du coup sans réelle excitation (cela dit, il se peut que leurs prestations habituelles dans des cadres plus restreints soient plus aventureuses, jouer devant la salle de la Cité très pleine peut refroidir).
Ils possèdent un site web, qui propose quelques MP3.

McCoy Tyner solo

Sa démarche jusqu'au piano est peut-être un peu hésitante, mais une fois installé aux commandes, le mot qui s'impose est : solide. Solide le jeu d'accords et d'arpèges, baigné de musique classique, solide le jeu mélodique qui ne cherche pas à réinventer la chanson, mais à la présenter dans sa beauté naturelle, solide le rythme, qui ne cherche plus à pulvériser des records.
Loin des années 70 où il tentait de poursuivre la fulgurance coltranienne dans des albums Free extravertis à tout rompre, comme "Sahara" ou "Enlightment", l'héritage assumé aujourd'hui comprend aussi Oscar Peterson. Et fait nouveau il me semble, il ose aujourd'hui réduire parfois le flot de notes, pour s'approcher du silence.
Le concert s'achèvera sur un magnifique "Naima", sobre et pudiquement émouvant, conclusion de rappels qui semblent surprendre Tyner !
Mise à jour : je mets dans le Pot-Pourri deux morceaux solos, un des années folles, et un plus sage, ainsi qu'une interprétation en trio de "'Round Midnight", que le livret de 1963 présente comme un ballade injustement peu connue du grand public !

mardi 6 septembre 2005

Marc Ducret / Jean-Pierre Drouet (Atelier du Plateau - 5 Septembre 2005)

Près des Buttes Chaumont, au fond d'une courte et étroite allée, une salle atypique, petite, sans doute associative, sans estrade, où quelques rangées de chaises définissent l'espace de circulation des musiciens. Intimité maximale avec les artistes, distants de quelques dizaines de centimètres. A ma gauche, Marc Ducret, pantalon orange et crane rasé, armé de trois guitares, une acoustique qui servira à peine, et deux électriques, avec ou sans frettes, ainsi que d'une série de boîtes à effets, qu'il commandera de ses pieds nus. A ma droite, Jean-Pierre Drouet, micro scotché aux lunettes, derrière deux tréteaux de percussions diverses, cloches, appeaux, cymbales, ustensiles de cuisine...
Le départ est lancé par Drouet, qui soufflant dans une cloche puis saisissant ce qui lui tombe sous la main, commence une montée en charge caractéristique de sa manière, gérant le temps sur une vaste échelle, en flux et reflux d'énergie. Ducret accompagne de pizzicati plus ou moins saturés, d'ébauches de mélodies fondues à la pédale, de sonorités diversement bruitistes (peu de notes, en fait, de toute la soirée ; à la place, une exploration des utilisations parfois peu orthodoxes d'une guitare, comme jouer du morse avec le connecteur jack). Un système se met peu à peu en place, où chacun prend la main puis l'offre, passage parfois accepté parfois pas ; mais il me semble que Drouet est plus "structurant", et Ducret "décorateur" : en particulier, le changement de tréteau du percussionniste, passant de debout à assis devant une table mise sur écoute, qu'il frotte, frappe ou claque avec des cuillères à spaghettis, des moules à glace où des couteaux tout vibrants, marque une vraie rupture de climat, et le début de ma partie préférée, remplie d'images splendides, port nocturne hanté par le ressac où passent des oiseaux égarés, petit garçon sifflotant dans une forêt peuplée de bêtes grognantes, ou ce final, trop beau pour ne pas être préparé, où Ducret tapote un rythme sur les interrupteurs de sa guitare, tandis que Drouet, tout en maintenant un fond de wood-blocks aigus, se met à chantonner à la façon d'un chaman soufi.
Sur ce magnifique moment de poésie s'achève leur heure ininterrompue d'improvisation, qu'ils complètent en rappel de dix petites minutes. Une belle rencontre !

Mise à jour: J'ajoute dans le Pot-Pourri le seul morceau de ma discothèque où joue Jean-Pierre Drouet, qui est emblématique de la tendance "composition ouverte", un peu l'équivalent du Free en musique contemporaine ; puis un extrait de "Qui Parle ?", que je viens d'acheter à la Fnac, où le passage central ressemble un peu à ce concert ; et enfin, un extrait du Live de "Big Satan", dont il y a un autre morceau dans la Radio-Jazz.

vendredi 2 septembre 2005

Anthony Braxton Trio (Trabendo - 1 Septembre 2005)

Arrivé manifestement plus tard que Samizdjazz, je n'ai pu bénéficier de la vue des écrans et pupitres, sablier ou dessins minimalistes. Il s'agit je suppose de ces partitions graphiques, que le site référence liste, par exemple celles-ci ou celles-là.
L'oeuvre de ce soir s'appelle "Diamond Curtain / Wall Music", pour un inhabituel trio Saxophone / Trompette / Guitare. Sans oublier l'électronique, mais qui restera très discrète, une présence en fond sonore, quelques interventions bruitistes... Et en mettant tous les instruments au pluriel : Anthony Braxton alternant de l'alto au sopranino (merci Fabsax pour la correction), Taylor Ho Bynum utilisant différents modèles de trompettes et de sourdines, Tom Crean passant temporairement de la guitare à une sorte de mandoline électrique ...
Pièce unique, donc, mais pas monobloc, bien au contraire. Chaque musicien joue des séquences plus ou moins synchronisées, qui parfois se superposent, parfois pas, ce qui donne toute une série de climats différents, solos, duos, trios. Mais sans les connotations habituelles, puisque ces dispositions interviennent incidemment : les solos ne sont pas des démonstrations de virtuosité, les duos ne sont pas des dialogues. Et pourtant, il y a échange et communication, chaleur et partage, et même humour !
Par des techniques virtuoses à la stupéfiante diversité, Braxton nous offre une galerie de personnages, quelques sortes d'animaux, ou une vieille dame qui ronchonne. Taylor Ho Bynum, révélation du concert et à suivre de près, l'égale dans la joie d'explorer l'infini sonore de son instrument. Tom Crean reste plus en retrait, et calme parfois le jeu.
L'ambiance créée est paradoxalement sereine, comme des personnes qui échangeraient des anecdotes, sans vraiment s'écouter, et sans être jamais pressées par le temps. Chaque histoire est remplie de détails piquants, mais ce qui domine, c'est le plaisir simple d'être ensemble. Bien sur, c'est pas du Marsalis, et certains de mes voisins, après s'être bruyamment plaints de l'abscence de thèmes, finissent pas craquer et sortir.
Bref, un formidable concert, à la hauteur de l'attente.

Mise à jour : J'ajoute dans le Pot-Pourri quelques morceaux pour évoquer les deux concerts de cette semaine. D'abord, mieux qu'un trio de saxophones : un quatuor de saxophones ! Puis deux morceaux où joue l'absent Michael Brecker. Enfin, trois morceaux d'Anthony Braxton, qui donnent une petite idée de sa versatilité, puisque le concert du jour sonnait encore totalement différemment.

Eric Watson Quartet / The Saxophone Summit (Cité de la Musique - 31 Août 2005)

Eric Watson Quartet

L'édition 2005 de ce festival "Jazz à la Villette" s'articule autour de deux axes : "Coltrane's Sound" et "Jazz New Sounds". Après un concert inaugural particulièrement hype (le seul seul à être bondé depuis des semaines) de Coltrane Alice et Ravi et Orin (décrit ici), cette deuxième soirée se place aussi dans l'héritage de John le Père. Mais concernant ce quartet, je ne vois pas bien pourquoi (sans doute parce que l'autre thème convenait encore moins...). Les musiciens ne reprennent que des morceaux de leur album "Road Movies", et en présentent des versions allongées. Ce qui ne fonctionne pas vraiment. Leur disque me plait beaucoup, mais en gonfler ainsi les architectures complexes et très écrites donne vite dans le monumental ; la vie circule mal entre les solos d'Eric Watson et de Christoph Lauer, plus impressionnants que passionnants, et le discours sonne sec, aride, rigide. Beaucoup d'énergie et de technique, mais ça manque de ferveur. Le batteur Christophe Marguet est beaucoup plus à son aise chez Henri Texier ; quant au bassiste Sébastien Boisseau, il bénéficie d'un extraordianire solo, qui me donne envie de le découvrir dans des formations plus libertaires.

The saxophone Summit

La formation aligne les noms prestigieux : paire rythmique de vétérans (Billy Hart à la batterie, excellent ; Cecil McBee à la contrebasse, bon sideman mais son grand solo sera le point faible du concert), un pianiste que je ne connais pas (Phil Markowitz), et enfin des souffleurs fabuleux, Joe Lovano et Dave Liebman. Les accompagne normalement Michael Brecker, qui depuis plusieurs mois lutte entre la vie et la mort. C'est Ravi Coltrane qui complètera l'équipe au bout de quelques morceaux.
Quel groupe ! Je connaissais le lyrisme tranquille et assuré de Joe Lovano ; par contre, Dave Liebman, pas du tout. Du coup, la grande claque ! Des petites phrases jetées entre les silences, des densifications progressives, pour des solos à couper le souffle, entre Wayne Shorter et Eric Dolphy ! Le dialogue entre Lovano et Liebman est intense et passionnant, chacun restant dans son style, et nourrissant l'autre. L'arrivée de Ravi Coltrane n'apportera pas grand-chose, son jeu est sans faute, mais ne possède pas une personnalité à la mesure des deux autres compères. Grand concert, donc, autour de leur album "The Gathering of Spirits", et de reprises Coltraniennes, dont un final "Impressions" flamboyant.

Si les amateurs pouvaient me suggérer quelques albums de Dave Liebman, je suis partant, il y a là un manque à ma discographie à combler d'urgence !