lundi 28 avril 2008

Planning Mai - Juin 2008

Une période plutôt calme, mais qui se terminera en apothéose !

dimanche 27 avril 2008

Reich Hurel Romitelli (Cité de la Musique - 25 Avril 2008)

On va faire bref, parce que je suis entré dans la salle avec un mal de tête que le concert n'a su dissiper, ce qui a posé un filtre assez négatif sur mon écoute.

Steve Reich - Eight Lines
J'ai découvert cette oeuvre d'abord dans sa version remix techno, ce qui continue d'influencer mon écoute. D'une structure inususuellement complexe pour du Reich (quoi, pas du rapide-lent-rapide ?), elle impose son obsession rythmique avec brio, mais je ne supporte toujours pas la diffusion obligatoire par haut-parleurs, qui enlève une part de la beauté des instruments.
Philippe Hurel - Aura
Noyé sous le déluge des notes, je n'arrive pas à suivre grand-chose. La lumière dorée qui entoure le piano est effectivement fort belle, le passage où le piano sonne faux parce qu'entouré de tout l'EIC jouant en quart de tons est surprenant, mais la plupart du temps, je me sens un peu perdu dans le paysage. Soliste : Sébastien Vichard (encore un peu timide mais il se soigne) ; chef d'orchestre : Ludovic Morlot.
Fausto Romitelli - Professor Bad Trip Lessons
C'est le plat de résistance, en trois leçons d'un quart d'heure chaque. Batterie, guitares électriques, synthétiseurs, l'ambiance est au cross-over contemporain-rock-techno. Ca m'a semblé long, avec des passages électroniques vraiment peu intéressants. Par contre, Pierre Strauch s'amuse comme un fou avec un violoncelle midi, pour des solos apocalyptiques et jouissifs.

Ailleurs : Pouessel.

samedi 26 avril 2008

Définition du contemporain

Quand s'arrête la musique classique ? Quand commence la musique contemporaine ? La maison de disques Aeon, qui utilise précisément ces deux termes pour différencier ses collections, vient de compliquer le débat en sortant dans sa série "classique" un disque consacré à ... Dutilleux (et Caplet, complément de programme choisi par Dutilleux lui-même).
Entre ceux qui classent Debussy et Bartok dans le contemporain (en tous cas, qui les rejettent de la zone "classique", puisque ce sont des musiques qu'ils n'aiment pas, et qu'ils aiment la musique classique ...), et ceux qui y placent le toujours vivant (mais si mais si - écrivant même) Dutilleux, la zone de flou devient vraiment large !

(Sinon, le disque est excellent : c'est ma quatrième version de "Tout un monde lointain ..." - pas forcément volontairement, même si c'est une oeuvre que j'aime beaucoup, mais les achats successifs ont plutôt été forcés par les compléments de programmes différents - et elle me semble à première écoute très intéressante, avec le violoncelle de Marc Coppey bien marqué au premier plan sonore, plus incisif et énergique que la plupart de ses collègues dans cette pièce.
Et l'Epiphanie d'André Caplet est une superbe découverte !)

vendredi 18 avril 2008

Compositeurs d'aujourd'hui : Tristan Murail

Premier volume de la collection dont je ne trouve pas la pochette sur Amazon, première pochette qui ne comporte pas la photographie du compositeur, premier compositeur qui bénéficiait déjà d'une bonne discographie lors de la parution de ce volume. Le livret du coup ne présente pas seulement les oeuvres du disque, mais doit les situer par rapport aux étapes précédentes du parcours de Murail.

Serendib

J'extrais du livret ces notes : << Le titre fait référence au nom mythique donné par Sindbad le marin à l'île de Ceylan, qu'il découvre par le plus grand des hasards au cours d'un de ses voyages. [...] Le compositeur a lui-même confié qu'il se sentait dans une position analogue à celle de Sindbad, balloté au gré des vagues, "rejeté, avec un peu de chances, sur des rivages toujours plus lointains et plus fabuleux, pour y découvrir les architectures imprécises mais imposantes de nos rêves collectifs." >> (on peut noter que de Serendib vient aussi le mot sérenpidité, concept bien connu des internautes).
Musique au parcours hasardeux, donc, née d'une résonance grave retrouvée en guise de fin, qui se complait dans l'instant, sans pulsation rythmique, tout en glissements vaporeux, iridescences aux bords de l'illusion d'optique, éruptions soudaines et chatoyantes de drapures évanescentes, réminiscences "exotiques" (pas de carte postale ici, mais un univers autre) de chants d'oiseaux et de percussions balinaises. On se perd facilement dans cette matière sans repère, dans cette texture sonore très lâche, sans fil conducteur thématique, ni structure en épisodes clairement distinguables. On peut s'y plaire, on peut aussi préférer des nourritures plus substantielles.

L'esprit des dunes

Exotisme toujours, mais peu complaisant. Pour évoquer les déserts, Tristan Murail utilise des musiques traditionnelles de Mongolie et du Tibet, dont un appel initial au hautbois, qu'orne des échos électroniques fabuleux, et qui reviendra tout au long de l'oeuvre. Dans ces échos on entend les chants de moines, les longues trompettes rituelles, des voix de gorge et en technique diphonique khoomii, mais le tout est retravaillé pour se présenter de façon mythique, un lointain inaccessible, nécessitant un voyage autant spirituel que physique. J'adore cette pièce, la beauté de ces sonorités étranges (extraordinaire fusion orchestre/électronique), son ascèse, son périple, elle m'embarque comme rarement.

Désintégrations

Cette pièce date de 1982-83, soit une dizaine d'années avant les deux autres. Du coup, après l'utilisation de synthétiseurs pour "Serendib" et d'un programme informatique pour "L'esprit des dunes", ici est utilisée la technique plus rustique de la bande magnétique, qui offre beaucoup moins de subtilités en terme de fusion avec l'orchestre. Mais le langage de Murail n'était pas non plus le même. Ici se sentent beaucoup plus les "process" chers à l'école spectrale, ces lentes déformations d'un objet sonore (ou de l'une de ses caractéristiques) en un autre. Le livret détaille (trop) la structure, en la découpant en 11 épisodes (ce qui donne une moyenne de deux minutes par épisode). Certains passages sont impressionnants, d'autres assez magnifiques ; mais ce qui me gène, c'est l'enjeu, qui me semble assez abstrait (des histoires de fréquences, de correspondances entre composition spectrale de certains sons et organisation de certaines séquences ...) ; et dans ce genre de beauté froide, je préfère "Les espaces acoustiques" de Grisey.

jeudi 17 avril 2008

Dvorak Rachmaninov Janacek (Salle Pleyel - 16 Avril 2008)

Anton Dvorak - Le Pigeon des bois

Ce poème symphonique peu connu propose deux enterrements et un mariage : une femme tue son mari pour pouvoir épouser son amant, mais une colombe chantant au-dessus de la tombe du premier la pousse au suicide. Le chef d'orchestre Jiří Bělohlávek entraine l'Orchestre de Paris le long des 4 mouvements en tentant un bon compromis entre soin des détails pittoresques et continuité du récit symphonique. 20 minutes de musique fort plaisante.

Serguei Rachmaninov - Concerto n°2 pour piano

Etre à l'arrière-scène est une rudement mauvaise idée pour un concerto. Dans le premier mouvement, le son du piano est quasiment inaudible, noyé sous le tapis de cordes qui se dresse entre lui et nous. Dans le deuxième, on suit mieux le jeu du timbalier (emprunté au Philhar, c'est ce dont s'étonne une voisine en s'installant en retard ; Klari confirme) que celui de Nelson Freire. Bon, de toute façon, c'est de la bonne grosse musique romantique, la perte est légère.

En bis, je suis deçu : pas de "chopstick".

Leos Janacek - Sinfonietta

Bon, enfin du sérieux, js suis venu là pour ça. Et fichtre que c'est épatant ! Les 9 trompettistes se lèvent pour pétarader en pleine gloire, les violoncelles se dandinent en cadence, les flûtes lancent des ponts de notes à des hauteurs diaboliques, chaque pupitre aura son morceau de bravoure. Le livret m'apprend que les mouvements ont un nom ("Fanfare", "Le Château", "Le Monastère de la Reine", "La Rue", "La Mairie") et offrent une promenade dans la ville de Brno. C'est un kaléidoscope de couleurs et de rythmes, ça crie ça gigote et ça tourbillonne follement, c'est magnifique. L'orchestre et son chef du soir brillent de mille feux, et propulsent magnifiquement cette oeuvre, transformant toute difficulté en défi, et le relevant haut la main. Une interprétation éblouissante.

Ailleurs : Klari pour la répèt générale (12 trompettes ! Ils ont bien fait de réduire la voilure, 9 suffisaient amplement pour nous assourdir !), Palpatine, Corley.

lundi 14 avril 2008

Abonnements 2008-2009 : Pleyel et Cité de la Musique

20 billets pour la Cité de la Musique, 19 pour la Salle Pleyel : je suis assez constant.

A première lecture du programme, je pensais bien moins fréquenter la rue du faubourg Saint-Honoré : comme je sélectionne mes concerts presque exclusivement par les oeuvres, et non par les interprètes, j'éprouve au bout de seulement quelques années une sorte de lassitude à lire encore et encore les mêmes noms de compositeurs fleurir le long des pages, Bartok, Messiaen, Mahler, Chostakovitch, Ravel et puis un peu de Debussy, n'ai-je pas déjà entendu tout cela ? La vraie musique classique, des années à écouter encore et encore du Mozart, du Beethoven, du Brahms et du Schumann, je suis fort loin de le pouvoir ...
Finalement, je n'ai pris en série que "Les musiques d'aujourd'hui" (faut bien les encourager !), et le reste c'est du grappillage le long des pages (les demi-séries ne sont guère intéressantes en terme de réduction des prix ; elles ont eu pour effet de m'obliger à des concerts où je ne serais pas allé spontanément, et qui n'ont pas été sources de plaisir particulier cette année).
Que trouve-t-on ? Des cantates de Bach par Harnoncourt, la 5ème de Chostakovitch (une oeuvre qui a marqué mon approche de la musique contemporaine) par Sokhiev, des talking tabla, du swing années folles, beaucoup de Schoenberg, une kyrielle de jazzeux tzadikiens, encore du Schoenberg cette fois par Boulez et Pollini s'il vous plait, Bojan Z et EST, un "Chant de la Terre" par Nagano, des péchés capitaux façon Marianne Faithfull, et fin de saison par une création de Mantovani.

La Cité de la Musique prend un thème chaque année : je ne sais pas si c'est bien utile, si ça éclaire vraiment la programmation. Cette année : Le fil du temps. Pourquoi pas. J'ai pris des places dans les cycles suivants : "La mesure du temps", "Les saisons", "Les années Gainsbourg" ("L'histoire de Melody Nelson" dirigée par Vannier), "1945" (Evan Parker accompagnant "Allemagne année zéro"), "Domaine privé Tom Koopman", "Le temps du récit", "Jazz standards" (une récréation de "Sketches of Spain" par Dave Liebman, Manu Codjila, Jean-Paul Celea, Wolfgang Reisinger : rhââ lovely !), "La fin du temps", "Le temps de la danse", "1913", "Répéter / Varier" (du Dave Liebman joué par l'EIC ; et Tim Berne himself), "domaine privé pascal Dusapin" (avec l'intégrales des solos pour orchestre, et un nouvel opéra, inspiré par Monteverdi), "Grisey / Rameau" (les fameux rapprochements improbables de compositeurs), "4ème biennale d'art vocal" (le spectaculaire et violent "Coro" de Berio), et enfin "1989 Berlin" (Bach Lachenmann Jodlowski par Sonia Wieder-Atherton).

Les sites Internet (Pleyel, Cité) offrent des pages de commande en ligne assez agréables à utiliser. Au téléphone, Pleyel refuse qu'on leur dicte un abonnement ; la Cité par contre accepte (et peut même le faire pour Pleyel, les deux salles étant sous la même direction) : différence de mentalités et d'atmosphères qu'on retrouve d'ailleurs à tous niveaux, programmation, accueil, public.

dimanche 13 avril 2008

Marc Ducret Trio (Les Disquaires - 12 Avril 2008)

Première visite dans le nouveau repère du Laboratoire de la création, après la fermeture de La Fontaine l'an dernier. Adieu le charme des miroirs et des boiseries, bonjour le béton brut tagué et les piliers encombrants. Voici un lieu où on n'entre pas juste pour passer un bout de temps, mais pour écouter de la musique. Dommage que les horaires aient la même imprécision que dans les clubs de Jazz ordinaires, 20h ici voulant dire 20h45, et la fin obligatoire à 22h15 pour cause de seconde partie électro, aboutit à ne bénéficier que d'un seul set (mais les prix particulièrement modiques et à la carte prennent cela en compte). Il y a une certaine vibration dans l'air, une attention particulière du public, qui fait rudement plaisir. Les musiciens de ce soir y sont surement aussi pour quelque-chose, qui ont attirés plus de monde que les habituels résidents, semblent dire les discussions alentour.
J'avais vu Marc Ducret dans un contexte plutôt expérimental, en partenariat avec Drouet. Ici, la formation "batterie-contrebasse-guitare électrique" tire plus vers l'énergie rock. De fait, l'énergie est bien là. Pulsée par le batteur Eric Echampard, aux étranges techniques, une base très rock, brutale et lourde, mais avec une complexité à la Stéphane Galland, rythmes presque tout le temps impairs, avec des décrochages, des chausse-trappes, des roulements acrobatiques, le tout avec une gestuelle très peu économe et donc fort peu orthodoxe. Le contrebassiste Bruno Chevillon possède de nombreuses cordes à son arc, complète parfois le mur rythmique avec une telle énergie qu'il semble y avoir deux batteurs sur scène, parfois juste donnant le tempo avec une obstination minimaliste, parfois usant de l'archet ou de baguettes piquées à son voisin, parfois enfin amplifiant électriquement son instrument à l'aide d'effets, pour des sonorités hybrides, entre grondements d'un océan et passage d'un train, sirène d'alarme et ambiance de scierie.
Mais l'essentiel du boulot revient au guitariste, Marc Ducret, sur une seule guitare, le plus souvent sauvage et furieux, cavalcades rageuses et saturées, mais qui sait aussi être soudain tendre, rêveur, son nu presque imperceptible.
Les morceaux sont longs (tous frôlent ou dépassent allègrement le quart d'heure), complexes, divisés en sections parfois très dissemblables, avec des ruptures de rythme étonnantes, de longs passages en solo ou duo, une organisation interne peu captable à première écoute. Ce pourrait être un seul et très long morceau, ou plein de courtes pièces enchainées, ça ferait pareil. Les musiciens parfois se livrent à des démonstrations de virtuosité un peu vaines, mais l'ensemble de la prestation, discours de Ducret inclus, dégage une puissance et des enjeux musicaux mais aussi politiques, une musique de résistance, contre les uniformisations et les scléroses banales.
Un CD "Live", vendu à la caisse, auto-produit, fabriqué à la main (chaque pochette est unique, un collage de dessin sur plaque de métal où le CD, sans aucune inscription, s'accroche par un tampon de caoutchouc), complète la démarche, et le bonheur de la soirée.

mardi 8 avril 2008

Ma gueule

A Paris-Carnet, parfois, on se fait piéger.

samedi 5 avril 2008

Compositeurs d'aujourd'hui : Marc-André Dalbavie

Les précédents disques de cette collection présentaient tous trois ou quatre oeuvres du compositeur, afin d'éclairer divers aspects de son écriture. Celui-ci n'en comporte que deux, dont une qui se présente d'emblée comme une pièce de résistance.

Seuils

Plus de trois quart d'heure, un grand ensemble, une soprano, de l'électronique, voilà qui en impose. D'abord par son ambition et son ampleur. Ensuite par sa réussite. Et du coup, par la précocité de Dalbavie, qui n'avait alors que 30 ans.
L'oeuvre s'articule en 7 sections, mais de durées et d'importances très inégales (de 38 secondes à 15 minutes). Certaines ont un rôle fondamental (la 1 en introduction, la 3 en scherzo, la 7 en conclusion ...), d'autres sont de simples intermèdes (la 2, matière étale soumise à un processus d'élévation ; la 4, son reflet en plus court et plus ténu ...). Cette alternance de moments forts ou faibles permet à cette grande durée de respirer ; de même, le traitement des ingrédients disponibles (la voix, les instruments, l'électronique), qui les mélange de toutes les manières possibles, ne lasse jamais. A un moment de bravoure orchestrale succède un épisode vocal presque pur, puis une expansion électronique très calme, toutes ces transitions, c'est l'un des points forts de la pièce, sonnant de manière très naturelle (sans doute le résultat du travail spectral, qui permet de fusionner des éléments a priori peu compatibles).
Ce que j'aime aussi beaucoup, c'est l'aspect rythmique. On passe de matières étales, parfois parcourues de légers frémissements, à des déchainements de rythmes superposés, mais là aussi dans des successions qui sonnent naturelles, plus par des fondus-enchainés que par des oppositions. Une figure hante toute la partition, l'écho, ou le rebond, à des allures très diverses, des lignes vocales parfois très loulilouliloulilou, aux sonorités projetées par l'électronique qui semblent rebondir en tous sens dans la salle d'écoute (plus impressionnant en concert, surement, mais même en CD, on sent les intentions).
Au croisements de plein de problématiques, la voix et l'orchestre, l'orchestre et l'électronique, la voix et l'électronique, les processus et les mélodies, le post-spectral et le post-sériel, ce "Seuils" reste un chef d'oeuvre, toujours passionnant à écouter, réservoir foisonnant de beautés, d'atmosphères, de textures, de mystères (seule la fin me semble un peu faible).

Diadèmes

Longtemps j'ai considéré cette seconde pièce comme un simple complément mis pour atteindre une durée de CD convenable. A la réécoute, il n'en est rien ! Il s'agit d'un concerto pour alto, avec partie soliste virtuose, mais sur un orchestre entièrement traité en techniques spectrales. Cela lui donne cet aspect mutant, passant lentement et continuellement d'un état à un autre, entre solide et vapeur, langueur et frénésie, de grottes enfouies à des espaces sidéraux, de concrétions bruitistes à des abstractions formalistes, tout ça avec en fil rouge ou fil d'Ariane le son de l'alto, qui se fraie son chemin presque romantique (mais là, Christophe Desjardins aide : le son de son alto est toujours rempli d'émotions humaines). Le découpage général "purement instrumental - purement électronique - mélange des deux" trouvant des reflets à tous les niveaux d'organisation, on sent plus une grande arche continue, un grand voyage à travers des configurations sonores multiples. Les parties électroniques sont parfois faiblardes, trop simplistes dans leur conception, et déjà vieillies dans leur réalisation (mais on a entendu pire).
De manière générale, cela reste une pièce très intéressante à redécouvrir.

Messiaen Mozart (Salle Pleyel - 4 Avril 2008)

Olivier Messiaen - Et exspecto resurrectionem mortuorum

Incroyable. Il me faut voir cette oeuvre en concert pour découvrir qu'il s'agit d'un orchestre sans cordes, violoncelles et contrebasses attendant sagement alignés sur les bords de scène. Introduction sombre et lourde à souhait, solennité hiératique et funèbre, le premier mouvement est parfait. Si le passage de relais entre instrumentistes (là encore, seul le concert me permet de bien comprendre ce qui se passe) est très joli, les respirations entre les séquences me semblent trop longues, et les tempi un poil trop lents, ce qui fait basculer du solennel monumental vers le pataud endormant ; Myung-Whun Chung pousse le bouchon un peu trop loin, attendre la fin de la résonance des gongs pour poursuivre est sans doute indiqué, mais c'est bien long, et il y a un moment de cassure, où ce n'est plus impressionnant et mystique, mais juste un peu chiant, surtout quand les passages ornithologiques plus légers ne chantent pas suffisamment pour compenser. Lorsque la texture redevient plus continue (superpositions effrayantes du mouvement 4, et surtout la longue marche funèbre du 5, scandée par des gongs métronomiques), la force tellurique (on entend plus les morts s'arracher du sol que monter aux cieux, malgré tous ces vents !) revient, implacable et terrible.

Wolfgang Amadeus Mozart - Symphonie concertante pour hautbois, clarinette, cor et basson K297b

Ce concert s'inscrit dans un programme Messiaen-Mozart, que le fort copieux et très beau livret (valable pour les 8 concerts de l'Orchestre Philarmonique de Radio-France de cette année Messiaen 2008) tente de justifier, de manière assez peu convaincante (pourquoi pas du Lachenmann-Mozart, tant qu'on y est ?). L'unité avec l'oeuvre précédente est assez évidente, avec ces 4 vents solistes. Si l'allegro passe plutôt bien, l'adagio me semble interminable, et l'andantino final me réveille un court moment, avant que les variazoni ne me replongent dans une douce et sucrée léthargie.
Le bis, entonné par les quatre solistes, du Schubert dit-on derrière moi, semble aussi long long long.

Olivier Messiaen - L'Ascension

Un opus de Messiaen que je ne connaissais pas ! Fantastique oeuvre de jeunesse (24 ans !). Les premiers accords, leur structure, leur couleur, leur vitesse, sont comme une signature prophétique, ils auraient pu servir tels quels 20 ans ou 50 ans plus tard. L'orchestration du premier mouvement se resserre peu à peu sur les trompettes, qui malheureusement ont un peu du mal (attaques peu synchrones, glissements de notes périlleux). Un premier alléluia aux couleurs variées, et un deuxième assez surprenant, puisque j'y entends des influences, ce qui est fort rare chez Messiaen - une bribe d'opulence orchestrale ravélienne, une nappe de cordes bartokienne, un méchant rythme quasi stravinskien. Le dernier mouvement est une prière laissée aux cordes, déjà un temps qui ne s'écoule plus, une sorte de préconfiguration des parties pour violoncelle seul du "quatuor pour la fin du temps". Le tout est fascinant, éclairé par l'entier cursus à venir du compositeur.

Ailleurs : Palpatine

jeudi 3 avril 2008

Pierre-Laurent Aimard - Domaine Privé (Cité de la Musique - 2 Avril 2008)

Charles Ives - The Unanswered Question

Dans un coin de la scène très encombrée s'installe un (le ?) quatuor à cordes de l'EIC, dirigé par Susanna Mälkki. Douceur nostalgique parfaite d'émotion blanche. La trompette interrogative est dans la galerie du fond, les quatre vents répondeurs au balcon latéral, quelques rangs au-dessus de moi; ce qui me donne une audition particulièrement spatialisée. Très belle interprétation. Je me demande si la trompette cherche vraiment une réponse à sa question répétée ? Peut-être est-ce pourquoi s'énervent les vents, de la surdité méprisante de cette âme qui, esseulée sous la nuit et enivrée d'absolu, lance ces appels en direction des étoiles, sans aucunement désirer de réponse.

Gÿorgy Kurtag - Scènes d'un roman

Ce n'est pas cette pièce qui me fera aimer Kurtag. Au long de 15 courts épisodes, la soprano Maria Husmann est accompagnée (ou pas) par un cymbalum, une contrebasse, et un violon, dans des climats assez divers (parfois plutôt statiques, parfois très mouvants). Je n'accroche pas.

George Benjamin - Three Inventions for Chamber Orchestra

J'ai aimé, mais il ne me reste guère de souvenirs le lendemain ! Un orchestre plutôt pointilliste pour la première invention, des rythmiques assez complexes dans la deuxième, enfin une longue montée dans les registres pour la troisième, depuis un solo magnifique de contrebasson vers ... je ne sais plus, violon, flûte ?

Dai Fujikura - ... as I am ...

Voici un nom à retenir, un jeune compositeur japonais doué. Une oeuvre intense, avec des configurations orchestrales qui, sans être absolument originales, sont suffisamment peu usées pour surprendre. L'extraordinaire mezzo-soprano Loré Lixenberg (impressionnante de puissance et d'étendue de tessiture ; la pièce réclame de multiples techniques de chant qu'elle enchaine sans jamais trésaillir) se déplace (dans une étrange tenue semi-gothique) d'un pupitre à un autre pour marquer les différents volets de la pièce. Ca manque peut-être encore de profondeur ou de cohérence, ça se cherche encore, mais pour ce compositeur né en 1977, il y a du beau potentiel.

Olivier Messiaen - Sept Haïkaï

En conclusion de ce concert bien costaud (et dépassant de plus d'une demi-heure l'horaire prévu, ils n'ont toujours pas su prendre en compte les fort longs changements de plateau), Pierre-Laurent Aimard revient à un de ses anciens compositeurs préférés, Messiaen (sa notice aujourd'hui, après avoir cité Ligeti, enchaine rapidement Beethoven, Mozart, Ravel, Debussy ... voudrait-il briser le carcan "pianiste de musique contemporaine" ?). Ces sept pièces proposent trois typologies : des scènes où vents, cordes, et percussions superposent des tempi très différenciés ; des pièces où le piano offre des solos qu'Aimard empoigne avec plus d'énergie fougueuse que de poésie coloriste ; enfin, la pièce centrale, une imitation peu convaincante de gagaku, où les violons sonnent volontairement sans doute mais quand même, très laids.

Ailleurs: Zvezdo, ClassiqueInfo