dimanche 29 novembre 2009

Lia Rodrigues - Pororoca (Théâtre des Abbesses - 26 Novembre 2009)

Sur la scène totalement nue avancent 11 danseurs et danseuses les bras chargés de vêtements et objets divers qu'ils répandent rapidement un peu partout, plantant ainsi un décor assez "arte povera", avant de se jeter littéralement les uns sur les autres, dans un vaste charivari de corps mêlés, entre lutte et sexe. Ces couples et trios agglutinés, en rapides rotations, bouillonnants d'énergie, s'agrippant et se malaxant les uns les autres toujours entre empoignade et embrassade, ce sera la matière première de la chorégraphie. Par moments surgit un peu de chair nue, masculine ou féminime (de même que les étreintes sont de toutes natures). La stricte répétition de certaines séquences montre que la part laissée au hasard est plus faible qu'on pourrait croire. Même lorsqu'un corps s'extirpe du groupe, sa danse reste comme contrainte, les mouvements tortueux, il n'y a pas de solo libérateur de fougue. Ce qui compte, c'est la frénésie du groupe, cette force vitale, cet élan évoqué par le titre, qui est le nom d'un mascaret, "vague spectaculaire liée à la marée et remontant le fleuve Amazone à contre-courant".
Ainsi que la marée, ils s'accordent parfois une pause, se figeant dans des poses parfois peu confortables, se posant pour partager des oranges, ou fixant, pendant plusieurs minutes, les spectateurs éclairés, qui réagissent diversement à mesure que se prolonge cette brisure du quatrième mur.
Après ce dernier arrêt assez spectaculaire, ils reprennent leur grouillement fiévreux et physique, débordant de scène pour remonter lentement le long de l'escalier de l'orchestre (me frolant presque au passage ...).
Ce spectacle plutôt court, radical dans son genre, par son minimalisme de mise en scène (pas de musique du tout, quasiment pas de décor) et de matériau chorégraphique (même si les variations sont suffisantes pour ne pas générer l'ennui), provoque quelques fuites. Certains soirs ont été semble-t-il plus agités !

Ailleurs: Palpatine, Un soir ou un autre, Octuple Sentier, Images de danse

samedi 21 novembre 2009

EIC - Identités hongroises (Cité de la Musique - 19 Novembre 2009)

Heureusement qu'ils ont changé l'ordre du programme ! Comme le remarque Zvezdo, cela permet aux morceaux d'être de plus en plus intéressants !

Peter Eötvös - Séquences du vent

Alors que je trouve souvent Eötvös un peu trop spectaculaire, dans cette oeuvre de jeunesse, il est au contraire un peu trop vide ... Son évocation de la nature utilise un matériau musical en partie fort trivial (un musicien soufflant pour imiter le vent ...), rudimentaire (les rythmiques en métronome simpliste, même si la vitesse varie), et répétitif. N'est pas Morton Feldman qui veut, et là, ça ne tient vraiment pas la distance (une demi-heure).

György Kurtag - Quatre caprices

Après la surprise des Nouveaux messages, je retrouve ici mon impression habituelle avec Kurtag, une musique sans doute dans un héritage post-dodécaphonique mais à laquelle je n'accroche pas.

Marton Illés - Torso III

Musique dense, explosive, où les lignes mélodiques et texturales s'entremêlent et s'enchevêtrent, où des figures surgissent, contaminent temporairement l'orchestre avant de disparaitre par absorption dans la trame. Fort intéressant. Mais la fin, interminable, en silences comptés ponctués d'aléatoires notes isolées ou groupées en courts paquets, gâche le plaisir.

György Ligeti - Concerto pour violon

Le choc des ocarinas est émoussé par les nombreuses écoutes, mais la beauté mélodique de "Aria Hoquetus Choral", le vertige flottant de l'Intermezzo, ou la cadence finale, restent de perpétuelles redécouvertes. C'est une sorte de "prise d'armes" pour le nouveau violoniste de l'EIC Diégo Tosi, que je pense voir pour la première fois en soliste. Sa prestation me marquera moins que la première audition de Hae-Sun Kang dans "Anthèmes II", mais il obtient quand même une ovation méritée du public.

Ailleurs : Zvezdo

Spotify :
Ligeti : Violin Concerto / Nørgård: Helle Nacht / The Secret Melody
Donaueschinger Musiktage 1999

mercredi 18 novembre 2009

Boulez Pollini - Bartok (Salle Pleyel - 16 Novembre 2009)

Bela Bartok - Quatre pièces op. 12

Elles avaient l'air très bien, ces quatre pièces, mais fatigué comme j'étais, j'ai décidé de somnoler tranquille pour pouvoir mieux profiter de la suite.

Bela Bartok - Concerto pour piano et orchestre n°2

Il y a un CD que j'adore où Maurizio Pollini joue les deux premiers concertos pour piano, et j'étais persuadé que c'était dirigé par Boulez, mais non, c'est Abbado. N'empêche que j'attendais beaucoup de cette interprétation. Et que j'ai été du coup un peu déçu. Tout ça manquait d'intensité, d'engagement. Pollini se promène dans les difficultés de la partition, mais sans paraitre particulièrement impliqué. Les cadences dégoulinent en cascades de notes, l'orchestra Filarmonica della Scala tonitrue joliment en chorus de cuivres très brillants (par contre, ils manquent de basses puissantes, la tessiture de l'orchestre est un peu trop haute à mon gout), mais j'aurais aimé plus de mordant, de férocité dans la joie du premier mouvement, de livide et incantatoire dans le deuxième. Le compte n'y était pas, dommage.

Bela Bartok - Le Mandarin Merveilleux

Heureusement, voilà qui rachète la soirée ! Extraordinaire version, avec des solistes impeccables, des montées en tension que Pierre Boulez maitrise du bout des doigts, et des maelströms orchestraux à effrayer le Sacre du Printemps ! Les cuivres sont encore à l'honneur, et les bois ; les cordes ne sont pas le fort de cet orchestre. Mais le résultat est captivant de bout en bout ! Comme d'habitude, avec Boulez tant qu'avec Pollini, ovations répétées, mais pas de bis.

Ailleurs : Palpatine, ConcertoNet

Spotify:
András Schiff, Iván Fischer & Budapest Festival Orchestra - Bartók : Piano Concertos Nos 1 - 3
Bartók: Concertos

Bartok Kurtag Andre (Cité de la Musique - 15 Novembre 2009)

Bela Bartok - Deux images op. 10

Dernière oeuvre de jeunesse de Bartok, on y sent encore les influences des ainés, particulièrement Debussy. Cette pièce semble plus que d'autres sensible à l'interprétation : la lecture qu'en fait ce soir Sylvain Cambreling face à l'orchestre symphonique du SWR Baden-Baden et Freiburg est autrement passionnante que celle entendue il y a quelques années (où j'avais omis d'indiquer le chef d'orchestre, sans doute Eötvös).
"En pleine fleur" est ainsi englué de ténèbres, un sous-bois où stagne une odeur de décomposition. Quand à "Danse villageoise", on y entend rapidement des marches militaires en funestes augures.

György Kurtag - Nouveaux Messages op. 34/a

C'est une révision 2009 d'un cycle écrit il y a 10 ans, et c'est ce qui m'a le plus plu de ce que j'ai entendu de ce compositeur ! Il y a dans la matière sonore de ces pièces une brièveté et un mystère très attachants, c'est par moments même captivant ! En mode paresse, je recopie la fin du texte de Laurent Feneyrou :
"Alors le jeu de la soustraction reflète un monde disloqué, entre un genre et un état, entre une forme et un destin. Nous y éprouvons la concentration tout autant que ce qui est concentré, et quelque chose s'y serre, d'un esseulement, d'une inquiétude, d'un laconisme érigé en principe esthétique."

Mark Andre - ...auf...

J'en avais entendu et beaucoup aimé la partie 2. Cette fois, c'est le cycle complet, 50 minutes de post-Lachenmann magnifiques. Les 3 parties se prolongent par extension et accroissement de la masse sonore.
"...auf... 1" est donc le plus contenu, au seuil de l'audible, avec un fond sonore qui siffle ou qui chuinte, du souffle ou un ressac, en alliages instrumentaux introuvables, et au-dessus desquelles surgissent en péripéties de courtes explosions à peine prolongées de replongées dans le presque silence. "...auf... 2" commence par ce duel de pianos, puis cette matière étrange et mutante, et comme gonflée par quelque chose qui cherche à transpercer, à apparaitre. "...auf... 3" devient plus bruyant encore, avec deux percussionnistes dans les gradins, et de la diffusion électronique, mais où l'orchestre reste maitre des événements.
Des spectateurs quittent la salle en cours de route, ce qui, pour un concert "Festival d'Automne à Paris", est fort rare ! Et je continue de penser que ce morceau de bravoure orchestral, par sa puissance d'évocation et sa haute tenue musicale, est un chef d'oeuvre du début de ce siècle.

Spotify:
Budapest Philharmonic Orchestra - BARTOK: Viola Concerto / 2 Pictures
25 Years Experimentalstudio Freiburg

mercredi 11 novembre 2009

Planning Novembre - Décembre 2009

Une fin d'automne plutôt calme !

mardi 3 novembre 2009

Jack DeJohnette - Jack Johnson (Cité de la Musique - 31 Octobre 2009)

sous le regard de miles

Dans la si passionnante période électrique de Miles Davis, l'album "A Tribute to Jack Johnson", au croisement de son intérêt pour la boxe (les sessions d'enregistrement listent des hommages à toute une série de boxeurs) et de sa passion pour le rock (il aurait voulu inviter Buddy Miles, le batteur du Band of Gypsys de Jimi Hendrix), n'est certainement pas le plus évident à aborder.
Ce soir, la revisite se fera sous la forme d'un ciné-concert, avec diffusion du plutôt rare documentaire "Jack Johnson" de William Clayton, qui, d'images un peu vieillies en extraits sautillants de combat, évoque la carrière du "Géant de Galveston" : des victoires faciles, d'autres plus brutales, une défaite controversée ; 3 mariages, avec des femmes blanches, dont une qui se suicidera ; un exil, un peu de prison ; de l'argent, des cigares, des voitures rapides, un accident mortel. Toujours, un sourire qui devait irriter ses adversaires.
Le film n'est pas aisé à suivre, sans sous-titres, et avec la musique jouée live en-dessous de l'écran.

Jack DeJohnette anime un quintet, et s'éloigne pas mal des thèmes de l'album de départ. J'ai plus reconnu "Jean-Pierre" que "Yesternow" ... Par moments, les musiciens illustrent vraiment les images : ils emploient ainsi plusieurs techniques pour les combats, parfois solo de batterie façon roulement de cirque, parfois duel entre trompette et saxophone. Puis ils se lancent dans de vrais morceaux, où brillent leurs talents, car nous avons affaire à une fière équipe !
A la basse électrique, Jerome Harris reste assis, et assoit un groove tranquillement puissant ; à la guitare, David Fiuczynski parfois égrène des mélodies fluides dans des modes étranges, mais est plus applaudi quand il se lance dans l'énergie rock plus férocement flamboyante ; le trompettiste Byron Wallen ne tremble pas sous l'ombre tutélaire ; du saxophoniste Jason Yarde je n'ai plus guère souvenir, mais tout ça était impeccable de force et de musicalité.
Enfin, au centre, le batteur Jack DeJohnette, extraordinaire, qui donnera quelques-uns des plus beaux solos de batterie que j'ai entendus depuis des années, des phrases déjà complexes, qu'il allonge ou raccourcit de mille manières différentes, tout en variant les couleurs, et pimentant de sonorités percussives bricolées, dans une batterie assez large.

Spotify :
Miles Davis - The Complete Jack Johnson Sessions
Byron Wallen - Meeting ground, David Fiuczynski - Kif, Wadada Leo Smith + Jack DeJohnette - America