vendredi 4 novembre 2005

Concerti français (Théâtre du Châtelet - 3 Novembre 2005)

Ce concert, que le méchant microbe ne m'aura finalement point fait louper, débute d'originale manière : par un discours de présentation. La dame au micro rappelle que nous fêtons le centenaire de la naissance de Jolivet (ce qui avait déjà motivé cet autre concert) ; que le compositeur, face au rejet scandalisé de son concerto pour piano, avait du faire preuve de pédagogie et en expliquer les tenants et les ressorts lors d'une séance des Jeunesses Musicales de France, qui par vote avait finalement plébiscité l'oeuvre ; que du coup, des jeunes assisteront lors du présent concert à la création d'une oeuvre, dont ils devront rédiger une critique ; et que ces critiques feront l'objet d'un concours, dont les premiers prix seront des CD et des places de concert.
De fait, la salle, fort peu pleine, est d'une moyenne d'âge bien plus basse que d'ordinaire, et même si certains d'entre eux ne savent pas ce que le mot silence signifie, les chuchotis juvéniles ne sont guère plus désagréables que les habituels toussotements trachéiteux et autres ronflements nasaux.

Olivier Messiaen - Les Offrandes oubliées

Cette oeuvre de jeunesse (Messiaen a 22 ans) enchaîne trois mouvements, le déploiement debussyste d'une étole de soie grège légèrement duveteuse, une cavalcade stravinskienne comme il se doit âpre et sauvage, et un retour au calme en des notes longues tendues douloureusement, comme une ébauche de certaines plages de "La Fin du Temps".

Thierry Lancino - Concerto pour violon

Voici l'oeuvre que les jeunes présents devront critiquer. Je les plains. Elle n'est pas spectaculairement inoubliable.
Dès les premières notes, le violon de Isabelle Faust revendique et assume son rôle de supersoliste, dans un équilibre qui rappelle fortement le concerto "A la mémoire d'un ange". Mais si Alban Berg plongeait dans une douleur de plus en plus profonde, la partition ici reste au niveau d'une virtuosité purement athlétique, dans un langage qui, faute de définition et de projet, se permet tout et n'ose rien, bref, qui flotte au milieu de références qui n'aident pas à donner un sens ; à part celui d'être un "concerto pour violon", mais sans situer l'enjeu qu'il y a aujourd'hui à écrire une telle oeuvre. En plus, c'est trop long pour servir de pièce à concours...
Derrière la violoniste, l'Orchestre Philarmonique du Luxembourg, dirigé par Aruturo Tamayo (on leur doit l'intégrale en cours des pièces orchestrales de Xenakis, quatre indispensables volumes chez Timpani), propose des configurations très diverses, certaines originales (par exemple une alliance flûte - basson presque bruitiste - contrebasse heurtée), mais où l'invention rythmique manque de respiration, ce qui donne un aspect monotone au discours.

André Jolivet - Concerto pour piano et orchestre

Voilà une belle pièce de musique ! Jolivet l'avait initialement nommée "Equatoriales", parce qu'il s'inspirait, dixit le livret, respectivement des musiques d'Afrique noire, de celles d'Extrême-orient, et enfin des improvisations chorégraphiques de Polynésie. Du coup, les trois mouvements fourmillent de couleurs et de rythmes, d'inventions et de surprises, d'énergie exubérante et de panache roboratif. Marie-Josèphe Jude survole les difficultés avec une agressivité bartokienne, et l'orchestre brille tout du long.

Arthur Honegger - Symphonie n°1

Aïe. Dès l'intro, ça sent le boursoufflé. L'allegro du premier mouvement est une locomotive qui fonce sans rien regarder autour d'elle, ça roule vite, ça fait beaucoup de bruit, mais pas grand-chose de plus. Le second mouvement joue la carte du mystère et du nocturne, mais en accumulant les poncifs jusqu'à l'ennui. Le troisième mouvement, presto, s'en sort mieux, enfin une machinerie rythmique intéressante, mais l'accumulation de strates empilées méthodiquement et consciensieusement confine rapidement de nouveau à l'étouffement. J'ai déjà entendu plus pompier, mais on n'en est pas loin.

Autre critique disponible sur ConcertoNet.

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