jeudi 20 décembre 2007

Cantates de Bach par Harnoncourt (Salle Pleyel - 18 Décembre 2007)

"Wer Gott fürcht', bleibt ewig stehen", "Immer und in Ewigkeit !", "Ewig in dulci jubilo", concluent successivement les trois cantates de la soirée, placée ainsi sous le signe de l'éternité.

Johann Sebastian Bach - Cantate BWV 26

J'aime beaucoup le chorus introductif. Si les cordes du Concentus Musicus Wien s'amusent à des variations d'intensité sans grands intérêts, la section des vents me sied particulièrement, et ce tout au long de cette cantate. Voix impeccables, même si, pour le plaisir de chipoter, on peut regretter un léger manque d'intensité chez le ténor Kurt Streit, et un coté empaté chez la basse Anton Scharinger. Difficile de trouver quelque défaut chez Julia Kleiter et Elisabeth von Magnus. Nikolaus Harnoncourt dirige tout ce beau monde sans estrade, par moments très minimal, puis se tournant vers tel ou tel pour l'exhorter avec forces gestes.

Johann Sebastian Bach - Cantate BWV 36

Une grande cantate, avec un choeur en milieu de parcours suffisament conclusif dans son ton pour tromper quelques spectateurs qui manquent d'applaudir ! Particularié il me semble plus rare : pas de récitatif ! Me restera surtout la beauté de l'harmonie des deux voix féminines lors du choral les unissant.

Johann Sebastian Bach - Cantate BWV 140

Le livret met en avant les deux duettos, entre basse et soprano. Je préfère nettement le second, où les voix se superposent, au premier, où elles se répondent en s'apposant. Quelques airs fort connus parsèment l'oeuvre, qui se termine par un décollage du choeur impressionnant, par étages successifs.

mardi 18 décembre 2007

Petits profits

Chronologie vélibienne :

  • j'envoie dossier et chèques le 20 Octobre ( il aura fallu deux jours de grève pour me pousser à l'action !),
  • Vélib encaisse le chèque le 7 Novembre
  • et poste ma lettre d'abonnement le 12 Décembre,
  • à la réception de laquelle j'active mon abonnement, le 17 Décembre
Et là, surprise :
Votre compte prend fin le : 04/11/2008
Plus d'un mois d'abonnement bouffé par leurs délais, sympa ...

lundi 17 décembre 2007

Cycle Pierre Boulez 6 (Cité de la Musique - 16 Décembre 2007)

De nouveau une sorte de rapprochement Bach - Boulez, mais par compositeurs interposés : avant chacune de trois courtes pièces de Boulez, nous entendrons une commande de l'Orchestre de Paris à trois compositeurs plus jeunes, qui devaient transcrire des extraits de l'Art de la Fugue de Bach, en utilisant l'effectif orchestral de la pièce boulezienne. De manière surprenante, le public n'est pas invité à applaudir à la fin de ces préludes, les trois compositeurs ne venant saluer ensemble qu'avant l'entracte.

George Benjamin - Transcription d'extraits de l'Art de la Fugue

De belles couleurs pour deux extraits, un cor doucement brillant à travers le rideau des cordes pour le "Canon in Hypodiapason" et un fouillis délicat de pizzicati pour le "Contrapunctus VII".

Pierre Boulez - Memoriale

Etrange d'entendre un autre ensemble que l'EIC dans ces oeuvres ! Christoph Eschenbach dirige les solistes de son Orchestre de Paris, complétés de musiciens que le livret, encore une fois, refuse de nommer, je trouve ça méprisant, et incorrect. Vicens Prats joue la partition pour flute avec beaucoup de douceur.

Marc-André Dalbavie - Transcription d'extraits de l'Art de la Fugue

C'est la transcription la plus surprenante, qui, sur le "Contrapunctus XIX", met en avant un piano pré-romantique déniché je ne sais où entre les notes de Bach ! Clarinette, violon et violoncelle auront droit à un petit trio rapide et presque virtuose, mais le piano reprendra bientôt son discours tranquillement ému.

Pierre Boulez - Dérive 1

r a s. Ah si : pas la peine d'être à l'EIC pour jouer correctement cette pièce, c'est rassurant !

Bruno Mantovani - Transcription d'extraits de l'Art de la Fugue

Décevant. Les "Contrapunctus VI" et "Contrapunctus I" sont assez banalement distribués entre les violoncelles, qui ornent les lignes de quelques effets modernes ; le livret indique que ces intrusions permettent d'indiquer de nouvelles pistes de lecture du contrepoint, mais à l'écoute, cela ne fonctionne pas, et plutôt que de forer la structure, ils ne passent que comme des décorations dispensables.

Pierre Boulez - Messagesquisse

Révélation : en fait, c'est un concerto pour violoncelle ! Une intro où le soliste se réveille puis secoue ses six partenaires, suivie par un scherzo frénétique où les septs violoncelles rivalisent de dextérité, une cadence soliste lente mais intense, puis un final fortement agité, c'est un découpage fort classique (même si le premier mouvement est plus une fugue qu'une forme sonate, faut pas non plus exagérer) ! Une interprétation à garder dans les annales. Eric Picard sort de l'épreuve comme exténué, vidé par la tension.

Pierre Boulez - ...explosante/fixe...

Après l'entracte, Pierre Boulez s'installe face à l'EIC. Emmanuelle Ophèle au centre, Sophie Cherrier et Marion Ralincourt sur les bords, la spatialisation électronique IRCAM tout autour, c'est la complète, pour une grosse demie-heure de musique où je me laisse glisser, qui m'enveloppe comme une mer traversée de courants mouvants, une texture soyeuse et chatoyante, ondoyante et joyeuse. Quelques épisodes vers la fin prennent plus précisément corps, au sein de cet univers liquide et vaporeux, mais c'est sans doute affaire de concentration que de ne pas les remarquer auparavant, ou affaire de gout, de préférer pour ce soir une écoute immergée et passive.

samedi 15 décembre 2007

Jean-Luc Lagarce - Retour à la citadelle (Théâtre des Abbesses - 14 Décembre 2007)

Le début ressemble à un extrait du "Charme discret de la bourgeoisie" de Bunuel, où une famille en train de diner s'aperçoit soudain qu'ils sont sur une scène de théâtre. Ici, une longue table dans le fond, des convives assis tous de dos, l'un se retourne, fait un signe discret à son voisin qui zieute à son tour le public, enfin une jeune femme prend la parole, "C'est à moi ?", pour nous expliquer la situation, pourquoi tout ce monde est réuni là, pour célébrer l'arrivée du nouveau gouverneur. D'une manière générale, cette pièce est plus faite de monologues que de dialogues, adressés bien souvent aux spectateurs, auxquels les personnages adressent des discours interminables, légèrement ronflants, remplis de digressions et de ressassements, bâtis autour de formules répétées à l'envi, avant d'être brutalement interrompus par un autre personnage revendiquant son tour à la parole "c'est à moi, maintenant ?".

Qui sont-ils ? Il y a l'ancien gouverneur et sa femme, qui ont atterri dans ce morceau de terre perdu loin de la métropole, sans trop même savoir si ce n'était pas une sinistre farce, mais décidant que "ce qu'il fallait prouver", c'est l'appartenance de cette Cité ("Disons 'Cité', c'est bien, c'est plus net, plus précis ... quoique précis, comment dire ? ...") à l'Etat (abandonnés là sans instructions, et n'échappant ainsi qu'à peine, par des discours pompeux qui ne font guère illusions, au sentiment d'absurdité totale de leur situation).
Il y a l'intendant, fonctionnaire obséquieux que "cela [...] gênerait d'avoir l'air pédant tout de suite", qui a écrit un petit compliment "dans les règles de l'art", mais aussi un dossier sur les manquements de ses petits camarades, "de la lecture pour ses prochaines soirées. Le tout bien sur dans une langue pure et claire, à la limite peut-être de l'exercice littéraire, ou du simple rapport opportun, mais non dénué, et ce peut être ma fierté, non dénué de style et d'images poétiques, métaphoriques en diable. Mon oeuvre."
Il y a un ancien ami du nouveau gouverneur, qui tente de s'imposer à son souvenir défaillant, pour en tirer peut-être quelque avantage, mais sincère peut-être aussi, si désespéré de ne pas être reconnu.
Il y a la soeur et la mère du nouveau gouverneur, qui lui en veulent de s'être enfui il y a 10 ans à la métropole, sans donner signe de vie, au point d'être pensé mort, ou, pour la soeur, de s'être enfui sans elle, l'abandonnant dans ce trou où elle n'a rien fait de sa vie. Il y a aussi le père, mais il restera muet.
Et enfin, le nouveau gouverneur lui-même, jeune homme peu causant, qui restera assez opaque, fuyant d'une conversation à l'autre, retournant dans la cité plus en situation d'échec que de triomphe.

Au sein de ces paroles dévidées plus qu'échangées, des pépites de vérité sont glissés, sous les banalités. Cela rend la pièce passionnante à suivre, on scrute, on guette, derrière la mécanique souvent très drôle des mots, les sentiments et les confessions. Tout ce petit monde est futile, ridicule dans leurs échecs, leurs déceptions, leurs souffrances ; mais le texte ne les assomme pas de cynisme, est rempli au contraire de tendresse et d'empathie pour ces amoindris fatigués par la vie.

La mise en scène de François Rancillac est excellente. Décor unique, gravier, table, chaises, lampadaire, posés sur un socle circulaire tournant, ce qui donne de belles surprises, décor tout retourné après une seconde de noir. Cela désoriente, et donne, aidé par le hachage aussi du texte, où les interruptions sont constantes, une impression d'un temps indéfini, cette cérémonie de bienvenue pouvant durer quelques heures, ou un morceau d'éternité.

Coté acteurs, je marquerai spécialement Olivier Achard, intendant un peu dégoulinant de préciosité et d'ambition mal dissimulée, Martine Bertrand, mère confondante de naturel, et Yves Graffey, père muet mais à la présence lourde, comme douloureuse, impressionnante.

Bref, un spectacle que j'ai beaucoup aimé, et un texte très fort, acheté en fin de représentation, alors que je n'ai presque aucune pièce de théâtre dans ma bibliothèque ("Pour un oui ou pour un non" de Sarraute, et "Dans la solitude des champs de coton" de Koltès, et c'est tout).

jeudi 13 décembre 2007

Cycle Pierre Boulez 5 (Cité de la Musique - 12 Décembre 2007)

Pierre Boulez - Rituel in memoriam Bruno Maderna

Surprise lors de l'arrivée dans la salle : les 8 groupes instrumentaux sont amplement spatialisés, répartis sur des plateaux tout autour de la salle : 3 groupes instrumentaux sur la scène, 3 en fond de salle, 1 de chaque coté ; et Pierre Boulez qui s'installe sur une estrade centrale, dans mon dos donc, vu que je suis au premier rang. "Rituel" est une des pièces les plus accessibles de Boulez, basée sur des principes assez simples : une succession de sections impaires au rythme lent dicté par le chef, et des sections paires pas plus rapides mais plus libres ; une lente augmentation des durées et des volumes, les groupes s'ajoutant les uns aux autres les uns après les autres ; une déflation en ultime section pour faire le voyage dans l'autre sens. Mais c'est aussi l'une des plus directement émouvantes : les résonances des gongs, les appels répétés des cuivres, les duos des clarinettes, le caractère hiératique, apparemment répétitif mais toujours changeant, tout cela donne une partition atypique, funèbre sans être lugubre, portant au recueillement et à l'introspection, un requiem d'acceptation plus que de révolte.
Ls forte spatialisation pose la question de l'emplacement dans la salle, qui recoupe un peu le problème du recours au hasard : il faudrait entendre plusieurs fois l'oeuvre, en se déplaçant dans la salle, pour en avoir une vision globale ; l'écoute est donc forcément un peu frustrante : ce que font précisément les groupes du fond de salle, je ne sais pas, masqués qu'ils étaient par les cuivres devant moi.

Augusta Read Thomas - Helios Choros III

L'Orchestre de Paris est revenu sur scène normalement, et Cristoph Eschenbach s'installe au pupitre. Cette pièce, partie finale d'un triptyque, s'orne de détails orchestraux constamment renouvelés, mais a tendance du coup à se noyer un peu dans des détails, sans qu'une forte personnalité ne se dégage. La fin par contre est magnifique, un solo de violon sur fond glacé et tendu de cordes minimales, puis deux ponctuations d'archet, et silence.

Pierre Boulez - Eclat/Multiples

Exit Orchestre de Paris, bienvenue à l'EIC. Pierre Boulez de nouveau dirige. "Eclat" est trop pointilliste à mon gout, une succession de bribes de notes, déclenchées au doigt et à l'oeil par le chef. Ca scintille et ça poudoroie, mais à vide. Plus de belle matière pour le second volet "Multiples", avec le renfort de 8 altos. Des sonorités pour le coup typiquement bouleziennes.

dimanche 9 décembre 2007

Cycle Pierre Boulez 4 (Cité de la Musique - 8 Décembre 2007)

Après Monteverdi, c'est Bach qui est apposé à Boulez. Mais le résultat est moins fructueux : les deux musiques ne me semblent guère s'enrichir l'une l'autre de ce rapprochement.

Johann Sebastian Bach - Suite pour orchestre n°3 BWV 1068

Pierre Hantaï dirige le Concert Français avec une gestuelle d'acteur de film muet, à la fois guindé et un peu lunaire. "Ouverture" triomphale (et un peu longuette) où la violoniste Amandine Beyer affiche une brillante virtuosité, "air" fort connu (d'où ? pub ? film ? transposition pop ?), puis trois danses, pleines de joie de salon (gavotte, bourré, gigue, mais vues coté aristo plus que campagnard).

Pierre Boulez - Dialogue de l'ombre double

Cela reste une de mes pièces préférées de Boulez (le fait que j'adore le son de la clarinette aide !). Je pourrai me passer de la mise en scène (lumières éteintes ou allumées pour différencier les passages joués des intermèdes électroniques), qui va à l'encontre de la simplicité de cette partie électronique, relativement peu spectaculaire, et du coup mieux taillée pour affronter le passage du temps.

Johann Sebastian Bach - Concerto brandebourgeois n°5 BWV 1050

Cette fois, Pierre Hantaï est derrière le clavecin. Il balance la cadence de la fin de l'allegro comme une improvisation, avec une fougue et un naturel revigorants ! Dans l'affetuoso, trio pour clavecin violon et flute, la faiblesse (en volume) de cette dernière endommage l'équilibre des lignes : puisqu'il s'agit d'instruments d'époque, cette douceur de son est-elle inévitable ?

Pierre Boulez - Anthèmes II

Comme d'habitude, Hae-Sun Kang joue cette pièce sans partition (Alain Damiens ne peut le faire dans le Dialogue, puisque son passage d'un pupitre à l'autre, rappel visuel de "Domaines", fait partie de la mise en scène apparemment obligatoire). Je suis moins embarqué que parfois ; la spatialisation ressemble par moments à une démonstration du logiciel suiveur de partition, avec des signaux particulièrement saillants (coups d'archet, figures musicales distinctes) bien appuyés pour être repérés par l'ordinateur, qui déclenche alors telle ou telle transformation.

vendredi 7 décembre 2007

jeudi 6 décembre 2007

Cycle Pierre Boulez 3 (Salle Pleyel - 5 Décembre 2007)

Alban Berg - Suite lyrique

D'abord la version pour quatuor à cordes, mais seulement les mouvements 2 à 4 (les seuls transcris ensuite pour orchestre) ; le quatuor Thymos me semble peu concerné, et livre une version peu bouleversante de cet opéra de chambre. Eschenbach enchaine avec la transcription, appuyant parfois un peu trop les effets, mais où j'apprécie surtout le mouvement central, nuit d'amour fiévreuse, haletante, emplie d'irradiante obscure clarté. Dans les deux versions, ces lignes à la fois fuyantes et en couches statiques n'auraient-elles pas un aspect pré-ligétien ?

Anton Webern - Cinq mouvements opus 5

Rebelote, version quatuor, version orchestre à cordes. L'opus le plus long de Webern, donc (dépasser les 10 minutes, quel excès ! D'ailleurs, la version seconde, pour orchestre, est plus courte). Oeuvre majeure, mais dont les interprétations ce soir me laissent froid.

Pierre Boulez - 3 Improvisations sur Mallarmé

Ah, "Pli Selon Pli" ! Quand je me suis penché sur la musique contemporaine, c'est l'oeuvre dont le nom revenait le plus souvent dans les listes de titres à vénérer. Emprunté à la discothèque municipale, j'ai eu l'impression de lire un roman écrit en japonais : impossible de formuler un quelconque jugement de valeur, quand tout est aussi incompréhensible, aussi éloigné de tout chemins habituels ! Picorant dans le même rayon au hasard, je plante peu à peu mes repères ; mais le même disque, régulièrement remprunté, me reste toujours aussi opaque. Et puis, au bout de nombreux mois, à la quatrième ou cinquième tentative, une sorte de révélation : oui c'est de la musique, oui c'est beau, oui c'est émouvant, et oui c'est un chef d'oeuvre !
Il est sans doute normal qu'une musique basée sur des poèmes de Mallarmé refuse de se livrer à la première écoute, et en lire quelque analyse peut aider à la comprendre, et de là à l'apprécier (Jameux dans son livre sur Boulez y consacre 19 + 29 pages ...).

Ce soir, ni "Don" ni "Tombeau", juste les mouvements centraux (comme pour le Berg !). "Improvisation 1" est une sorte de tour de chauffe. "Improvisation 2" tisse autour de la voix un filet parfois minimal, dentelle de percussion (y compris piano) et de harpes (pas de mandore !) ; la musique semble à plusieurs reprises s'ensevelir, pourtant elle flotte ; mais la voix de Valdine Anderson ne me convainc guère, projection trop fluctuante, et vibrato grelotant par moments insupportable.
Je découvre ce soir la version 1989 de "Improvisation 3" (j'en étais resté à la version 1983 ; si j'ai bien compris, il n'y a plus aucun élément d'improvisation (hasard aboli, donc), et le mouvement est un peu rallongé). En filtrant la voix, je me régale. Flutes en trio serré (la nue ?), longues notes aux violoncelles qui transpercent l'harmonie (la basse de basalte ?), il y a bien transposition du poème, mais transfiguration, alchimie. Pour le dernier tercet, un paysage n'en finit pas de se déployer, somptueux, grisant, infini.
Du coup, en plus de la version BBC Symphony Orchestra / Phyllis Bryn-Julson de 1983, j'achète la version EIC / Christine Schäfer de 2002. Une splendeur, vous dis-je !

Des camarades moins convaincus : Zvezdo, guillaume, Palpatine.

dimanche 2 décembre 2007

Sonny Rollins (Salle Pleyel - 1er Décembre 2007)

Le livret prévoit "Fin du concert vers 21h30" mais explique "un concert de Rollins aujourd'hui dure autour de trois heures" ; en fait ça fera environ deux heures, pendant lesquelles on attendra que les accompagnateurs laissent la voix au saxophoniste colossal pour apprécier la musique.
Passons en effet rapidement sur la guitare un peu molle et trop confortable de Bobby Brown, la basse ronde, précise mais aux solos sans brillance de Bob Cranshaw, la batterie sans grande personnalité du jeune Jerome Jinnings (qui effectue ici, dira Rollins, son "maiden voyage" : première traversée trans-atlantique ?) ; attardons-nous un peu plus sur le percussionniste Kimati Dinizulu, aux interventions joliment chantantes sur les congas, aux couleurs inventives aux crotales et autres maracas, et sur Clifton Anderson au trombone, neveu du maitre, et seul musicien vraiment notable à ses cotés.
Mais ce qu'on attend, bien sur, ce sont les solos du Newk. Et malgré la stature un peu voutée, malgré la démarche plus claudicante que chaloupée, le souffle est là, magistral, le son, puissant et presque tranchant sous une fine couche de velouté, les inventions pulsent, avec des citations d'autres thèmes qui s'invitent inopinément, le doute et le risque qui sont indispensables au Jazz, et le charisme encore intense qui emporte l'adhésion.
Il commence par "Sonny please", un thème assez minimal sur une base funky, enchaine sur "In a sentimental mood", puis une autre balade, un bop, un air de calypso, un blues, et en bis une dernière balade. Rien de vraiment révolutionnaire, mais beaucoup de plaisir.

Téléchargement

En ces temps de rapport Olivennes, un site propose enfin une solution de téléchargement légal qui convient à peu près à mes attentes :
- du MP3 (donc, sans DRM !)
- encodé en 320 kbps CBR (donc, de l'excellente qualité sonore)
- avec un système de pré-écoute en streaming (seulement les extraits introductifs de chaque plage, malheureusement ; j'aurai préféré les morceaux complets, avec qualité réduite pour en éviter la récupération)
- proposant un vaste catalogue (600 références épuisées de nouveau disponibles, dont 100 uniquement accessibles en téléchargement - du coup, je n'ai pas bien compris ce que cela veut dire, les 500 autres sont rééditées en magasin ?)
- avec un système de téléchargement rapide, simple, et efficace.

Il s'agit de DG Web Shop, le magasin de la Deutsche Grammophon Gesselschaft. J'en profite pour compléter ma collection 20/21 !

Seul hic, le prix : 12 euros le CD, vue la simplification de la chaine d'achat, je ne suis pas sur que cela ne puisse pas être baissé. Néanmoins, on est sur la bonne voie, et si DGG pouvait ainsi prouver aux autres compagnies qu'il est possible de gagner de l'argent en vendant des MP3 de haute qualité, ce serait un excellent signal !

samedi 1 décembre 2007

Cycle Pierre Boulez 2 (Cité de la Musique - 30 Novembre 2007)

Un concert étrange, avec deux parties se répondant à quelques 350 ans de distance, dont l'intitulé initial "Hommage à René Char" semble avoir disparu !

Claudio Monteverdi - Madrigaux du Livre VII

L'ensemble Concerto Italiano, dirigé depuis le clavecin par Rinaldo Alessandrini, nous propose une sélection de madrigaux pour 1 à 5 voix, accompagnées par un violoncelle, 2 théorbes, et 2 violons. C'est frais, pulsant, festif, émouvant, tendre, joyeux même dans les airs tristes, tout à fait charmant. J'apprécie particulièrement "Augellin" ("Oiselet") pour deux ténors et basse, légèrement douloureux, et "O come sei gentile" ("O toi, si aimable") pour deux sopranos, volubiles et acrobatiques (le même argument de l'oiseau y est repris, dans le premier le chanteur lui demande de voler vers sa Dame, pour lui faire part de sa plainte "souffrirez-vous toujours que celui qui vous adore se dissolve en pleurs ?", dans le deuxième, alors que la musique est plus joyeuse l'espoir est plus mince "tu vis en chantant, et en chantant je meurs"). Mais le clou de la prestation est "Lettera amorosa : se i languidi miei squardi" ("Lettre d'amour : si mes regards languides"), une sorte de blason sur les cheveux blonds de la belle, livré par un ténor seul, voix nue, à peine soutenue de quelques notes de clavecin, chant exalté ici chuchoté là, à la fois passionné et pudique, brulant, flamboyant, puis presque timide par moments ; splendide alliage d'une musique restreinte et génialement inventive, et d'un texte splendide de Claudio Achillini (espérant que sa lettre trouvera refuge dans le beau sein, la conclusion : "partant d'un lieu si heureux peut-être atteindras-tu par des sentiers de neige un coeur de feu.").

Pierre Boulez - Le Marteau sans maître

Combien de fois Pierre Boulez, Emmanuelle Ophèle et Hilary Summers se sont-ils retrouvés pour interpréter cette oeuvre ? Une évidence complice les unit, ainsi que les autres membres de l'EIC, autour de cette musique vibrante, de ces chants rares, de toutes ces résonances passées et futures. La première partie monteverdienne oriente l'audition, loin des exotismes asiatiques, et plus près des illustrations vocales, les instruments me semblent échanger de courtes phrases qui se répondent, guitare et alto font contrepoint à la flute et à la cantatrice. Cette fois-ci, la surprise viendra du climat de "Commentaire I", étiré et paisiblement bucolique.