jeudi 29 mars 2007

Johann Sebastian Bach - Johannes Passion (Théâtre du Châtelet - 28 Mars 2007)

Etait-ce aussi mauvais que certains pronostiquaient ? Globalement, oui...
L'introduction est presque catastrophique : les flûtes peinent à tenir les notes longues, les cordes flotttent parfois proches du mal de mer, le tout flotte dans une sorte de langueur qui ne me convient pas du tout ; cela s'arrange par la suite, mais il est quelque peu dommage que l'orchestre du Concert d'Astrée n'arrive à attirer mon attention que pour des points négatifs, ses meilleurs moments étant ceux où il disparait pour ne laisser place qu'à la musique ! Le choeur s'en sort mieux, épatant même lors des airs les plus vifs, polyphonies de la foule haineuse, ou lors des passages plus massifs aux lignes doucement vibrantes. Coté voix, pareil que Simon Corley : le Pilate de Simon Kirkbride est enthousiasmant, et les soli de Andreas Scholl et Emma Bell bouleversants.
Question mise en scène, pas d'erreurs, c'est du Bob Wilson. Vétus, voire entravés, par les tenues intemporelles et so chic habituelles de Parmeggiani, les personnes se déplacent lentement, souvent à reculons, bras tendus légèrement éloignés du corps. L'imagerie traditionnelle n'est pas copiée, elle est même à peine évoquée, mais que donne-t-il à la place ? rien, ou si peu. Le Christ met un genou à terre. Les soldats, par trois même quand le texte dit quatre, passent et repassent. Les femmes aux pieds de la croix sont figées dans des attitudes qui ne créent ni beauté, ni sens. Redite des wilsonneries traditionnelles, en fait ; on gagne peu au change.
Sur le fond de scène, où l'éclairage évoque un ciel changeant, parfois agrémenté d'un soleil, des poutres passent en oblique, accompagnées un moment d'un néon : discret rappel d'une croix, et renvoi peu explicite vers les suprématistes. Certains acteurs, d'un geste des bras, provoquent des sautes violentes d'éclairage : ça réveille, mais ça signifie quoi ?
Mais le pire vient de Lucinda Childs, la seule à être un peu huée lors d'applaudissements finaux assez frénétiques (mais bon, il y en a qui ont trouvé tout ça génial) : ses poses, ses courtes courses rapides, ses robes aux longues traînes, tout cela est d'une telle absence d'intérêt que cela ressemble parfois à un gag.
Malgré tout, écouter une Passion, c'est toujours une expérience. Il doit être difficile de ne pas rendre bouleversant toute la fin de l'oeuvre, depuis le dépouillement de "es ist vollbrach" jusqu'aux choeurs finaux. L'an prochain, j'essaierai d'être plus attentif à certaines annonces, quand elles pointaient vers d'autres hauteurs d'émotions...

lundi 26 mars 2007

Saison 2007/2008 : Salle Pleyel et Cité de la Musique

J'en avais mis des tartines l'an dernier, je vais faire plus sobre cette année. D'abord disponibles sur leurs sites web respectifs (mais avec quelques coquilles qui poussaient à la prudence), les programmes papier ont paru il y a quelques semaines.
La salle Pleyel n'a malheureusement pas simplifié son système, en séries et demi-séries, avec des intersections non négociables (deux séries avec un concert commun = une place en trop). J'ai choisi 1B (Orchestre de Paris - avec une soirée non opéra de Saariaho ...), 14 (Messiaen / Boulez, comment résister ! donc série complète ...), 15B (le Sacré - messes de Bach et Beethoven, et des Cantates), et 19B (Jazz - essentiellement pour la Masada Night).
Les lignes directrices pour la Cité de la Musique sont : Bach, Boulez, et EIC. Les concerts prévus s'éparpillent entre les cycles et thèmes "La Genèse", "Le Triomphe de la Raison", "Domaine privé René Jacobs", "Visions Wagnériennes", "Rituels du Quotidien", "Du Spirituel dans l'Art", "Rising Stars", "Bruckner / Messiaen", "Le Jazz Mystique", "Utopies et Réalité", "L'orgue - De la Liturgie à l'Electro", "Domaine privé Pierre-Laurent Aimard", "Le Jugement Dernier", "Messes Noires", "Le Diable et le Bon Dieu", "Sacres et Sacrifices", et pour finir en beauté par "Domaine privé John Zorn".
En tout, 23 billets pour la Cité, 19 pour Pleyel, c'est un peu plus que l'an dernier ; mais cela compensera l'absence sans doute du Châtelet, qui semble vouloir s'adresser à un public dont je ne me sens pas faire partie.
Reste comme d'habitude à attendre un peu avant le Théâtre de la Ville !

samedi 24 mars 2007

Homme pour homme (Théâtre de la Ville - 23 Mars 2007)

Dans une Inde abstraite, un brave gars, Galy Gay, accepte de rendre service à trois soldats en remplaçant leur compagnon Jeraiah Jip, et se transforme peu à peu en super guerrier. En parallèle (explique Regnault, le traducteur, dans le livret), on assiste à l'utilisation du soldat manquant en faux dieu par des moines (scènes passablement ridicules), et à la chute du féroce lieutenant Bloody Five en inoffensif et s'auto-mutilant Fairchild (excellent personnage).
Brecht a travaillé sur cette pièce à plusieurs reprises (1926, 1938, 1953), mais elle reste pourtant bancale. Certaines thématiques font mouche (tout ce qui est lié aux noms - thématique ancienne, mais qu'on peut toujours réactualiser), mais beaucoup de dialogues sonnent faux, des développements psychologiques tournent court, des personnages semblent inutiles, rien dans tout cela n'est vraiment convaincant.
La mise en scène d'Emmanuel Demarcy-Mota fait ce qu'elle peut, en transformation permanente de la scène à l'aide d'éléments sur roulettes, avec de très beaux éclairages, mais un usage trop fréquent de fumigènes, et une fin dans les solitudes montagneuses du Tibet qui aurait pu être plus glaçante.
Dans la troupe, je retiens principalement Philippe Demarle, qui en Fairchild, passe d'une intensité dangereuse à un apitoiement délabré, dans une sorte de folie controlée fort bien rendue ; et Sandra Faure, en Polly, petite boule d'énergie sardonique ou inquiète. Ainsi que Constance Luzzati, harpiste elle aussi montée sur roulettes, qui arpente la scène en pinçant les cordes.

jeudi 22 mars 2007

Saint-Saëns Dutilleux Ravel (Salle Pleyel - 21 Mars 2007)

Camille Saint-Saëns - Symphonie n°3 avec orgue

Je pensais connaître et aimer cette oeuvre. De fait, j'en connais certains airs, comme le début du Scherzo, mais ne la reconnais pas, puisque je l'avais confondu, dans mon souvenir, avec la symphonie pour orgue, cordes et timbales de Poulenc, disque de la collection paternelle que j'écoute fort souvent en vacances. Du coup, déception. Le livret est honnête : "Saint-Saëns, qui n'avait pas l'audace de ses prédecesseurs, coule leurs inventions dans une perfection de métier, qui tend à un certain académisme." On s'ennuie tranquillement devant le discours plan-plan, que la direction mollassonne de Michel Plasson n'essaie guère d'enflammer. Je me range donc plus coté Laurent que coté Palpatine.

Henri Dutilleux - The Shadows of time

Une des dernières grandes créations du compositeur, elle avait donné lieu à une opération spéciale, un CD de 20 minutes pas cher du tout. Mais comme souvent chez Dutilleux, c'est en concert seulement que la musique prend son envol. Les métamorphoses des timbres, les caractérisations des thèmes, rappellent les "Métaboles", et l'Orchestre de Paris brille magnifiquement dans le jeu des solistes successifs, cuivres et bois sont à la fête. Mais le sommet émotionnel de l'oeuvre, avec choeur d'enfant, ne me semble pas à la hauteur de l'enjeu : trop de naïveté dans le texte, trop de simplicité dans la mélodie, un dépouillement qui ne me touche pas. Mais bientôt repart l'orchestre dans des couleurs mutantes et peu tranquilles, avant de boucler.

Maurice Ravel - La Valse

Pas grand-chose à dire sur cette pièce majeure, l'interprétation aurait pu être plus intense, ou plus malade, seul le final me sort d'une douce torpeur.

dimanche 18 mars 2007

Les 30 ans de l'EIC (Cité de la Musique - 17 Mars 2007)


Soirée prestige, avec ministres, discours inaugural particulièrement insipide, retard sur l'horaire pire que d'habitude (la fin prévue par le livret à 21h45 aura lieu une bonne heure plus tard ...), petits fours pour les spéciaux invités, mais cadeaux pour tout le monde à la sortie (un DVD d'extraits d'un reportage pour Arte, l'affiche des premiers concerts en Février 1977 à Angoulème, programme du concert "Passage du XXème siècle" au Théâtre de la Ville, plus une carte postale commémorative, le tout dans une ravissante pochette en carton).

Olivier Messiaen - Couleurs de la Cité Céleste

C'est Pierre Boulez qui dirige cette première partie. Splendide minutie des couleurs, où prédominent le piano, les percussions et surtout les cuivres (trop forts selon l'avis éclairé d'un spectateur derrière moi : ils couvrent souvent le piano, qui devrait briller intensément comme un diamant au coeur de la Cité, ce qu'il ne peut, non pas faute de puissance de la part de Vassilakis, mais difficile de concurrencer la tonitruance des trompettes ...). Zvezdo y voit le piano comme faisant partie des percussions, ce qui est assez éloigné des explications de ce spectateur, mais correspond plus à ce que j'ai aussi entendu ...

Philippe manoury - Passacaille pour Tokyo

Ce sont les 30 ans de l'EIC, pas de l'IRCAM : pas de spatialisation, d'électronique temps réel, ou d'ordinateurs ce soir. De plus, cette oeuvre colle avec le cycle actuellement en cours, sur les "Cités Imaginaires". Prolongement de la collaboration entre Manoury et le pianiste Nodaïra entamé pour la pièce "Pluton", c'est une sorte de concerto pour piano, où la difficulté de la partition (une trille maintenue de manière incroyable comme une sonnerie d'intensité variante pendant toute la dernière partie, par exemple), est souvent masquée par le reste de l'orchestre, qui nous promène au sein d'une mégapole virtuelle, entre frénésie des foules, transparences et reflets des architectures de verre et d'acier, énergies souterraines, et atmosphères faussement détendues des nuits urbaines. Aux saluts, Boulez oblige Sébastien Vichard, qui jouait comme une ombre dans les coulisses, à rejoindre Hidéki Nagano, impérial.

György Ligeti - Concerto de chambre

J'ai souvent des difficultés avec cette pièce, mais ce soir Susanna Mälkki en propose une lecture très éclairante, insistant sur les aspects statiques plus que sur les dérèglements machiniques, ce qui donne à l'ensemble de la pièce l'aspect d'une promenade nocturne dans une forêt inquiétante, où la tension s'exacerbe parfois au passage d'un animal monstrueux mal défini, ou lors de l'orage verglaçant du troisième mouvement.

Pierre Boulez - Dérive 1

Au tour de Peter Eötvös de s'installer au pupitre. Des deux dérives, c'est de loin ma préférée, surtout la première partie, où sur un tapis harmonique mouvant se déplace une phrase en forme de vague, signal qui passe de pupitre en pupitre, toujours rebondissante et mutante. Sans doute ma pièce courte boulezienne préférée. Interprétation impeccable, as usual.

Pierre Boulez - Mémoriale

Autre pièce courte, pour flûte accompagnée. Pour cet hommage à Stravinski, et en particulier à sa symphonie pour instruments à vents qui était déjà un hommage à Debussy, et qui est ensuite devenue un hommage à Lawrence Beauregard, le premier flûtiste de l'EIC, le ton est recueilli, Sophie Cherrier alliant intensité et douceur.

Arnold Schönberg - Lied der Waldtaube

Pierre Boulez revient diriger cette dernière pièce, qui vient prolonger le climat assez funèbre de la précédente, étrange pour un anniversaire ! Les spectateurs cependant sont effectivement à la fête pour cet extrait des Gurrelieder, extraordinairement interprété par Petra Lang et par l'EIC, qui retrouve ici sa vocation à "défendre les classiques du XXème siècle", en plus de devoir susciter et accompagner les créations les plus récentes. Dans ce chant d'amour et de mort, on entend les échos de Wagner et de Mahler, avec une richesse orchestrale splendide, et une intensité d'émotion beaucoup plus convaincantes que dans "La Nuit Transfigurée" (autre classique post-romantique du Schönberg jeune, que je ne supporte pas - mais je devrais lui redonner une chance, sans doute).

En final, tous les musiciens viennent sur scène, qu'une explosion venant des cintres éclabousse de serpentins et de gros confettis multicolores. Après les longs applaudissements, Pierre Boulez aura du mal à s'en aller, visiblement très heureux de l'ovation du public.

samedi 17 mars 2007

Présences électronique 1 (Maison de Radio France - 15 Mars 2007)

Simon Corley ayant expliqué que les concert du festival "Présences" étaient peu pleins, je tente son versant "musique électronique", même lieu (la salle Olivier Messiaen), mêmes modalités (gratuité, files d'attente, organisation un peu bizarre).

Edgard Varèse - Poème électronique

Écrit il y a 50 ans, ce court morceau de musique concrète et électronique est donné dans une version amplement spatialisée, les sons surgissant un peu de toutes parts, des bribes de percussions ou de voix humaines, des sonorités d'orgue ou de pures vibrations, ça chuinte, ça couine, ça vrombit ; le statut de l'oeuvre aujourd'hui est difficilement définissable - daté ou pas ? vintage ?
Il y a une trop grande part d'expérimentation, de défrichement d'un territoire alors globalement inconnu, pour que cette oeuvre devienne vraiment un "classique". Disons que cela donne une idée de l'époque, de l'appétit de Varèse à goûter ces nouveaux fruits sonores, mais cela ne figurera pas parmi la liste de ses chef-d'oeuvres.

Mimetic - Virtual (Around Me ?)

Sur scène s'installe Jérôme Soudan, derrière un ordinateur - est-ce bien utile, le spectacle des hauts-parleurs qui jonchent la scène aurait suffi. Pièce divisée en deux parties : une surface étale gonflée de basses, où surnagent quelques sifflements électrostatiques, et des vrombissements insectoïdes ; puis une irruption brutale de rythmes triviaux, vaguement crescendo, avant un retour au calme. Aucun charme, pas de profondeur, un morceau sans intérêt.

Sogar - Mai Motive

Encore un alias, cette fois-ci pour Jürgen Heckel, qui s'installe aussi sur scène (dans les concerts acousmatiques auxquels j'assistais il y a des années, les compositeurs se contentaient de la place derrière la table de mixage, et c'était très bien ainsi). Il nous propose un voyage agréable dans un paysage formé de climats variés, glissant de l'un à l'autre dans un fondu enchaîné quasi constant, une musique d'états d'âme, tranquille, peut-être un peu trop, apaisante à la limite de l'ennui.

Matmos

Le livret indiquait une reprise à 22h. Le temps de manger dans un bar proche, retour à 21h50, et le duo de Matmos est déjà sur scène, devant un écran montrant un clip nuageux ; depuis combien de temps ont-ils commencés ? Mystère. Ils enchaînent et terminent par une pièce de Robert Ashley, le final de "Perfect Lives". L'un pianote sur plusieurs claviers, pour mettre en place des boucles plus ou moins synchrones, un fond mouvant de rythmes et de sons, dont les variations maintiennent l'attention. L'autre gratouille par moments une guitare, ou l'utilise en percussion, et surtout récite le texte de Ashley, sur une femme dans son jardin, aux répétitions hypnotiques, dans un flux verbal façon Laurie Anderson au masculin. Excellent, très américain. Performance un peu courte (ou écourtée par mon retard ?).

Hector Zazou - Corps électriques

Cette étrange soirée entre musique contemporaine électronique expérimentale et bidouillages électros-rocks se termine par un groupe monté par Hector Zazou (musicien touche à tout, néo-classique, world musique, rock ...), avec Bill Rieflin(électronique et percussions, principalement quelques cymbales), Katie Jane Garside (chanteuse sorcière allumée, lignes vocales simplissimes entremélées de cris façon Blixa Bargeld), Nils Petter Moelvaer (trompettiste qui retrouve des sonorités de son album "Khmer", mais qui a du mal à trouver sa place ce soir, et reste assez minimaliste), et Lone Kent (guitariste). Ils jouent de la Dark Pop, imbibée de Trip-Hop, dans des ambiances lourdes, Lynchiennes. Le public, resté froid pendant toute la soirée, déserte la salle.

dimanche 11 mars 2007

Katerina Ismaïlova (Théâtre du Châtelet - 10 Mars 2007)

Le compte-rendu de Laurent, encore plus enthousiaste que d'habitude, mettait la barre assez haut (mais n'a pas suffi à remplir la salle : il restait des places, vous étiez où, les gens ?), mais le spectacle le valait bien.
Tugan Sokhiev aime, je pense, le spectaculaire, la matière à brasser avec vigueur ; si sa lecture de Debussy en souffre, ici il trouve de quoi se faire plaisir, et nous combler. Les premiers actes pétaradent de traits ironiques aux bois, de bribes de fanfares triviales, d'allusions grivoises, de paysans "miteux", de gendarmes "occupés à ne rien faire", de nihiliste découpeur de grenouilles, de pope à la peine pour faire chanter la foule idiote, le tout dans un patchwork rudement efficace de rythmes de couleurs et d'ambiances (même si les années et les soucis administratifs, disons, ont un peu calmé les ardeurs de l'auteur du Nez, qui était encore plus brinquezingue). On assassine à coup de champignons sous les trilles joyeuses des flûtes, on amène un cadavre à la cave accompagné de mélodies guillerettes, on se déclare des amours illégitimes accompagné de valses onctueusement bourgeoises.
Si l'Orchestre National de France (complété par le Choeur de radio France) brille par sa vivacité, son mordant, sa flexibilité (dommage qu'il soit resté pour l'essentiel dans la fosse ; la scène ne pouvait-elle accueillir en même temps orchestre et choeur ? ou y aurait-il eu des problèmes d'équilibres sonores ?), les chanteurs ne sont pas en reste. Solveig Kringelborn est une émouvante Katerina, la seule à ne pas se servir de partition, et qui vit cette version "de concert" avec la même intensité de jeu que sur le plateau d'un opéra ; elle incarne magnifiquement cette criminelle malheureuse, le seul personnage que Chostakovitch accepte de peindre avec sérieux et empathie. Dans la galerie d'hommes veules, lubriques et ou stupides, deux mentions spéciales, pour Alexeï Tanovitski, imposant Boris, beau-père tyrannique et bientôt mort, et pour Ilya Bannik, en pope rigoureux mais limité.
Dans ce pot de vitriol, Chostakovitch sauve donc Katerina ; et les bagnards, aussi, qui traînent, tout ce dernier acte où la charge change, dans l'interminable ennui de la plaine, où le sordide cède au désespoir, jusqu'à la mort, qu'aucun enfant ne viendra saluer d'un quelconque "Hop Hop".

mardi 6 mars 2007

Anne Paceo invite (Duc des Lombards - 5 Mars 2007)

Depuis le fameux concert du Strada Quintet de début 2003, je ne crois pas être retourné aux Lombards. Concert annoncé ici à 21h, là à 21h30, finalement ce sera 22h10.

anne paceo et invités au duc des lombardsAnne Paceo tient aux Lombards une carte blanche mensuelle. Derrière ses fûts, elle peut pulser un drive très personnel, qui cache sous un swing rapide de continuelles petites surprises, un tapis sonore tout vibrant qu'il doit falloir apprivoiser avant de s'y sentir à l'aise ; elle peut aussi explorer les sonorités, couinements de cymbales, peaux tapotées des doigts, baguettes lâchées au-dessus des tomes, utilisation du métal des tiges et des attaches ... Elle vit pleinement la musique qu'elle offre, et son visage danse avec tout le reste, mines gourmandes, grimaces d'extase, elle est étonnante à regarder !

anne paceo et invités au duc des lombardsA ses cotés, le bassiste Stéphane Kerecki, le pianiste Yaron Herman, et la saxophoniste Alexandra Grimal. Un concentré de La Fontaine ! D'ailleurs Julien Caumer est là aussi ... Quasiment tous les morceaux joués seront des compositions de Kerecki ou de Grimal. De lui les morceaux les plus rapides, les plus swinguant, d'elle des morceaux plus lents, plus intérieurs, plus intenses. De la bonne et forte musique, pleine d'énergie et d'émotions. Je retiendrais particulièrement "Passage", de Grimal, où elle se contente de répéter une courte phrase, mais gorgée de ferveur, poignante d'intensité, tandis que Paceo tourbillonne des roulements grondants et asynchrones, comme un flux, que Herman et Kerecki complètent pour un paysage free bouleversant. Si Grimal est capable de rapidité virtuose, elle me fera la plus grande impression dans des explorations plus intériorisées, dans le registre de la ferveur, presque du mystique. C'est elle qui dirige la soirée. Même Yaron Herman semble un peu pâle à ses cotés, pourtant capable lui aussi de multiples registres, entre cavalcades impétueuses, rythmiques monkiennes, et minimalisme intense.

Commencer des concerts si tard, en plus un Lundi, m'empêchera d'assister au troisième set. Mais après Texier et Mahler, cela fait une forte densité d'excellente musique, telle que je n'en avais pas encore absorbé cette année !

Gustav Mahler - Symphonie 2 (Salle Pleyel - 4 Mars 2007)

Beaucoup de quêteurs sur les trottoirs, beaucoup de blogueurs dans la salle (Gvgvsse, Laurent, L'amateur, guillaume, Matoo ... qui n'ai-je point encore dans mon agrégateur ?).
Le premier mouvement me prend aux tripes ; une tempête glaçante d'effroi, pire que celle chassant Siegmund au début de la Walkyrie, une épopée dans le désespoir, dans les hauts (des tutti d'une puissance rare) et les bas (des pianissimos douloureusement tendus), des cris (hurlement terrifiant des cuivres) aux silences. Sir Simon Rattle n'hésite pas devant les effets, accentuant les contrastes, adoptant un rythme plutôt lent, marquant des pauses, et profitant de son orchestre. Quel admirable machine ! Une dynamique incroyable, des cordes qui réagissent au quart de tour, capables de créer de la profondeur de champ en passant dans le même trait d'archet du premier-plan au fond sonore, mais surtout une section de cuivres d'une clarté, d'une précision dans la brillance et d'une maîtrise dans la puissance comme jamais encore je n'avais entendu.
Les mouvements suivants m'accrochent moins. Que le volume tempéré de l'orchestre ne suffise plus à couvrir les sifflements du nez de ma voisine y est certainement pour quelque-chose (sans oublier les fauteuils qui grincent, les téléphones qui sonnent, les bonbons anti-toux qu'on dépiaute lentement ... fugaces envies de meurtre ...). Dans le "fliessender Bewegung", Je continue à avoir du mal à ne pas attendre les perturbations Beriotiennes (?) made in "Sinfonia" ; je n'y entends pas la grimace grinçante, trop de joliesse dans les timbres, de gaieté dans l'allure. Le "Urlicht" est magnifique, mais j'en attendais sans doute trop, puisque me voilà déçu de ne pas être ému aux larmes.
Le final m'emporte, par contre. J'ai beau avoir révisé mes leçons, les effets de spatialisation surprennent un peu ! Mais combien sont-ils, planqués ainsi ? La question s'efface devant l'émotion du choeur, et des voix solistes, Dorothea Röschmann et Bernarda Fink, qui s'immiscent entre les voix du Choeur de radio France pour s'épanouir au grand air (j'ai du mal à transcrire par une métaphore compréhensible l'effet que cela crée ; quelques fins traits de couleurs vives pour que tout le tableau vibre et flamboie ?) ; expérience de l'ordre de la sidération.

samedi 3 mars 2007

Planning Mars - Avril 2007

Avec un peu de retard ...

Et un peut-être, mais comme je n'ai assisté à aucun peut-être du précédent planning ...

vendredi 2 mars 2007

Henri Texier Strada Sextet (New Morning - 1 Mars 2007)

Ce blogue n'est vraiment pas vieux, si je n'y ai pas encore commenté de concert du Strada, alors que je les ai déjà vus deux fois, en quintet au Duc des Lombards, sans doute mon premier concert de jazz, où j'ai dormi tout le deuxième set, assommé par la structure en solos successifs auxquels je ne comprenais rien, puis à la Cité de la Musique, en Septembre 2003, où Codjia venait d'agrandir l'effectif au sextet, et n'était pas encore totalement intégré.

strada sextet au new morningSextet donc, qui s'installe presque à l'heure sur la scène du New Morning, pour plus de deux heures de musique intense et généreuse.
A la contrebasse, Henri Texier dirige la manoeuvre, tour de contrôle, distributeur des cartes, glisse un mot amer sur les intermittents, une dédicace à Daniel Znyk, mais peu de mots, beaucoup de notes, et un plaisir visible à écouter ses partenaires, à se laisser surprendre par leurs interventions et leurs inventions.
A la batterie, Christophe Marguet, c'est du lourd, ce soir. Non qu'il ne soit par moments capable de légèreté, de subtile poésie dans les percussions exotiques ou les frôlements de cymbales, mais le plus souvent, c'est une énergie révoltée qu'il exprime, en pilonnage sauvage des tomes, une densité qui semble ne jamais pouvoir s'essouffler, une férocité assez rock, en fait, qui s'épanche dans de prodigieux solos.
strada sextet au new morningManu Codjia renforce parfois cette base rythmique, hachant du picking au-dessus de la contrebasse. Parfois au contraire lissant de belles nappes diversement colorées. Parfois enfin se lançant dans d'énergiques triturations hendricksiennes, qui viennent alors compléter le coté rock de Marguet. Une étendue de styles qui lui permet de ne jamais se répéter, de ne jamais être prévisible.
Au trombone, Guéorgui Kornazov voltige, des mélodies acrobatiques, des hululements que son instrument rend spectaculaires, courbé en arrière et bras tendu sur la coulisse.
La moins forte impression viendra de François Corneloup, au saxophone baryton, qui fera passer pas mal de solos en pure force, assez loin de l'évidence dégagée par ses comparses.
Reste Sébastien Texier, à la clarinette ou au saxophone alto. Il a gagné en maturité, en richesse de langages et de techniques, en intensité lyrique, en énergie et en émotion, une inspiration par moments coltranienne, par moments enrichie d'accents klezmers, des solos qui embarquent et nous emmènent très loin, monumental.

strada sextet au new morningDans ces heures magnifiques, on notera les deux "suites", montage de morceaux joués sans interruption, dont la deuxième qui s'achèvera sur un "Afrique à l'eau / O Africa" débordant d'énergie convulsive (presque trop à mon goût ...). ; les respirations des "flaques", morceaux joués en duo ; une version bouleversante de "Valse à l'eau", et un bis tout en subtile douceur, magnifique solo de contrebasse, puis batterie jouée à mains nues, pour finir dans des notes pleines de simple souffle par les trois cuivres.