mercredi 20 juin 2007

Recherche - Nunes (Espace de projection IRCAM - 19 Juin 2007)

Emmanuel Nunes - Rubato, registres et résonances

Etrange titre, pour une étrange pièce. Prenons un morceau de Bach, l'invention en fa mineur. Ralentissons la. Transposons la pour flûte, clarinette et violon. Mais débutons, pour donner le ton, par une flûte octobasse (monstre de 3 mètres de long, plié en forme de 4), et une clarinette basse en si bémol. Les vrombissements et trépidations rendent méconnaissable la partition de départ. A un moment, la mélodie effleure. Mais le reste du gros quart d'heure se passe en plongée dans le son, atmosphère quasi lugubre, une forme assez originale de nostalgie.

Emmanuel Nunes - Improvisation II Portrait

Plus de vingt minutes d'alto solo, du coup c'est Christophe Desjardins qui s'invite. La nouvelle "La Douce" de Dostoïevski a inspiré cette série de pièces pour effectifs variés appelées "Improvisation". Desjardins utilise deux violons, accordés différemment, l'un normalement, l'autre "en scordatura, induisant des tiers et des sixièmes de ton" explique le bienvenu livret. Cela donne un son flottant, qui semble naviguer entre les effets, les échos, les émotions, les souvenirs vaporeux. Comme souvent chez Nunes, j'ai la sensation d'une exploration d'un état mental, capté par de multiples variations exposées successivement parce que c'est ainsi que fonctionne la musique, mais qui pourraient être données dans un tout autre ordre, puisque ce ne sont que des parcelles d'un tout, qui seul vraiment compte ; un paysage parcouru au hasard, non pour la beauté du parcours, mais bien pour la beauté du paysage lui-même.

Emmanuel Nunes - Improvisation I für ein Monodrama

Cette fois, l'ensemble Recherche est plus complet sur scène, et utilise même les services d'un chef d'orchestre, Emilio Pomarico. En fond de scène, de longs stands de percussion, derrière lesquels s'agitera et courra même parfois Christian Dierstein. Devant, les autres musiciens, également entourés de cloches, de plaques, de tomes, qu'ils frapperont parfois tout en jouant. La pièce se compose essentiellement de phrases assez courtes, volubiles, denses, séparées par de courtes pauses ; ces phrases ont des caractères variés, entre lesquels on zappe de moments en moments. Vers la fin, un régime plus stable s'établit, qui diffuse une belle lumière, comme un apaisement difficilement atteint. Entretemps, une femme devant moi nous offrira un long sketch sur la crise de toux nerveuse, avec étouffements dans le gilet, fouille du sac pour trouver la bouteille d'eau au milieu des sacs plastique, lent dépiautage du bonbon offert par une voisine, petits gestes de la main pour signifier son impuissance à arrêter, mais sans aucune indication de vouloir se lever pour quitter la salle.
Cela mettait un peu d'animation dans un concert qui me laisse penser que l'essentiel de la musique de Nunes m'échappe, j'ai l'impression de n'en gouter que la surface.

Aucun commentaire: