jeudi 17 janvier 2008

Anne Teresa de Keersmaeker - Zeitung (Théâtre de la Ville - 16 Janvier 2007)

Scène quasi nue, à l'exception d'un piano à queue dans un coin (et quelques planches de décor retournées contre les bords, quelques chaises éparses, et une large bande noire au sol) : comme une salle de répétition, où les danseurs, presque exclusivement en petits groupes (solo, duo, trio), tour à tour se lancent. Jeu d'équilibre et de déséquilibre, désarticulations du corps, le langage est subtilement varié à l'intérieur de thématiques fortement cadrées.

La musique déroule sa propre logique en parallèle : une trilogie intéressante, Bach, Schönberg, Webern (le grand-père, le père, le saint-esprit ?), jouée live au piano par Alain Franco et en enregistrements pour le reste.

Pas de discours, pas de récit. Les seuls éléments un peu théâtraux (clin d'oeil aux obsessions circulaires de la chorégraphe, que ces couples s'amusant à tracer des cercles avec des bouts de ficelle ?) tombent à plat. C'est plutôt un carnet d'esquisses, des fragments du travail habituel et quotidien de la troupe, reproduits sur scène. Et une étude des possibilités du langage chorégraphique pour lui-même, aspect qui a pu guider le choix musical, où la même quête peut se percevoir (de Bach, nous aurons droit au Clavier bien tempéré et à l'Art de la Fugue, ouvrages assez théoriques, surtout quand ils sont exécutés d'une manière assez froide et scolaire ; de Schönberg et Webern, certains extraits choisis m'ahurissent de modernité, des moments orchestraux surgis de nulle part).

Je dresserai un bilan moins circonspect qu'Ali (oui, 1h45 c'est fort long ; et il y avait des redites, certainement ; et l'ennui menaçait bien souvent ; mais quand je forçais mon attention, je découvrais presque à chaque fois des éléments intéressants, des beautés d'interactions entre les danseurs, ou des liens, moins évidents que d'habitude, avec le contexte musical, bref c'est une pièce exigeante mais pas sans intérêt) mais moins enthousiaste que Damien (le bonheur de tout découvrir avec un oeil neuf qui n'est pas d'emblée fatigué par les clichés de la scène dépouillée, des interprètes qui restent en bord de plateau, de la lumière qui se donne des allures sophistiquées, tout ça ...).

Après les anniversaires, les retours sur le passé (glorieux) de la troupe Rosas, voici une pièce un peu aride, trop longue (mais cela faisait sans doute parti du concept - un carnet de croquis se doit d'être épais), où des pistes futures peuvent s'épanouir (un détour vers Forsythe ? Cunningham ? on était loin de la scène flamande ), et où on peut picorer de belles scènes, qui se livrent à la mesure de l'attention qu'on leur porte. Si des dizaines de spectateurs partent en cours de route, ils tenteront de le faire discrètement, comme presque un aveu d'échec plus que comme un refus du spectacle proposé comme il y a quelques années. Et ce qui est rassurant, c'est que Keersmaeker ne s'englue pas dans des formules, mais bouge encore, et cherche.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je l'ai vu ce soir et suis bien d'accord avec toi (sauf sur l'interprétation scolaire au piano de Bach, mais tu as tant l'habitude des concerts classiques que tu es d'une exigence bien plus grande que moi :-))
Autour de nous, beaucoup se sont ennuyé à mourir et sont parti. Il ne faut pas être complètement néophyte, il me semble pour apprécier.