dimanche 11 mars 2007

Katerina Ismaïlova (Théâtre du Châtelet - 10 Mars 2007)

Le compte-rendu de Laurent, encore plus enthousiaste que d'habitude, mettait la barre assez haut (mais n'a pas suffi à remplir la salle : il restait des places, vous étiez où, les gens ?), mais le spectacle le valait bien.
Tugan Sokhiev aime, je pense, le spectaculaire, la matière à brasser avec vigueur ; si sa lecture de Debussy en souffre, ici il trouve de quoi se faire plaisir, et nous combler. Les premiers actes pétaradent de traits ironiques aux bois, de bribes de fanfares triviales, d'allusions grivoises, de paysans "miteux", de gendarmes "occupés à ne rien faire", de nihiliste découpeur de grenouilles, de pope à la peine pour faire chanter la foule idiote, le tout dans un patchwork rudement efficace de rythmes de couleurs et d'ambiances (même si les années et les soucis administratifs, disons, ont un peu calmé les ardeurs de l'auteur du Nez, qui était encore plus brinquezingue). On assassine à coup de champignons sous les trilles joyeuses des flûtes, on amène un cadavre à la cave accompagné de mélodies guillerettes, on se déclare des amours illégitimes accompagné de valses onctueusement bourgeoises.
Si l'Orchestre National de France (complété par le Choeur de radio France) brille par sa vivacité, son mordant, sa flexibilité (dommage qu'il soit resté pour l'essentiel dans la fosse ; la scène ne pouvait-elle accueillir en même temps orchestre et choeur ? ou y aurait-il eu des problèmes d'équilibres sonores ?), les chanteurs ne sont pas en reste. Solveig Kringelborn est une émouvante Katerina, la seule à ne pas se servir de partition, et qui vit cette version "de concert" avec la même intensité de jeu que sur le plateau d'un opéra ; elle incarne magnifiquement cette criminelle malheureuse, le seul personnage que Chostakovitch accepte de peindre avec sérieux et empathie. Dans la galerie d'hommes veules, lubriques et ou stupides, deux mentions spéciales, pour Alexeï Tanovitski, imposant Boris, beau-père tyrannique et bientôt mort, et pour Ilya Bannik, en pope rigoureux mais limité.
Dans ce pot de vitriol, Chostakovitch sauve donc Katerina ; et les bagnards, aussi, qui traînent, tout ce dernier acte où la charge change, dans l'interminable ennui de la plaine, où le sordide cède au désespoir, jusqu'à la mort, qu'aucun enfant ne viendra saluer d'un quelconque "Hop Hop".

1 commentaire:

Anonyme a dit…

"vous étiez où, les gens ?"

Premier rang, en face de Katerina ! Mais comment t'as fait pour pas me voir, scandale ! o_O