mardi 28 avril 2009

Julien Lourau - Bojan Z (Salle Pleyel - 25 Avril 2009)

Bojan Z Tetraband

Voici donc le nouveau groupe de Bojan Z, dirigeant des claviers (au moins trois, le plus souvent une main sur le piano à queue, l'autre sur le synthétiseur) des morceaux aux architectures plutôt complexes, en lentes accélérations rythmiques portées par une paire anglaise, la frêle et altière Ruth Goller à la basse électrique et le fort chevelu Sebastian Rocheford à la batterie, qui démarrent très flegmatique pour peu à peu gagner en puissance et en vitesse, jusqu'à perdre un peu en chemin le tromboniste Josh Roseman, jusqu'à ce qu'une rupture lui permette de reprendre pied dans plus de lenteur et d'intensité lyrique.

Julien Lourau Quartet Saigon

Autant je connaissais Bojan Z tant sur disque que sur scène, Julien Lourau est pour moi une découverte ; débit rapide et comme inextinguible, en boucles obstinées qui parfois finissent par tourner un peu en rond. Ses accompagnateurs : Laurent Coq au piano, Thomas Bramerie à la contrebasse, Otis Brown III à la batterie, ne m'ont laissé strictement aucun souvenir.

Bojan Z/Julien Lourau duo

Après une longue discussion entre mon cerveau qui aurait bien voulu écouter les échanges entre ces deux musiciens et mon corps fatigué qui ne demandait qu'à aller se coucher, j'ai cédé et n'ai pas assisté à cette seconde partie. Vu la crève que je traine depuis, c'était sans doute une bonne décision de ne pas l'aggraver par de la fatigue supplémentaire.

Normalement, ce concert qui était diffusé sur Internet en direct devrait être disponible sur les sites de la Cité, de Pleyel et de Arte ; mais je ne sais pas où. Par contre, j'ai découvert ce fort beau concert de Truffaz, Murcoff et Talvin Singh, ambiance très ECM, disponible jusqu'au 20 Mai (et diffusé dans un vrai format de streaming, que les outils habituels ne permettent pas de capturer, bravo).

Addendum: Ca y est, le concert est disponible en vidéo, jusqu'au 5 juin.

lundi 13 avril 2009

Pascal Dusapin - Passion (Cité de la Musique - 11 Avril 2009)

pascal dusapin - passionEtonnant, de voir un vrai décor d'opéra sur la scène de la Cité. Il sera unique, avec juste l'anneau du diapason s'amusant à monter et descendre, s'ouvrir et se fermer, mais cela convient bien à la structure de la pièce : quoique divisée en sections séparées par des interludes au clavecin solo (souvenirs de Monteverdi, dont quelques opéras sont à l'origine de cette oeuvre) ou électro-acoustiques, l'intrigue ne nécessite pas vraiment de passer d'un décor à un autre. Avec "elle" (Barbara Hannigan, belle comme Isabelle Carré, et à la voix puissante et impeccable) et "lui" (Georg Nigl, beaucoup plus intériorisé que pour "Faustus") qui arpentent la scène sans jamais vraiment s'y confronter, en interlaçant des discours où les traits poétiques sont malheureusement ensevelis sous des formules répétées qui me font bientôt abandonner la lecture fastidieuse des surtitres, on ne peut pas vraiment dire qu'il y ait une intrigue. Une suite de moments, plutôt, chacun peut-être dédié à une émotion, une "passion", comme dans un "traité des ...", puisque c'est à cela que fait référence le titre, et non à Mathieu ou à Jean, comme aurait pu le faire croire la date.
La musique, pour petit ensemble (nous sommes dans le gabarit "opéra de poche"), ici l'Ensemble Modern dirigé par Franck Ollu, complété du choeur Musicatreize dirigé par Roland Hayrabedian, est bien sur magnifique, avec des beaux passages au clavecin, à la harpe, à l'oud (beaucoup de cordes, donc). Mais jamais je n'accroche vraiment ; je ne saisis pas "l'enjeu" de cette musique. Alors que les Sept formes me passionnaient par justement leur mouvement, ici, la stase en quasi-surplace me lasse, et me laisse de glace.

pascal dusapin - passion
Comme pour Faustus, ce sont des opéras où tout ce qui m'intéresse est ce qui ne tient pas à l'opéra, donc ce qui tient à la musique pure pour elle-même. L'ouvrage vocal que je préfère chez Dusapin reste la fin de "Niobé" (où il y avait une vraie histoire).

Ailleurs : Palpatine, Native Dancer

dimanche 5 avril 2009

Saison 2009-2010 : Cité de la Musique et Salle Pleyel

Cette année, j'ai opté pour une procédure particulièrement confortable pour passer commande : se rendre directement à la Cité de la Musique. En s'abonnant à un Parcours Cité (plus de 10 concerts = 33% de réduction), qui permet d'y ajouter des places à Pleyel (plus de 6 concerts = 10% de réduction), on peut faire d'un seul déplacement deux coups. Les avantages de cette méthode sont nombreux : assis à coté du gars derrière son ordinateur, on peut choisir sa place, concert par concert ; on sait aussitôt quand une catégorie est déjà complète (c'est le cas pour la catégorie 3 du "War Requiem" de Britten, ça va être blindé de chez blindé !), et donc choisir de payer plus ou pas ; cela permet de déjouer les pièges des forfaits particuliers, peu évidents à expliquer sur le bulletin papier ; enfin, on repart directement avec les billets dans la poche, ce qui évite les attentes angoissantes de l'expédition postale.

Je pensais réduire ma consommation Pleyel l'an dernier, ça aura finalement été pour cette année. 12 concerts seulement, au lieu de la vingtaine habituelle. J'ai vraiment l'impression de lire toujours les mêmes compositeurs et toujours les mêmes oeuvres. A l'examen, c'est moins vrai (par exemple, la répartition sans redite des Mahler est assez remarquable), quoique 3 ou 4 fois chaque concerto pour piano de Beethoven par exemple, c'est peut-être un peu trop. Et combien de Sacre cette année ?

Comme la salle n'est pas idéale pour le Jazz (trop froide, la sauce ne prend pas), ni pour la musique de chambre (trop grande, les toux tuent la concentration nécessaire à l'écoute), il y a clairement difficulté à élargir le répertoire des oeuvres proposées. Mais bon, c'est mon problème : je ne suis pas un auditeur normal de musique classique, pour qui la Cinquième de Chosta par Gustavo Dudamel n'a rien à voir avec la Cinquième de Chosta par l'orchestre Pasdeloup. Alors que je fais souvent l'impasse sur une soirée quand elle ne contient que des pièces déjà entendues dans les quelques années précédentes ...

Comme d'habitude, je me retrouve beaucoup plus dans l'éclectisme et les propositions originales de la Cité de la Musique, où je conserve mon régime de croisière : 21 places.

Plutôt que de faire des listes, je préfère pointer quelques soirées particulièrement prometteuses.

A Pleyel :
- un week-end Edgard Varèse, les 3 et 4 Octobre (je suppose que le compositeur sera à l'honneur du Festival d'Automne), avec des images de Gary Hill et une "mise en espace"
- le 16 Novembre, Pollini joue une des pièces où il touche particulièrement au génie de l'interprétation, le concerto pour piano numéro 2 de Béla Bartok, ici dirigé par Pierre Boulez ; avec en supplément "le Mandarin merveilleux". Soirée exceptionnelle, tarif exceptionnel ...
- le 9 Janvier, Ivan Fischer et son Orchestre du Festival de Budapest jouent du Wagner (chanté par Petra Lang). Leur interprétation du "Chant de la Terre" reste la plus belle à laquelle j'ai assisté, du coup, je guette leurs venues !
- le 18 Avril, Marc Ribot présente son trio (avec Jim Hall en deuxième partie) ; pouvoir choisir sa place permet de se placer bien devant, ce qui permettra sans doute à la magie d'opérer !

A la Cité de la Musique :
- le 15 Novembre, Mark Andre présente son tryptique " ... auf ... " dont la première partie m'avait fait très grande impression
- le 23 Janvier, Pascal Rophé dirige un des chefs d'oeuvres de Bruno Mantovani, "Le sette chiese", puis la pièce sans doute la plus accessible de Pierre Boulez, "Rituel in memoriam Bruno Maderna" ; ça peut être un excellent concert d'introduction à la musique contemporaine.
- le 9 Février, l'EIC joue la transcription pour orchestre de chambre du "Chant de la Terre" de Mahler, réalisée par Schönberg ; c'est une transcription (disponible en disque, dirigée par Herreweghe) que j'aime énormément.
- le 15 Avril, toujours l'EIC bien sur, joue "Répons", mais cette fois-ci ce n'est pas Boulez qui dirige, mais Mälkki ! Et comme la spatialisation de l'oeuvre pose le problème de son positionnement dans la salle, l'oeuvre sera jouée deux fois, avec déplacement du public entre les deux exécutions. Je suis curieux du résultat !

Et puis, une "rencontre" Stravinski - Xenakis, de nombreux concerts de Jazz autour de Miles Davis, du multimédia par Laurie Anderson, et une fin d'année sous le signe de Bollywood ...

Allez, suite des opérations avec le Théâtre de la Ville, dans quelques semaines !

jeudi 2 avril 2009

Pollini Perspectives - Boulez (Salle Pleyel - 31 Mars 2009)

Arnold Schönberg - Six Petites pièces op. 19

Difficile début de concert, ou la musique, qui flirte longuement avec le silence, peine à passer à travers les tousseurs et quinteux, et leurs protestateurs véhéments. Pourtant, on y devine un laconisme sombre, plein de désillusion ; la sixième serait un hommage à Mahler, écrite juste après son enterrement. Pollini joue cette musique comme uniquement pour lui-même, dialogue intime, sans effet, à l'unisson de cette musique réduite à l'essentiel.

Alban Berg - Quatre Pièces op. 5

Le climat ne s'éclaire pas vraiment. Encore des miniatures, cette fois pour piano et clarinette, de la même époque du début de l'atonalité. Mais comme souvent chez Berg, l'émotion est moins cachée, et devient, surtout dans la quatrième pièce, bouleversante. Un déchirement, à fleur de nerf.

Anton Webern - Trois Petites Pièces op. 11

Après la force du Berg, ce duo piano violoncelle a plus de mal à nous toucher.

Anton Webern - Concerto op. 24

Je suis assez surpris par la direction de Pierre Boulez, qui prend un rythme lent et surtout monotone, pour un rendu uniforme, vraiment peu captivant.

Anton Webern - Lieder op. 3, 4, 12

Petra Lang parcourt ses cycles de lieder avec une belle intégrité, sans pathos ni effets, une présence qui n'obscurcit pas le piano ; mais les lieder, ce n'est pas vraiment mon truc.

Anton Webern - Variations op. 27

Retour au piano seul, pour un des "tubes" de Webern, en tous cas pour moi : je m'aperçois que je pourrais chantonner ces petites cadences astucieusement ajustées, où surgit tout le charme pointilliste et en demi-teintes du dodécaphonisme. En différenciant avec grand soin les attaques et les intensités, Pollini révèle les indices de sérialisme plus intégral de ces pièces fondamentales.

Anton Webern - Symphonie op. 21

Pareil que pour le concerto, le manque de brilliance de Boulez me laisse dubitatif. Ce soir, sous ses doigts, Webern semble bien froid. Heureusement que son intégrale était plus exaltante.

Arnold Schönberg - Lied der Waldtaube

La "verdeur" des Gurrelieder, mais la technique extraordinaire d'écriture pour petit ensemble acquise au fil des ans (indispensable savoir-faire pour créer des mélodies de timbres). Petra Lang peut plus jouer la cantatrice, la matière dramatique et la durée le permettent. C'est superbe.

Arnold Schönberg - Symphonie de chambre op. 9

Je connaissais Schönberg post-romantique, le voici ici très classique ! Du tonal (contourné certes), de l'allant, des couleurs orchestrales (de chambre) originales, tout ça s'écoute avec grand plaisir ! Et dans ces deux dernières pièces, Boulez est bien plus à son affaire !

Ailleurs: Palpatine, Paris-Broadway

Benoît Lachambre - Body-Scan (Centre Pompidou - 29 Mars 2009)

La salle n'ouvrant qu'à l'heure du début du spectacle, nous nous serrons dans les rangs tandis que les deux chorégraphes, Benoît Lachambre et Su-Feh Lee, assis au bord de la scène, devisent entre eux en riant de temps en temps. Puis un type arrive de la salle, se déshabille avant de grimper sur la scène, et, nu, commence à danser, avant de se glisser dans un duvet protecteur. Il est beaucoup question de peau, ou de diverses allégories, couvertures, doudounes. La danse est fluide, plutôt calme, et comme les idées ayant inspiré ce travail portaient sur la massothérapie et le Qi gong, il est question de toucher, d'énergie, d'harmonie. De la nudité, mais pas trop ; des borborygmes vociférés peu ragoutants mais j'espère libérateurs ; du texte, adressé au public ; des photos de Robert Flynt sur des corps en mouvements qui me laissent plutôt froid ; des couvertures qui planent et virevoltent en final, typiquement le genre d'épisode qui vient de séances d'improvisations. Beaucoup de danse, finalement, pour trois hommes et trois femmes. Tout ça pas mal, mais pas plus.