mardi 29 novembre 2005

Sur un air d'opéra (spécial dédicace Kozlika)

"Par contre, Saariaho, tu crois ?" m'interroge Kozlika. En fouillant un peu, j'ai trouvé moyen de ripper l'audio d'un DVD. Du coup, je mets dans le Pot-Pourri trois extraits de son opéra "L'Amour de loin".
Comme "Adriana Mater" réunit la même équipe, c'est la meilleure indication que je puisse fournir.

lundi 28 novembre 2005

Ensemble Umkulu (Cité de la Musique - 27 Novembre 2005)

Je n'aime pas dire du mal des gens, mais c'est vrai que Umkulu est un groupe sympathique. Deux blancs en vadrouille se rencontrent en Australie autour de leur fascination pour le didgeridoo, une saxophoniste les accompagne, et un batteur camerounais vient compléter le groupe (avec plus tard un bassiste).
Sympathique, donc. Ils distribuent des feuilles de papier pour qu'en les froissant, le public imite la pluie amazonienne. Ils incitent (sans grand succés jusqu'au rappel, comme souvent dans ce genre de concert où les sièges sont trop confortables) le public à danser, à chanter, à répondre, tout ça. Ils racontent des histoires, veulent nous amener dans un grand voyage dans le pays merveilleux de la musique, tout ça tout ça. Ils remercient l'équipe technique de la Cité, remercient le public si chaleureux, remercient des listes de prénoms à n'en plus finir, tout ça tout ça tout ça.
Bref, et la musique ? La base est bonne : Foé Nkolo Ayida est un batteur aux rythmes rebondissants et dynamiques, excellent percussioniste aussi, et Seb et Yo2 aux didgeridoos savent varier les effets, rythmes et sonorités. Bertrand Foi, à la basse, reste quasiment inaudible, noyé dans les vibrations profondes des didgeridoos ; ses interventions aux tambours sont plus réussies. Enfin, le gros point faible, c'est qu'il manque par-dessus cette base un élément qui permettrait à la musique de vraiment fonctionner : Steph Mibel est sans doute supposée apporter cette touche finale, mais la sonorité anémique de son saxophone, où elle égrène en boucle de pauvres mélodies, ne fait que révéler le manque. Du rap, du Free, il faudrait que ça brule ! (écoutez le "Fire theme" de Coleman sur la radio de Samizdjazz pour comprendre ce qui manque ici).
Globalement, malgré une pointe de frustration énervée, le concert se passe gentiment. Mais un léger remaniement de l'équipe permettrait un tout autre impact. S'ils ne peuvent se passer de la miss, faire intervenir des invités pourrait être une solution.

Mise à jour : Je mets dans le Pot-Pourri un air de didejeridoo ; ou presque.

samedi 26 novembre 2005

Sur un air de danse (quizz musical)

Pour passer le temps ce week-end enneigé, je vous propose dans le Pot-Pourri quelques extraits de musiques chorégraphiques, c'est-à dire écrites spécialement pour accompagner des spectacles de danse contemporaine.
Saurez-vous trouver le noms des compositeurs, et/ou le nom des chorégraphes correspondants ?

Solution

Tentons d'endiguer le déluge de commentaires, et de calmer la fièvre passionnée qui s'est emparée de la blogosphère à l'écoute de ce quizz si stimulant, en donnant les réponses tant attendues.
1) Henry Torgue et Serge Houppin, "Ulysse", pour un spectacle de Jean-Claude Gallotta
2) X-Legged Sally, "Turkish Bath", pour un spectacle de Wim Vandekeybus, que j'avais déjà mis dans cette radioblog à ses débuts, personne ne l'a retenu, je suis déçu déçu déçu
3) Thierry de Mey, "Chaine", également pour un spectacle de Wim Vandekeybus, plus ancien
4) Mikko L. Mikkola, "Syyskuu", pour un spectacle de Carolyn Carlson

Dès demain, reprise du programme habituel.

vendredi 25 novembre 2005

William Forsythe par le Ballet Mariinski (Théâtre du Châtelet - 23 Novembre 2005)

Steptext

Une femme, trois hommes. Beaucoup de possibilités de couples, et toutes seront sans doute essayées. Les corps s'attirent, s'accrochent de multiples manières, tournoient lentement, dans une élégance drastique, et le collant rouge de Diana Vichneva irradie de beauté et de sidération technique.
Mais pourquoi ces scories d'avant-garde ? les lumières de la salle longuement allumées en début et en fin de pièce ; la chaconne de Bach tronçonnée aléatoirement, d'abord en bribes puis en extraits plus longs ; symétriquement, la scène plongée un moment dans le noir ; ne manquait que le recours à du texte !
Du coup, partagé entre émerveillement et exaspération.

The Vertiginous Thrill of Exactitude

Après Bach, Schubert ; le finale de la 9ème symphonie, et donné sans chichi. Là-dessus, deux hommes et trois femmes. Mais aucun contact. Tout le vocabulaire classique est là : tutu stylisé, pointes, entrechats, petits pas, fouettés, positions des pieds et des jambes. Mais avec le zeste d'impertinence qui donne toute sa saveur au plat (soudaines et courtes ruptures de parallélisme ; clins d'oeil à des préoccupations beaucoup plus contemporaines d'occupation de l'espace). Et le tout à toute vitesse, donnant une sensation de tressautement frénétique.
Magnifique machine, néoclassique splendide, même si cela tourne quand même franchement à vide.

In the Middle, Somewhat Elevated

Ils ne sont que neuf, mais par sans doute un subtil gradient de lumière qui laisse l'arrière-plan dans une sorte de flou, ils forment un décor de leur corps, forêt qui bouge, poteaux, idée de labyrinthe. C'est presque tétanisant de beauté, la danse dans son essence même, reconciliant l'âme avec le corps, ses mystères, ses infinis. Stupéfaction devant l'émotion que dégage un dos qui ploie, une épaule qui roule, un bras qui fouille l'espace, les jambes qui jaillissent en compas démesurés.
On sent que William Forsythe, pour ses débuts avec la troupe de ballet du Théâtre Mariinski de Saint-Petersbourg, se nourrit de leur athlétisme sans faille, de leur profonde connaissance de toute la culture classique de la danse, pour commencer à les amener ailleurs. J'ai vu des pièces avec le Frankfurter Ballet où les mouvements étaient encore plus irréels et incroyables de virtuosité, surgissant de n'importe quel point du corps. Mais cette pièce est pile à la frontière des deux mondes, et conjugue magiquement les beautés des deux.
Même si les applaudissements sont presque artificiellement soutenus par le délai mis à rallumer la salle, le triomphe pour ces danseurs (où je salue principalement Irina Golub, hypnotisante de sensualité sublimée) est amplement mérité.

dimanche 20 novembre 2005

Récital Dezsö Ranki (Théâtre de la Ville - 19 Novembre 2005)

Suite à une suggestion de Zvezdo, j'assiste à mon premier concert de musique classique dans cette salle bien connue en danse et théâtre. De grands panneaux de bois coupent la scène et offrent un excellent son, même perché tout en haut, et l'horaire de Samedi 17h est fort agréable. Certains spectacles sont déjà complets, mais je vais surveiller de plus près cette partie de leur programmation !

Franz Josef Haydn - Sonate en ut majeur, H XVI/48

Ecrite en 1789 pour figurer dans le "Musikalisches Pot-Pourri" (!) de l'éditeur Breitkopf, cette oeuvre commence par un andante à la fois largement ouvert et intime, comme un homme se promenant près de l'océan, mais plongé dans ses pensées ; large respiration, mélodie douce, quelques coups de butoir. Le second mouvement presto fait rebondir un court thème dans tous les sens.
Dezsö Ranki utilise à merveille les différentiations d'intensité pour structurer son discours, et le ponctue de soudains silences impressionnants.

Robert Schumann - Davidsbündlertänze

C'est une suite de 18 moments, certains dansants, d'autres moins, aux allures et climats fort divers, joyeux mais graves dans le bonheur, tristes mais courageux dans le malheur, dit dans le texte la préface. J'ai du mal avec le zapping, et à rester attentif. Certains numéros me plaisent (2, 13, 14 il me semble), mais ce n'est pas exactement ma tasse de thé...

Maurice Ravel - Valses nobles et sentimentales

Je ne connaissais que la version orchestrale. En piano solo, elles sonnent moins gras, mais gardent toute leur tenue et leur dignité. Un mets de roi.

Bela Bartok - Mikrokosmos, extraits

Quel incroyable réservoir de musique potentielle ! Si certaines plages ont déjà servi (rythmiques typiques), d'autres semblent n'attendre que l'occasion d'éclore. En l'état, ce sont des miniatures bricolées avec deux ou trois idées, délicieuses de fraicheur et de spontanéité.

Bela Bartok - Sonate

Du Bartok typique, si ce n'est archétypal. Premier mouvement rapide et en force, deuxième lent et verglaçant, et troisième comme un train fou.
Ranki, tout d'élégance distanciée chez Haydn et Schumann, a laissé s'engouffrer dans son jeu une énergie effrénée, qui envahit aussi le Debussy offert en bis.

Pendant la rédaction de ce billet, celui de Zvezdo tombe en ligne ; étrangement, il a plus de détails sur la première partie... Et celui de Simon Corley suit de peu.

Mise à jour: Dans mon "Musikalisches Pot-Pourri" à moi, je mets encore du Bartok, cette fois-ci le premier mouvement du premier concerto pour piano, avec Pollini au clavier ; des études de Ligeti, en héritage de Mikrokosmos ; les 12 notations de Boulez, en reflet des 18 moments de Schumann (comment ça, analogies tirées par les cheveux ? on fait avec ce qu'on a en stock ...) ; et enfin, une "Pavane pour une infante défunte" de Ravel, pour des raisons diverses.

samedi 19 novembre 2005

Marcia Hesse (Théâtre des Abbesses - 18 Novembre 2005)

Pièce de Fabrice Melquiot, mise en scène par Emmanuel Demarcy-Mota. Dans une baraque assaillie par la tempête se réunissent trois générations d'une grande famille, pour fêter le réveillon. Mais dès les formules de bienvenues, les petites piques lancées par habitude, les retrouvailles plus ou moins enjouées, on sent une tension, une fausseté : c'est que Marcia, une des enfants, est morte il y a exactement un an, et que tous essaient de vivre comme avant. C'est de loin la meilleure partie du spectacle. Les non-dits, les dénis, les lapsus, sont occasions de bons mots cruels. Si certaines scènes sont un peu trop poussées (le fils chargé de s'occuper de la vieille mère, qui revient de la tempête, en bottes et caleçon, trempé, christique, pour faire un double coming-out : non seulement il est homosexuel, ce que tous savaient sans le savoir, mais en plus il vient de tomber amoureux d'une femme ; confession entrecoupée d'exquise manière par les grands cris de la dite mère "Je n'entends rien !"), d'autres sonnent justes (colère du beau-frère, secrets échangés et regrettés entre cousins). Les acteurs jouent avec les limites de la caricature, mais cela convient parfaitement pour décrire le jeu de rôle familial où chacun s'accroche à sa place, pour conjurer la crise niée de la mort de Marcia : Michelle Marquais en Tatie Danielle vacharde et meneuse de famille, ses filles Laurence Roy et Evelyne Istria, et leur mari Alain Libolt et Charles Roger Bour, en famille se la jouant aimante et cordiale en niant toute possibilité de problème, le fils gardien Philippe Demarle qui se saoule tranquillement pour supporter sa mère. La jeune génération est moins intéressante, spécialement les filles, moins à l'aise avec le texte, limite récitation.
Le décor est sobre, fonctionnel, et efficace, dans sa division en salles et chambres, dans son plancher en plaques qui glissent et se séparent, creusant "des trous grands comme des tombeaux". Le jeu de lumière permet au fantôme de Marcia d'apparaître et de disparaître derrière des voiles.
Ca se gate lors de la découverte d'un carnet intime de Marcia. Même si cela permet à quelques masques de tomber (la mère de Marcia plonge dans la douleur, sa soeur se blinde dans la volonté de vivre), l'étalage de cette poésie adolescente sans intérêt, de ses récits vaguement morbides de "naufrages", devient vite fastidieux.
Toute la famille finit par s'envelopper de manteaux noirs pour affronter la tempête et le deuil, en procession mortuaire un peu trop évidente. Et la scène finale, un flash-back sur Marcia vivante, retombe dans le banal décevant.

jeudi 17 novembre 2005

Béla Bartok, Budapest Festival orchestra (Cité de la Musique - 15 Novembre 2005)

D'autres compte-rendus sont déjà disponibles chez le Vrai Parisien, chez guillaume, et sur ConcertoNet (qui lui indique bien la présence de deux ensembles de 27 cordes ; content ?).

Musique pour cordes, percussion et célesta

Cela commence mal... Le premier mouvement, tout en tension lentement exacerbée, doit, in fine, loin de s'effondrer tel un soufflet, sublimer dans le mystère. Ce soir, la pâte ne lève pas, le tableau reste morne. Heureusement, l'orchestre se réveille peu à peu, brille particulièrement dans les pizzicati qui couvrent presque le piano, et Ivan Fischer les force à respecter les accents rythmiques avec une précision remarquable. Ca claque joliment sec !
Si la nuit manque aussi de glaciation, voire d'effroi, le dernier mouvement emporte avec entrain. Mais tout cela manque de cohérence ; l'attention est mise sur les détails, agréablement réalisés, au détriment de la ligne générale.

Le prince de bois

Difficile d'oublier que c'est de la musique pour ballet, même s'il s'agit de la suite orchestrale de 1932. Le surtitrage qui explique l'action scène après scène menace de réduire la musique à de la pure illustration, et l'orchestre abonde dans ce sens : caractérisation forte des personnages (flûte ironique, violons désespérés), piquant des décors (forêt frissonante, rivière menaçante), pittoresque des situations (princesse indifférente à son rouet, claudication du pantin), tout est rendu dans un luxe de détails impressionnant, mais trop hollywoodien à mon goût. La matière est riche, noble, opulente, et l'orchestre s'en donne à coeur joie, naviguant visiblement dans son élément, avec des tutti puissants et des soli ciselés, le tout impeccablement mis en place. Il n'empèche qu'on frôle par moments l'indigestion, et qu'on n'échappe pas vraiment à l'anecdotique.

Mise à jour : J'ajoute au Pot-Pourri le premier et le dernier mouvement de la "Musique pour cordes, percussions et célesta", version 1958 par Reiner à Chicago, extraordinairement enregistré par Lewis Layton pour RCA ; plutôt que le "Prince de bois", un extrait du ballet suivant, le "Mandarin Merveilleux", par Boulez à New York ; et enfin, pour revenir à Budapest, une rencontre entre David Murray et le "Gipsy Cimbalom Band" de BALOGH Kalman.

samedi 12 novembre 2005

Emio Greco, Hanspeter Kyburz (Centre Pompidou - 11 Novembre 2005)

Hanspeter Kyburz - Danse aveugle

Autant j'avais aimé cette pièce à la première audition, autant cette seconde me déçoit. L'oeuvre oscille entre le presque silence, marqué de cordes pincées au piano et carressées au viloncelle, et des agitations frénétiques. Rapidement, cela me lasse. Peut-être l'interprétation (Hae-Sun Kang au violon me semble peu concernée, alors que Pierre Strauch au violoncelle excelle ; un nouveau clarinettiste, Jérôme Comte ; une pianiste "supplémentaire") ; sans doute la fatigue.

Hanspeter Kyburz, Emio Greco, Pieter C. Scholten - Double Points: +

En préambule de "Danse aveugle", Emio Greco était venu faire quelques pas, étirements et ronds de jambe, avant de s'éclipser comme en s'excusant. Le voilà de retour sur un plateau bien occupé, avec les musiciens sur les bords et le chef d'orchestre Jean Deroyer dans un coin, et deux gros assemblages de projecteurs suspendus au milieu. Le danseur, armé de capteurs, commande par ses mouvements une partition électronique, qui se superpose aux instruments. Il agite les bras avec maestria, plie et déplie les jambes avec inventivité, se contorsionne impeccablement. Mais la chaleur de la salle, la semi-obscurité de la scène, me plongent dans un demi-sommeil qui ne me permet sans doute pas d'apprécier tous ces efforts à leur juste mesure. La musique me semble répétitive, complexe mais sans charme particulier, concentrée sur tout cet appareillage technologique (musique commandée par le mouvement ; interaction électronique / intrumentale ; jeux de lumière qui doivent eux aussi interagir). Toute cette interactivité finit par sentir le bazar, sans hiérarchisation, et sans transcendance. 45 minutes sans discours suffisament structuré, ça tue. Le reste du public fait un quasi-triomphe.

lundi 7 novembre 2005

Quatuor Arditti (Cité de la Musique - 6 Novembre 2005)

Alban Berg - Suite Lyrique

Grand classique du XXème siècle, cette oeuvre raconte la descente aux enfers d'un amour impossible. La douceur du début ("allegretto gioviale" et "andante amoroso") vole en éclat dès le "allegro misterioso - trio estatico" que les Arditti rendent d'une modernité tranchante, dans un climat fantomatique à couper au couteau. Le deuxième pic émotionnel sera, après le "adagio appassionato", le fiévreux, fou, douloureux "presto delirando - tenebroso", avant le "largo desolato" plus mental et reposé. Voyage psychiatrique, plongée dans les tourments d'une âme qui se brise, l'interprétation des Arditti se situe dans une veine très post-post-romantique (penser "Nuit transfigurée"), tout en se délectant (et nous régalant) des difficultés techniques.

Brian Ferneyhough - Adagissimo

Mise en bouche de même pas deux minutes, cette pièce est constituée d'une couche aigüe insectoïde vrombissante, sur un substrat médian de "vent dans les herbes". Bref mais intense. Mais bref.

Pascal Dusapin - Quatuor à cordes n°2 "Time Zones"

Celui-ci est beaucoup plus difficile d'accès que le dernier en date, entendu hier. Ce sont 24 séquences, certaines partageant des caractéristiques, pour une fuite labyrinthique entre les 24 fuseaux horaires de la planète. L'absence de linéarité, l'aspect éclaté, empèchent de pouvoir pleinement apprécier ce type d'oeuvre à la première écoute.

Mise à jour : J'ajoute quelques quatuors dans le Pot-Pourri (Dutilleux, Ligeti, Ferneyhough, Saariaho). Dans ce dernier, un poème est chuchoté, écrit par Arseniy Tarkovski (père de), et qui dit : "Summer is gone / And might have never been. / In the sunshine it's warm. / But there has to be more."

dimanche 6 novembre 2005

Quatuors Arditti et Prazak (Cité de la Musique - 5 Novembre 2005)

Béla Bartok - Quatuor à cordes n°3 Sz. 85

Ce n'est pas, parmi les 6, le quatuor le plus simple à aimer chez Bartok, et de manière plus générale, je préfère son oeuvre orchestrale à ses pièces de musique de chambre. Néanmoins, il me semble que l'interprétation du quatuor Arditti était spécialement dénuée d'émotion, lecture théorique et sèche ; le fait qu'Irvine Arditti, sans doute enrhumé, sifflait du nez à chaque inspiration, n'aidait pas à la concentration.

Pascal Duspain - Quatuor à cordes n°5

Pascal Dusapin sait parler de ses oeuvres (exercice pourtant fort délicat). Je lui laisse donc la parole, via le livret :
Le quatuor va suivre une ligne (s'il est possible de le dire...), toujours en pente, avec un "quelque-chose" qui incline la musique vers sa propre extinction, sans cesse repris par de nouvelles chicanes rhétoriques elles-mêmes transformées et retransformées par une idée contraire.
Et "ça" avance comme ça...

Placée sous le parrainage évident de Beckett, et plus précisément de "Mercier et Camier" que je ne connais pas, l'oeuvre lutte avec un acharnement désespéré contre le silence qui pourrait menacer, et enchaîne toutes sortes de dispositifs musicaux, pizzicati chaotiques, mélodies déchirantes, homophonies presque statiques ; verbiage accumulé en une lutte bien sur vaine et perdue d'avance, mais que l'art (de Beckett, et de Dusapin) transcende en quelque-chose d'essentiel.
Il faudrait réécouter. Mais il se pourrait bien que ce soit un chef-d'oeuvre.

Alexandre Borodine - Quatuor à cordes n°2

Et maintenant, quelque-chose de totalement différent... Après l'entracte, c'est le quatuor Prazak qui prend place, et pour jouer de la grande musique russe et romantique. L'allegro raconte un amour naissant, plein de promesses et de quelques doutes, sous le regard bienveillant des parents qui se souviennent. Le scherzo ressemble à une rivière rapide à coté de laquelle des gens pique-niquent. Le notturno est une ballade dans la nuit exaltée, ivre d'étoiles inaccessibles et d'amours à réinventer. Le finale est plus complexe, avec des éléments dramatiques, mais se conclut en envol joyeux.
Le quatuor Prazac joue physiquement la partition, particulièrement le premier violon Vaclav Remes, inclinant le buste et le cou, souriant au public, limite faisant des clins d'oeil, on croirait un violoniste de restaurant ; la musicalité en plus, heureusement.
En rappel, ils jouent un quatuor de Haydn, le numéro 20 (mais j'ignore selon quelle nomenclature), de très élégante facture, à la fois majestueuse et enjouée.

samedi 5 novembre 2005

Nothing takes the past away like the future

Suite à la vidéo passablement hot disponible via Ron, j'ai eu envie de mettre mon mix préféré de Madonna dans le Pot-Pourri.

vendredi 4 novembre 2005

Concerti français (Théâtre du Châtelet - 3 Novembre 2005)

Ce concert, que le méchant microbe ne m'aura finalement point fait louper, débute d'originale manière : par un discours de présentation. La dame au micro rappelle que nous fêtons le centenaire de la naissance de Jolivet (ce qui avait déjà motivé cet autre concert) ; que le compositeur, face au rejet scandalisé de son concerto pour piano, avait du faire preuve de pédagogie et en expliquer les tenants et les ressorts lors d'une séance des Jeunesses Musicales de France, qui par vote avait finalement plébiscité l'oeuvre ; que du coup, des jeunes assisteront lors du présent concert à la création d'une oeuvre, dont ils devront rédiger une critique ; et que ces critiques feront l'objet d'un concours, dont les premiers prix seront des CD et des places de concert.
De fait, la salle, fort peu pleine, est d'une moyenne d'âge bien plus basse que d'ordinaire, et même si certains d'entre eux ne savent pas ce que le mot silence signifie, les chuchotis juvéniles ne sont guère plus désagréables que les habituels toussotements trachéiteux et autres ronflements nasaux.

Olivier Messiaen - Les Offrandes oubliées

Cette oeuvre de jeunesse (Messiaen a 22 ans) enchaîne trois mouvements, le déploiement debussyste d'une étole de soie grège légèrement duveteuse, une cavalcade stravinskienne comme il se doit âpre et sauvage, et un retour au calme en des notes longues tendues douloureusement, comme une ébauche de certaines plages de "La Fin du Temps".

Thierry Lancino - Concerto pour violon

Voici l'oeuvre que les jeunes présents devront critiquer. Je les plains. Elle n'est pas spectaculairement inoubliable.
Dès les premières notes, le violon de Isabelle Faust revendique et assume son rôle de supersoliste, dans un équilibre qui rappelle fortement le concerto "A la mémoire d'un ange". Mais si Alban Berg plongeait dans une douleur de plus en plus profonde, la partition ici reste au niveau d'une virtuosité purement athlétique, dans un langage qui, faute de définition et de projet, se permet tout et n'ose rien, bref, qui flotte au milieu de références qui n'aident pas à donner un sens ; à part celui d'être un "concerto pour violon", mais sans situer l'enjeu qu'il y a aujourd'hui à écrire une telle oeuvre. En plus, c'est trop long pour servir de pièce à concours...
Derrière la violoniste, l'Orchestre Philarmonique du Luxembourg, dirigé par Aruturo Tamayo (on leur doit l'intégrale en cours des pièces orchestrales de Xenakis, quatre indispensables volumes chez Timpani), propose des configurations très diverses, certaines originales (par exemple une alliance flûte - basson presque bruitiste - contrebasse heurtée), mais où l'invention rythmique manque de respiration, ce qui donne un aspect monotone au discours.

André Jolivet - Concerto pour piano et orchestre

Voilà une belle pièce de musique ! Jolivet l'avait initialement nommée "Equatoriales", parce qu'il s'inspirait, dixit le livret, respectivement des musiques d'Afrique noire, de celles d'Extrême-orient, et enfin des improvisations chorégraphiques de Polynésie. Du coup, les trois mouvements fourmillent de couleurs et de rythmes, d'inventions et de surprises, d'énergie exubérante et de panache roboratif. Marie-Josèphe Jude survole les difficultés avec une agressivité bartokienne, et l'orchestre brille tout du long.

Arthur Honegger - Symphonie n°1

Aïe. Dès l'intro, ça sent le boursoufflé. L'allegro du premier mouvement est une locomotive qui fonce sans rien regarder autour d'elle, ça roule vite, ça fait beaucoup de bruit, mais pas grand-chose de plus. Le second mouvement joue la carte du mystère et du nocturne, mais en accumulant les poncifs jusqu'à l'ennui. Le troisième mouvement, presto, s'en sort mieux, enfin une machinerie rythmique intéressante, mais l'accumulation de strates empilées méthodiquement et consciensieusement confine rapidement de nouveau à l'étouffement. J'ai déjà entendu plus pompier, mais on n'en est pas loin.

Autre critique disponible sur ConcertoNet.

jeudi 3 novembre 2005

Paris Carnet 28 (Hall’s Beer - 2 Novembre 2005)

Après deux Paris Carnets estivaux passés à la Passerelle, puis deux loupés, j'arrive bien à l'avance au fond du pub d'abord presque vide (seul Lunar est là), mais qui devient beaucoup trop rapidement absolument invivable. Fumée, bruit, chaleur, impossible de se déplacer, impossible de discuter sans quasiment hurler, impossible de fuir, l'horreur (pas de name-dropping ; la blogosphère se regarde suffisament le nombril).
La seconde mi-temps fut heureusement un régal incomparablement plus agréable, pleine de souvenirs télévisuels autour d'un repas d'une admirable honnêteté. Ce qui ne m'empêchât pas de prendre froid. J'espère être suffisament rétabli ce soir pour assister au concert de musique française au Châtelet, avec Marie-Josèphe Jude, sinon ce sera officiellement mon premier concert non vu depuis la création de ce blog !
En tous cas, une chose est claire : mon envie de Paris-Carnet ne résistera pas à ma haine des pubs. Vous pouvez me ranger dans la liste des vrais vieux cons.