samedi 29 avril 2006

Radio-Jazz : douzième heure

Pour cette douzième heure, j'ai ajouté quelques morceaux, plutôt longs, et tous électrifiés. L'idée, c'était, après l'hommage à John Coltrane en heure 10, de saluer à son tour Miles Davis, peu représenté jusqu'à présent dans le programme. Je me concentre sur la période que je préfère de loin dans sa carrière, la découverte de la puissance électrique, de 1968 à 1970, et agrémente cette heure d'autres morceaux de "fusion" :
- des sessions de "In A Silent Way", j'extrais le morceau "Ascent" où Wayne Shorter est pour la première fois enregistré au saxophone soprano.
- du disque "Vossabrygg" hommage à "Bitches Brew", je prends "Ghostdancing", le meilleur morceau, qui n'est heureusement pas gaché, comme une bonne part du reste de cet album, par les interventions encombrantes de Marius Rypdal, fils de l'auteur.
- à peine sorti du laboratoire Davis, Herbie Hancock commençait une série d'albums extra-ordinaires, défrichant des territoires inconnus à grands coups d'expérimentations spatiales et de bidouillages sonores ; "Ostinato" est un des morceaux les plus "normaux" de cette période agitée.
- attendu depuis, hum, longtemps, par les fans, la sortie du coffret "The Cellar Door Sessions" n'a pas déçu : le concert empêchant tous les collages et autres post-synchros, domaine où Teo Macero régnait en maître, il permet de profiter de la puissance brute du combo réuni par Miles Davis ; dans "What I Say", les solos de Keith Jarrett sont particulièrement ébouriffants.
- pour terminer sur une note plus actuelle, j'ai choisi un extrait du concert dynamite de "Electric Masada at the Mountains of Madness", où, entre mille autres influences, on peut trouver trace des recherches de Miles Davis...

Et par "terminer", je ne parle pas que de cette heure-ci, mais de la Radio-Jazz en général. Douze "heures" (certaines avoisinant les 80 minutes ...), cela me semble un joli chiffre rond.
Les premières sélections se sont usées, trop écoutées ; mais les supprimer serait supprimer une part "bop Blue Note" qui me tient à coeur, et qui est essentielle à l'aspect "pédagogique - découverte du Jazz". Je vais donc figer cette radio, et me consacrer uniquement au Pot-Pourri, jusqu'à trouver un système qui me convienne, permettant de renouveler les morceaux tout en gardant l'équilibre général.

mercredi 26 avril 2006

L'engrenage

Ce n'est pas parce que les concerts sont temporairement plus rares (surtout quand j'en oublie de splendides !) qu'il faudrait laisser s'endormir la radio Pot-Pourri. Du coup, j'y dépose quelques pétales, inspirés par le nouveau disque L'engrenage du Quatuor Habanera. Leur premier disque chez Alpha-Prod, Mysterious Morning, sorti dans la collection "Ut Pictura Musica", m'avait beaucoup plu ; le second, consacré à la musique romantique, ne m'avait, c'est étrange, pas attiré. Pour le troisième, paru dans la collection "Les chants de la terre", les quatre saxophonistes se font accompagner par Louis Sclavis, ce qui ajoute un peu de Jazz/improvisation/interprétation libre dans la potion de musique contemporaine, selon des dosages variant d'un morceau à l'autre.
J'illustre le disque par deux extraits :
- "Durch", de Fabien Lévy (co-directeur artistique du projet), seul morceau où n'intervient pas Sclavis
- et pour compenser, un solo du clarinettiste.
Avant cela, un air pour clarinette de Donatoni, joué par Alain Damiens, pilier de l'Ensemble Intercontemporain. Après cela, une pièce avec quatuor de cors, l'épilogue du cycle des Espaces Acoustiques, de Gérard Grisey, à qui Durch rend hommage. Et pour conclure, une des premières pièces enregistrées de Jazz pour saxophone solo, par Eric Dolphy.

lundi 24 avril 2006

Envol


crise
Originally uploaded by Alain Bachellier.
Cela exige une grande concentration, et une intense écoute de soi, au plus intime. Trouver la faille, au niveau de chaque cellule, de chaque atome, afin d'y introduire une part de conscience. Cela prend souvent des années, parfois seulement quelques mois. Beaucoup bien sur n'y parviendront jamais, et peut-être ne le pouvons-nous pas tous, affaire de configuration neuronale, sans doute. L'effort mental est en effet gigantesque : il s'agit de remplacer les probabilismes quantiques par des certitudes imposées. Poser sur Face les millions de pièces qui dégringolent en une pluie continue, en temps réel. Quand cela est obtenu, une impulsion suffit. Le corps s'envole, s'échappe. Le sol devient flou. La lévitation, certains prétendent, peut ainsi durer plusieurs minutes.
(Participation au Diptyque 2.1 d'Akynou)

samedi 22 avril 2006

Trois saisons


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Originally uploaded by bladsurb.
Les billets Pleyel sont arrivés ce matin. Il ne restera plus qu'à intercaler les spectacles du Théâtre de la Ville, lorsque le programme paraîtra.

lundi 10 avril 2006

Angelin Preljocaj - Empty moves, Noces (Théâtre de la Ville - 9 Avril 2006)

Empty moves


La bande son est déjà extraordinaire. En 1974, John Cage prend le texte "Du devoir de désobéissance civique" de David Thoreau, et par opérations mathématiques et jeux de hasard, en dérive une suite de phonèmes et bribes de phrases, où tout sens ne peut que disparaître. Invité en 1977 à Milan, il y récite ses syllabes insensées, plus ou moins séparées de silences, accentuées d'un peu d'effets électroniques. Le public italien manifeste sa surprise puis son exaspération, dans une montée de bruits divers, d'applaudissements interruptifs, de jurons imprécatoires, de plus en plus violents. Il est certain que c'est là la réaction attendue par Cage, qui continuant impertubablement son éprouvante lecture "désignifiante", laisse le public faire sa part du spectacle.
Comment danser sur une pareille bande son ? Preljocaj utilise un quatuor, deux hommes et deux femmes, qui décline avec une inventivité admirable un vocabulaire somme toute assez classique de positions et de mouvements, délivrés dans un tempo plutôt lent, sans jamais aucun signe d'esbrouffe. Les costumes eux-même refusent tout apparat, tee-shirts et maillots moches, scène sans décor, lumière neutre.
On peut beaucoup réfléchir pendant cette pièce : la musique de Cage renvoie à Cunningham, l'absence de tout indice de narration aussi, mais les costumes dans leur banalité sont plus européens ; de là, quelle part de théâtre doit intégrer la danse, la modernité est-elle plus chez Bausch ou chez Cunningham, et pourquoi pas élargir le débat, quel a été et quel doit être le rôle de l'avant-garde, de la provocation au public, comment celui-ci peut-il ou doit-il réagir, etc.
On peut aussi se contenter d'admirer la beauté de ces danseurs et danseuses, de ces mouvements précisément écrits et à la trompeuse simplicité, du renouvellement des figures qui se fondent, s'engendrent, se dérivent, dans une lente et continue métamorphose avant de revenir au point d'origine ; et goûter à quel point du corps lui-même, s'exhale presqu'inévitablement, dès lors qu'il se meut, une bienheureuse sensualité.

Noces


Là, c'est du répertoire. Aussi bien la musique, de Stravinski (bien sur), que la danse, écrite en 1989, déjà captée en vidéo et maintes fois reprise. Quelques bancs forment le décor, censés évoquer une salle des fêtes, mais j'y vois toujours plus un vestiaire de salle de gym... Lumières extraordinaires, en faisceaux croisés pour pénombre de cathédrale, en spots abrupts cloisonnant les couples... La danse est plus explosive, secouée par les percussions et nourrie de la rencontre choc entre les hommes et les femmes, qui parfois se frottent tendrement, puis se maltraitent avec enthousiasme. Des mannequins de mariées prolongent les sévices subis, dans des émotions qui touchent le morbide ; Thanatos flotte en-dessous du maelstrom rythmique et du chaos chorégraphique. Une fois les pantins accrochés (sacrifiés ?) aux bancs renversés, où ces maris conduisent-ils leur femme, les yeux fermés ?

Et après tant d'émotions (5 spectacles et sorties en 6 jours, semaine chargée), un chocolat chaud en charmante compagnie permet de se préparer à quelques semaines bien vides (prochaine date : 4 Mai !).

Andrew Hill (New Morning - 8 Avril 2006)

J'ai déjà évoqué Andrew Hill lors d'un concert de Ahmad Jamal : inconnu du grand public, son univers singulier force le respect de ses pairs. De retour dans l'actualité du Jazz suite à l'album Time Lines paru dernièrement chez Blue Note, il se présente ce soir avec le même quintet.
Penché sur sa contrebasse et tounant, dansant, ondulant autour d'elle, John Hebert propose une sorte de solo continu, ne se contentant que rarement de donner le tempo, mais variant les lignes et les rythmes, dans une inventivité joyeuse et élégante.
Il ne faut pas compter sur Eric McPherson pour rétablir une base rythmique solide. De sa batterie, il propose un brouillard de percussion, une crème fouettée, un mille-feuilles dans lequel on se perd facilement si on y plonge pour tenter d'analyser. Restons donc à la surface, chatoyante, multiple, et comme illusionniste.
Pas facile de se placer au-dessus d'un pareil canevas. Au saxophone et à la clarinette, Greg Tardy semble en même temps intimidé et désireux de trouver des voies originales, ce qui donne des soli qui ont parfois du mal à démarrer, puis s'enflamment soudain.
Charles Tolliver est beacoup plus dans son élément, plus agé, et fréquentant Hill depuis les années 60. Il brille du coup avec aisance, déjouant les pièges, et offre le visage le plus accessible à cette musique.
Au piano, enfin, Andrew Hill. Sa désinvolture parfois le place en droite ligne de Monk, plaquant des suites d'accords juste à coté du tempo, ajoutant des notes incongrues comme au hasard, brisant sans cesse des amorces de mélodies ou de discours harmoniques, en constante exploration, utilisant la scène en petit laboratoire. Quand le morceau le réclame, il sait bien sur calmer le jeu, et peint des moments de lyrisme abstrait, suscitant des émotions paradoxales proches de celles d'Ornette Coleman.
Les deux sets proposent principalement (exclusivement ?) des morceaux de leur album "Time Lines", dans des versions longues où le pianiste s'offre plusieurs soli ; mais fouiller ainsi chaque pièce dans ses recoins en révèle les particularismes, et alors que j'avais trouvé l'album un peu trop linéaire, comme si tous les morceaux se ressemblaient, ce n'est pas du tout le cas sur scène.
Enfin, à l'entracte, j'ai pu dire bonsoir à Samizdjazz en pleine discussion, mais nous avons pu vérifier que l'absence de bière la dernière fois n'était due qu'à une injonction de Yusef Lateef.

Mise à jour : Dans le Pot-Pourri, un morceau du début de Andrew Hill, déjà chez Blue Note, un extrait Live avec un sextet où brillaient déjà Tardy et Hebert, et enfin un morceau du fameux dernier album.

samedi 8 avril 2006

Adriana Mater (Opéra Bastille - 7 Avril 2006)

Pour ma deuxième visité à Bastille (la première fois, c'était pour du Bério, même pas un opéra, il y a sans doute une dizaine d'années...), je continue d'être surpris par l'aspect labyrinthique des accès à la salle et de la numérotation des sièges (porte, bloc, rang ... Sans guides ni personnel d'accueil visible, de nombreuses personnes errent dans les escaliers, hésitant entre les diverses possibilités...), et par l'impeccable visibilité (pas de colonnettes !).
Depuis L'Amour de Loin, quoi de neuf dans chez Saariaho ? Question lignes vocales, aucun progrés, plutôt le contraire. Elles ne montrent ni beauté musicale, ni efficacité dramatique, et semblent juste bonnes à porter le texte ; les meilleurs moments sont proches de la prosodie ; pourquoi ne pas tenter pour le prochain opéra une simple déclamation sur fond orchestral ? Les pires moments sont ceux qui reproduisent trop ostensiblement les formules déjà amplement répétées de "L'Amour de Loin", car l'intrusion de cet univers-là dans celui-ci ne fonctionne pas du tout.
Puisqu'entre les deux opéras, l'équipe est la même (Saariaho, Maalouf, Sellars), on sent la volonté de changer radicalement de sujet : fini l'amour courtois au Moyen-Age, voici le temps de la guerre, des viols et de la vengeance. Une femme est violée par un soldat de son camp, elle garde l'enfant qui, devenu adulte et apprenant la vérité, décide de tuer ce père monstrueux.
Sujet fort, mais empaté par des tirades parfois platement triviales, parfois s'essayant sans grand succés au poétique, ou tombant dans le moralisme bon marché (si l'acmé de la pièce est le refus du fils de tuer le père, rompant ainsi la logique du sang, pourquoi lui faciliter la tache en rendant cet homme aveugle, brisé par les remords, pathétique et quasi déjà mort, au point que lui laisser la vie sauve est une manière de continuer à le faire souffrir ?). Sans compter les moments simplement ridicules (quand un homme armé, violent, et qui ne désire qu'abuser du corps d'une femme, proclame "je veux monter sur le toit", il n'est pas bon pour elle de lui répondre "si tu veux pénétrer ma maison, il faudra d'abord me passer sur le corps" ; les chances qu'il obéisse ne sont pas nulles).
La mise en scène joue, sujet oblige, le réalisme, en volonté là aussi de rompre avec l'opus précédent : du sable au lieu de l'eau, un village balkan plus ou moins rasé au lieu de tours étincelantes. Parce qu'il faut bien un peu de spectaculaire pour justifier le prix des billets, les murs seront en sorte de plexiglas, illuminables en différentes couleurs, pour que toute la scène puisse briller de rouge ou de jaune. C'est parfois beau, mais souvent banal.
Reste la musique. Dès l'intro, elle impose un climat saturé de couleurs, qui restent lors de la première scène bien confuses. Et le traitement des scènes de crise est complètement raté : le viol est ainsi décrit par un martellement rythmique au volume sonore impressionnant, mais d'une pauvreté d'invention étonnante. Cela s'arrange par la suite, la scène de la grossesse, pleine de doux rythmes entêtants, la confrontation du père et du fils, où la musique se joue étale comme un océan lourd de menaces sous sa surface lisse, les trilles des clarinettes ou les claquements monstrueux des contrebasses, offrent des moments de beauté magnifiques.

Autres avis : Gvgvsse, Herlin, Ionarts[us].

jeudi 6 avril 2006

Paris-Carnet 33 (Restaurant "O Cantina", 5 Avril 2006)

Bu une bière.
Discuté, avec Kozlika, Akynou, Labosonic, Pascal, Dangereuse trilingue, etc.
Pris quelques photos.

Un bon cru.

mardi 4 avril 2006

Philippe Manoury - On-Iron (Cité de la Musique - 4 Avril 2006)

Semaine prévue chargée, donc commentons à chaud sans retard. Cette oeuvre, avec du son, des images, de la mise en scène, est d'abord, sur le plan musical, chorale, avec un peu de percussions, et beaucoup d'électronique (spatialisation, synthèse, traitements divers). Le résultat est massif, compact, peu varié d'apparence, et en ce qui me concerne, impénétrable, c'est-à dire que je ne suis à aucun moment entré dans cette musique. Soumis, plus encore que d'habitude chez Manoury, à la composante onirique, qui ici était pleinement volontaire de sa part, puisque "on-iron" signifie "être-rève", et parle, à partir de fragments d'Héraclite, entre autres choses, du sommeil et de la mort, j'ai flotté dans un état semi-conscient pendant toute la pièce, ce qui n'aide pas à en percevoir les structures, c'est certain.
Au premier plan de la scène, une grande toile est tendue, sur laquelle est projetée une vidéo, controlée par les derniers logiciels made in Ircam, qui permettent de déformer en même temps le son et l'image. Autour des thèmes des éléments (feu-eau-terre-air), en y ajoutant un peu de cosmologie et des visages, et en variant les effets pour évoquer temps anciens et temps futurs, on obtient une projection avec de splendides moments, et pas mal de platitudes.
La scénographie consistait principalement à faire sortir les parties du choeur qui ne chantaient pas, et à varier les éclairages... Par moments, les visages alignés des choristes vus par semi-transparence à travers la toile semblaient former des phrases ; moments troublants, mais peut-être essentiellement dus à mon engourdissement...

En tout, un spectacle pas vraiment à la hauteur des moyens mis en oeuvre, mais qui m'a bien reposé...

Mise à jour : Dans le Pot-Pourri, je mets des extraits des oeuvres de Philippe Manoury qui composent son cycle "Sonus ex machina", une des grandes réussites de la lutherie informatique.

R.I.P. Jackie McLean

J'apprends chez Samizdjazz la disparition de Jackie McLean.

J'ajoute dans le Pot-Pourri quelques titres de sa composition, d'abord en compagnon des Jazz Messengers de Art Blakey, puis en leader dans une de ces formations typiquement Blue Note des meilleures années, et enfin lors du concert extraordinaire de 1985 où, pour fêter le redémarrage du label, Michael Cuscuna avait réuni une floppée de vétérans.