dimanche 30 septembre 2007

La Genèse - EIC (Cité de la Musique - 28 Septembre 2007)

Retrouvailles avec l'EIC : Susanna Mälkki toujours en noir, pantalon de cuir, et long manteau ; un nouveau violoniste dans les rangs, Diégo Tosi ; Daniel Ciampolini désormais listé en tant que "musicien supplémentaire".
Des cartes postales distribuées à l'entrée nous informent d'un nouveau site, Musicaréaction, une sorte de blog de l'EIC permettant d'écouter des extraits musicaux, de réagir et de commenter, dans une ambiance peu guindée, initiative qui me semble fort intéressante ! Vous pouvez y entendre des extraits (de plusieurs minutes) de trois des oeuvres présentées ce soir.

György Ligeti - Melodien

Tiens, du Ligeti que je n'ai pas dans mes CD ! Plus que les mélodies, ce qui me frappe, c'est la texture : de longues notes tenues discrètement dans le fond sonore, un poudroiement scintillant au premier plan de cellules brèves et aiguës, et l'essentiel de la sauce en lignes entrecroisées, parfois strictement, parfois plus relâchées, qui donne une sensation de flux à la fois libre et sous contrôle. La polyrythmie, bien qu'omniprésente, n'est jamais mise en avant, les couches s'agencent, s'intègrent et mutent de manière très naturelle, limpide et chatoyante.

Pierre Jodlowski - Drones

Dès que les musiciens commencent à jouer et que le son sort, simplement amplifié, par les haut-parleurs, je grimace. Cela permet à un pizzicato de violoncelle d'entrer en compétition sonore avec un roulement de caisse claire, de procéder dans l'orchestre à des sortes de gros plan grossissants, mais cela contribue, et pas qu'un peu, à une certaine artificialité de l'ensemble de l'oeuvre, en création ce soir. L'auteur évoque faux-bourdon, avions furtifs, et David Lynch. L'engagement physique des musiciens m'a semblé surtout bruyant, banalement brutal, cherchant à impressionner, et du coup assez ennuyeux.

Veli-Matta Puumala - Chains of Camenae

23 musiciens, cela ressemble plus à un orchestre. Il y a de bout en bout une forte tension narrative, Puumala menant de front diverses contraintes qui structurent les développements successifs, avec comme effet qu'on se demande "où va-t-il nous mener ?" et "va-t-il s'en sortir ?". L'efficacité indéniable de l'écriture orchestrale s'appuie néanmoins sur des effets parfois un peu douteux, l'oeuvre résisterait-elle à des écoutes répétées ?

Gérard Grisey - Le temps et l'écume

La soirée était placée sous le signe de "La Genèse", c'est cette dernière pièce qui l'évoque le mieux, avec cette longue et lente introduction en bruit presque imperceptible "dans la plaine naît bruit / c'est l'haleine de la nuit", que parcourt et agite de légères vagues crissantes, pour peu à peu enfler, nous amener du monde sonore des insectes à celui des baleines (dixit le livret), un voyage à la fois physique et mystique, organique et onirique, dans le son et dans les étoiles. Comme souvent pour ce genre de musique (spectral accompli, ou post-spectral), je m'endors à moitié (mais pas à la Raymond, chez moi ce type d'engourdissement est plutôt bon signe), embarqué volontaire dans des visions fascinantes mais frustrantes (j'aimerais en même temps être pleinement attentif aux événements musicaux, c'est une pièce que je n'aurai pas la possibilité d'écouter à nouveau avant longtemps, et pouvoir l'absorber de cette manière mi-consciente qui me comble si plaisamment d'images).

vendredi 21 septembre 2007

Britten Berners Elgar (Salle Pleyel - 19 Septembre 2007)

Musique anglaise pour ce début de saison, jouée par l'orchestre de Paris, dirigé par Jeffrey tate, dans une salle Pleyel fort peu pleine, malgré des renforts de bus.

Benjamin Britten - A Time There was...

L'orchestre est réduit aux dimensions d'un grand ensemble de chambre, pour cette suite d'airs populaires anglais, et Britten utilise pour chaque pièce une instrumentation particulière, pour lui donner une couleur caractéristique (des roulements de timbales ici, de la harpe là ...). Ultime oeuvre purement orchestrale de Britten, c'est magnifique, poignant par moment mais toujours avec l'élégance de la tendresse ou de l'humour ; à se procurer (un passage après concert au Virgin me permet de découvrir que l'ancien espace Classique accueille désormais également le Jazz, ce qui laisse deviner la place dévolue à la musique contemporaine ; leur espace Jazz était assez étendu à une époque, il semblerait que le public n'ait pas récompensé leurs efforts, dommage ... Bref, peu de Britten dans les rayons, et pas cette oeuvre-ci en tous cas).

Lord Berners - The Triumph of Neptune

Dans cette suite de ballet, on peut retrouver des élans de fièvre raveliens, à la fois lourds et virevoltant, on peut aussi sourire lors d'évocations stravinskiennes à la Pulcinella, préciosité des timbres exacerbée jusqu'à l'ironie, mais la plupart du temps on s'ennuie ferme, devant un paysage de cartes postales, de formules toutes faites, comme un film hollywoodien qui permet de distinguer le simple talentieux du vrai créateur ; l'orchestration est bien foutue, mais il n'y a guère d'intérêt. De la musique qui s'oublie au fur et à mesure qu'elle s'écoute : en ce sens, effectivement, c'est aussi médiocre que la plupart des musiques de film.

Edward Elgar - Enigma Variations

Il est probable que ma première audition était particulièrement exceptionnelle, puisque cette fois je suis gêné par des détails (mise en place ou choix d'interprétation) : des cors trop présents, une dynamique dans les cordes trop démonstrative ... Le LSO trouvait chez Elgar sa langue maternelle ; ce n'est pas le cas de l'Orchestre de Paris. Mais l'essentiel est là : la grâce triste des moments lents, Nimrod, et le final qui m'emporte.

dimanche 16 septembre 2007

RSO - Chabrier Copland Dvorak (Blanc Manteaux - 15 Septembre 2007)

Emmanuel Chabrier - La Joyeuse Marche

Le morceau cache sous une apparence débonnaire, "déboutonnée" dit le livret, une certaine complexité de cellules rythmiques, mais arrive pourtant en à peine quelques minutes à être répétitif et lassant. Le redonner en bis final ne fera que renforcer l'impression.

Aaron Copland - Billy the Kid Ballet

Le chef d'orchestre John Dawkins commence par une explication de texte, mettant la salle dans sa poche, et illustrant de quelques extraits musicaux la séquence des péripéties du ballet : double meurtre des cow-boys qui ont tué sa mère, partie de cartes qui tourne mal, évasion de prison, duel fatal ... La musique alterne les moments fort agités, où les réverbérations aléatoires de la salle des Blancs-Manteaux n'aident pas vraiment à apprécier les superpositions stravinskiennes, et des séquences plus calmes, le vent dans les plaines, la nuit autour d'un feu de bois, la mort de Billy, emplies d'une poésie pleine d'espace très américaine. Pourquoi ne donne-t-on pas plus souvent du Copland dans les grandes salles parisiennes ?

Antonin Dvorak - Symphonie 9 "Nouveau Monde"

Voilà typiquement le genre de musique célèbre et classique que je n'entendais guère que dans les concerts du RSO ; c'est moins le cas avec la programmation Pleyel, et de fait, j'ai entendu cette symphonie en Janvier dernier. Le succès, et les applaudissements en fin de chaque mouvement, restent assurés. Un voisin derrière moi chantonne et annonce les airs successifs. "The initiales, the initiales, B. B.". Finalement, ça s'écoute sans déplaisir !

mardi 11 septembre 2007

Aka Moon et invités - 15 years (Cabaret Sauvage - 9 Septembre 2007)

Se faire saluer par le vendeur de disques présent à l'entrée d'un "Bonsoir Mr Hatology" en référence aux soi-disant nombreux disques que j'achète dans cette collection au comptoir de la Cité de la Musique promettait une soirée particulière. Elle fut de fait extraordinaire.
Pour fêter leurs 15 ans de pérégrinations musicales et transcontinentales, les trois compères d'Aka Moon ont invités certains de leurs compagnons de voyage. Presque 10 personnes sur scène, pour une évocation, dixit Fabrizio Cassol, de diverses périodes de leur carrière. Et autant d'occasions de rencontres, de confrontations, d'échanges.
Ça commence par un duo, entre Baba Sissoko, griot malien, voix et percussion, et Tcha Limberger au violon ; Limberger, venu du jazz manouche, s'évade plus du coté de l'Inde, et discute avec l'Afrique, qui se répondent et se trouvent sans avoir à se dénaturer. Puis Stéphane Galland démarre. Il saura ce soir rester presque sobre, tant le plateau est suffisamment riche, il ne peut se permettre de présenter à tous ses musiciens un sol aussi accidenté que d'habitude. Du coup, la vedette sera peut-être plus Michel Hatzigeorgiou, impérial d'énergie et d'enthousiasme. Son solo habituel, avec boucles enregistrées en direct, et explorations du coté des frottages et sons électroniques, se prolongera ce soir par l'adjonction d'un duo vocal magnifique, Baba Sissoko d'un coté, Magic Malik de l'autre, atmosphère magique, mystique et sereine. A la flûte, Malik aura déjà eu son heure de gloire, en duo avec la guitare de Nelson Veras, échange de liquidités frémissantes.
Tous ces univers musicaux se frottent et complètent leurs couleurs dans de splendides échanges. Seul le percussionniste indien Sivaraman aura plus de mal à se couler dans le format, habitué à des cellules et développements plus longs, si bien que son premier solo met bien longtemps avant de vraiment démarrer. Mais il se rattrapera par la suite, avec entre autre un solo vocal où il se moquera aussi du langage gestuel de Cassol.
Car celui-ci tente de diriger tout ce petit monde, lançant les thèmes bien sur, mais aussi demandant à l'un ou l 'autre de prendre un solo, d'allonger une séquence ou de couper court.
Un mot sur Adam Woolf, à la saqueboute (trombone baroque) : son apport fut indécelable, il ne se mettra pas une fois du concert en avant ; n'était-il là que comme rappel de l'expérience VSPRS à laquelle il participa ?
Après plus de deux bonnes heures de musique, et un petit rappel, ils quittent la scène, nous laissant un peu groggys mais ravis, et promettent de revenir plus tard pour fêter la fin du festival, dont c'est effectivement le dernier soir. Je quitte les lieux les oreilles remplies de notes, pour traverser le parc illuminé dans la nuit. Moment de plaisir plein.

lundi 10 septembre 2007

Steve Coleman & Five Elements avec le Kroger Quartet (Cité de la Musique - 8 Septembre 2007)

Voici Steve Coleman dans sa formation la plus habituelle, les "5 elements", qui ce soir sont ... 5.
Au centre, le bassiste, Thomas Morgan. Sonorité profonde, jeu puissant, à la fois précis, rigide pour tenir debout dans la tempête, et suffisamment souple pour s'y mouvoir sans rompre, il donne à l'ensemble une colonne vertébrale indispensable.
D'un coté, le batteur Tyshawn Sorey et le percussionniste Pedro Martinez. Sorey est prodigieux : il a une puissance de feu phénoménale, qui parfois couve et parfois flamboie, mais dans une variété de textures, de couleurs, d'intensités qui renouvelle constamment l'attention, même dans les sections les plus péchues. Martinez complète le flux rythmique, touche discrète en fond sonore, ou prenant le premier plan dans quelques solos bien sentis. Leur ensemble donne une matière assez dense mais jamais étouffante.
De l'autre coté, les souffleurs. Steve Coleman, à l'alto, lyrique et fécond, inventif et généreux ; Jonathan Finlayson, le compagnon de plus longue date il me semble, à la trompette, qui le complète pour des enjolivures délicatement ornées ; et la chanteuse Jen Shyu dont la voix se fond dans les cuivres des deux précédents, glissant ça et là des paroles, mais se contentant le plus souvent de ponctuations mélodiques, mais pas assez variés pour ne pas à la longue lasser.
Au bout de trois quart d'heure vient s'ajouter le quatuor à cordes Kroger. La fusion entre les deux univers n'est que très parrtielle. Le quatuor est traité comme un instrument unique, le plus souvent en imitation d'une ligne de saxophone légèrement arpégée. Leur apport reste donc tristement superficiel, un léger glacis décoratif.
Mais la richesse de la musique, les constantes mutations du flux rythmique, les lignes mouvantes de Coleman et Finalyson, suffisent amplement pour une soirée enivrante de sons tourbillonnants.

Autre avis : Jazz à Paris

jeudi 6 septembre 2007

Steve Coleman - Aquarius Ingress (Cité de la Musique - 3 Septembre 2007)

Octurn / Magic Malick

Octurn est un groupe belge de Jazz qui se définit comme imprévisible (leur dernier disque passe en streaming sur leur site, écoutez-le pour avoir une bonne idée du concert). Effectif mouvant (ce soir, ils sont 10 sur scène), répertoire varié entre jazz-rock et musique contemporaine, entre autres. Les morceaux se déploient longuement, nimbés d'électronique (Jozef Dumoulin au Fender Rhodes apporte une couleur essentielle à l'ensemble, que complètent les bidouillages de Gilbert Nouno), sur une base rythmique peu jazz (basse électrique assez sommaire de Jean-Luc Lehr, batterie au groove plutot funk-rock de Chander Sardjoe) qui sait se taire souvent, ambiances souvent nocturnes que traversent des épisodes plus agités et de rares solos vraiment identifiables, le plus souvent simples éléments du son collectif (Magic Malik ne doit son nom sur l'affiche en position proéminente qu'à sa notoriété : ses solos se fondent dans l'ensemble, qui sur son site le liste comme un membre normal) ; c'est du prog-jazz intéressant, captivant par moments, avec une sensation de temps ralenti et flottant.

Steve Coleman - Aquarius Ingress

Projet intriguant : 4 saxophones, 2 clarinettes, et rien d'autre. Nous avons donc, malheureusement platement alignés sur la scène de façon tristoune, Tony Malabi et Ravi Coltrane au saxophone ténor, Steve Coleman et Miguel Zenon au saxophone alto, Mike McGinnins et Chris Speed à la clarinette. Le premier morceau présente plusieurs manières d'organiser cette manière sonore : en un jeu d'échos et de décalages entre les voix, ou en ensemble compact sur lequel un soliste se distingue, etc. Une série de duos permettra à chacun de briller plus facilement. De manière générale, c'est là du jazz qui s'adresse plus à la tête qu'aux tripes ; les musiciens, tous exceptionnels, semblent se retenir presque tout le temps, soucieux de respecter le format général. Je connaissais déjà Coleman et Coltrane, je découvre particulièrement Malaby, à l'allure impressionnante et qui explore précieusement les sonorités les plus fragiles de son instrument, et Zenon, aux solos les plus naturels et expansifs.
Nombreux sont les spectateurs qui quittent la salle en cours de route, au goutte à goutte pendant les morceaux (le bruit sourd des portes qui claquent ponctuant de manière fort audible l'ensemble des souffleurs, qui ne produisent guère de basses fréquences) et en flux plus intense, entre eux : avaient-ils lu l'affiche ? à quoi s'attendaient-ils ?
Cette formation façon sextuor à vent est jeune ; ça manque encore un peu de spontanéité, ils s'écoutent beaucoup, cherchent un peu leurs marques ; mais le potentiel est là, original, prometteur, et plein à craquer de talents !

Voir aussi : Jazz à Paris, Allegro-Vivace