dimanche 8 octobre 2006

Le Livre du Graal : l'ami Galehaut

Jamais on ne vit son épée immobile. Il fendait les heaumes et dépeçait les écus, et accomplissait de véritables merveilles. Lorsque Galehaut vit ces prodiges, il se demanda comment un seul chevalier pouvait agir ainsi, et il pensa qu'il ne voudrait pas avoir conquis toutes les terres qui sont sous le ciel si le prix de cette conquête était la mort d'un tel homme. Il éperonna alors son cheval et s'élança dans la presse, le bâton à la main pour séparer la mêlée qui faisait rage autour du chevalier à pied ; il parvint non sans peine à faire reculer ses gens. Puis il interpella le chevalier en ces termes : "Seigneur chevalier, ne craignez rien." Et l'autre de répondre hardiment que ce n'était pas le cas. "Si, répliqua Galehaut. Je vais vous apprendre quelques-unes de mes coutumes. Sachez que je défends à tous mes hommes de porter la main sur vous aussi longtemps que vous serez à pied, ou de vous prendre en chasse. Mais si vous renonciez à vous battre par couardise, je ne vous garantis pas contre l'emprisonnement. En revanche, aussi longtemps que vous porterez les armes, vous ne trouverez personne qui vous fasse prisonnier. Et si votre cheval est mort, ne vous troublez pas pour si peu. Car je vous donnerai autant de chevaux que vous pourrez en user aujourd'hui, et je serai votre écuyer. Et si je ne parviens pas à vous fatiguer, personne n'y parviendra jamais."
La Marche de Gaule, §548

Quelle démonstration de courtoisie chevaleresque !
Le chevalier se mit à penser à l'honneur que le prince lui avait fait, et en conçut une grande estime pour lui. Une fois couché, il ne tarda pas à s'endormir, car il était épuisé. Et quand Galehaut se rendit compte qu'il dormait, il se coucha près de lui le plus doucement possible, et deux autres chevaliers s'installèrent dans les deux autres lits : il n'y avait personne d'autre dans la tente. Cette nuit-là, Galehaut ne ferma guère l'oeil, car il réfléchissait aux moyens de retenir près de lui le bon chevalier. Au matin, il se leva discrètement ; le chevalier fit de même quand il se réveilla et alla entendre la messe. Ensuite, il réclama ses armes. Galehaut lui en demanda la raison, et il lui répondit qu'il voulait s'en aller. Mais Galehaut lui dit : "Ah ! beau doux ami, restez encore ! Et ne croyez pas que je veuille vous tromper, car vous ne demanderez jamais rien en échange sans l'obtenir. Sachez que vous pourriez aisément avoir pour compagnon un homme plus riche que moi, mais jamais vous n'en aurez un qui vous aime davantage. Et puisque je ferais plus que tout le monde pour avoir votre compagnie, il est normal que je l'obtienne de préférence aux autres. - Seigneur, dit le chevalier, je resterai. Car je ne pourrais être en meilleure compagnie qu'en la vôtre. [...]"
La Marche de Gaule, §558

Comme i' disent sur Radio Nova : "Y a pas un peu plus que d'l'amitié entre eux ?" C'est pas exclu !

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