mardi 29 décembre 2009

Quelques listes d'albums pour Spotify

Depuis quelques mois, je profite avec grand bonheur d'un abonnement sur le site Spotify. Etrangement, je me sens beaucoup plus à l'aise avec de la musique en streaming pur, qu'avec des albums achetés en MP3, que je n'arrive pas à m'approprier ; je n'arrive pas à considérer les quelques albums achetés chez Deutsch Grammophon comme faisant partie de ma collection de disques.

Un site de streaming, c'est plus comme un abonnement dans une médiathèque, où j'emprunte avec la plus grande des facilités tout type de musique. Je continue néanmoins à acheter des disques, soit qu'ils me semblent particulièrement importants dans une discothèque digne de ce nom (genre les Anthologies 1 et 2 de Fela Kuti), soit qu'ils ne sont pas disponibles chez Spotify (pas de Hat Hut, arg !), soit qu'ils complètent une collection en cours (les cantates de Bach par Gardiner, par exemple).

Mais malgré la facilité de recherche de leur outil, il me manque chez Spotify de pouvoir choisir un disque en parcourant rapidement les pochettes, comme dans mes étagères de CD.
Qu'à cela ne tienne : il suffit de créer les pages Web appropriées !

C'est fait sur : http://bladsurb.free.fr/spotify/
Pour l'instant, cette page est rudimentaire et bien moche, mais le design des pages listées est un peu plus travaillé ...

100 ECM Records

Pour célébrer les 40 ans du label ECM, cette page liste 100 albums ECM de 1971 à 2009 (je n'ai pas trouvé d'albums intéressants dans les deux premières années du label). Cette sélection obéit à deux contraintes :
  • les albums doivent être présents sur Spotify, qui étrangement ne contient pas les albums les plus connus et célèbres, style "Köln Concert" de Keith Jarrett ou "Offramp" de Pat Metheny (Open Jazz d'Alex Dutihl établissait les best sellers d'ECM dans son émission du 7 Décembre).
  • les albums ont du me plaire lors de leur première écoute, ce qui est un critère absolument arbitraire et fortement dépendant de mon humeur du moment ...

Bref, ne cherchez aucune cohérence particulière ...

AEON White Collection

Aeon présente dans sa collection blanche une très impressionnante série de disques de musique contemporaine, essentiellement en monographies d'artiste, plus quelques volumes centrés sur un musicien particulier. C'est une série dont je continue de chercher l'intégralité en CD, mais elle est aussi disponible, presque en totalité, sur Spotify !

Blue Note

Pas facile en fait de bien identifier les disques Blue Note, à cause du rachat par EMI, des modifications de licences ... Spotify indique le label sous chaque disque, mais de manière très variée ! Pour cette série, je me suis focalisé sur les musiciens qui ont au moins 5 albums Blue Note disponibles. Cela donne une vingtaine de noms.

Tzadik - Radical Jewish Culture

Il y aura d'autres pages consacrées à Tzadik. Dans celle-ci, j'ai listé par ordre de catalogue (donc je suppose dans l'ordre chronologique) tout ce qui est rangé dans "Radical Jewish Culture", donc apparenté au Klezmer ; parfois de façon assez lointaine.

D'autres collections devraient suivre, sur le même principe ...

dimanche 20 décembre 2009

Kind of Porgy & Bess - Electric Miles (Cité de la Musique - 18 Décembre 2009)

Paolo Fresu Quintet - Kind of Porgy & Bess

Cette première partie n'arrivera pas à m'emballer. Le son de la trompette de Paolo Fresu est d'une splendide limpidité, la guitare de Nguyên Lê d'une belle inventivité, mais cela ne suffira pas. Un solo de batterie particulièrement mastoque, un solo de piano à l'intensité athlétique assommante, Dhafer Youssef en invité qui se contente par moments de hululer sans grande inspiration, tout ça ne décolle jamais vraiment, et frôle bien souvent le banal. La présence assez importante de l'électronique, qui fusionne par moment la trompette et la guitare, crée une distance, un manque d'authenticité. Ca manque de chair et d'âme. Vers la fin, la version rapide, presque rock, de Summertime, surprend enfin, et le bis, où Dhaffer Youssef joue du oud en duo avec Nguyên Lê, est très joli.

Laurent Cugny Enormous Band - Electric Miles

Longtemps, j'ai dédaigné les big-bands. Mais cette année a été pour moi leur grand retour, avec "Le sens de la marche" de Marc Ducret, ou le MégaOctet d'Andy Emler. Et ce soir encore, l'énergie que dégage cet Enormous Band est un petit régal. Les arrangements de Laurent Cugny sont suffisamment simples pour qu'il puisse diriger les opérations du piano ou du synthé (l'alliage guitare/synthé permettant à elle seule de retrouver les saveurs électriques du Miles du début 70's),il s'avance néanmoins pour diriger plus précisément son petit monde dans quelques intros bien chiadées. Et du monde, il y en a, sur scène ! 5 saxophones, 1 flûte, 5 trompettes, 2 trombones, 1 cor, 1 tuba, bien alignés en estrade à droite ; au centre, 1 batteur et 1 percussionniste ; à droite, 1 guitariste et 2 bassistes ; plus un grand piano et un clavier. Au milieu des inconnus (où je retiendrais particulièrement le percussionniste Xavier Desandre-Navarre, joliment efficace sans ostentation), quelques vedettes, dont Stéphane Belmondo, qui prendra le premier solo, superbement vif et tranchant, ou Thomas De Pourquery. Mais c'est dans leur succession et leurs différences que ces solos plus ou moins enchainés deviennent passionnants, qui permettent d'apprécier l'étendue des styles et des techniques : il y en a qui louvoient et d'autres qui foncent, des qui s'attaquent à la rythmique et d'autres qui déconstruisent la mélodie, des qui passent le temps comme ils peuvent et d'autres qui ont préparés des machines de guerre à étages, des qui hurlent et d'autres qui roucoulent. Après quelques morceaux arrive David Linx, pour d'abord une reprise de Kurt Weill qui m'a peu enthousiasmé, puis retour au matériel électrique de Miles Davis, où son inventivité matinée quand il faut d'une douceur de crooner fait merveille (même si la folie de Médéric Collignin aurait encore plus permis d'enflammer définitivement cette matière incandescente). En bis, et pour clôturer la soirée en beauté, ils reprennent mon titre préféré de "Porgy and Bess", "Gone", avec solo superposé de trois trompettistes. Heureux ! (et heureux de rentrer à pied, la fin tardive du concert coïncide avec celle de Kery James au Zénith, provoquant un bel embouteillage sur la ligne de métro ...)

Ce concert est disponible sur Arte LiveWeb en deux parties, Kind of Porgy and Bess et Electric Miles.

Spotify:
Ella Fitzgerald - Gershwin "Porgy And Bess"
Miles Davis - Porgy and Bess
Laurent Cugny - Yesternow

mardi 15 décembre 2009

Pandit Shivkumar Sharma et Ustad Zakir Hussain (Salle Pleyel - 12 Décembre 2009)

J'ai longtemps pensé que je pourrais facilement me passionner pour la musique indienne, comme j'ai plongé pour la musique contemporaine. Il y a malheureusement un obstacle : la modalité. Cet absence de modulation, ce sur-place harmonique sur de parfois très longues périodes de temps, si j'en comprends les fondements théoriques, j'ai du mal à ne pas m'en insupporter. C'est plus maintenant un univers musical où je m'aventure quand l'occasion se présente, pour évaluer mon degré d'acceptation ou de plaisir ressenti, comme je peux écouter lors d'une saison une ou deux symphonies de Beethoven ou, pourquoi pas, quelques études de Chopin.
Ce concert n'était pas prévu dans mon abonnement, récupéré auprès d'un spectateur non-ubiquite qui lui a préféré un Oratorio de Noël (merci merci Joël !). Si je connaissais le nom du tabliste Zakir Hussain, celui de Shivkumar Sharma m'était totalement inconnu, ainsi d'ailleurs que celui de son instrument, le santur.
Le problème du santur, c'est qu'il s'accorde longuement. Et comme Shivkumar Sharma n'est pas exactement minimaliste dans son jeu, l'instrument soumis à rude épreuve doit être régulièrement réaccordé. Cela rythme le concert. 10 minutes d'accord, 30 minutes de musique. En tout, trois longues plages de raag.
La première partie se joue sans tabla. A l'aide de ses petits maillets, Shivkumar Sharma laisse flotter les lignes, puis les organise, enfin les fait tournoyer. C'est une musique d'eau et de vent. Il frappe, frotte, frôle les cordes, parfois juste entre le son continu et les notes égrainées. Sa maitrise des rebonds est fabuleuse. Mais cette virtuosité reste sereine. Ce n'est pas une démonstration. Pas une initiation non plus. C'est un voyage dans un art porté à un très haut degré. Faute de connaissance et d'habitude, j'ai regardé ce monde musical s'épanouir, tout en restant à l'extérieur.
Pour les deuxièmes et troisièmes parties, Zakir Hussain rejoint le maître. Mais il reste à une place d'accompagnateur de luxe, indispensable mais subordonné (comme un pianiste émérite dans un récital de lied, peut-être ?). Parfois, le santur s'installe dans une boucle, le temps pour Hussain de s'exprimer en soliste, avant de laisser les cordes reprendre le premier plan. Dans leur dialogue, il y a une intensité qui ne laisse guère de place à l'humour, c'est du sérieux, sans doute mystique.
Finalement, la longueur des stagnations modales m'a peu atteint. Si je n'ai pas pu profiter totalement de la prestation, c'est plus par manque de culture ; difficile d'apprécier les développements d'un raga classique, d'en gouter les audaces ou les subtilités climatiques, et impossible d'en noter les références, quand on découvre pour la première fois.

Je découvre à cette occasion qu'il y a beaucoup de musique indienne sur Spotify (le label Sarégâma semble fort copieux !).

Ailleurs: Klari, qui était juste au rang derrière moi, qui a plus su apprécier ; son billet permet aussi de mieux comprendre et donc d'aimer cette musique.

Spotify:
Shiv Kumar Sharma - Call Of The River - 11 meditations on the Santoor
Zakir Hussain - Rhythmic Impressions
Shivkumar Sharma & Zakir Hussain - The Flow Of Time

jeudi 3 décembre 2009

Et de quatre

Le premier fut un Fujifilm FinePix S9500.
Acheté en Janvier 2006. Remisé en Aout 2006, après 2358 photos, pour cause de petit souci technique, mais surtout parce qu'inadapté à mes envies.
hotel - mangez des pommes

Le deuxième fut un Canon PowerShot A620.
Acheté en Juillet 2006. Perdu (sans doute volé) en Novembre 2009, après 12437 photos. Un compagnon de tous les jours, qui m'aidait à regarder le monde. Il sera regretté.
jeu d'ombre -
le canal sous la pluie

Le troisième fut un Canon EOS 40D.
Acheté en Octobre 2007. Deux zooms, et plus tard un objectif fixe. Toujours utilisé, mais trop encombrant pour un usage quotidien.
devant beauourg, dehors, la veille du marché ...

Le quatrième est un Canon PowerShot G11.
Acheté en Novembre 2009, pour remplacer le A620. En rodage, mais j'espère pouvoir en tirer de belles choses. Il commence à trouver sa place au fond de mes (grandes) poches.
mandarines, en route vers le pont, paris-carnet 77 ...

dimanche 29 novembre 2009

Lia Rodrigues - Pororoca (Théâtre des Abbesses - 26 Novembre 2009)

Sur la scène totalement nue avancent 11 danseurs et danseuses les bras chargés de vêtements et objets divers qu'ils répandent rapidement un peu partout, plantant ainsi un décor assez "arte povera", avant de se jeter littéralement les uns sur les autres, dans un vaste charivari de corps mêlés, entre lutte et sexe. Ces couples et trios agglutinés, en rapides rotations, bouillonnants d'énergie, s'agrippant et se malaxant les uns les autres toujours entre empoignade et embrassade, ce sera la matière première de la chorégraphie. Par moments surgit un peu de chair nue, masculine ou féminime (de même que les étreintes sont de toutes natures). La stricte répétition de certaines séquences montre que la part laissée au hasard est plus faible qu'on pourrait croire. Même lorsqu'un corps s'extirpe du groupe, sa danse reste comme contrainte, les mouvements tortueux, il n'y a pas de solo libérateur de fougue. Ce qui compte, c'est la frénésie du groupe, cette force vitale, cet élan évoqué par le titre, qui est le nom d'un mascaret, "vague spectaculaire liée à la marée et remontant le fleuve Amazone à contre-courant".
Ainsi que la marée, ils s'accordent parfois une pause, se figeant dans des poses parfois peu confortables, se posant pour partager des oranges, ou fixant, pendant plusieurs minutes, les spectateurs éclairés, qui réagissent diversement à mesure que se prolonge cette brisure du quatrième mur.
Après ce dernier arrêt assez spectaculaire, ils reprennent leur grouillement fiévreux et physique, débordant de scène pour remonter lentement le long de l'escalier de l'orchestre (me frolant presque au passage ...).
Ce spectacle plutôt court, radical dans son genre, par son minimalisme de mise en scène (pas de musique du tout, quasiment pas de décor) et de matériau chorégraphique (même si les variations sont suffisantes pour ne pas générer l'ennui), provoque quelques fuites. Certains soirs ont été semble-t-il plus agités !

Ailleurs: Palpatine, Un soir ou un autre, Octuple Sentier, Images de danse

samedi 21 novembre 2009

EIC - Identités hongroises (Cité de la Musique - 19 Novembre 2009)

Heureusement qu'ils ont changé l'ordre du programme ! Comme le remarque Zvezdo, cela permet aux morceaux d'être de plus en plus intéressants !

Peter Eötvös - Séquences du vent

Alors que je trouve souvent Eötvös un peu trop spectaculaire, dans cette oeuvre de jeunesse, il est au contraire un peu trop vide ... Son évocation de la nature utilise un matériau musical en partie fort trivial (un musicien soufflant pour imiter le vent ...), rudimentaire (les rythmiques en métronome simpliste, même si la vitesse varie), et répétitif. N'est pas Morton Feldman qui veut, et là, ça ne tient vraiment pas la distance (une demi-heure).

György Kurtag - Quatre caprices

Après la surprise des Nouveaux messages, je retrouve ici mon impression habituelle avec Kurtag, une musique sans doute dans un héritage post-dodécaphonique mais à laquelle je n'accroche pas.

Marton Illés - Torso III

Musique dense, explosive, où les lignes mélodiques et texturales s'entremêlent et s'enchevêtrent, où des figures surgissent, contaminent temporairement l'orchestre avant de disparaitre par absorption dans la trame. Fort intéressant. Mais la fin, interminable, en silences comptés ponctués d'aléatoires notes isolées ou groupées en courts paquets, gâche le plaisir.

György Ligeti - Concerto pour violon

Le choc des ocarinas est émoussé par les nombreuses écoutes, mais la beauté mélodique de "Aria Hoquetus Choral", le vertige flottant de l'Intermezzo, ou la cadence finale, restent de perpétuelles redécouvertes. C'est une sorte de "prise d'armes" pour le nouveau violoniste de l'EIC Diégo Tosi, que je pense voir pour la première fois en soliste. Sa prestation me marquera moins que la première audition de Hae-Sun Kang dans "Anthèmes II", mais il obtient quand même une ovation méritée du public.

Ailleurs : Zvezdo

Spotify :
Ligeti : Violin Concerto / Nørgård: Helle Nacht / The Secret Melody
Donaueschinger Musiktage 1999

mercredi 18 novembre 2009

Boulez Pollini - Bartok (Salle Pleyel - 16 Novembre 2009)

Bela Bartok - Quatre pièces op. 12

Elles avaient l'air très bien, ces quatre pièces, mais fatigué comme j'étais, j'ai décidé de somnoler tranquille pour pouvoir mieux profiter de la suite.

Bela Bartok - Concerto pour piano et orchestre n°2

Il y a un CD que j'adore où Maurizio Pollini joue les deux premiers concertos pour piano, et j'étais persuadé que c'était dirigé par Boulez, mais non, c'est Abbado. N'empêche que j'attendais beaucoup de cette interprétation. Et que j'ai été du coup un peu déçu. Tout ça manquait d'intensité, d'engagement. Pollini se promène dans les difficultés de la partition, mais sans paraitre particulièrement impliqué. Les cadences dégoulinent en cascades de notes, l'orchestra Filarmonica della Scala tonitrue joliment en chorus de cuivres très brillants (par contre, ils manquent de basses puissantes, la tessiture de l'orchestre est un peu trop haute à mon gout), mais j'aurais aimé plus de mordant, de férocité dans la joie du premier mouvement, de livide et incantatoire dans le deuxième. Le compte n'y était pas, dommage.

Bela Bartok - Le Mandarin Merveilleux

Heureusement, voilà qui rachète la soirée ! Extraordinaire version, avec des solistes impeccables, des montées en tension que Pierre Boulez maitrise du bout des doigts, et des maelströms orchestraux à effrayer le Sacre du Printemps ! Les cuivres sont encore à l'honneur, et les bois ; les cordes ne sont pas le fort de cet orchestre. Mais le résultat est captivant de bout en bout ! Comme d'habitude, avec Boulez tant qu'avec Pollini, ovations répétées, mais pas de bis.

Ailleurs : Palpatine, ConcertoNet

Spotify:
András Schiff, Iván Fischer & Budapest Festival Orchestra - Bartók : Piano Concertos Nos 1 - 3
Bartók: Concertos

Bartok Kurtag Andre (Cité de la Musique - 15 Novembre 2009)

Bela Bartok - Deux images op. 10

Dernière oeuvre de jeunesse de Bartok, on y sent encore les influences des ainés, particulièrement Debussy. Cette pièce semble plus que d'autres sensible à l'interprétation : la lecture qu'en fait ce soir Sylvain Cambreling face à l'orchestre symphonique du SWR Baden-Baden et Freiburg est autrement passionnante que celle entendue il y a quelques années (où j'avais omis d'indiquer le chef d'orchestre, sans doute Eötvös).
"En pleine fleur" est ainsi englué de ténèbres, un sous-bois où stagne une odeur de décomposition. Quand à "Danse villageoise", on y entend rapidement des marches militaires en funestes augures.

György Kurtag - Nouveaux Messages op. 34/a

C'est une révision 2009 d'un cycle écrit il y a 10 ans, et c'est ce qui m'a le plus plu de ce que j'ai entendu de ce compositeur ! Il y a dans la matière sonore de ces pièces une brièveté et un mystère très attachants, c'est par moments même captivant ! En mode paresse, je recopie la fin du texte de Laurent Feneyrou :
"Alors le jeu de la soustraction reflète un monde disloqué, entre un genre et un état, entre une forme et un destin. Nous y éprouvons la concentration tout autant que ce qui est concentré, et quelque chose s'y serre, d'un esseulement, d'une inquiétude, d'un laconisme érigé en principe esthétique."

Mark Andre - ...auf...

J'en avais entendu et beaucoup aimé la partie 2. Cette fois, c'est le cycle complet, 50 minutes de post-Lachenmann magnifiques. Les 3 parties se prolongent par extension et accroissement de la masse sonore.
"...auf... 1" est donc le plus contenu, au seuil de l'audible, avec un fond sonore qui siffle ou qui chuinte, du souffle ou un ressac, en alliages instrumentaux introuvables, et au-dessus desquelles surgissent en péripéties de courtes explosions à peine prolongées de replongées dans le presque silence. "...auf... 2" commence par ce duel de pianos, puis cette matière étrange et mutante, et comme gonflée par quelque chose qui cherche à transpercer, à apparaitre. "...auf... 3" devient plus bruyant encore, avec deux percussionnistes dans les gradins, et de la diffusion électronique, mais où l'orchestre reste maitre des événements.
Des spectateurs quittent la salle en cours de route, ce qui, pour un concert "Festival d'Automne à Paris", est fort rare ! Et je continue de penser que ce morceau de bravoure orchestral, par sa puissance d'évocation et sa haute tenue musicale, est un chef d'oeuvre du début de ce siècle.

Spotify:
Budapest Philharmonic Orchestra - BARTOK: Viola Concerto / 2 Pictures
25 Years Experimentalstudio Freiburg

mercredi 11 novembre 2009

Planning Novembre - Décembre 2009

Une fin d'automne plutôt calme !

mardi 3 novembre 2009

Jack DeJohnette - Jack Johnson (Cité de la Musique - 31 Octobre 2009)

sous le regard de miles

Dans la si passionnante période électrique de Miles Davis, l'album "A Tribute to Jack Johnson", au croisement de son intérêt pour la boxe (les sessions d'enregistrement listent des hommages à toute une série de boxeurs) et de sa passion pour le rock (il aurait voulu inviter Buddy Miles, le batteur du Band of Gypsys de Jimi Hendrix), n'est certainement pas le plus évident à aborder.
Ce soir, la revisite se fera sous la forme d'un ciné-concert, avec diffusion du plutôt rare documentaire "Jack Johnson" de William Clayton, qui, d'images un peu vieillies en extraits sautillants de combat, évoque la carrière du "Géant de Galveston" : des victoires faciles, d'autres plus brutales, une défaite controversée ; 3 mariages, avec des femmes blanches, dont une qui se suicidera ; un exil, un peu de prison ; de l'argent, des cigares, des voitures rapides, un accident mortel. Toujours, un sourire qui devait irriter ses adversaires.
Le film n'est pas aisé à suivre, sans sous-titres, et avec la musique jouée live en-dessous de l'écran.

Jack DeJohnette anime un quintet, et s'éloigne pas mal des thèmes de l'album de départ. J'ai plus reconnu "Jean-Pierre" que "Yesternow" ... Par moments, les musiciens illustrent vraiment les images : ils emploient ainsi plusieurs techniques pour les combats, parfois solo de batterie façon roulement de cirque, parfois duel entre trompette et saxophone. Puis ils se lancent dans de vrais morceaux, où brillent leurs talents, car nous avons affaire à une fière équipe !
A la basse électrique, Jerome Harris reste assis, et assoit un groove tranquillement puissant ; à la guitare, David Fiuczynski parfois égrène des mélodies fluides dans des modes étranges, mais est plus applaudi quand il se lance dans l'énergie rock plus férocement flamboyante ; le trompettiste Byron Wallen ne tremble pas sous l'ombre tutélaire ; du saxophoniste Jason Yarde je n'ai plus guère souvenir, mais tout ça était impeccable de force et de musicalité.
Enfin, au centre, le batteur Jack DeJohnette, extraordinaire, qui donnera quelques-uns des plus beaux solos de batterie que j'ai entendus depuis des années, des phrases déjà complexes, qu'il allonge ou raccourcit de mille manières différentes, tout en variant les couleurs, et pimentant de sonorités percussives bricolées, dans une batterie assez large.

Spotify :
Miles Davis - The Complete Jack Johnson Sessions
Byron Wallen - Meeting ground, David Fiuczynski - Kif, Wadada Leo Smith + Jack DeJohnette - America

samedi 31 octobre 2009

Joe Lovano nonet - Birth of the Cool (Cité de la Musique - 28 Octobre 2009)

Le cycle "We Want Miles" propose de revisiter en une série de concerts quelques albums importants de Miles Davis. Ce soir, on remonte au début de sa carrière, pour un "Birth of the Cool" revu par Joe Lovano, accompagné, comme dans l'album de départ, de huit compagnons, même si l'instrumentarium n'en est pas respecté.
Première fois que je vois Joe Lovano sur scène. Il en impose. Dès l'entrée, il commence à jouer, alors que les autres s'installent, et entrent peu à peu dans la danse, dans une ambiance assez déstructurée, presque free. Ca ne durera pas : rapidement, les choses se mettent en place de façon beaucoup plus académique, avec vers la gauche un trio rythmique basse batterie piano, vers la gauche un choeur de cuivres (saxophones ténor alto et baryton, trombone, trompette), et au centre, Joe Lovano, saxophone ténor, soliste principal, chef d'orchestre, qui décide qui doit prendre les solos, dans quel ordre et en quelle durée. Il présente aussi les morceaux, dans des speechs à la fois patauds et présomptueux, des clichés qu'il présente comme des vérités profondes, c'est gênant.
Mais c'est aussi lui qui joue le plus, et ça tombe bien, son jeu est l'un des plus solides du plateau, pas particulièrement aventureux, mais costaud, sur de lui, magistral, imposant. Dans ses collègues, il y a des déceptions (le pianiste James Weidman parfait en accopagnateur mais aux solos sans intérêts, le trompettiste Barry Ries qui essaie d'être si éloigné de Miles Davis qu'il finit à coté de son instrument), et de belles découvertes (Ralph Lalama au deuxième saxo ténor, tranchant et brillant, Gary Smulyan au saxo baryton, instrument rare). Mais mon héros de la soirée sera la batteur Lewis Nash, tranquille quand il le faut, mais qui se lance dès qu'il peut dans des breaks musclés et acrobatiques, joliment spectaculaires.
Le répertoire, c'est bien sur du Miles Davis, arrangé par Gunther Schuller, mais aussi du Monk, et du Lovano himself.

Vous pouvez vous faire une idée par vous-même du concert, très agréable, bien "cool" donc, puisque diffusé en direct et enregistré, il est disponible pendant quelques mois sur LiveWebArte.

Ailleurs : Le regard de James, et suite

Spotify :
Miles Davis - Birth of the Cool
Joe Lovano - Streams of Expression

dimanche 25 octobre 2009

Xenakis Stravinski (Cité de la Musique - 23 Octobre 2009)

Après un concert pour grand orchestre, puis un pour solistes, en voici un dernier, pour ensemble. C'est sans doute celui où le couplage fonctionne le moins.
En introduction, des membres de l'IRCAM installent des micros pour enregistrer l'acoustique de la salle remplie de public, ce qui demande une bonne qualité de silence, qu'ils n'obtiendront guère, entre les portables qui sonnent, l'EIC qui s'échauffe de manière fort audible en coulisse, et les exclamations peu discrètes de Françoise Xenakis, qui trouve très malvenu le bras levé du technicien sur scène.

Iannis Xenakis - Plekto

La formation est assez standard du XXème siècle, flûte, clarinette, piano, violon, violoncelle, percussions. Et l'oeuvre ne brille pas par une originalité folle. Piano et percussions s'affrontent, d'un bord à l'autre de la scène. Les instruments centraux se concentrent sur des aspects plus mélodiques, assez surprenants chez Xenakis. Le tout n'est pas inoubliable, puisque déjà en grande partie oublié...

Igor Stravinsk - 8 miniatures instrumentales

C'est l'extension, pour 15 instruments, écrite en 1962, de pièces faciles pour piano, appelées "Les 5 doigts", qui datait de 1921. On peut y entendre des échos de "Pulcinella". C'est frais, rythmé, dynamique. Pas transcendant non plus.

Igor Stravinski - Concertino

C'est encore une transposition, pour 12 instruments, écrite en 1952, d'un quatuor à cordes écrit en 1920. Violon soliste, architecture très aérée et assez gracieuse, avec des vitesses très contrastées. C'est frais, rythmé, dynamique (ben oui, again).

Iannis Xenakis - Nomos Alpha

Pièce pour violoncelle seule, remplie d'expérimentations sonores (mais plus "bruyante" que du Lachenmann), ce déluge de virtuosités me laisse froid.

Igor Straviski - Concerto "Dumbarton Oaks"

"Petit concerto dans le style des concertos brandegourgeois", décrivait le compositeur. En effet, l'élégance simple des lignes contrapunctiques est bien là, une certaine robustesse dans la construction du discours aussi. Mais Stravinski y ajoute sa sauce, obstinatos rythmiques, une énergie sous-jacente qui fait rebondir continuellement les lignes, une petite distance d'humour quand le tempo doit ralentir. Très joli. Ah oui, disons que c'est frais, rythmé, dynamique.

Iannis Xenakis - Eonta

Ouf, pour terminer, enfin une pièce un peu plus consistante, qui ne soit ni mineure, ni décorative. Cela commence par une vaste cadence pour piano, entre improvisation à la Cecil Taylor, et étude de Ligeti qui aurait voulu s'inspirer de Stockhausen. Dimitri Vassilakis y est magistral. Bientôt viennent l'entourer deux trompettes et trois trombones. Pour la création, Boulez avait doublé les effectifs de cuivre, afin de leur permettre de souffler en relais. Précaution inutile avec les virtuoses de l'EIC. 5 ils sont donc, à tournoyer dans le fond de scène, à éructer dans le coffre du piano, ou à s'aligner face à lui. Jeu des sourdines, et des attitudes scéniques, la couleur de ces cuivres est fluctuante et surprend bien souvent. François-Xavier Roth dirige la manoeuvre, à travers les différentes sections, où le piano est tour à tour minimaliste, pointilliste, escaladeur d'arpèges en glissandi, etc. C'est passionnant à voir et à entendre.


Spotify
Xenakis - Ensemble Music 1
Stravinsky; Pulcinella, Dumbarton Oaks, Jeu de Cartes

samedi 17 octobre 2009

François Verret - Do You Remember, No I Don't (Théâtre de la Ville - 15 Octobre 2009)

De François Verret, j'ai vu plusieurs spectacles, mais peu récemment, puisque le seul mentionné dans ce blogue est Contrecoup, qui date de 2005. J'avais en effet un sentiment de redite, qui m'avait poussé à faire une pause dans les spectacles de ce chorégraphe metteur en scène.
Le dispositif sur scène est plus discret que d'habitude, mais reste très présent : une cloison coupe la scène dans toute sa longueur, qui sera opaque ou plus ou moins transparente. La partie arrière de scène est parfois enfumée, et l'éclairage ajoute encore des complexités dans les images mentales qui se succèdent, parfois à peine esquissées avant de replonger dans le noir, ne laissant que comme l'empreinte d'un rêve.
Des corps blessés se redressent sur un matelas, une pianiste pousse à toute force son piano sur un sol accidenté, un type creuse des tombes dans un nuage de poussière, un gars en fauteuil roulant passe et repart, l'atmosphère est à la catastrophe, passée et à venir. Des parenthèses humoristiques permettent de reprendre souffle, comme ces discours politiciens au ridicule convenu. Cette dernière scène étant précédée d'une magnifique et effrayante séquence, où d'une machine se détache un tuyau qui se pliant dépliant avance par secousses sur le sol, avant qu'en émerge un corps qui se sert alors du tuyau comprimé comme d'une robe d'un modernisme ringard.
Le tout est accompagné de textes, inspirés de Heiner Müller. Mais de ce discours, je n'ai rien retenu ! Je préfère les images inventées par la mise en scène, la musique partiellement improvisée au piano par Séverine Chavrier en grands coups ou cavalcades, la danse qui éclate en fulgurances brèves et sèches.
Rien ne dure, en fait. Le tout est bouclé en 50 minutes, et je reste un peu sur ma faim, j'aurais bien aimé que cela continue. La dernière scène résonne douloureusement avec des actualités récentes sur la fragilité des identités : une femme se fait interroger par des voix robotiques, "what's your name ? where do you come from ?", à qui elle répond en chantant "I don't, I don't, I don't remember !", dont la force primitive, même un peu naïve, mais viscérale, reste longtemps après les applaudissements fournis.

dimanche 11 octobre 2009

Xenakis - Stravinski (Cité de la Musique - 11 Octobre 2009)

Un concert court (une heure), par le quatuor à cordes de l'EIC, ou ses membres (Jeanne-Marie Conquer, Diégo Tosi, Odile Auboin, Eric-Maria Couturier). Gros coup de pompe qui me fait somnoler tout du long. Du coup, impressions brèves.

Iannis Xenakis - Ikhoor

Pour trio à cordes. Sept épisodes en dix minutes. Plein de glissandi, lents ou rapides.

Iannis Xenakis - Mikka

Pour violon seul. Des micro-intervalles où la main de Conquer s'agite et frotte dans un exercice ébouriffant, pour un rendu un peu opaque.

Igor Stravinski - Trois pièces

Pour quatuor a cordes. Musique abstraite et sautillante, aux architectures minimales et presque à nu. La 3, triste et belle.

Igor Stravinski - Double canon

Pour quatuor a cordes. Musique funèbre. Constructions sérielles, mais pleines de beauté classique. Lent et intense.

Igor Stravinski - Elégie

Pour alto seul. J'ai l'impression qu'Auboin n'est pas à son aise ! Le résultat m'a semblé crispé, mais peut-être est-ce voulu.

Igor Stravinski - Concertino

C'est très joli, tout ça, mais c'est sans doute trop néo-classique pour moi : ça entre par une oreille et ça ressort aussitôt par l'autre.

Iannis Xenakis - Tetras

Pour quatuor à cordes. Neuf sections, en seize minutes. Beaucoup d'énergie, à la limite du bruit ou de l'effet sonore.

Spotify
Symanowski / Stravinski - Goldner Quartet
Xenakis: Complete String Quartets

Xenakis - Stravinski (Cité de la Musique - 9 Octobre 2009)

Iannis Xenakis - Aïs

Dans les bons points, il y a les belles couleurs dans les grands accords de cuivres, et la superbe prestation de Daniel Ciampolini aux percussions, où les rythmes de la poésie grecque assurent un irrésistible allant. Dans les mauvais points, le chant du baryton, qui miaule et yodule à n'en plus finir.

Iannis Xenakis - Jonchaies

Là, tous les pupitres du Philarmonique de Radio-France ont l'occasion de briller ! Et d'abord les cordes, dont les archets dansent en cadence, dans une intro très visuelle ! Après, ça vrombit, ça enfle et ça tournoie, une musique instinctive et qui ici évite la plupart du temps la brutalité, pour évoquer des phénomènes naturels, forêt de bambou prise dans le vent ou la tempête. Les flux se croisent et les plans sonores s'enchevêtrent, Pascal Rophé s'agite beaucoup pour endiguer le chaos qui pourrait menacer et mêne tout ce monde à bon port. Splendide !

Igor Stravinski - L'oiseau de feu

Il y a toujours des plages de cet oiseau de feu qui me semblent un peu molles, manquant soit de grâce vraiment suave, soit d'ironie. Du coup, difficile d'échapper à une certaine dose de mièvrerie. Mais quand soudain éclatent les danses sauvages, le choc n'en est que plus jouissif ! Le public est particilièrement enthousiaste, sans que j'ai pu détecter en quoi cette interprétation était supposé être exceptionnelle.

Ailleurs : Zvezdo
Spotify :
Iannis Xenakis: Orchestral Works & Chamber Music
Musica Viva 6 : Iannis Xenakis

Guy Cassiers - Sous le volcan (Théâtre de la Ville - 7 Octobre 2009)

Le premier rang, pour du théâtre, c'est parfois très bien. Mais quand la place est sur le coté, et qu'il y a des sous-titres à lire, la pièce étant donnée en Hollandais, c'est moins bien. Difficile en effet de jongler entre regarder la scène, et lire le panneau où défile le texte. Surtout que ces deux taches sont l'une et l'autre bien prenantes.
Coté scène, pourtant, il semble ne pas y avoir grand-chose à voir, à prime abord : un plateau où ne traine qu'une chaise, devant un mur d'écrans. Mais ceux-ci rapidement s'allument, qui offrent des paysages mexicains, et permettent à peu de frais une multitude d'espaces successifs, qui sélectionnent en gros plan des gestes qui du coup n'auront pas lieu sur scène, comme tous les verres versés et bus, et qui parfois ouvrent une magnifique profondeur de champ en plans incrustés de manière complexe, pour évoquer des espaces plus mentaux, oniriques ou alcoolisés. Sur cette scène ne passent que quatre acteurs, plusieurs personnages condensés dans le même acteur. Ils ont la présence nécessaire pour que cela soit suffisant, et pour apporter de la chair à ce décor technologique et conceptuel.
De la chair, et des mots. Dans leur bouche, le Hollandais sonne comme une belle langue musicale, qu'ils articulent avec précision. Du coup, je me laisse aller au plaisir de l'audition, et à la contemplation des images, sans guère plus suivre l'histoire.
Le roman de Malcolm Lowry a été adapté par Josse de Pauw, qui joue le Consul. Entre ses problèmes avec l'alcool, avec sa femme qu'il aime et ne sait pas aimer, avec les troubles de l'année 1938, le destin de Geoffrey Firmin possède de multiples couches de lecture et d'interprétation. Beaucoup trop pour moi, qui ne connait pas le roman, et ne peut pas confortablement lire les sous-titres. Tant pis ! Il reste un spectacle riche, puissant, mais sans doute plus profitable à qui connait le Hollandais, ou le roman !

Ailleurs : 3 coups

dimanche 4 octobre 2009

Edgard Varèse 360 (Salle Pleyel - 3 et 4 Octobre 2009)

360 degrés en 2 jours seulement (pas comme d'autres lambins) : cela suffit pour écouter toute l'oeuvre d'Edgard Varèse, les 11 opus habituels plus quelques raretés, et même une création française ! Le tout sous l'égide du Festival d'Automne à Paris, ce qui a ses avantages (un livret copieux, intéressant, et offert) et ses inconvénients (il fallait un coté "création" : ce sera l'ajout de vidéos par Gary Hill).
Plus généralement, il y a volonté de briser le rituel habituel des concerts. Bon coté : les morceaux organisés par demi-soirée sans avoir à reconfigurer le plateau, ce qui permet d'enchainer sans presque de pause. Cela évite les 10 minutes d'attente entre des oeuvres qui n'en font que cinq ... Mauvais coté : des affèteries de mise en scène passablement ridicules, comme ces costumes-carcans pour les solistes, un divan, une partition projetée au sol, un casque d'oiseau, etc.
Et puis, le gros morceau : les vidéos. Elles sont globalement ratées. Au mieux, de jolies illustrations, sans grand intérêt mais qui se regardent ; le plus souvent, des images inutiles, qui n'apportent rien ; au pire, des trahisons de l'esprit de la musique (genre, ces musiciens fouettant leurs instruments ou fouettés pendant qu'ils en jouent, cela veut-il dire que c'est une musique qui fait mal à jouer et à entendre ?!).
Accompagnant ces vidéos, projetées sur écrans au-dessus de la salle et parfois débordant sur les murs, il y a des slogans. Ca commence plutôt bien, avec "The sound leads you to the inside of space", mais ça enfile des perles sur le son, l'espace mental, la musique, les sens, tout ça, dans un style affirmatif voire impératif rapidement déplaisant, surtout quand ça dérape dans du "This music knows you cannot close your ears" qui m'a particulièrement énervé.
Heureusement, il reste la musique, révolutionnaire et visionnaire, de Varèse, excellemment interprétée, et c'est quand même ça qui compte.

Revue de détails.

(samedi 3 octobre)

Hyperprism

Neuf instruments à vent, neuf percussionnistes, quatre minutes. Son compact, brutal, mais aéré par des silences, déflagrations, construction par blocs disjoints mais connectés, tiens, des sirènes, pas de doute, on est bien chez Varèse !

Un grand sommeil noir

C'est une pochade de jeunesse, un lied très debussyste pour soprano et piano, sur une berceuse de Verlaine. Joliment réussi, dans son syle, sauf que le style n'est en rien varésien. Une curiosité, disons. A la suite, une vidéo nous montre la silhouette électronisée de Bill Frisell jouant librement à la guitare la partie de piano. Sans aucune explication ni présentation, ce module tombe comme un cheveu sur la soupe, et se fait légèrement huer.

Octandre

Splendide morceau, où j'aime les variations de densité du matériau, entre solo et tutti (des huits vents). Sans percussions, avec plus de mélodie que d'habitude. Les musiciens du Asko/Schönberg ensemble et Peter Eötvös sont des spécialistes de cette musique, qui roule donc sans problème.

Offrandes

Retour de la soprano Anu Komsi, qui manque un peu de coffre pour cette oeuvre en deux parties qui ne me laisse guère de souvenirs. Tiens, je l'avais déjà entendu en concert.

Intégrales

Par rapport à il y a deux jours, le hautbois final est plus rêche et désespéré. La salle modifie aussi le son, ici plus ample, moins intime.

(entracte : on passe à la configuration grand orchestre)

Tuning Up

Pendant cinq minutes, l'orchestre enfle dans diverses directions, mais se fait happer à chaque fois par un La majeur. C'est assez anecdotique.

Amériques

Cette intro au bois, avec appel de cuivres, cette obsession rythmique, c'est clairement (mais pas exclusivement loin de là) une réponse au "Sacre du Printemps", avec le rituel païen en moins, et des visions urbaines et futuristes en plus. Cette fois, la violence me semble bien mieux canalisée.

(dimanche 4 octobre)

Nocturnal

Voilà une fort curieuse partition, avec une soprano qui parle plus qu'elle ne chante, et un choeur de basses assez effrayant (ça gronde, ça vocifère, ça menace). L'atmosphère, très nocturne, est trouée de silences, et pleine de cauchemars. Oeuvre tardive (1961) achevée par Chou Wen-Chung, elle mérite de trouver sa place dans le corpus officiel varésien.

Arcana

Du lourd, comme "Amériques". En plus éruptif encore, sans doute. Il me semble que Peter Eötvös continue de tenir assez serrés les rênes du Philharmonique de Radio France, afin de ne pas se laisser déborder. Peut-être un peu trop : j'ai été moins happé qu'à la première écoute.

(entracte : passage à une configuration ensembles de chambres)

Ionisation

Pas grand-chose à dire sur ce grand classique. Il semble que je l'entende pour la première fois en version normale pour treize percussionnistes (et non réduit pour six). Du coup, surprise du piano final, traité en grosse caisse de résonance remplie de fils de métal.

Ecuatorial

Cette fois, on a bien deux thérémins, en version "violoncelle thérémin". Et ma hauteur dans la salle permet un bon mixage entre les diverses couches. Une grande force, et de splendides couleurs, où les thérémins ajoutent leur magnifique mystère.

Density 21.5

Belle interprétation de Jeannette Landré, malgré son ridicule costume made by Paulina Wallenberg Olsson qui aurait bien pu s'abstenir de participer.

Etude pour Espace

Pour choeur et ensemble, orchestration de Chou Wen-Chung, création française. Mais qu'est ce qui est vraiment de la main de Varèse là-dedans ? Il y a moins de "bloc" et plus de "nappe", plus de continuité orchestrale ; et surtout, de la spatialisation très bien travaillée, qui projette parfois les chanteurs en toutes directions, mais laisse l'orchestre bien sur la scène. Intriguant, et intéressant. Aurait-ce été là le futur de l'oeuvre Varésienne ?

Dance for Burgess

Une sorte de blague, plus intéressant que "Tuning Up", mais plus anecdotique encore.

Déserts

Après la vidéo de Bill Viola, les images fadasses de Gary Hill font minables. Les interpolations ont été minutieusement nettoyées de tout bruit, elles sonnent claires (et souvent très aigües !). Du beau travail, mais gaché par l'image (et les slogans à la con, qui envahissent les écrans principaux). Faudrait fermer les yeux, mais assommé par toute cette musique, je menace alors de m'assoupir ...

Poème electronique

Là encore, déjà entendu, mais totalement oublié. Surprise, il passe dans le noir, sans images ! C'est une bonne idée pour conclure la soirée et le marathon.

Au salut final, les musiciens et le chef d'orchestre se font fortement applaudir, et le vidéaste et son équipe se font fortement huer. Je ne donne pas totalement tort au public ...

Ailleurs : Virgile, Joël, Zvezdo, Palpatine, Musica Sola, Concertonet
Spotify
Boulez dirige Varèse II
Giacinto Scelsi - Orchestral Works 2

jeudi 1 octobre 2009

Varèse Jodlowski Berio (Cité de la Musique - 30 Septembre 2009)

Edgard Varèse - Intégrales

En guise d'apéritif avant le festin Varèse de ce week-end, ces 10 minutes déploient en fait tout un univers. Après une lente mise en place toute en percussions et appels stridents de cuivres, les choses se corsent, avec des citations incongrues, un zeste de fanfare ici, une bribe d'espagnolade là, mais c'est le final qui surprend le plus, avec Didier Pateau qui délivre au hautbois des lignes onctueuses et sensuelles, presque romantiques ! Magnifique interprétation.

Pierre Jodlowski - Barbarismes (trilogie de l'an mil)

Je ne suis toujours pas emballé par ce jeune compositeur. L'introduction, avec plongée de la scène vide dans la pénombre, et surgissement d'un vague grondement sonore, me plait bien. Et les divers épisodes électro-acoustiques, assez bruts, proches d'un simple montage sonore, me plaisent aussi. Mais quand les instruments jouent, ce n'est pas que ce soit désagréable, c'est simplement que je n'arrive pas à m'intéresser à ce qui se passe. L'évocation des figures du "chevalier", du "fou", puis du "roi", me laisse complètement froid. Et comme ça dure 30 minutes, c'est long.

Luciano Berio - Laborintus II

Quelle complexité de matière sonore ! Nous avons un récitant, Fosco Perinti, qui déclame avec emphase et énergie le texte de Sanguineti qui défile en surtitres ; trois chanteuses et huit acteurs, qui chantent, crient, chuchotent, mélangent tous les types de vocalités, avec le naturel et l'allant des grandes heures de Berio ; un petit orchestre, sans presque de cordes, mais deux harpes, accompagne ces péripéties, depuis les madrigaux jusqu'au Free Jazz (mais quand l'EIC se met au Jazz, ça donne effectivement de l'improvisation, mais fort différente de la version en CD !) ; enfin, de l'électronique projette le tout dans un rétrofutur rigolo. Pareille matière ne doit pas être simple à équilibrer, et de fait, le récitant est au début trop fort. Mais quand tout se met en place, sous la direction impeccable de précision et de souplesse de Susanna Mälkki, cela devient tout simplement jouissif, tout plein des couleurs orchestrales étincelantes de Berio, avec son art incomparable de jongler avec les voix ! Si Mälkki salue particulièrement la flutiste Emmanuelle Ophèle, c'est pour ma part les trois chanteuses issues de Axe 21, Valérie Philippin, Laurence Favier et Valérie Rio, qui m'ont le plus enthousiasmé !

Ailleurs : Simon Corley
Spotify :
Varèse - Orchestral Works
Gustav Mahler - Early Songs (arr. Luciano Berio)

dimanche 27 septembre 2009

Sidi Larbi Cherkaoui - Apocrifu (Cité de la Musique - 26 Septembre 2009)

La grande salle de la Cité ne convient pas vraiment à un spectacle chorégraphique. Une bonne partie des gradins latéraux ne pourra pas voir l'intégralité de la salle, et le parterrene pourra pas bien voir ce qui se passe au sol ; cela limite grandement le pourcentage des gens ayant une vue totale du spectacle !
C'est du Sidi Larbi Cherkaoui en petit format, puisqu'accompagné de deux danseurs seulement, mais quand même : décor important avec deux étages, beaucoup de livres un peu partout, et un grand escalier ; l'ensemble vocal de chanteurs corses "A Filetta" présent et s'y baladant ; et l'habituelle ambition de propos du chorégraphe.
Il s'agit de parler des 3 religions du Livre, ou plutôt des Livres qui ont donné naissance aux religions. Une des meilleurs scènes de la soirée sera celle où les trois danseurs entremêlent leurs mains leurs bras et leurs regards à porter trois livres que l'on devine être Torah Bible et Coran, les portant, les échangeant, se frappant le visage avec, dans une sarabande rapide et virtuose. Suivra une séance explicative où le chorégraphe explique que des morceaux de textes ont été copiés collés d'un livre à l'autre, ce qui laisserait croire que ce n'est pas Dieu qui les aurait écrit, mais les hommes. Stupéfiante révélation, ma foi ...
La danse est comme d'habitude splendide, spectaculaire et généreuse. Dimitri Jourde, venu du cirque, apporte sa tonicité sauvage et ses techniques à ras du sol, Yasuyuki Shuto, venu du Tokyo Ballet et spécialiste de Béjart, apporte sa discipline classique et ses techniques de saut.
Les aspects "cross-culturels" ne sont pas tous réussis. Le port de grelot aux chevilles des trois danseurs, à la manière de la danse indienne, est carrément raté, par manque de maitrise, cela n'apporte que du bruit rapidement énervant ; peut-être est-ce exprès, puisque ce bruit évoque des chaines, dont ils finissent par se débarrasser ?
La marionnette Bunraku est plus intéressante, qui à un moment se révolte contre ses trois manipulateurs et les rejette violemment, pour finir libre et du coup s'effondrer ... A chacun d'interpréter ...
A un moment apparaissent des épées, mais je n'ai pas bien compris ce que cela voulait signifier, j'avais déjà décroché depuis un petit moment.
La musique vocale de "A Filetta", six hommes autour du leader Jean-Claude Acquaviva, s'est dégagée de la seule Corse pour se nourrir de nombreuses racines mystiques méditerranéennes.

Ailleurs : une bande-annonce du spectacle

Spotify :
A Filetta - Medea

lundi 21 septembre 2009

Musiques et danses traditionnelles du Japon (Salle Pleyel - 19 Septembre 2009)

Kangen

Le gagaku, c'est un des sommets de la musique ritualisée. Fixée au IXème siècle dans sa forme actuelle, jouée longtemps exclusivement par la Maison impériale et quelques temples, les occasions d'en entendre en France sont plutôt rares. Mais nous avons alors droit au meilleur : l'Ensemble de gagaku impérial Reigakusha.
Le livret explique clairement les différentes pièces. "Hyôjô no netori" pour s'accorder, le rapide "Goshôraku no kyû", le très populaire "Etenraku" (qui accompagnait la "Glorieuse époque de Heian" de Esther), puis le martial "Bairo".
Impressionnante sonorité des orgues à bouche ("shô"), aux harmonies obsédantes comme un drone, aux intensités fluctuantes et battantes. Dialogues des cithares ("sô") et des luths ("biwa"). Percussions qui marquent moins le temps qu'elles ne le décore. Flutes ou hautbois en fonction de l'origine de la musique. Il y a un monde de raffinement dans ces contraintes immémorielles.

Bugaku

Danse, maintenant. Toujours aussi ritualisé, en pas mesurés, flexions et étirements, en déguisement fort travaillé, mais je n'accroche pas du tout. La musique est par moment d'un minimalisme répétitif assez insupportable, mais la fin avec les flûtes en canon est magnifique.

Toru Takemitsu - Shûteiga (Dans un jardin d'automne)

Le travail de Toru Takemitsu est remarquable : il prend l'orchestre traditionnel de Gagaku, l'esprit de cette musique, et en modifie juste un peu les paramètres pour y mettre son univers à lui. Autour d'un noyau central (le jardin), quelques musiciens sont disposés sur chaque bord, qui jouent des "échos". Particulièrement intéressant est le passage où un violent orage manque noyer le jardin sous un déluge fulgurant.

Toshio Saruya - Rinkoku

On apprécie d'autant plus l'oeuvre précédente quand on entend celle-ci, plus contemporaine encore, mais où l'orchestre s'éloigne plus de l'esprit initial, tout en gardant ses limites sonores, et aboutit un peu nulle part.

Ailleurs : Palpatine
Spotify :
Herbie Mann - Gagaku and Beyond
Claude Delangle - The Japanese Saxophone

dimanche 20 septembre 2009

Jazz à la Villette : les vidéos

Plusieurs concerts du Festival de Jazz de la Villette étaient diffusés en direct depuis la Cité de la Musique, ont donc été enregistrés, et sont désormais disponibles sur ARTE Web (ce n'est malheureusement pas le cas des concerts de la Grande Halle).

On peut constater que les premières parties sont souvent plus passionnantes que les secondes.
Je recommande en particulier les prestations de Limousine et de Jean Louis.

Flux Jazz propose des extraits de quelques autres concerts, dont Marc Ducret et Hélène Labarrière.

L'opéra de quat'sous - Berliner Ensemble (Théâtre de la Ville - 16 Septembre 2009)

Les échos de la presse sont unanimes : ce spectacle est un chef d'oeuvre. Je ne sais si c'était le cas la veille, mais dès le deuxième soir, le trottoir devant le théâtre fourmille des "Cherche 1 place" qui ne pourront (hélas ! hélas !) plus se manifester pour Pina Bausch. De grands travaux ont eu lieu, liés sans doute au nouveau directeur Demarcy-Mota : adieu les casiers qui n'étaient quasiment pas utilisés, place à un vrai vestiaire ; déménagement du comptoir d'accueil ; mise en place de tables et de chaises dans l'espace ainsi dégagé ; en haut, une sorte de boutique (pas très bien conçue), et des jolis bancs rustiques. Tout ça sent encore la peinture fraiche ! Les dépliants distribués ne sont pas au format habituel, beaucoup plus chics et imagés, mais c'est peut-être dû au "Festival d'Automne à Paris".
Bon, et le spectacle ? Un chef d'oeuvre, oui, certainement, même si je ne suis pas le plus à même d'en juger, parce que c'est la première fois que je vois cette pièce, (dont je ne connaissais que le "Mack the Knife", et une version de la chanson de Salomon par Dead Can Dance baptisée "How Fortunate the Man with None" qui n'a plus grand-chose à voir avec l'original), et parce que ma place plutôt en hauteur (rang "S", loin au-dessus de toutes mes places de la saison) m'empêche d'apprécier les détails.

Dès l'intro, la barre est mise haut. Convoquer dans la même scène les monstres fantomatiques des films muets expressionnistes et les lumières de Broadway, dans une forme de raffinement minimaliste, ronds de lumières en crescendo-decrescendo d'intensité, poursuites blafardisant les acteurs, c'est prodigieux. On a les couleurs, les espaces, habituels chez Bob Wilson, mais sans les ralentissements et les statismes souvent de pair. Le petit ensemble instrumental délivre toute l'acidité, la plasticité et l'allant nécessaires, un idéal orchestre de cabaret.
Le choix "chanteurs, opéra / comédiens, théâtre", contrairement à d'autres oeuvres de Brecht et Weill, ici ne se pose pas : il faut d'abord de bons comédiens. Avec le Berliner Ensemble, on est servi. Veit Schubert joue un Peachum veule, misanthrope et glaçant, Traute Hoess en sa femme une ogresse ivrogne terrible, Stefan Kurt un Mackie si élégant et enjôleur qu'on en oublierait les crimes, Axel Werner en Tiger Brown, devient une silhouette à la Nosferatu, mais au caractère de lâche. Etc.
Le seul "truc" qui m'énerve dans la mise en scène, ce sont ces bruits qui miment l'ouverture des portes ou le franchissement des rideaux. Une manière de distanciation, peut-être ? Mais niveau sonore trop agressif (étais-je près d'un haut-parleur ?).
Mais cela n'en rend pas moins toute la représentation absolument exceptionnelle, et certaines scène inoubliables. Le minimalisme de la prison est prodigieux de beauté. Et tout le final, avec l'arrivée de ce hérault incongru et revendiqué tel, est un délice de cynisme. Malheureusement, la partie "acide" de la tirade finale de Mackie (quel est le plus grand criminel, celui qui cambriole une banque, ou celui qui en fonde une ?) a plus de chance de toucher que la partie "humaniste" (ne punissez pas trop fort les criminels, ils n'ont pas eu une vie enviable).

Rendez-vous en Avril avec le Berliner Ensemble, pour "Richard II". D'ci là, ceux qui ont réussi à avoir des places pour ce Dreigroschenoper, réjouissez-vous, les autres, vous pouvez essayer de récupérer des places, mais ce sera dur ...

Ailleurs : de nombreux articles de presse, mais je retiens Akynou, Armelle Héliot, Les 3 coups, Damien, Concertonet.

Spotify:
"L'Opéra de quat'sous" par Joachin Kühn, Daniel Humair et Jean-François Jenny-Clark
"The Young Gods play Kurt Weil"

lundi 14 septembre 2009

Yusef Lateef & Archie Shepp (Grande Halle de la Villette, 13 Septembre 2009)

Affiches et tracts distribuées annoncent le faux bond de Ahmad Jamal, avec possibilité de se faire rembourser. Belle organisation ! La salle restera quand même fort bien pleine.

Benjamin Dousteyssier Septet

Benjamin Dousteyssier se présente en tant que saxophoniste, compositeur, arrangeur, leader de cet ensemble ; il annonce qu'ils vont jouer une suite formée de deux parties, un thème de Monk peu connu "Coming on the Hudson", suivi d'une composition personnelle. Se sera une suite d'épisodes variés, des prestations d'ensemble Free, un duo saxo-batterie (Coltranien ?), un trio piano-basse-batterie très classique qui peu à peu se déglingue, des moments aux organistaions mécaniques, etc, le tout dirigé par Dousteyssier agitant un ou deux doigts au bout des bras. L'écriture utilise aussi les caractéristiques des membres, en particulier le jeu nourri de musique classique du pianiste Paul Lay, ou le jeu crépitant du batteur Julien Loutelier. Citons (puisque ce blogue est aussi là pour ça !...) les autres musiciens : Louis Laurain trompette, Geoffroy Gesser saxophone, Fidel Fourneyron trombone, Simon Tailleu contrebasse. Le tout durera une grosse demi-heure, pas de rappel, pourtant c'est du bon boulot, le CNSMDP est une bonne pépinière.

Yusef Lateef & Archie Shepp

En l'absence de Ahmad Jamal et de ses musiciens, c'est une troupe fort différente de celle prévue qui s'installe. Et le concert lui-même semble se chercher un peu, tant dans les orientations musicales que dans les problèmes acoustiques (sur scène, les réglages du son retour semblent compliqués). Ca commence par du Hard-Bop qu'installent confortablement Wayne Dockery à la contrebasse, Steve McCraven à la batterie, complété par Leon Parker aux percussions, et Tom McLung au piano. Le premier solo est je crois pour ce dernier, qui démontre qu'il est bien là en remplacement, du travail de pro, mais sans génie. Shepp et Lateef se lancent à leur tour et alternent les solos, fluides et limpides pour Shepp, en courtes phrases pour Lateef. C'est intéressant, mais c'est interminable ! Au bout d'une demi-heure, dans un thème qui ne décolle pas vers la transcendance, malgré les jouissives explosions rythmiques de McCraven et Parker fortement complices, la basse obstinée et répétitive de Dockery me sort des oreilles. Ouf, enfin ils changent. Le morceau suivant est très nocturne, plein d'ambiances de jungle, avec Lateef s'amusant à tirer plein de sons étranges de flutes flutiaux et autres tuyaux. Très beau, et prenant. Mais quand les choses s'organisent, on retombe dans la répétition interminable d'une ligne, que les solos des deux chefs ne parviennent pas à rendre passionnante, loin de là.
Le concert prend soudain une toute autre direction quand Archie Shepp se met à chanter, entre prêche religieux et harangue politique, un grand coup d'énergie. Puis Yusef Lateef se met à son tour à chanter, quelque-chose de mystique et un peu halluciné. Ils donnent plus dans le grand spectacle, mais au moins ça réveille. Il devient alors impossible de les arrêter. Un "Round midnight" en bis, suivi de plusieurs autres morceaux, ça fait deux heures qu'ils sont là, mais Lateef se refuse à partir, alors tout seul, dans le noir, il nous joue une petite mélodie à la flute avant de s'éclipser pour de bon.

lundi 7 septembre 2009

Big Four - Marc Ducret (Cabaret Sauvage - 6 Septembre 2009)

Big Four feat. Joey Baron

C'est quoi, exactement, cette musique ? C'est du répertoire, ou de l'innovation ? De l'hommage, ou de la recherche ? C'est du vieux, du neuf, du neuf avec du vieux ? Dans une chaleur écrasante sous le chapiteau (je n'ose imaginer sous en plus les projecteurs), le leader Max Nagl au saxophone, plus lyrique, et Steven Bernstein, trompette et trompette à coulisse (ben non, c'était pas un trombone), plus tranchant, mènent le bal (en commençant par une polka). Brad Jones à la contrebasse joue beaucoup sur l'épaisseur du son, parfois effleurant les cordes comme d'une mandoline, parfois creusant comme une grosse caisse. Invité, le batteur Joey Baron, le visage fendu d'un large sourire, profite de la simplicité des morceaux pour y glisser tout plein de petites pépites rythmiques. Le guitariste Noël Akchoté, peut-être déchargé d'une part de boulot par le batteur inhabituel dans cette formation, ne joue que rarement ; il laisse alors tomber des notes grasses et bluesy, éparses, en bribes de mélodies zébrées par le silence. Tout ça s'assemble en des morceaux pleins de contrepoints, de reprises, avec des structures bien écrites, mais qui se veulent assez légères. Entre ludique et sérieux, complexité et simplicité, agréable et tonique.

Marc Ducret Grand Ensemble

"Le sens de la marche", dissout l'an dernier, rené de ses cendres ? Autour du Marc Ducret trio (avec Bruno Chevillon à la basse et Eric Echampard à la batterie) gravitent une petite dizaine de jeunes musiciens (Hugues Mayot et Mathieu Metzger, saxophones ; Yann Lecollaire, clarinettes ; Pascal Gachet, trompette ; Jean Lucas, trombone ; Tom Gareil, vibraphone ; Antonin Rayon et Paul Brousseau, claviers). Ca met une méchante énergie sur scène ! Ca pulse, ça groove, ça tonitrue parfois, ça zigzague et ça s'organise comme ça peut. La structure des morceaux laisse perplexe : quel est le degré de liberté laissé à chacun "pour que chaque musicien [puisse] décider à tout moment du sens de la marche", comme le clame la profession de foi de Ducret. Par exemple, le premier morceau commence par un chorus puissant des cuivres, puis se laisse déborder par un solo furieux de Gareil au vibraphone, dont le rythme frénétique contamine la batterie, puis la basse, puis les claviers ; mais quand les cuivres reprennent avec la même frénésie, c'est donc que c'était écrit ? Je laisse aller, du coup, me plonge dans l'écoute, ce maelstrom de sons, de solos profonds ou féroces, de vitalités, d'envie et de plaisir de jouer. L'ensemble fonctionne moins bien dans le mode mineur, "Aquatique" est trop languide, bien qu'offrant une pause bienvenue, mais trop longue. Au centre, Marc Ducret et Bruno Chevignon sont impressionnants de puissance et de virtuosité. Autour, les petits jeunes assurent, en font parfois un peu trop, mais promettent. En sortant, achat du disque. Et une interrogation : je me demande ce que donnerait une confrontation entre le Marc Ducret trio et Aka Moon ...

Ailleurs : Bergerot, JazzAParis

dimanche 6 septembre 2009

John Zorn - Shir Hashirim (Grande Halle de la Villette - 5 Septembre 2009)

Le livret indiquait : "Pour les accompagner dans ces sensuels vertiges du désir divin, l’iconoclaste saxophoniste s’appuie sur un chœur de cinq femmes et un quintet d’électrons libres". Mais en fait il n'y aura pas de saxophone (il fallait être la veille à Pleyel où il avait rejoint sur scène, ais-je lu, Lou Reed et Laurie Anderson), et deux parties bien distinctes.

Le quintet d'électrons libres

Je ne sais pas si ces 5 là ont déjà été réunis (peut-être pour un des Film Works ?), et si cette configuration porte un nom. Nous avons à la basse Greg Cohen, imperturbable et impérial, pour impulser un tempo souple et bondissant. Aux percussions, Cyro Baptista n'utilise par morceau qu'un ou deux éléments, coloriste inventif dans ce minimalisme imposé. Au-dessus d'eux dialoguent Kenny Wollesen au vibraphone, Marc Ribot à la guitare acoustique, et Carol Emmanuel à la harpe. Sur des mélodies typiquement Zorniennes (tendance "book of angels", petites phrases aux confluences multiples, malléables et catchy), ils entremêlent leurs interventions selon les indications instantanées données par John Zorn, présent sur scène, obéi au doigt et à l'oeil. Nous sommes dans la frange la plus accessible de Zorn, entre "Dreamers" et "Alhambra Love Songs". De la grande volée tout le temps, et par moments, de la beauté la plus haute, presque miraculeuse. Des musiciens de tout premier ordre, et habitués depuis des années à travailler les uns avec les autres en configurations diverses, cela donne des échanges magnifiques, où chacun brille tour à tour, tous au service de la musique. Extraordinaire.

Le choeur de cinq femmes

Après un intermède plus long que prévu suite à la chute d'une dame dans les hauts rangs de la salle, la seconde partie propose une toute autre musique. Au centre, un choeur de cinq femmes, qui officiait déjà sur le "Filmworks XXII". Elle enchaine les épisodes, en polyphonie à la Steve Reich ou John Adams, et en polyrythmie pleine d'échos ethniques. Sur ce tissage vocal aérien, Clotilde Hesme et Mathieu Amalric (déjà réunis sur scène par Vannier) récitent le "cantique des cantiques". Leurs deux voix sont magnifiques en récitant. Malgré quelques notes aigües difficiles pour la soprano, malgré quelques imperfections chez Amalric (plus acteur que comédien - Hesme est elle parfaite, présence et diction magistrales), l'ensemble est assez captivant, envoutant par moments. La poésie du texte est révélée, soutenue et magnifiée par le travail du choeur. Le public semble plutôt apprécier, même si l'enthousiasme est moins fort que pour d'autres prestations de John Zorn. Mais c'est qu'il ne s'agit franchement pas ici de Jazz ! C'est de la musique contemporaine vocale, sans improvisation. Accessible, certes, mais je ne suis pas sur que ce soit ce qu'il était venu voir.

Ailleurs : Damien, Belette, Perrin

jeudi 3 septembre 2009

Ornette Coleman Quartet (Grande Halle de la Villette - 2 Septembre 2009)

Bunky Green

En première partie, Bunky Green entraine un quartet presque français. L'ouverture est d'un classicisme total, un thème bop au saxo, un accompagnement discret au piano, une base rythmique batterie contrebasse solide et carrée. Les improvisations de Bunky Green offrent un peu plus de modernité, avec des contours volontiers anguleux, une architecture un peu échevelée, des sursauts dans l'aigu qui le secouent. Mais je préfère le son presque tremblant qu'il utilise dans les balades. Lorsqu'il a terminé son solo, il passe presque systématiquement la main au pianiste Eric Legnini, qui se lance dans des courses aussi inextinguibles et rafraichissantes qu'une source pure jaillissant des montagnes, mais à la longue aussi insipides que de l'eau plate. Après un premier solo de contrebasse réussi, Mathias Allamane se lance dans un second franchement peu captivant, que Green interrompt au bout d'un moment, ouf. A la batterie, Franck Agulhon reste d'abord bien sage, mais quand on lui en laisse l'occasion, s'installe dans des boucles pleines d'une belle énergie colorée, qui me font penser à celles que Idris Muhammad mettait en place pour Ahmad Jamal.
Au final, une session intéressante, mais pas vraiment enthousiasmante, du bon Jazz mais guère plus.

Ornette Coleman Quartet

Le début est une claque : unissons bruyants, coupures soudaines. Une belle façon de s'imposer. Depuis il y a cinq ans, Ornette Coleman utilise la même formation, et pratiquement le même personnel. Seule la contrebasse de Greg Cohen a été remplacée par la basse électrique de Al Mac Dowell. Celui-ci utilise cette basse comme une guitare acoustique, en accompagnant parfois au plus proche le saxo, parfois étant le seul à rappeler régulièrement le thème de départ. Un jeu subtil et élégant. De l'autre coté, Tony Falanga alterne entre main et archet, entre pizzicati alertes, et ondulations aux harmonies flottantes. A l'arrière, Denardo Coleman boxe les futs et les cymbales avec une rage maitrisée, il semble parfois complètement décalé puis se retrouve pile poil placé, il donne un tempo en apparence élastique et flou, mais qui est rigoureux dès qu'il faut, c'est vraiment surprenant. Enfin, au centre, Ornette, qui ne peut plus guère bouger de son haut tabouret, qui parfois abandonne son saxophone pour pousser quelques notes à la trompette, entre gémissements plaintifs et chants de cétacés, ou pour chevroter au violon quelques stridences intimes. Mais l'essentiel se passe au saxo, où il a gardé la même assurance dans les explorations aventureuses, dans les digressions harmolodiques, dans les chantonnements sans contraintes. La première demi-heure est intense et formidable, avec une juxtaposition des discours des quatre joueurs qui sont parfois en phase et parfois moins et ça fait alors des petites frictions fort intéressantes. Après quoi, on retombe sur du plus classique. Denardo s'assagit, les morceaux prennent des allurs plus normales, avec des thèmes de blues plus marqués. Un peu dommage, mais bon, ça reste d'un excellent niveau ! En bis, bien sur, "Lonely Woman". Puis il va serrer les mains du public, signer des autographes, limite bain de foule, une vraie star !

Ailleurs : Gromit, Damien, Thierry Quénum, Philippe Carles, Guy.

samedi 15 août 2009

Planning Septembre - Octobre 2009

Après ce mois épuisant d'activités (un seul concert en un mois et demi, j'ai rarement fait aussi peu !), je me prépare à partir en vacances. Tout ce repos accumulé me permettra j'espère de digérer le menu de rentrée assez copieux ...

Et ensuite, deux semaines de pause, ouf ...

samedi 8 août 2009

Comparaison (personnelle) des catalogues Deezer, Jiwa et Spotify

Une remarque qui revient souvent au sujet de Spotify, le nouveau venu dans la cour des solutions légales de streaming musical, c'est que son catalogue est plus complet que celui de ses concurrents. Est-ce vrai ?

Méthode

Cela dépend certainement des musiques écoutées par chacun.
J'ai donc décidé de comparer les trois services que j'ai jusqu'ici testés, à savoir Deezer, Jiwa, et donc Spotify, en prenant en référence :
- deux "blind lists" proposées il y a deux ans, qui se focalisaient sur les années 1987 et 1997
- et la liste des derniers disques de Jazz que j'ai achetés qui ont été produits dans les années 2008 ou 2009.

Pour les années 1987 et 1997, j'ai testé les groupes, et j'ai compté :
- 0 point si le groupe n'est pas trouvé, ou s'il ne possède aucun album
- 1 point si le groupe est présent, mais quasiment sans albums
- 2 points si le groupe est présent avec un nombre conséquent d'albums, mais pas encore suffisamment pour me satisfaire vraiment
- 3 points si le groupe est présent avec un nombre d'albums que je juge satisfaisant.

Pour les années 2008-2009, c'est plus simple :
- 0 point si l'album n'est pas présent
- 1 point si l'album est présent.

Voici les résultats.

1987


DeezerJiwaSpotify
Poesie Noire000
The Neon Judgement313
Skinny Puppy123
Numb001
Click Click002
Severed Heads000
Front Line Assembly222
Front 242222
Trisomie 21211
The Tear Garden012
Chris & Cosey002
The Cure333
Depeche Mode333
Laibach323
Simple Minds333
SPK121
Current 93023
In The Nursery010
Dead Can Dance333

1997


DeezerJiwaSpotify
Moby333
Fluke323
Chemical Brothers333
Terranova121
Roni Size333
Tosca022
Lamb332
Recoil313
Bjork333
Les Jumeaux310
The Prodigy333
Anne Clark222
Download013
Haujobb221
Autechre021
Hooverphonic222
Nuyorican Soul333

2008-09


DeezerJiwaSpotify
Aldo Romano - Just Jazz000
Alexandra Grimal - Shape - Live in the Sunset000
Anne Paceo - triphase111
Arve Henriksen - Cartography111
Bar Kokhba - Book of Angels Volume 10 : Lucifer001
Courtois Courvoisier Eskelin - As Soon As Possible000
Daniel Humair - bonus boom000
Daniel Zamir - I Believe001
Evan Parker - Boustrophedon101
Fabrizio Cassol - Pitié!000
Henri Texier Red Route Quartet - Love Songs Reflexions000
Humair Kuhn Malaby - Full Contact000
Jean Philippe Viret - Le temps qu'il faut000
Louis Moholo-Moholo - duets with Marilyn Crispell : Sibanye (we are one)001
Marilyn Masur - Elixir000
McCoy Tyner - Guitars000
Medeski Martin Wood - Book of Angels Volume 11 : Zaebos001
Michel Prandi - l'electrip vol. 2000
Patricia Barber - The Cole Porter Mix101
Secret Chief 3 - Book of Angels Volume 9 : Xaphan001
Andy Sheppard - Movements in Colour101
Emile Parisien Quartet - Original Pimpant111
Frédéric Norel - dreamseekers000
DeJohnette Patitucci and Perez - Music We Are000
Manu Codjia - Manu Codjia000
Masada Quintet - Book of Angels Volume 12 : Stolas001
Pierrick Pédron - Pedronomry111
Stephane Kerecki - Houria000
Yaron Herman - Muse111


Bilan


Faisons les comptes.
DeezerJiwaSpotify
1987262837
1997373838
2008-098514
717189

Pour la musique que j'écoute, il y a donc bien un avantage chez Spotify, mais plus faible que ce que j'aurais cru. La lisibilité de leur interface, le faible nombre de doublons d'albums, le rangement par ordre chronologique à peu près respecté, sont des points forts qui donnent tant l'impression de mieux s'y retrouver qu'il semble que bien plus d'albums sont présents ; de fait, les deux raisons se combinent (base plus remplie ; recherche plus facile) pour que l'expérience Spotify soit beaucoup plus agréable que chez Jiwa ou Deezer ...

vendredi 7 août 2009

Paris-Carnet 73 (L'Assassin, 5 Août 2009)

citrons

Un compte-rendu de Paris-Carnet, quelle drôle d'idée ? Il fut un temps où la section dédiée se remplissait de mots et d'images. Ils sont aujourd'hui bien plus rares.
D'abord, il ne s'y passe pas grand-chose de nouveau, à ces Paris-Carnets. Des gens papotent, mangent, boivent, racontent beaucoup de bêtises d'où surgissent épisodiquement des choses intelligentes ou spirituelles. Raconter cela devient rapidement répétitif. Des nouveaux venus peuvent, éblouis ou dégoutés, renouveler l'exercice de style. Mais eux-mêmes se font rares.
C'est le deuxième phénomène. A force de se retrouver un peu toujours les mêmes mois après mois, ce n'est plus guère une rencontre de blogueurs, mais un rendez-vous de personnes qui se sont connus à l'origine parce qu'ils tenaient un blogue. "Paris-Carnet" n'est quasiment jamais une prolongation de ce qui se dit dans les blogues des uns ou des autres, si ce n'est par la marge, pour féliciter d'un billet particulièrement bien écrit, ou remercier d'un commentaire particulièrement pertinent. Ces rencontres "dans la vraie vie" s'inscrivent en parallèle des blogues, et certains sujets restent totalement cantonnés d'un seul coté de la barrière. Tel couple qui s'affiche sans problème n'en dit presque rien, ou de manière cachée, dans leurs blogues respectifs. Tel qui exposera ses problèmes sentimentaux ou psychiatriques à longueur de page n'en dira rien en tête à tête. Et c'est très bien comme ça. Comme dit VS à propos des journaux d'écrivains, "plus quelqu'un se dévoile, plus il me paraît naturel de se montrer discret." Avec les blogues, cette discrétion doit s'appliquer dans les deux sens. Il y a des sujets qui, purgés par le blogue, restent trop douloureux ou difficiles à affronter dans une rencontre publique, et il y a des choses qui se passent "dans la vraie vie" qu'on ne veut pas forcément voir imprimées dans un blogue.
Cela complique donc encore l'exercice du compte-rendu de Paris-Carnet. Comme ceux qui ne veulent pas qu'on les prenne en photo, pour raisons personnelles ou professionnelles, il y en a donc aussi qui ne veulent pas que soient conservées en dur sur la toile les confessions plus ou moins contrôlées d'un soir, les dérapages plus ou moins alcoolisés, ou des mouvements d'humeur momentanés qui, mal rapportés par un tiers, peuvent faire mal.

On peut tout mettre en anonyme et en cryptique. Mais alors, pour dire quoi, et à qui ? Se servir de ce prétexte pour ne pas laisser à vide ce mois d'août, est-ce une motivation suffisante ? Peut-être bien ...

Alors, que dire.
Dans une réunion moins publique, peut-être aurais-je pu répondre de manière moins superficielle. Pas sure que cette réponse eut plu. Difficile équilibre entre honnêteté et tact. Jouer à reconstruire le dialogue en en explorant les possibles variations et dérives ne me permet guère, cela dit, d'aboutir à une quelconque conclusion révolutionnaire. Je suis suffisamment réaliste pour cela, merci.

samedi 25 juillet 2009

Strada Sextet (Arènes de Montmartre - 24 Juillet 2009)

Le temps incertain n'incitait pas à une réservation ; du coup, les petites arènes étant complètes, nous trouvâmes refuge au-dessus des grilles, à la merci des passants plus ou moins bruyants et déconcentrants, d'une acoustique pas tout à fait optimale, et d'une vision fort limitée. Par contre, le concert devient gratuit ...

La première demi-heure est une sorte d'échauffement. Chaque musicien prend son solo à tour de rôle, mais cela sonne un peu pilotage automatique. Plaisant, mais un peu trop facile, et déjà entendu. Et puis, le charme prend, des morceaux aux architectures plus complexes et aux risques plus grands apparaissent, des duos ou des trios, des plages plus bruitistes ; et flamboient dans la nuit qui s'installe quelques moments magiques : un ou deux solos extraordinaires de Manu Codjia, au milieu d'autres décevants de par leur prédictibilité ; un trio des vents (Corneloup Texier Kornazov) qui commence par un assez sidérant effondrement continu, qui mue ensuite vers une danse plus convenue ; l'énergie toujours aussi généreuse, mais toujours groovy même quand elle bouillonne, de Christophe Marguet ; le lyrisme plein d'inventions et de couleurs de Sébastien Texier, qui devient un musicien de plus en plus exceptionnel, il m'a ce soir bien plus passionné à chaque intervention que François Corneloup, régulier, propre, mais qui ne m'emporte pas, ou que Guéorgui Kornazov, que je trouve assez répétitif dans ses effets, ce qui finit par en rendre les aspects spectaculaires un peu lassant.
A la contrebasse, le maître Henri Texier propose des sonorités surprenantes, parfois rondes et moelleuses comme une basse électrique, qui se fond parfaitement dans la batterie, et parfois proches d'une sitar.
Au cours du long set, ils nous emmènent en voyage, où brillera particulièrement un air de bal populaire venu de "Holy Lola", un "Old Dehli" particulièrement rageur, suivi en conclusion d'une jolie berceuse ("Sommeil Caillou", peut-être). Le froid nous chasse vers un café, alors que quelques notes résonnent encore, un rappel de plus que je loupe donc.

dimanche 5 juillet 2009

Compositeurs d'aujourd'hui : Emmanuel Nunes

Pour mieux connaitre et apprécier un compositeur, le disque est souvent utile, voire indispensable. Dans le cas d'Emmanuel Nunes, c'est plus compliqué. En effet, une part importante de son oeuvre s'intéresse à la spatialisation, que cela soit par l'informatique, par la disposition des musiciens dans la salle, qui doivent parfois se déplacer tout en jouant, ou par une combinaison de ces différentes techniques. Tout cela, le CD a du mal à en rendre compte.

Comme cette série "Compositeurs d'aujourd'hui" est publiée par l'IRCAM, les pièces présentes sur ce disque utilisent bien évidement de la spatialisation informatique ; le livret indique donc la difficulté :

Ce disque revêt un caractère assez spécifique puisqu'il tente de réduire un ensemble instrumental et une diffusion de huit hauts-parleurs entourant le public, pour Lichtung I, à une écoute stéréophonique. Le pari est encore plus fort pour Lichtung II puisque le dispositif normal de concert met en jeu douze instruments et treize hauts-parleurs qui prennent aussi la dimension verticale de l'espace en compte. Une procédure spécifique de mixage a donc été nécessaire, et la simulation que vous pouvez entendre ici a été réalisée au Spartialisateur de l'Ircam.

D'une certaine manière, c'est d'une transcription qu'il s'agit, pour CD, comme il en existe pour quatuor à cordes ou pour grand ensemble.

Lichtung I

Nunes classe ses oeuvres dans de grands ensembles. Le cycle "Lichtung", qui comportera trois opus, fait partie de "La Création", basé (entre autres ?) sur des "paires rythmiques". Peut-être ce principe unificateur se perçoit-il si on écoute beaucoup de pièces, ici ce n'est guère le cas.
Ce qu'on entend peut se diviser en trois parties : une avancée lente à travers une forêt très dense d'événements sonores, à la fois instrumentaux et électroniques, où les percussions en résonances et les trilles jettent comme des taches de lumière, et où des fragments de mélodie dessinent peu à peu peut-être des chemins ; une accélération de l'orchestre débouche soudain sur une plage de sons de synthèse seuls (en concert, cela est bien plus perceptible, puisque visible ; cette synthèse utilisant aussi les sons instrumentaux préalablement stockés pendant la première partie, la césure est à l'audition du disque bien moins nette ; heureusement le livret aide), la "clairière" qui est un sens du mot "Lichtung", où les couches sonores s'allègent pour en arriver à de simples pizzicati virtuels escaladant l'échelle harmonique ; puis l'orchestre reprend, mais la forêt semble moins menaçante, les chemins plus clairs, la respiration plus ample, il y a même une jolie mélodie pour clarinette, rejointe bientôt par le violoncelle ; une dernière touche d'électronique, peut-être la sortie de cette forêt, permet de contempler les étoiles.

Lichtung II

Cette pièce, je l'ai vue en concert il y a deux ans. Je crois qu'à l'époque, j'avais oublié posséder ce CD. Il faut dire que si en concert, l'intérêt est dans l'étude des "trompe-l'oreille" distinguables par la comparaison entre ce qu'on voit et ce qu'on entend, sur disque, on ne peut guère jouer à cela. Il n'y a pas de structure aisée à définir, mais un ensembles de forces, de tensions, d'épisodes superposés qui se font échos, une complexité d'écriture que l'écoute seule ne permet pas d'analyser.
Du coup, je préfère me contenter d'un extrait musical, les dernières pages de l'oeuvre.

jeudi 2 juillet 2009

Anne Teresa de Keersmaeker - The Song (Théâtre de la Ville - 30 Juin 2009)

Je m'attendais à une atmosphère un peu particulière en me rendant ce soir-là au Théâtre de la Ville. Mais manifestement, peu dans le public étaient au courant. C'est Anne Teresa de Keersmaeker qui vient l'annoncer d'un fort douloureux "Pina Pina Pina Pina Pina Pina ... est partie." Tentant de trouver les mots pour exprimer son chagrin, tracer le portrait, remercier. Puis proposant une courte improvisation, quelques pas de danse, le corps qui se roule en boule, puis qui court vers le public, pour dire la douleur de la perte, la générosité de son art. Enfin fuyant le plateau, au bord des larmes, dans un cri "Noir ! Black ! Schwarz !".

avant "the song" de keersmaekerAprès, la pièce "The Song" commence. Mais comment la soustraire à l'annonce funèbre ? La tension est d'emblée différente, ou peut-être seulement mon attention. La place idéale, au cinquième rang, y fait aussi. Pas un instant je ne décroche pendant ces deux heures. Et pourtant.
Ce n'est pas une pièce qui tente de séduire. Pas de musique (à part un "When my guitar gently weeps" murmuré et un peu faux, et un "Helter Skelter" à fond les enceintes), seulement le bruit des corps, que double par moments une bruiteuse, frappant de sa chaussure au rythme des pieds nus d'un danseur, frappant dans un peu d'eau pour la peau contre la piste, ou envahissant la scène d'une corde tourbillonnante bientôt plongée dans le noir, vrombissement flottant.
Pas de décor, non plus, ou presque. Un grand carré au sol, pour marquer comme un ring, et une grande feuille translucide, suspendue au-dessus, qui sert aussi dans le façonnage de la lumière, et qui tombera très lentement, dans un extraordinaire crépitement sonore et lumineux.
9 hommes et 1 femme, en habits de tous les jours. Ils se positionnent autour du carré, puis courent, lignes qui se croisent et se décroisent, comme des oiseaux dans un essaim, dispersions et regroupements, ordre et chaos mêlés. Puis s'arrêtent et s'observent.
Beaucoup de solos et de duos. La grammaire gestuelle utilise énormément les épaules, les torsions à la fois fluides et énergiques, beaucoup de sauts aussi. C'est très abstrait, mais très corporel. Et magnifique, et passionnant de bout en bout.
Parfois, les mouvements de groupes et les solos tentent de se superposer, mais ce sont les moments qui me semblent le moins fonctionner.

L'absence de musique, l'absence de théâtre, l'absence de sentiments, c'est un peu trop pour une partie du public qui quitte les lieux peu à peu. Mais c'est bien ce qu'il me fallait ce soir. Et puis, un retour à certains fondamentaux de la danse, c'est parfois nécessaire.Et quand c'est aussi réussi que ce soir, quand cela résonne aussi avec le début de Rosas (un "Fase" sans la musique de Reich, ça donnerait quoi ?), c'est tout simplement splendide.

Ailleurs : Aligateau, Fluctuat, Miss Nahn, Native Dancer