lundi 10 novembre 2008

Bernard-Marie Koltès - Le Retour au désert (Théâtre de la Ville - 9 Novembre 2008)

Du Koltès mis en scène par Catherine Marmas, j'avais déjà vu "Fragments Koltès", montage effectué avec des élèves comédiens, il y a ... quelques années ; l'exercice était intéressant, mais cela restait un exercice. Cette fois encore, il y a de l'expérimental : la pièce est jouée à la fois en français et en portugais, avec une troupe mixte France / Brésil. Pour se faire, presque chaque personnage est dédoublé, et les phrases sont prononcées parfois par l'un, parfois par l'autre, parfois par les deux, simultanément ou successivement : les possibilités sont multiples ; cela parfois éclaire le texte d'une manière intéressante, en mettant bien en avant certains mots répétés par exemple, mais le plus souvent, devoir jongler continuellement entre écouter et lire les sur-titres (projetés clairement sur un écran très haut, ce qui oblige à ne plus pouvoir regarder la scène, ou alors sur le décor directement, où les jeux de lumière les rendent plus difficilement lisible, ce qui oblige à un effort de concentration supplémentaire), distrait du jeu sur scène, et empêche de vraiment entrer dans les propos ou dans les émotions de la pièce.

Pièce assez ambigüe, au demeurant ; écrite pour et créée par Jacqueline Maillan, elle garde l'empreinte de ce "monstre sacré", dans des répliques ou des tirades dont elle devait savoir exploiter à merveille l'humour féroce ou la mauvaise foi vacharde et pleine d'énergie. Mais à coté de ces passages dignes d'un one-(wo)man show, il y a aussi du drame, des morts, de la politique, du conflit nord-sud et de la guerre des classes, des souvenirs de l'Algérie, de la haute-bourgeoisie qui se planque derrière de hauts murs, des personnages sacrifiés, un fils que son père garde prisonnier pour le protéger des singes qui peuplent le monde extérieur (qui rêve de gloire militaire tant qu'il est confiné dans le jardin, puis une fois enrôlé n'aura plus que peur de mourir), une femme cinglée alcoolique et dévote (pourquoi Koltès a-t-il créé un personnage si ridicule ? vengeance anti-bourge, ou y a-t-il des facettes que cette actrice et cette mise en scène n'ont pas su ou voulu exploiter ?), une fin de boulevard au ridicule assumé (la bonne qui interrompt par épisodes le dialogue du frère et de la soeur ennemis qui s'en foutent, pour annoncer en grands hurlements que la fille de la dite soeur accouche, de jumeaux, noirs, ce dernier détails provoquant une fuite panique), des drames passés suggérés (pourquoi exactement la soeur a-t-elle du s'enfuir en Algérie ? quel a été alors le rôle du frère ?), ou transfigurés (la première femme du frère, qu'on pense admirable et morte de façon tragique et taboue, se révèle dans son apparition fantomatique une caricature de morgue aristocrate, dégoutée qu'on ait pu lui proposer du gâteau posé sur une feuille de papier journal).

Grand point positif cependant : le décor. Composé essentiellement de deux éléments de murs à angle droit, ils structurent l'espace en chambres, ruelles, jardins, bars, à peine soulignés de quelques meubles. Minimal, efficace, et beau.
Mais le parti-pris du bilinguisme se révèle plus un artifice encombrant et contraignant, qui nous tient trop souvent à distance des personnages.

Ailleurs : Les trois coups

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