jeudi 30 octobre 2008

Pintscher Schubert (Salle Pleyel - 29 Octobre 2008)

Matthias Pintscher - Hérodiade-Fragmente

La musique offre des aspects diversifiés, arides explosions percussives, longues tenues glacées de cordes, fanfare un peu vulgaire de tuba et contrebasson, entre lesquels glisse la voix de la soprano Marisol Montalvo, dans des mélodies plus proches de Strauss que de Boulez (puisqu'on se base sur un poème de Mallarmé évoquant Hérodiade et Salomé). Sur la petite vidéo proposée par l'Orchestre de Paris, la cantatrice me semblait plus intense et plus captivante. Mais la partition a du charme, Matthias Pintscher est un compositeur à suivre.

Franz Schubert - Symphonie n°9 D.944

Comment écrire des symphonies après Beethoven ? En restant modeste, en jouant tranquillement des thèmes et des variations, en proposant un cheminement plus qu'un combat ; sans mouvement lent, la marche est rapide, un brin longuette (c'est "La Grande" symphonie !), mais assez agréable pour piquer un petit roupillon.

Ailleurs : Palpatine

mardi 28 octobre 2008

Alain Platel - Pitié (Théâtre de la Ville - 27 Octobre 2008)

Bien des blogueurs ont déjà exprimé leur avis sur ce spectacle, et comme je suis globalement d'accord, je vais résumer. Après un concert que j'aurais pu classer en catégorie "Danse", voici une chorégraphie que je pourrais classer en "Jazz".
Déjà quelque peu réfractaire au précédent VSPRS, et copieusement averti par les billets lus la semaine précédente, j'ai en effet choisi de me concentrer pleinement sur la musique d'Aka Moon et collègues invités. Autant que faire se peut : car non contents de s'agiter beaucoup, en contorsions hystériques ou grimaces éperdues, les danseurs grognent hurlent ou se confessent en chuchotis amplifiés, bref, perturbent et pas qu'un peu l'écoute.
Mais la musique, donc. Dans la continuation de son travail sur les Vêpres de Monteverdi, Fabrizio Cassol "relit" la Passion selon Saint-Mathieu de Bach. Il en sélectionne quelques chorals et arias, qu'il ré-instrumentalise à sa sauce, y met une part d'improvisation plus ou moins grande, et y ajoute des morceaux faits maison.
Que certains puristes détestent ce genre d'exercice, certainement. Moi j'aime beaucoup ! Il y a même un brin trop de respect, j'aurais aimé plus de "free" par moments ! Michel Hatzigeorgiou en particulier m'a semblé bien sage, et Stéphane Galland gardait une assise relativement rigide. Plaisir que de retrouver certains complices habituels : Magic Malik à la flûte et à la voix, sidérant ; Tcha Limberger au violon. Et quelques nouveaux, en particulier Lode Vercampt au violoncelle, plein d'invention ; la seule déception sera la trompette de Sanne Van Hek, un peu terne et académique.
Coté voix, c'est magnifique. La soprano Claron McFadden, l'alto/mezzo Monica Brett Crowther, et le contre-ténor Serge Kakudji, non seulement ont des voix splendides, mais surtout se complètent admirablement. Les parties où leurs voix s'entremêlent sont des splendeurs, comme il n'y en avait pas quelques jours avant.
Le disque est annoncé pour bientôt, je ne sais pas trop quel sera le personnel (d'un soir à l'autre, les soprano alto/mezzo trompette violoncelle et accordéon changeaient).
Ailleurs : In the mood for Jazz, Joël, Images de danse, Native Dancer, Un soir ou un autre, ...

dimanche 26 octobre 2008

Planning Novembre - Décembre 2008

Comme souvent, un mois de Novembre assez dense, avant la trêve des confiseurs.

Grieg Chostakovitch (Salle Pleyel - 25 Octobre 2008)

Edvard Grieg - Concerto pour piano op 16

Tiens, c'est effectivement connu, du moins l'introduction et "son célèbre arpège en la mineur, qui tombe du ciel en zigzag". Dans la suite des événements, j'apprécie beaucoup plus les thèmes les plus délicats (thème dialogué entre flûte et cor dans le premier mouvement ; deuxième thème à la flûte du troisième mouvement), que les moments énergiques, que je trouve un peu assommants. Le pianiste Nelson Freire est impérial, imposant sans jamais avoir besoin d'être démonstratif.
En bis, un extrait de "Children Corner" de Debussy, tout en délicatesse poétique et douceur enfantine, un enchantement.

Dmitri Chostakovitch - Symphonie n°5 op 47

Deuxième audition de cette pièce majeure, et elle me touche moins que la première fois. Principalement, ce sont les cordes de l'Orchestre National du Capitole de Toulouse qui me semblent trop sèches et mécaniques, pas assez souples, manquant de générosité. Alors que les cuivres sonnent admirablement, puissance et brillance impeccables, en particulier l'escouade de cors. Et plus beaux encore, les bois, en particulier les deux flûtes (ce qui se ressentait déjà chez Grieg). Belles interventions des harpes, également, qui avaient répété sur scène pendant tout l'avant-concert et l'entracte. Tugan Sokhiev mène son affaire rondement, sans chichi ni trop de pathos, et balance un final bien carré, à l'auditeur de choisir ce qu'il entend. Mais l'émotion ne m'emporte pas.
Dans les deux bis, pourtant, le tapis de cordes me semble enfin plus généreux et moelleux. Dommage.

Ailleurs : Palpatine, Native Dancer, ConcertoNet

samedi 25 octobre 2008

Jean Claude Vannier - Melody Nelson (Cité de la Musique - 23 Octobre 2008)

Les Bis

Comment Vannier ressent-il le fait que son plus grand succès, l'album "Melody Nelson", soit essentiellement attribué à Serge Gainsbourg, et que le reste de son oeuvre continue d'être aussi peu connu et reconnu ? Pas très bien, sans doute. Et il tente de profiter de cette soirée placée encore une fois sous le patronage du grand Serge pour donner une nouvelle chance à ses morceaux, "saucissons secs, rejetés de tous, les pestiférés, mes préférés", précise-t-il, avant de jouer une succession de chansons (au mieux du sous-William Scheller, la voix en moins ; au pire de la guimauve complaisante) et de pièces instrumentales (au mieux, du générique de série télé des années 70 ; au pire, de la parodie ratée de générique de série télé des années 70). Disons donc que l'essai n'est pas particulièrement convaincant ...

L'enfant assassin des mouches

Voici une oeuvre beaucoup plus curieuse, étrange même, très intéressante. Il y a des morceaux "normaux", joués par l'orchestre des Concerts Lamoureux et le Jeune Choeur de Paris. Ca sent bon les années 70, mais dans un intermédiaire entre univers Pop et musique sérieuse, proche dans cet esprit cross-over de la "Messe pour un temps présent" de Henry et Colombier. Et entre, il y a des interludes, où brille le bruitiste Michel Musseau, extraordinaire en pince-sans-rire, qui commence à officier sur d'habituelles enclumes et sirènes, pour se tourner ensuite vers de plus loufoques robots ménagers et poêles à frire, ou jouer de la guitare avec ses pieds ou ses fesses, dans un second degré destructeur et assez jouissif. Difficile de savoir comment prendre tout ça, les classifications fonctionnent mal. Par exemple, pourquoi prendre un quatuor à cordes de jeunes adolescents, forcément un peu vert ? Bref, ce n'est pas forcément un impérissable chef-d'oeuvre, mais c'est assez étrange et inclassable pour devenir culte.

Melody Nelson

Enfin nous y voilà, débutant à l'heure où, dixit le livret, le concert aurait du se terminer ... Et dès que la basse de Herbie Flowers résonne, le charme envoute le public. Toute la section "rock" de la scène (Claude Engel et Thomas Coeuriot à la guitare, Pierre-Alain Dahan à la batterie) se réveille et ils sont clairement à leur affaire, énergie moelleuse et rageuse, tempi élastiques et tendus, splendide.
Au chant, c'est un défilé de stars ou de sommités. Pour "Melody", Mathieu Amalric, peut-être pas assez rêveur et lointain, mais qui redevient acteur quand il accueille Martina Topley Bird (une inconnue ? pas vraiment pour qui connait Tricky). Pour " Ballade de Melody Nelson", la même Martina est accompagnée de Brian Molko (chanteur de Placebo), qui balance la chanson avec une force peu commune, un naturel et un charisme irrésistibles. C'est ensuite Brigitte Fontaine qui vient chanter "La Valse de Melody" ; c'est peut-être son état normal, d'avoir l'air aussi stone, le public l'acclame, on salue plus sa légende que sa prestation. Ca ne s'arrange pas avec Daniel Darc, pour "Ah ! Melody", qui fait une belle imitation du Gainsbarre limite incompréhensible pour cause d'éthylisme avancé. Les choses redeviennent plus normales avec "L'hôtel particulier", chanté par Alain Chamfort, toujours aussi élégant et distingué, tant dans la voix que dans les vêtements. Pour les petits bruits vocaux de "En Melody", c'est Seaming To qui s'y colle (elle, oui, y a pas grand-monde qui la connait ; le livret explique qu'elle joue "de la clarinette, du glockenspiel amplifié, du synthétiseur analogique, du kaos pad, du kazoo et du pistolet laser". genre). Enfin, pour "Cargo culte", arrive Clotilde Hesme (que j'ai réussi pour l'instant à ne jamais voir au cinéma, elle semble exceller dans un certain type de cinéma français que je loupe plus ou moins volontairement à chaque fois ! Mais elle jouait la mère dans "Getting Attention"), qui se balance voluptueusement en traversant l'orchestre pour rejoindre Amalric à qui appartiendra les phrases conclusives.
Entendre en concert les sublimes morceaux "Melody", "L'Hôtel Particulier" ou "Cargo Culte", avec le bassiste d'origine, des rockeurs excellents, et les magnifiques orchestrations interprétées par un vrai orchestre à cordes et un vrai choeur, c'est vraiment un grand moment. Et le défilé permet, finalement, de ne laisser personne prendre la place de Gainsbourg, chacun des intervenants ne faisant que passer et se mettre au service de la chanson jouée. Les difficilement supportables "bis" initiaux, et le curieux "assassin des mouches", valaient la peine d'être subis, pour gouter pareil bonheur musical.

Ailleurs : 7 And 7 Is (pour le concert de la veille ; je pense que Amalric était meilleur Jeudi que Mercredi ; un ami présent Mercredi me faisait état d'une certaine crispation générale des intervenants, qui ne m'est pas apparue flagrante le Jeudi)

vendredi 24 octobre 2008

Diptyque 4.5b : La Danse des Esprits

(photo par Jerome MagicWorld)


La chamane a dansé
et ses bras cadencés
ont brisé la distance :
les fantômes s'élancent.

En voici un qui passe :
il traverse la place
et déjà s'efface.

(participation au diptyque 4.5 d'Akynou)

mercredi 22 octobre 2008

Concentus Musicus Wien - Cantates de Bach (Salle Pleyel - 21 Octobre 2008)

Nikolaus Harnoncourt malade, c'est le chef du choeur Arnold Schoenberg, Erwin Ortner, qui dirigera le Concentus Musicus Wien dans ces trois cantates.

Cantate BWV 38 : Aus tiefer Not Schrei ich zu dir

Etrange début de cantate, où le choeur presque seul entame une mélodie bien rugueuse, ornée de trombones, que l'orchestre ne vient soutenir et guider que lentement. Le sommet est l'air de ténor, accompagné de deux hautbois et basse - même si la voix de Werner Güra est trop crémeuse, et même si les hautbois finissent par fatiguer et lâcher de splendides canards, c'est un morceau splendide. Intervient un peu plus tard le seul moment de la soirée où plusieurs voix se répondront : un trio soprano alto basse, dominé et comment par la soprano Barbara Bonney.

Cantate BWV 70 : Wachet ! Betet ! Wachet ! Betet !

Etonnants contrastes, entre de tendres berceuses, et des éclats terrifiants d'apocalypse. Mais même dans ces déferlements, l'orchestre reste plutôt sage et retenu. Ce qui permet de ne pas trop couvrir les voix, vraiment peu puissantes, surtout coté masculin.

Cantate BWV 30 : Freue dich, erlöste Schar

Ah, celle-là, je la connais, et je l'aime ! Si dansante que j'ai du mal à ne pas chantonner ! Le couplage "récitatif puis air" par le même chanteur est presque strict (il n'y a pas d'air pour le ténor).
Les longues guirlandes tenues sans respirer par la basse Timothy Sharp sont impressionnantes, mais c'est son second air "Ich will nun hassen" qui me réserve le plus de surprises, entre autres par le jeu avec le volume des cordes, qui enfle ou décroit soudainement, ou par certaines mélodies de bois que je n'avais jusqu'ici remarquées. Erwin Ortner est presque en train de danser ! De fait, quelle évolution dans l'interprétation de cette cantate depuis la version Teldec, du même orchestre, qui semblait alors complètement endormi, ou timide, en tous cas d'une lenteur et d'un sérieux compassé qui ce soir heureusement ne sont pas de mise ! On est plus proche de la brillance Gardiner (dont, en fouillant dans la radioblog, qui remarche, mais si mais si, vous trouverez deux extraits de cette cantate). Et le choeur final, reprise de celui du début, achève de nous propulser dans le bonheur simple.

Ailleurs : Palpatine, mbr, Native Dancer

La petite renarde rusée (Opéra Bastille - 16 Octobre 2008)

Les Prosélytes Lyriques sont de grosses feignasses (et pas que dans leur cuisine). Je pensais, en rentrant d'un long weekend familial, pouvoir profiter de leurs nombreux billets sur ce spectacle vu ensemble pour rédiger vite fait bien fait un pot-pourri de liens et de copiés-collés.
Bernique.
Donc, au boulot.

A l'ouverture du rideau, la vue est saisie par la splendide forêt de tournesols, où se dissimulent insectes et petits animaux, qui se révèlent l'un après l'autre pour animer les lieux de leurs fantaisies. Musique enjouée, dansante, pleine de percussions, de cuivres, et surtout d'omniprésentes flutes. Boucles courtes, riches effets de textures, la musique est un patchwork resplendissant, variée dans les détails, unie dans ses procédés de fabrication. De longs passages instrumentaux permettent de passer de la forêt à la maison du garde-chasse. La renarde tente de persuader les poules de se révolter contre leur condition d'esclaves sexuelles d'un coq ridicule, puis se venge de leur apathie en les étripant gaiement ("prolétariat dégénéré !"). Elena Tsallagova s'amuse et nous amuse follement, espiègle, mutine, virevoltante de vie. Un peu plus tard, sa rencontre avec un autre renard, tous deux croisant leur lampe torche au cours d'une visite nocturne dans la même maison, sera un autre grand moment. Scéniquement s'entend. Les amateurs de belles voix et de grands airs seront sans doute déçus. Les voix se perdent un peu au milieu de la musique, et la partition leur offre surtout des comptines enfantines, des lamentations nostalgiques d'ivrognes, des dialogues animaliers truculents, bref, pas grand-chose de vraiment consistant coté émotion vocale.
La seconde partie est bien sur un peu plus triste, moins spectaculairement entrainante, dans des teintes hivernales plus atones (à croire que la moitié des flutistes sont partis se coucher pendant l'entracte). Une mort d'héroïne en 10 secondes chrono, sans pathos ni couronne, ça change. Et puis la vie qui reprend, les nouvelles générations qui se manifestent, la fille de la renarde, le petit-fils de la grenouille ... Le retour des tournesols au milieu de la neige est une facilité de mise en scène un brin décevante.
Le final, tout tintinnabulant et en lenteur solennelle, est du Janacek au plus beau (messe glagolitique). On sort avec de quoi fredonner, le sourire aux lèvres, et des images de joliesse rousse dans les yeux.
la petite renarde rusée

Ailleurs : ConcertoNet, Palpatine, Native Dancer

dimanche 12 octobre 2008

Diptyque 4.4a : Collection de disques

Pour une fois, je ne participe pas à la partie "a" du diptyque d'Akynou par une simple photo posée sur Flickr : j'y ajoute un peu de présentation.

Le texte qu'il s'agissait d'illustrer est de Fennelin :

- Des timbres, j'ai repris le virus du grand-père. Enfin, pour l'instant la moitié des timbres se trouvent encore chez mes parents.
- Les livres. Certains auteurs en fait (Douglas Adams, Neil Gaiman, Anne McCaffrey, Feist...). Surtout de la Fantasy donc. Je couvre quelques morceaux de murs avec.
- Les jeux. Une armoire complète à ce jour. Va falloir un autre meuble bientôt.
- Les vieux jeux de rôle. Quelques étagères de matériel près à jouer pendant de longues heures. Plein de papier pour attirer la poussière...
- Les films, séries, figurines... de PatLabor. Mon côté manga.
- Les souvenirs de voyages de mes potes... J'ai même, comble du mauvais goût, une tasse avec Sadam Hussein en photo.
- Des cartes de jeux à collectionner (Legend of the five rings, Horus heresy...)
- Les problèmes de santé. Ce qui donne une quantité non négligeable de radios, compte-rendus et autres documents à conserver...
- Les films de Miyazaki. En DVD bien sûr maintenant que j'en ai les moyens.


Les collections, donc. Je n'en ai guère, un problème de place essentiellement, mais aussi un refus de m'encombrer d'objets, rassemblés au prix d'efforts et d'énergie qui souvent au bout de quelques années me semblent vainement gâchés.

Une seule exception : les disques. Ce n'est pas vraiment une collection, plutôt une accumulation. De temps en temps, j'effectue une purge, mais la dernière fois date un peu ...

Voici le coin "Jazz" (colonnes de gauche) et "Pop Rock" (colonnes de droite) avec les compiles indéfinissables au centre.



Là, le coin "musique classique" (essentiellement contemporaine).



Et ici, les collections dans la collection, les séries choisies en fonction de la maison d'édition.



Enfin, stockés dans un placard, voici des cartons où je range les CDs qui ne peuvent entrer dans les espaces ci-dessus définis. C'est cette zone qui, une fois pleine, doit être purgée. En attendant, des allers-retours entre ces cartons et les rangements surviennent, de temps en temps.

samedi 11 octobre 2008

EIC - Hommage à Elliott Carter (Cité de la Musique - 9 Octobre 2008)

A l'occasion du centenaire du compositeur Elliott Carter, cet hommage par l'EIC consiste en une suite de courtes pièces solos, jouées de façon presque enchainée. "Riconoscenza" pour violon (des climats rythmiques tranchés qu'il faudrait, dixit le livret, entendre comme des couches simultanées en polyphonie virtuelle ; difficile exercice à la première écoute !), "A 6 Letter Letter" pour cor anglais (sur le nom de Paul Sacher, une fantaisie charmante), "Figment II" pour violoncelle (c'est quand le livret explique que cette pièce, belle et méditative, cite Charles Ives "avec qui Carter s'était lié d'amitié en 1924", qu'on se rend mieux compte de ce que cela signifie, d'avoir 100 ans ...), "Gra" pour clarinnette, "Figment III" pour contrebasse, "Scrivo in vento" pour flûte, "Figment IV" pour alto.
La pause est un peu plus longue pour permettre l'installation de la harpe, pour "Mosaic", où elle a la part centrale (la pièce est dédiée à la mémoire du harpiste Carlos Salzedo, et utilise des techniques de percussion ou de bruitismes qu'il avait inventé), accompagnée de flûte hautbois et clarinette d'un coté (et qui donneront un très beau trio en cours de route), et de violon alto violoncelle et contrebasse de l'autre.
L'enchainement rapide de ces courtes pièces donne plus l'impression d'entendre une seule pièce, suite musicale, en gommant l'individualité de chacune d'elles (à part pour "Mosaic"). Paradoxalement, je ressens moins l'impression de confusion et de désordonné que me donnent souvent les pièces de Carter, et profite de passages plus directement tendres ou chantants, contemplatifs ou au contraire énervés, en tous cas plus simplement donnés, et sonnant moins artificiels, sans la complexité de structure ou le zapping incessant habituels.

Quatre éléments / Quatre saisons (Cité de la Musique - 7 Octobre 2008)

Voici un bien curieux spectacle, entre musique et chorégraphie. Si la première partie reste habituelle, la seconde beaucoup moins !

Jean-Féry Rebel - Les Eléments

La lumière descend lentement sur la salle pas vraiment pleine mais fort bruyante, alors que le luthiste est déjà sur scène à égrener des accords arpégés, tranquillement installé sur le corps ramassé du danseur et chorégraphe Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola. Puis l'ensemble de l'Akademie für Alte Musik Berlin s'installe, et la musique commence vraiment, mélange un peu hétéroclite de danses assez classiques, de duos parfois soutenus par un tiers, et de très surprenants intermèdes frôlant le chaos. Je pense qu'on aurait pu se passer de l'ajout de véritables chants d'oiseaux ou de bruits de vent, la musique était suffisamment évocatrice.
Devant les musiciens, le danseur démarre allongé, reptations, contorsions, pas encore vraiment humain, se redresse lentement, mouvements hasardeux, retire la pierre qui lui déformait la bouche en grimace simiesque, apprivoise l'eau, découvre le feu, etc. Avec quelques accessoires, il crée des images qui renvoient à une préhistoire mythique, l'émergence de l'humanité, la prise de conscience issue de la confrontation avec les éléments. Mais c'est un peu trop convenu, trivial, ça frôle souvent le cliché, et manque un peu de poésie pour vraiment m'emballer. On reste dans l'illustration un brin anecdotique, loin de l'ambition dévinée de donner dans le transcendantal.

Antonio Vivaldi - Les Quatre Saisons

Deux grandes échelles sont amenées sur scène, sur lesquelles les nombreux violonistes et altistes de l'Akamus s'installent, une feuille d'arbre entre les dents. En effet, ce sont les musiciens qui vont danser maintenant ! Parfois simplement en utilisant des accessoires, comme se poser sur la tête un grand mouchoir blanc, ou une pomme en équilibre précaire ; parfois participant à des effets de mise en scène, comme les femmes essayant l'une après l'autre de réveiller d'un baiser le danseur tombé à terre après avoir croqué une pomme ; parfois devant jouer tout en courant d'un coté de l'autre, ou tournoyant sur des chaises à roulettes, ou imitant des danses savantes.
Le premier rôle est tenu par la violoniste germano-japonaise Midori Seiler, secouée comme un arbre dans la tempête, renversée tête en bas comme une boule à neige, portée sur les épaules de Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola, avec qui elle forme un couple définitivement sexy.
Je ne vois guère d'autre pièce musicale du répertoire qui pourrait subir pareil traitement sans dommage ; les Quatre Saisons, c'est tellement connu par coeur, et tellement riche de détails pittoresques, que cette mise en scène revitalise, sans dénaturer. On a droit aux flèches tirées lors d'une partie de chasse (des archets fichés dans le dos de Midori Seiler), aux patineurs sur glace (violonistes en chaises à roulette), à la fuite sous la pluie, etc. ; mais pas au chien qui aboie.
C'est par moments très drôle, parfois poétique (et cette fois ça marche), presque tout du long surprenant, les pas de deux entre le danseur et la violoniste spectaculaires. L'Akamus semble beaucoup s'amuser (Midori Seiler elle tente de rester concentrée ce qui n'est pas évident au milieu de tous ces événements ...), et le public partage grandement ce plaisir. Un spectacle réjouissant, donc.
En attendant une hypothétique captation vidéo (sur Arte, ça aurait bien sa place ; et même un DVD, pourquoi pas ?), voici une présentation, en allemand, et avec une bande son décalée sur l'image, mais ça donne une idée des images proposées.

Diptyque 4.4b : Attente



Avancer pas à pas
en regardant par terre
ça ne ressemble pas
au départ pour Cythère

Et dans ce quotidien
un peu d'été indien
ferait du bien

(participation au diptyque 4.4 d'Akynou)

lundi 6 octobre 2008

Ivan Fisher - Gustav Mahler Symphonie n°3 (Salle Pleyel - 4 Octobre 2008)

8 cors pour sonner la charge, 8 contrebasses tout en haut au milieu des percussions pour faire trembler le monde, l'introduction ne peut être qu'affaiblie sur disque. Cette section, solennelle et guerrière, reviendra périodiquement dans ce premier mouvement costaud, au milieu des marches militaires, des fêtes paysannes, des allégories de la nature, etc. A la tête de l'Orchestre du Festival de Budapest, Ivan Fisher en livre une interprétation ample et détaillée, scènes caractérisées, fil clair, grand bonheur. Il se démène parfois frénétiquement, comme pour ce passage vers les deux tiers où une fanfare triviale, presque grotesque, se noie dans un tumulte de cordes engloutissantes. Pas d'entracte, mais quelques applaudissements pour saluer la fin de la première partie.

S'installent en fond de scène le Jeune Choeur de Paris et la Maîtrise de Paris.
Après deux courts mouvements où je ne retiens pas grand-chose de particulier à dire, survient un magnifique lied, où la voix de Birgit Remmert s'orne des interventions solistes d'un violon ou d'un basson (VSQVBTQ, lisant "Was spricht die tiefe Mitternacht", vous vous dites, il suffit d'aller lire !). Un peu d'humanité individuelle là où régnait pour l'instant les masses et les ensembles.
Puis les choeurs se lèvent, pour ... 4 minutes et des poussières de chant. Voilà des ressources bien utilisées ! Mais leur chanson "Bimm bamm, bimm, bamm", me restera longtemps dans la tête.
Et on termine par du monotonal un brin trop calme à mon gout.

En bilan, une excellente interprétation, meilleure que la soirée Bartok où j'avais pu déjà voir cet orchestre. Merci à la Nuit Blanche, à P retenu à cette occasion, et à G pour l'invitation.

Ailleurs : Palpatine, mbr (ah ben mince, j'avais déjà oublié ce délicieux "cor de postillon" !)

samedi 4 octobre 2008

EIC - La Mesure du Temps (Cité de la Musique - 2 Octobre 2008)

(pour ce compte-rendu, je triche un peu : j'écoute l'enregistrement fait par France Musique, qui me permet de redonner vitalité à des impressions de concert affaiblies par une forte fatigue en cours de première partie)

Mauricio Kagel - 10 marches pour rater la victoire (extraits)

En préambule de ce premier concert de l'EIC de la saison, Mälkki le dédie à Maurico Kagel récemment disparu, et présente en forme d'hommage deux courtes pages de "10 marches pour rater la victoire", une sorte de marche modérément funèbre, puis une sorte de fanfare modérément triomphante, toutes deux avec ce qu'il faut d'ironie et de faux-semblant énigmatique.

Eliott Carter - Asko Concerto

Six sections séparées par des sortes de tutti, où brillent quelques solistes parfois superposés. Le tout est plutôt enjoué, avec de jolis solos, par exemple de harpe, de clarinette basse, ou de basson vers la fin, mais ça ne m'emporte guère plus loin qu'un intérêt poli.

Conlon Nancarrow - Etudes (arrangements pour orchestre)

Voici deux études de Nancarrow (pas parmi les plus spectaculaires, je pense) transcrites pour ensemble par deux musiciens de l'EIC : la 2a par le tubiste Arnaud Boukthine, la 20 par le pianiste Sébastien Vichard. Ces orchestrations affadissent le propos - la radicalité et l'impossibilité de jouer ces pièces se perd dans la suavité des textures et dans la dextérité de l'EIC à se jouer des rythmiques les plus complexes. Cela met plus en évidence qu'en version originale, des parentés avec Charles Ives ou Ligeti, mais ne soulève guère d'enthousiasme à l'écoute.

Per Norgard - Scintillation

Etrange musique, aux contours comme flous, ou mangés par du contre-jour. Il y a comme un suspense à tenter de percevoir des lignes mélodiques, ou des mouvements rythmiques, qui émergent d'une texture plus indéterminée, puis s'y engloutissent par transparence. Une foule de détails, de points de cristallisation, mais qui ne donnent jamais une vision complète.

Karlheinz Stockhausen - Zeitmasse

Mon morceau préféré de la soirée. Nous sommes en 1956, et déjà dans le post-sérialisme. Il y a de magnifiques lignes mélodiques, avec l'acidité des influences Weberniennes, aidée par la texture du quintette à vent. L'attention devrait se focaliser sur les rythmes, en partie libres (genre "aussi rapide que possible à environ quatre fois plus lent") et en partie hyper précis (échelle de 12 tempi de 60 à 120). Là encore, la maitrise de l'EIC est telle que le chaos de la liberté n'effleure jamais, et je remarque plus le contrôle gestuel forcené de Mälkki. La pièce pépie avec bonheur et insouciance, les instruments s'envolent et se dispersent sans jamais se perdre, dialoguent avec une sérénité joueuse très agréable. Une fraicheur très désaltérante.

Elliott Carter - Double Concerto

Le Asko Concerto datait de 2000, ce double concerto pour piano et clavecin est écrit 40 ans plus tôt. Il me passionne aussi peu. Ce n'est ni désagréable, ni mal écrit, c'est juste que je m'y ennuie tranquillement. Soit je ne comprends pas l'enjeu, soit celui-ci ne m'intéresse absolument pas.

Diptyque 4.3b : Noyade

(photo par michel clair)


Les corps qui, dans la nuit,
ont noyé leur ennui
dans d'intimes délits,
se sont évanouis.

Leurs traces infinies
se lisent dans les plis
des draps du lit.

(participation au diptyque 4.3 d'Akynou)