dimanche 4 octobre 2009

Edgard Varèse 360 (Salle Pleyel - 3 et 4 Octobre 2009)

360 degrés en 2 jours seulement (pas comme d'autres lambins) : cela suffit pour écouter toute l'oeuvre d'Edgard Varèse, les 11 opus habituels plus quelques raretés, et même une création française ! Le tout sous l'égide du Festival d'Automne à Paris, ce qui a ses avantages (un livret copieux, intéressant, et offert) et ses inconvénients (il fallait un coté "création" : ce sera l'ajout de vidéos par Gary Hill).
Plus généralement, il y a volonté de briser le rituel habituel des concerts. Bon coté : les morceaux organisés par demi-soirée sans avoir à reconfigurer le plateau, ce qui permet d'enchainer sans presque de pause. Cela évite les 10 minutes d'attente entre des oeuvres qui n'en font que cinq ... Mauvais coté : des affèteries de mise en scène passablement ridicules, comme ces costumes-carcans pour les solistes, un divan, une partition projetée au sol, un casque d'oiseau, etc.
Et puis, le gros morceau : les vidéos. Elles sont globalement ratées. Au mieux, de jolies illustrations, sans grand intérêt mais qui se regardent ; le plus souvent, des images inutiles, qui n'apportent rien ; au pire, des trahisons de l'esprit de la musique (genre, ces musiciens fouettant leurs instruments ou fouettés pendant qu'ils en jouent, cela veut-il dire que c'est une musique qui fait mal à jouer et à entendre ?!).
Accompagnant ces vidéos, projetées sur écrans au-dessus de la salle et parfois débordant sur les murs, il y a des slogans. Ca commence plutôt bien, avec "The sound leads you to the inside of space", mais ça enfile des perles sur le son, l'espace mental, la musique, les sens, tout ça, dans un style affirmatif voire impératif rapidement déplaisant, surtout quand ça dérape dans du "This music knows you cannot close your ears" qui m'a particulièrement énervé.
Heureusement, il reste la musique, révolutionnaire et visionnaire, de Varèse, excellemment interprétée, et c'est quand même ça qui compte.

Revue de détails.

(samedi 3 octobre)

Hyperprism

Neuf instruments à vent, neuf percussionnistes, quatre minutes. Son compact, brutal, mais aéré par des silences, déflagrations, construction par blocs disjoints mais connectés, tiens, des sirènes, pas de doute, on est bien chez Varèse !

Un grand sommeil noir

C'est une pochade de jeunesse, un lied très debussyste pour soprano et piano, sur une berceuse de Verlaine. Joliment réussi, dans son syle, sauf que le style n'est en rien varésien. Une curiosité, disons. A la suite, une vidéo nous montre la silhouette électronisée de Bill Frisell jouant librement à la guitare la partie de piano. Sans aucune explication ni présentation, ce module tombe comme un cheveu sur la soupe, et se fait légèrement huer.

Octandre

Splendide morceau, où j'aime les variations de densité du matériau, entre solo et tutti (des huits vents). Sans percussions, avec plus de mélodie que d'habitude. Les musiciens du Asko/Schönberg ensemble et Peter Eötvös sont des spécialistes de cette musique, qui roule donc sans problème.

Offrandes

Retour de la soprano Anu Komsi, qui manque un peu de coffre pour cette oeuvre en deux parties qui ne me laisse guère de souvenirs. Tiens, je l'avais déjà entendu en concert.

Intégrales

Par rapport à il y a deux jours, le hautbois final est plus rêche et désespéré. La salle modifie aussi le son, ici plus ample, moins intime.

(entracte : on passe à la configuration grand orchestre)

Tuning Up

Pendant cinq minutes, l'orchestre enfle dans diverses directions, mais se fait happer à chaque fois par un La majeur. C'est assez anecdotique.

Amériques

Cette intro au bois, avec appel de cuivres, cette obsession rythmique, c'est clairement (mais pas exclusivement loin de là) une réponse au "Sacre du Printemps", avec le rituel païen en moins, et des visions urbaines et futuristes en plus. Cette fois, la violence me semble bien mieux canalisée.

(dimanche 4 octobre)

Nocturnal

Voilà une fort curieuse partition, avec une soprano qui parle plus qu'elle ne chante, et un choeur de basses assez effrayant (ça gronde, ça vocifère, ça menace). L'atmosphère, très nocturne, est trouée de silences, et pleine de cauchemars. Oeuvre tardive (1961) achevée par Chou Wen-Chung, elle mérite de trouver sa place dans le corpus officiel varésien.

Arcana

Du lourd, comme "Amériques". En plus éruptif encore, sans doute. Il me semble que Peter Eötvös continue de tenir assez serrés les rênes du Philharmonique de Radio France, afin de ne pas se laisser déborder. Peut-être un peu trop : j'ai été moins happé qu'à la première écoute.

(entracte : passage à une configuration ensembles de chambres)

Ionisation

Pas grand-chose à dire sur ce grand classique. Il semble que je l'entende pour la première fois en version normale pour treize percussionnistes (et non réduit pour six). Du coup, surprise du piano final, traité en grosse caisse de résonance remplie de fils de métal.

Ecuatorial

Cette fois, on a bien deux thérémins, en version "violoncelle thérémin". Et ma hauteur dans la salle permet un bon mixage entre les diverses couches. Une grande force, et de splendides couleurs, où les thérémins ajoutent leur magnifique mystère.

Density 21.5

Belle interprétation de Jeannette Landré, malgré son ridicule costume made by Paulina Wallenberg Olsson qui aurait bien pu s'abstenir de participer.

Etude pour Espace

Pour choeur et ensemble, orchestration de Chou Wen-Chung, création française. Mais qu'est ce qui est vraiment de la main de Varèse là-dedans ? Il y a moins de "bloc" et plus de "nappe", plus de continuité orchestrale ; et surtout, de la spatialisation très bien travaillée, qui projette parfois les chanteurs en toutes directions, mais laisse l'orchestre bien sur la scène. Intriguant, et intéressant. Aurait-ce été là le futur de l'oeuvre Varésienne ?

Dance for Burgess

Une sorte de blague, plus intéressant que "Tuning Up", mais plus anecdotique encore.

Déserts

Après la vidéo de Bill Viola, les images fadasses de Gary Hill font minables. Les interpolations ont été minutieusement nettoyées de tout bruit, elles sonnent claires (et souvent très aigües !). Du beau travail, mais gaché par l'image (et les slogans à la con, qui envahissent les écrans principaux). Faudrait fermer les yeux, mais assommé par toute cette musique, je menace alors de m'assoupir ...

Poème electronique

Là encore, déjà entendu, mais totalement oublié. Surprise, il passe dans le noir, sans images ! C'est une bonne idée pour conclure la soirée et le marathon.

Au salut final, les musiciens et le chef d'orchestre se font fortement applaudir, et le vidéaste et son équipe se font fortement huer. Je ne donne pas totalement tort au public ...

Ailleurs : Virgile, Joël, Zvezdo, Palpatine, Musica Sola, Concertonet
Spotify
Boulez dirige Varèse II
Giacinto Scelsi - Orchestral Works 2

2 commentaires:

Joël a dit…

Coquille : c'était le philharmonique de Radio France.

bladsurb a dit…

Oups ! Merci ! Corrigé.