mardi 1 juillet 2008

John Zorn - Essential Cinema (Cité de la Musique - 25 Juin 2008)

En première partie, des films expérimentaux sont accompagnés par des sous-ensembles de Electric Masada.

Joseph Cornell - Rose Hobart

Des crocodiles, un tigre, quelques singes, une éruption volcanique, des palais somptueux, quelques féroces guerriers, au milieu de ce bazar exotique se promène l'actrice Rose Hobart, inquiète ou souriante.
La musique est très proche de celle des Dreamers de la veille, veine easy listening renforcée par l'aspect musique de film : il faut laisser l'attention sur les images, donc ne pas trop étonner par le son.

Wallace Berman - Aleph

Montage effréné d'images urbaines, de gens, d'animaux, de lettres hébraïques.
Kenny Wollesen et Joey Baron pilonnent à tour de bras les fûts et les cymbales de leur batterie, John Zorn hurle dans son sax, c'est radical, une plongée dans le bruit en fusion, rage vitale.

Harry Smith - Oz : The Tin Woodman's Dream

Film d'animation joliment poétique, où quelques figures tournoient dans l'image, le bûcheron en fer-blanc, le petit chien, une hache et un fauteuil, un peu plus tard un inquiétant magicien d'Oz qui les renvoie sur un cerf-volant.
Ikue Mori propose un montage de sons concrets pas désagréable. Zorn, dans sa volonté de guider ses musiciens, semble ici lui indiquer où cliquer sur son logiciel, tableau étrange.
Accolé, une suite d'images kaléidoscopiques un peu répétitives et finalement lassantes.
En accompagnement, des boucles percussives gentiment exotiques tout aussi répétitives et tout aussi finalement lassantes.

Maya Deren - Ritual in Transfigured Time

Le plus beau film de la soirée, des séquences à l'onirisme troublant, entre féerie et malaise : quelques femmes qui pelotent de la laine, avec tous les échos mythiques ; une réception semi-mondaine où les gens se croisent et se décroisent, flottant tels des méduses déboussolées vaguement désappointées de ne rencontrer que des fuyards ; une statue masculine qui descend de son piédestal et poursuit une jeune femme en dansant comme un dieu en bonds prodigieux.
Au-dessus d'une fine couche rythmique, le violoncelle de Eric Friedlander puis le vibraphone de Kenny Wollesen déploieront une magnifique et émouvante cantilène, d'une poignante subtilité mélodique.

Et puis, on ne va pas se quitter comme ça, avec une telle brochette de musiciens qui se sont jusqu'ici retenus pour toutes ces musiques qui se doivent de n'être que d'accompagnement. Donc, lumières rallumées, c'est parti pour un petit concert de l'Electric Masada.

Electric Masada

Et c'est le concert de l'année. Celui où j'ai pris le plus de plaisir. A peine une heure, en quatre morceaux, des classiques d'Electric Masada, ainsi qu'un titre du Book of Angels présent sur le trio de Marc Ribot. Contrairement aux Dreamers, ici, pas de mesure. Il faut que l'énergie déborde, qu'elle emporte (mais sans dévaster). Deux batteries (Baron et Wollesen), une percussion (Baptista) et une basse (Dunn) ; un clavier électrique (Saft) et de l'électronique (Mori) ; une guitare (Ribot) et un saxophone (Zorn). Voilà les éléments pour propulser la fusée musicale, qui accumule les couches sonores, les crescendos, les relances, les solos qui s'entrecroisent, qui ne gère qu'à peine l'énergie qui s'échange entre les musiciens et avec le public, qui flambe, avec une générosité, un plaisir partagé, qui transporte de bonheur. Une expérience, à vivre dans la salle, pour regarder les interactions, les regards, les sourires, pour sentir la tension, les défis, le jeu, pour ressentir le corps qui vibre et le coeur qui pulse. Seul bémol : comment écouter les CDs après ça ?

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