dimanche 29 octobre 2006

Solistes EIC (Cité de la Musique - 29 octobre 2006)

Edgar Varèse - Densité 21.5

Emmanuelle Ophèle joue sans partition cette pièce écrite pour une flûte en platine, et en lointaine réponse au Syrinx de Debussy (les deux s'enchaînent dans la radio). Dans les appels répétés, les longues tenues comme des plaintes, les stridences soudaines, on sent, sous la sonorité solaire, la douleur constamment affleurer, dans cette interprétation intense et magnifique.

John Cage - Sonates et interludes

Il va falloir se les procurer en disque ! Après John Constable en Septembre, c'est Sébastien Vichard, tout jeune arrivé à l'EIC, qui propose sa sélection, entre épopée héroïque (sonate 12), et drone obsédant (sonate 14). Et c'est toujours excellent.

Iannis Xenakis - Kottos

C'est une démonstration de sonorités rugueuses, violentes, ou glissantes, fuyantes, une partition extrême, mais au résultat un peu vain, une brutalité qui ne mène pas à grand-chose. Pierre Strauch s'en sort sans problème, mais sans trancender non plus ce qui fut vraiment une pièce de concours, en l'occurence le concours Rostropovitch de 1977 (et ça se sent).

Steve Reich - Vermont Counterpoint

Retour d'Emmanuelle Ophèle, armée de trois flûtes (alto, en ut, piccolo), qu'elle alterne, accompagnée par une bande où jouent 10 autres flûtes, dans une structure d'une étonnante audace "fast fast slow fast" (c'est dans le doublement asymétrique des "fast" initiaux qu'est l'audace). En amphithéâtre, le mélange bande-instrumentiste passe beaucoup mieux, ne serait-ce que parce qu'on peut enfin bien distinguer la part de chaque. La principale difficulté semble être de rester bien dans le rythme, et de ne pas se tromper de flûte. Facile, quoi. Mais joli, agréable, rafraichissant, joyeux, bondissant, sympathique !

Steve Reich - Different Trains

Pour compléter le programme Steve Reich, qui fêtait il y a quelques semaines ses 70 ans, un de ses morceaux les plus célèbres. J'ai à une époque été fortement marqué par ses bruits de train, ses lambeaux de phrases copiés aux cordes, ses rythmes harcelants ; quelques années plus tard, j'étais exaspéré par le coté gadget des ses reprises de mélodie vocale, par ses répétitions usantes, par son discours totalement inabouti (oui, quand il voyageait en train aux USA, d'autres trains transportaient des Juifs vers les camps ; et ?) ou d'une naïveté atterrante ("le progrès, parfois, c'est mal", qui sera le thème de "Three Tales", il me semble). Et aujourd'hui ? J'essaie d'y trouver de la musique, et il y en a, un peu, par exemple dans les sifflements de sirène, qui sont joués par des combinaisons toujours changeantes de cordes, et qui en acquièrent une texture, une couleur, très intéressantes. Mais pour l'émotion, nada. C'est une musique qui réclamerait une vidéo, de la musique de clip. Peut-être est-ce ainsi que je l'ai vu la première fois, dans un documentaire sur le Kronos Quartet (mais il y a encore des vidéos qui ne sont pas sur Youtube).

Radio

Après le Syrinx de Debussy et le platine de Varèse, je propose une interprétation du "Vermont Counterpoint" issu d'un concert marathon donné au Withney Museum, dont le site offre l'intégralité en MP3 (lien connu via Alex Ross). Enfin, en grondement de trains, plutôt qu'encore du Reich, je préfère un extrait du volume 5 du Book of Angels.

Le Livre du Graal : Ramifications

Ce jour-là, en tous cas, les trois chevaliers s'assirent à la Table ronde, et l'on fit venir les clercs qui avaient pour mission de mettre par écrit toutes les prouesses des compagnons du roi Arthur. Ils étaient quatre : le premier s'appelait Arodion de Cologne, le second Tantalide de Vergiaux, le troisième Thomas de Tolède et le quatrième Sapiens de Bagdad. Ces quatre-là étaient chargés de mettre par écrit tous les exploits chevaleresques des compagnons du roi Arthur : ils commencèrent par les aventures de monseigneur Gauvain, parce que c'était le début de la quête ; puis ils passèrent à celles d'Hector, parce que c'était une branche de ce conte, et ensuite aux aventures des dix-huit autres compagnons. Tout cela faisait partie du conte de Lancelot, dont tous les autres étaient des branches ; et le conte de Lancelot lui-même était une branche du Graal, tel qu'il y fut adjoint.
La Marche de Gaule, §908

En l'absence de Blaise, il était temps que le roman mentionne ses rédacteurs, et valide ainsi sa propre existence. Et avant de repartir vers de nouvelles aventures, fausse Guenièvre ou Douloureuse Tour, il est bon de resituer le débat et l'enjeu ; le Graal semble quelque peu perdu de vue, parmi les combats et les conquêtes, de châteaux ou de demoiselles !
Sur ce, je fais une pause ; d'autres livres attendent, cette section du blogue restera vide sans doute quelques mois.

samedi 28 octobre 2006

Pour quelques photos de plus

Ayant trouvé chez Cali Rezo un questionnaire inventé par DelphinE (et auquel Akynou a déjà répondu), j'ai décidé de saisir l'occasion pour fouiller dans les (pas si vieilles !) archives, et pour tenter quelques photos nouvelles.

feuilles mortes

1. Liquide et Végétal ... (... et mort)

2. La couleur Rouge ... ( ... les néons dans la nuit)
rétroviseur

le nez en l'air
3. Vous en Mouvement ... ( ... humant l'atmosphère du quartier)

4. Et que feriez vous de La lettre "M" ? (par elle je me déplace, et parfois j'y mange)
d'un m à l'autre

autoportrait
5. Une photo à la lampe de poche(héhé) (planqué sous les draps)

6. De quoi vous ne pourriez pas, mais alors pas du tout vous passer ? (les concerts, sorties, spectacles, n'alimentent pas que mon blogue)
Redémarrage en septembre

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7. Vous n'aimez pas ...( ... les ivresses populaires stériles, les débats simplifiés jusqu'à la caricature, les victoires malsaines, les énergies gaspillées)

8. Qu'y-a-t il dans votre frigo ? (de quoi boire, entre autre)
transpiration frigorifique

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9. Une utopie, un rêve ... (... ewig ... ewig ... ewig ... )

10. C'est comment chez vous ? (en désordre, toujours, quasiment)
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Si vous voulez y répondre à votre tour, pensez à écrire à elleblogue(at)laposte.net (pour qu'elle puisse suivre les images que ça inspire)

Planning Novembre - Décembre 2006

Selon la fatigue du moment :
Puis trêve des confiseurs, jusqu'au 9 Janvier.

vendredi 27 octobre 2006

La déesse de la rivière Luo (Théâtre de la Ville - 26 Octobre 2006)

Musique ? Théâtre ? Danse ? Il s'agirait d'opéra chinois ; mais dans le style Nanguan, fort différent du Kunqu, puisque, par exemple, on y chante à peine ! Du coup, si la première page du copieux et magnifiquement illustré livret fourni par la maison de la culture d'Amiens en complément au traditionnel feuillet du Théâtre de la Ville indique "Opéra classique chinois dans le style Nanguan par l'Ensemble taiwanais Han Tang Yefu", la deuxième page parle plutôt de "conte dans le style du théâtre dansé et de la musique Nanguan".
Ce conte, qui s'inscrit dans un contexte légendaire, parle de l'amour entre le poëte Cao Zhi et la déesse Luo Shen, de la peur de celui-là, de la peine de celle-ci, et de leur inéluctable séparation pleine de regrets. Comme pas un mot n'est échangé, un étrange sous-titrage nous explique de temps en temps ce qui se passe, au cours des sept scènes qui durent plus de deux heures, au grand désarroi d'une partie des spectateurs qui tenteront nombreux de partir discrètement, tant pis pour eux qui ne savent déguster la beauté !

copyright Hsieh Chun-Teh
Beauté de la danse, chorégraphiée par Chen Mei-E, épurée, stylisée, basée sur des gestes qui doivent imiter le hiératisme irréel des marionettes. Les corps glissent sur le sol, les jambes se dressent lentement, tout semble suspendu ; du Bob Wilson, mais avec des millénaires de culture encodés dans le moindre geste ! La scène 2, où apparaît Luo Shen entourées d'autres déesses, et si éthérée et abstraite que l'engourdissement est presque inévitable ; heureusement, la présence plus terrestre du poëte, ou la venue de dieux plus malicieux ou spectaculaires, permet ensuite de garder vive l'attention.
Beauté de la musique "Vent du Sud", de la famille "Soie et bambou" c'est-à dire utilisant des cordes (pipa, sanxian, erxian), une flûte (dongxiao), et des percussions par moments. Musique aux tessitures légères, flottante et irisée, elle crée le décor qui n'existe pas sur scène, évoque une nostalgie d'un monde idéal, avec une fragilité qui nous parle d'âme à âme, dans un raffinement aristocratique sublimé.
la déesse de la rivière luoBeauté de la mise en scène, où collaborent Chen Mei-E et Lukas Hemleb, ce dernier également éclairagiste généreux en ambiances magnifiques, couleurs intenses et profondes, jeux de scène à partir d'éléments simples, bougies, arbustes, eau, costumes somptueusement fluides de William "In the Mood for Love" Chang, tout concourt à un émerveillement renouvelé.

Revue de quelques détails :
- à la percussion maniée par le dieu du Fleuve Jaune, impressionnante mais tout en force et finalement assez banale, je préfère le petit tambour jouée avec un pied posé sur la peau du dit tambour, qui permet d'en faire varier la sonorité et la hauteur, tout en libérant les deux mains, ce qui permet d'originaux traits montants ou descendants (l'habitude occidentale est d'utiliser le coude, mais cela ne laisse plus qu'une main pour frapper)
- la danse du seigneur des vagues, armé d'un bâton, et celle des six dragons, qui s'affrontent de plus en plus vivement, convoquent les arts martiaux, dans un écho abstrait mais fructueux
- comme des filles du Rhin bien avant la lettre, trois déesses de la rivière se moquent de l'amour annoncé des deux héros, puis restent à les contempler, accompagnant leur idylle naissante de gestes simples, balancement des bras et des mains, mais constamment modifiés, comme un contrepoint exquis et délicat
- la déclaration d'amour est accompagnée d'un chant, sous-titré, mais uniquement en idéogrammes !

Radio

Le Théâtre de la Ville vendait de beaux coffrets, alliant 1 DVD et 2 CDs, des deux précédents spectacles du Han Tang Yuefu. J'ai acheté celui de "La Fête de Han Xizai", et en propose un long extrait dans le pot-pourri, qui présente les différents instruments mis en jeu (flûtes, tambours à pied, voix, cordes).

Beethoven Mahler (Théâtre du Châtelet - 24 Octobre 2006)

La venue de Daniel Barenboim à la tête de la Staatskapelle de Berlin se place dans une double perspective : dans le cadre de "Piano ****", il propose à des pianistes célèbres d'interpréter des oeuvres du répertoire ; en préparation au festival d'Avril, il complète les soirées par des symphonies de Mahler.

Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n 5

La première partie est clairement dédiée au soliste, Lang Lang, à qui l'orchestre, particulièrement en retrait, offre tout l'espace possible pour s'exprimer (ce qui n'empèche pas au pupitre des bois de se distinguer par sa platitude, et aux cuivres de multiplier les sonorités bizarres, comme des touches d'ironie malencontreuses). C'est un terrain que j'ai trop peu parcouru pour que je puisse vraiment statuer sur le jeu du pianiste ; rapidement, disons que dans le premier mouvement, ce sont les moments les plus calmes qui m'ont le plus plu, que le deuxième était sans éclat ni profondeur, et le dernier roboratif, frisant l'indigestion d'arpèges puissants. Le plaisir de découvrir l'oeuvre a néanmoins supplanté la faible qualité musicale de l'interprétation, si j'en crois un Simon Corley très remonté, et un Musica Sola peu charitable non plus, puisque plaisir je pris à écouter cela.
En bis, une mignardise mozartienne virevoltante et sucrasse.

Gustav Mahler : Symphonie n 5

A vrai dire, j'étais plus là pour ça. Si les bois continuent de décevoir, et si l'un des percussionistes m'a permis de découvrir qu'on pouvait mal jouer du triangle, les cuivres eux se distinguent : excellents trompettes et cors. Surtout, ce sont les charivari monstrueux du premier mouvement qui me sidèrent ; énergie tellurique, tempétueuse, orages déchainés, ce sont des dieux qui jouent à se battre. Auprès d'eux, les petits destins humains font piètre figure. Barenboim, effectivement fascinant à regarder diriger, fait durer un peu longuement les pauses entre les trois parties. L'adagietto est de fort belle tenue, sobre, digne, sans trop de pathos, et scandé par une harpe particulièrement présente.

Radio

Le fameux Adagietto, dans une interprétation particulièrement tendue : Leonard Bernstein dirige les cordes de New York Philarmoniker, lors de la messe d'adieu au sénateur Robert F. Kennedy, le 8 juin 1968, en la cathédrale St. Patrick.

lundi 23 octobre 2006

Beta Blogger, Commentaires, RSS

Ce blogue commence à retrouver un visage familier. J'aime bien le lifting opéré sur cette bonne vieille plateforme ! Les "labels" sont bien pratiques, même si un affichage en "tag-cloud" aurait été indéniablement plus sexy. Par contre, rien à redire sur la rubrique "Archives", qui permet de concentrer efficacement et joliment une longue durée de bloguage. Le fait que la fonction "Recherche" fonctionne enfin (pour un site acheté par Google, c'est bien le moins !) est un fort considérable progrès, surtout que tout cela se traduit par des URLs facilement exploitables (pour les labels : http://bladsurb.blogspot.com/search/label/Graal, comme pour les recherches : http://bladsurb.blogspot.com/search?q=boulez).

Pour les commentaires, j'ai décidé d'abandonner Haloscan. Il est possible de continuer à utiliser ce service avec Beta Blogger (même s'il faut fouiller un peu pour obtenir les explications nécessaires), mais est-ce encore nécessaire ? Il semble désormais facile de laisser des commentaires sans avoir de compte Google ou Blogger, et visualiser le billet suivi de ses commentaires est tout de même plus naturel et simple.
Seul léger problème : passer d'un système à un autre oblige à voir disparaître le passé. J'ai néanmoins transvasé les quelques dernières contributions.

Enfin, dernier point : les abonnements RSS. Je les ai listé dans la colonne de droite. Peut-être est-ce un problème de version de protocole, en tous cas RSSBandit ne supporte plus les fils Atom ; il gère par contre sans problèmes les fils RSS. Bloglines, par contre, digère sans se plaindre les Atoms. Donc, essayez l'un ou l'autre, selon votre agrégateur !
Il est aussi possible de s'abonner pour les commentaires d'un billet particulier. Le lien proposé par Blogger est alors forcément de l'Atom. Ajouter "?alt=rss" à la fil de l'URL devrait vous permettre d'obtenir du RSS si vous préférez cela.

samedi 21 octobre 2006

Beta blogger

Je viens de passer ce blogue en version Blogger Beta.

Les principaux avantages en sont :
- des labels, en bas de chaque billet ;
- une recherche (le champ tout en haut, dans le bandeau bleu) qui marche !

Ils annoncent en effet comme une grande nouveauté le fait de stocker le contenu des billets dans une base de données, à partir de laquelle les pages sont générées en temps réel lors de la consultation ! Bref, la recherche se fait maintenant directement dans la base de données, ce qui la rend performante, rapide, et complète.

Sans doute vais-je également faire évoluer le modèle d'affichage ; cela passant par une remise à zéro des modification jusqu'ici apportées, des perturbations sont donc à prévoir avant de retrouver un aspect stabilisé.

Win Vandekeybus - Spiegel (Théâtre de la Ville - 20 Octobre 2006)

Etrange début de saison. D'abord une reprise d'un spectacle à 15 ans de distance, maintenant un bilan d'anniversaire de 20 ans. Ma première visite au Théâtre de la Ville fut pour "Immer das Selbe gelogen", et je ne pense pas avoir loupé beaucoup des spectacles de Vandekeybus depuis. Conquète de la gravité, impressionnantes démonstrations de physicalité et spectaculaires prises de risque, tout cela est bien présent dans ce récapitulatif en forme, si on en croit le titre, d'auto-portrait. Il y a des chutes et des roulades, il y a des jetés de brique, il y a des couples qui s'empoignent, s'étreignent et se rejettent. Pourtant, tout cela ne m'a guère satisfait. Parce qu'un spectacle de Vandekeybus, c'était aussi un voyage mental. Jouant avec les lumières et les décors, par les séquences vidéos, par le jeu des danseurs d'Ultima Vez, dans les moments creux des spectacles, entre les explosions d'énergie, il proposait souvent des images fortes, parfois à la limite du malaise, comme issues d'un rêve dérangeant - jusqu'au risque d'en faire trop, et de tomber dans le shocking complaisant. Rien de cela ce soir. Afin d'unifier les extraits choisis, le décor a été réduit à sa plus simple expression, quoique garni de quelques indispensables accessoires, fond-rideau, chaise enchaînée en l'air, crochets menaçants. Mais aucune image ne se dégage vraiment. Les ambiances se succèdent sans avoir le temps de s'installer, et au total, rien ne fait vraiment sens.
Bien sur, il est agréable de revoir certaines scènes - mais là où elles s'inscrivaient dans un contexte, ici elles tournent à vide. J'adore par exemple le jeu des briques, issu de "What the Body Does Not remember", en répétition / variation / prolifération ; mais ce principe irriguait toute la pièce, ce qui en renforçait l'impact. Idem pour "7 for a Secret never to be told", le spectacle m'avait beaucoup plu, qui proposait une construction théâtrale très différente du reste de la production Vandekeybusienne : en arracher une séquence l'affadit. Et d'une manière générale, aucune séquence ne semble plus nécessaire ; cela aurait pu être d'autres extraits, présentés dans un ordre différent. Cette absence de structure ou de thématique forte affaiblit l'ensemble de l'édifice, et même chacune de ses parties. De plus, les traits chorégraphiques qui ressortent s'apparentent du coup à des clichés : corps arc-boutés, couples en confontations, courses ...
Le plus grand plaisir a été de retrouver quelques morceaux musicaux que j'avais oublié : un quatuor de Thierry de Mey, ou la puissance d'Arno éructant "Watch Out Boy". C'est est un peu peu.

Radio


Quelques musiques utilisées par Vandekeybus dans ses spectacles : de Mey, Byrne, Vermeersch ... Je n'ai pas le Arno, malheureusement !

dimanche 15 octobre 2006

Michèle Anne De Mey - Sinfonia Eroïca (Théâtre de la Ville - 14 Octobre 2006)

En 1990, cette pièce marquait la naissance de la compagnie Michèle Anne De Mey. 16 ans plus tard, elle reprend l'ouvrage, en agrandit l'effectif d'un couple supplémentaire (autres changements inconnus - pièce non vue à l'époque).
Elle garde cependant l'innocence ("et quand je dis innocent, je devrais dire naïf") d'un début, tant dans le thème que dans la danse employée.
Cela nous parle d'un temps que les plus de vingt ans ne peuvent plus connaître ; un temps de bande, de tribu, de découverte de la sensualité, entre jeux et défis, démonstrations et provocations, entre complicités et rivalités, amitiés et plus si affinités, même temporaires. Les couples se font et se défont, dans l'insouciance que permet l'abscence d'enjeux. C'est un âge qui ne sait pas encore que l'on peut souffrir. (d'ailleurs, cet âge existe-t-il vraiment ? ou n'est-ce qu'un souvenir mythifié ?)
La danse aussi est une naissance. Les leçons minimalistes de "Rosas danzt Rosas" sont adoucies ; reste l'individualisme des interprétations (large latitude laissée à chacun pour effectuer les mêmes gestes, dans les rythmes, les amplitudes, les détails, chaque personnalité marquant de son empreinte des séquences au départ identiques), mais le plateau, quoique largement dégagé, n'est jamais vraiment nu. Une corde le traverse, puis des balles de tennis, des vêtements de soirée, et pour finir des seaux d'eau, balancée en magnifiques gerbes sur les corps révélés, transformant la scène en espace de glissades et d'éclaboussures.
De la musique de Beethoven est surtout utilisée la part d'insolence, de brillance, de force vitale. Le spectacle respire le bonheur, sans prise de tête, sans complexités, infuse une forme d'allégresse bienvenue. Cette absence de profondeur, cette naïveté donc, est aussi une limite.

jeudi 12 octobre 2006

Dutilleux Mozart Lutoslawski (Salle Pleyel - 11 Octobre 2006)

Henri Dutilleux - Métaboles

C'est une bonne pièce pour initier à la musique contemporaine : structure simple, beauté de l'instrumentation, variété des climats... Quand, ayant décidé de m'intéresser à la musique contemporaine, j'ai emprunté au petit bonheur la chance tout ce qui était disponible à la médiathèque voisine, c'est une des pièces qui m'ont conforté dans mes efforts, lisibilité et charme mélés.
Dans "Incantatoire", les bois de l'Orchestre de Paris, déjà remarqués, pépient avec bonheur et vivacité. Mais dès "Linéaire", pour cordes seules, un léger malaise sourd : le son, renforcé par l'accoustique de la salle, est trop analytique, trop précis, manque de fusion, de moelleux, de gras peut-être. Je ne suis pas sur que ce soit la bonne salle pour écouter du Debussy, ou de la musique spectrale, car elle a tendance à isoler chaque pupitre, chaque instrumentiste, dans un rendu détaillé frisant le pointilliste. Et la musique de Dutilleux ne supporte pas pleinement ce traitement. De plus, il me semble que Yan Pascal Tortelier, grand spécialiste de cette musique, tente de couler cette partie dans le moule d'un "lento misterioso" qui ne convient pas tout à fait. Heureusement, pour "Obsessionnel" ou "Flamboyant", cela fonctionne mieux. Au milieu, "Torpide" est si schématique qu'il passe inaperçu. Au total, un bilan mi figue mi raisin...

Wolfgang Amadeus Mozart - Concerto pour piano n°26

Dite "du Couronnement". Beaucoup, beaucoup de notes ; des mélodies comme une rivière intarissable et répétitive ; j'en profite pour dormir un peu, malgré le froid qui, en haut du premier balcon, dégouline des climatiseurs. Simon Corley commente plus utilement.

Witold Lutoslawski - Concerto pour orchestre

Inspiré bien sur par Bartok, mais baigné de musique populaire polonaise et non hongroise, c'est une musique forte et vigoureuse, parfois un brin rustique, et privilégiant une virtuosité de façade. De plus, la fin est une apothéose mastoque, fanfare tonitruante pénible, presque ridicule. Cela semble plaire à Tortelier, agité comme un diguidi, qui danse, saute, trépigne, exulte. Je pars dès le début des applaudissements.

Radio

Les Métaboles, dirigées par Tortelier ; du Lutoslawski plus tardif, par l'Orchestre de paris ; et un autre concerto pour violoncelle, du Chostakovitch plein à ras-bords de DSCH (ré, mi bémol, do, si).

dimanche 8 octobre 2006

Le Livre du Graal : l'ami Galehaut

Jamais on ne vit son épée immobile. Il fendait les heaumes et dépeçait les écus, et accomplissait de véritables merveilles. Lorsque Galehaut vit ces prodiges, il se demanda comment un seul chevalier pouvait agir ainsi, et il pensa qu'il ne voudrait pas avoir conquis toutes les terres qui sont sous le ciel si le prix de cette conquête était la mort d'un tel homme. Il éperonna alors son cheval et s'élança dans la presse, le bâton à la main pour séparer la mêlée qui faisait rage autour du chevalier à pied ; il parvint non sans peine à faire reculer ses gens. Puis il interpella le chevalier en ces termes : "Seigneur chevalier, ne craignez rien." Et l'autre de répondre hardiment que ce n'était pas le cas. "Si, répliqua Galehaut. Je vais vous apprendre quelques-unes de mes coutumes. Sachez que je défends à tous mes hommes de porter la main sur vous aussi longtemps que vous serez à pied, ou de vous prendre en chasse. Mais si vous renonciez à vous battre par couardise, je ne vous garantis pas contre l'emprisonnement. En revanche, aussi longtemps que vous porterez les armes, vous ne trouverez personne qui vous fasse prisonnier. Et si votre cheval est mort, ne vous troublez pas pour si peu. Car je vous donnerai autant de chevaux que vous pourrez en user aujourd'hui, et je serai votre écuyer. Et si je ne parviens pas à vous fatiguer, personne n'y parviendra jamais."
La Marche de Gaule, §548

Quelle démonstration de courtoisie chevaleresque !
Le chevalier se mit à penser à l'honneur que le prince lui avait fait, et en conçut une grande estime pour lui. Une fois couché, il ne tarda pas à s'endormir, car il était épuisé. Et quand Galehaut se rendit compte qu'il dormait, il se coucha près de lui le plus doucement possible, et deux autres chevaliers s'installèrent dans les deux autres lits : il n'y avait personne d'autre dans la tente. Cette nuit-là, Galehaut ne ferma guère l'oeil, car il réfléchissait aux moyens de retenir près de lui le bon chevalier. Au matin, il se leva discrètement ; le chevalier fit de même quand il se réveilla et alla entendre la messe. Ensuite, il réclama ses armes. Galehaut lui en demanda la raison, et il lui répondit qu'il voulait s'en aller. Mais Galehaut lui dit : "Ah ! beau doux ami, restez encore ! Et ne croyez pas que je veuille vous tromper, car vous ne demanderez jamais rien en échange sans l'obtenir. Sachez que vous pourriez aisément avoir pour compagnon un homme plus riche que moi, mais jamais vous n'en aurez un qui vous aime davantage. Et puisque je ferais plus que tout le monde pour avoir votre compagnie, il est normal que je l'obtienne de préférence aux autres. - Seigneur, dit le chevalier, je resterai. Car je ne pourrais être en meilleure compagnie qu'en la vôtre. [...]"
La Marche de Gaule, §558

Comme i' disent sur Radio Nova : "Y a pas un peu plus que d'l'amitié entre eux ?" C'est pas exclu !

samedi 7 octobre 2006

Mozart Dutilleux Chostakovitch (Salle Pleyel - 5 Octobre 2006)

Beaucoup de blogueurs pour ce concert anniversaires : l'amateur,
guillaume - mbr, Paris-Broadway, Simon Corley ; d'autres ?

Wolfgang Amadeus Mozart - Symphonie n°33

C'est joli, gentil, c'est bien interprété, c'est bien plan-plan, ça dure 20 minutes.

Henri Dutilleux - La Nuit Etoilée

Je me rends compte avec étonnement que c'est une pièce que je connais pas, en fait ! Orchestre inhabituel (sans violons ni altos), une apreté et une tension difficile à appréhender à la première écoute, dommage, c'est typiquement le genre d'oeuvre qui peut s'épanouir merveilleusement en concert, pour peu qu'on la connaisse suffisament avant.

Dimitri Chostakovitch - Symphonie n°5

Pas de problème de familiarité insuffisante avec cette pièce-ci. C'est la symphonie qui m'a donné envie de m'intéresser à la musique classique contemporaine. Et cela reste une des oeuvres fondatrices de mon panthéon musical ; de plus, une des rares dont je puisse siffloter les thèmes sous la douche !
Première fois, par contre, que je l'écoute en concert. Expérience bouleversante. Fermeté des tapis de cordes, intensité poignante des interventions solistes des vents, agressivité bartokienne du piano et des percussions, luminosité et profondeurs des timbres, fort peu de fautes (un violon soliste un brin trop tzigane ; quelques surchauffes rythmiques qui frisent le chaotique). Admirable Orchestre de Paris.
La conclusion du dernier mouvement est un piège fort complexe, avec son triomphe insupportable, sa réjouissance imposée par la force. Yutaka Sado en conserve l'ambiguïté grinçante, forçant sur le crissement ininterrompu des cordes pour traduire l'oppression, martelée par les timbales, corrodant la majesté des cuivres.
(A propos de cette cinquième, Alex Ross pointe une nouvelle interprétation de l'oeuvre, et en particulier de la présence de motifs thématiques inspirés par l'opéra Carmen de Bizet : serait-ce parce que Elena Konstantinovskya, que Chostakovitch avait fréquentée en 1934-35, s'était ensuite enfuie en Espagne pour y épouser Roman Karmen ? Ah, histoires et Histoire ...).

Radio : le premier mouvement de la cinquième.

vendredi 6 octobre 2006

EIC Londres (Cité de la Musique - 3 Octobre 2006)

Kenneth Hesketh - Netsuke

Oeuvre en 5 parties, élégante et bien écrite, délicate et fort agréable, mais sans génie ni passion. Un excellent exemple d'un "petit maître".

Rebecca Saunders - a visible trace

Démarrage en traits flottants, glissants, bientôt perturbés par des déflagrations diverses, au piano ou à la guitare éléectrique, qui se font de plus en plus fréquentes et envahissantes, jusqu'à presque saturation, avant de s'espacer de nouveau pour revenir au climat initial. C'est bien, mais peu original, et certains sons utilisés, notamment à la guitare, commencent à faire "tic de langage", car déjà utilisés (et mieux, sans doute) dans ses oeuvres précédentes. Bref, légère déception...

James Dillon - La Femme invisible

Euh... Trois jours plus tard, plus aucun souvenir ...

Jonathan Harvey - Bird Concerto with Pianosong

Grand (30 minutes) concerto pour piano, ensemble, et électronique. Le piano réussit la gageure de jouer des chants d'oiseaux en pagaille, sans imiter Messiaen. L'électronique nous plonge dans une volière virtuelle, remplie de pépiements d'abord livrés bruts, puis peu à peu trafiqués, ralentis, bruités, épurés, superposés ... C'est très reposant, même si l'ambition indiquée par le livret, "je serais content si les chants et les objets sonores de la partition laissaient entrevoir comment l’esprit d’un oiseau peut ressentir le fait d’être humain ou vice versa", n'est pas exactement réalisée.
Le statut de l'ensemble instrumental est assez étrange, fondu dans la partie électronique qui l'absorbe et le déborde, au point qu'il faut voir s'agiter les musiciens pour réaliser qu'une partie des sons non-pianistiques ne viennnent pas non plus des haut-parleurs.

Radio : De la musique anglaise, of course (et il y a encore un peu plus loin). Du Harvey, qui avant la fusion homme-oiseau, tentait celle de son propre fils avec la cloche de la cathédrale de Winchester ; Saunders, avec des sons bizarres de guitare et des bruits blancs de radios ; Ferneyhough, absent aujourd'hui, mais présent deux jours plus tard. Et pour transiter en douceur du violon au piano, du Webern (non sans lien précis avec "Terrain", d'ailleurs).

dimanche 1 octobre 2006

Yaron Herman Trio (Bar La Fontaine - 29 et 30 Septembre 2006)

Deux soirs de suite les mêmes artistes, cela m'arrive rarement. Mais il s'agissait aussi d'un événement : la fermeture définitive d'un lieu sympa et chaleureux, et la découverte d'un pianiste fabuleux.

yaron herman trioLors de mon premier passage à La Fontaine, j'avais peu apprécié la promiscuité, l'accoustique approximative, le confort spartiate. Ce n'était pas une salle de concert, c'était d'abord un bar, aménagé grossièrement pour accueillir des musiciens et du public. Et au fil des visites, l'ambiance particulière commençait à bien me plaire, tenant aussi à la découverte de jeunes artistes dont on sentait la connivence, le plaisir de développer des projets ensemble, de se cotoyer et se bousculer soir après soir (la durée des résidences était un enjeu essentiel, là où les clubs ne proposent plus que trois soirées de suite, La Fontaine offrait à Anne Paceo une place de batteuse pour tous les concerts du mois de Juillet !). C'était un lieu de musique vivante, où les musiciens pouvaient s'offrir le luxe de prendre le risque de se tromper, comme le dit Manuel Marchès.
Malheureusement, une plainte de voisinage déposée en Juillet (la canicule aura sans doute rendu le personnel moins scrupuleux sur la fermeture des fenêtres pendant les sets), une visite d'inspecteurs de police constatant que le lieu n'est pas aux normes de sécurité, l'impossibilité financière et artistique de transformer l'endroit, et c'est donc la fermeture, avec ces deux concerts de Yaron Herman en trio pour clôre l'aventure.

dernier concert au bar la fontaineHeureusement, le pianiste ne laisse pas les circonstances assombrir sa musique. Si le premier morceau commence dans une sorte de magma harmonique et rythmique, qu'un élan finit par propulser, le deuxième s'amuse de phrases swingueuses subtilement décalées, qui serviront de base à un ping-pong enjoué avec le batteur.
Samizdjazz parle déjà très bien du jeu de ce pianiste qui s'ouvre à une carrière potentiellement magnifique. Ce qui m'a frappé, c'est qu'il échappe à la dualité un peu usée Bill Evans / McCoy Tyner. Il est de la génération suivante, qui s'est abreuvée de ceux qui s'étaient confrontés à cet héritage-là. Et quoiqu'il joue, aux abords du silence ou en pleine explosion, il exprime de tout son corps une intensité de bonheur, clown à ses heures, en mimiques et grimaces, disparaissant par moment derrière son piano puis se dressant, presque debout, chantonnant (longue lignée ...), ou crispé, fouillant à la recherche de la bonne note, du bon accord ; un coté spectaculaire qui serait pénible s'il n'était totalement sincère.

dernier concert au bar la fontainePour l'accompagner, Fabrice Moreau à la batterie propose un jeu percussif (il aime jouer des rimshots lors des solos, ce qui donne un son très métallique à son jeu, complété par des cymbales très sèches, dixit Paceo). A la basse, Stéphane Kerecki complète le groupe par un jeu flexible, plus chantant que puissant, avec quelques beaux passages à l'archet.
Le premier soir, Alexandra Grimal les rejoindra à la fin du second set pour un "Equinox" coltranien parfait, où son jeu "sheets of sounds" me convainct plus en une seule chanson qu'en un concert entier !
Le lendemain, rebelote, donc (malgré "Charmed" saison 8 à la télé, notez le sacrifice). Le premier set est très semblable à celui de la veille, mais les musiciens sont un peu moins "dedans", les moments magiques sont un brin plus rares.

dernier concert au bar la fontaineLe second set est une autre histoire. Alexandra Grimal les rejoint dès le départ, se contentant parfois de doubler la mélodie au piano, déchiffrant la partition par-dessus l'épaule du pianiste, parfois prenant de puissants solos, là encore dans une veine coltranienne intense, lyrique, déchirante. Si l'"Alabama" initial n'est pas spécialement marquant, le "Take the Coltrane" sera un sommet de la soirée. Il faut dire que Anne Paceo est venue remplacer Fabrice Moreau, et après le poëte percussif, c'est une guerrière limite kamikaze ! Comme Elvin Jones succédant à Paul Motian. Grimal, Herman et Paceo, leurs visages trahissent une joie féroce de jouer cette musique, un déferlement d'énergie qui scotche, surtout quand je suis au premier rang, en première ligne.
Le jeu se calmera, forcément, jusqu'à un dernier standard ("In The Wee Small Hours Of The Morning" je crois, en tous cas la partition en trainaît entre piano et contrebasse). Julien Caumer, le boss du Labo, les yeux rougis mais la voix intacte, clôt la soirée d'un beau discours, en substance, "tant qu'il y aura des espaces vides où des choses peuvent se développer, nous serons là pour planter des petites graines et les faire pousser".

Une page s'est tournée, mais vue la soif de jouer qu'ont ces gens-là, nul doute que l'aventure reprendra, dans un autre lieu, peut-être plus confortable, peut-être moins sympathique, bref, à suivre.

Radio : Deux morceaux du disque "Variations" de Herman (LE disque de piano jazz à acheter cette année), accompagnés d'un peu de Jarrett, d'un peu de Coltrane, entre autre.
Photos : J'ai mis les photos prises à La Fontaine dans un set Flickr.