vendredi 17 décembre 2010

Fosse Chéreau - Rêve d'automne (Théâtre de la Ville - 15 Décembre 2010)

Le premier choc, c'est le décor, de Richard Peduzzi bien sur, si habituel complice de Chéreau, qui déborde presque sur les sièges (les rangées les plus basses ont du coup disparu) et sur l'entrée des spectateurs, qui doivent s'y faufiler : il s'agit de la transcription de quelques salles du Louvre (où ce spectacle a connu sa naissance), aux hauts murs rouges, ouverts de portes aux dimensions majestueuses, et aux hauteurs habitées de morceaux de tableaux.
Là arrive un homme, Pascal Grégory, être paumé qui s'allonge et s'endort ; puis une femme, Valeria Bruni-Tedeschi, qui voyant l'homme panique, puis l'approche et le réveille. Là intervient le deuxième choc, celui du texte. Mais celui-ci est plutôt négatif : rempli de répétitions sans qu'en naisse de la musique, de remarques philosophiques sans que s'en dégage du sens, il me semble creux, ennuyeux. Le long dialogue de la retrouvaille de ces deux-là me fait craindre le pire, s'il faut subir cela pendant presque deux heures ...
Mais heureusement viennent les rejoindre sur scène d'abord d'autres corps, au statut ambigu : sont-ce des fantômes, puisque cette rencontre se passe, pour ce qu'en dit le texte, dans un cimetière ? Des personnifications des souvenirs et des regrets ? Ou des personnages plus réels ? Selon les moments, on passera d'un de ces états à un autre, dans un flottement très beau, et qui lié au travail sur le corps, est une des principales forces de ce spectacle.
Lorsque débarquent les parents de l'homme (Bulle Ogier, à la bienveillance captatrice, et Bernard Verley, bloc de silence vieillissant) puis son ex-femme et son fils décédé, cela devient plus une comédie familiale, une peinture méchante des réunions de famille pas vraiment conviviales.
Dans le temps qui se bouscule, des années passant sans que cela soit dit et sans qu'on quitte ce lieu unique, les corps s'agrippent puis se fanent, la grand-mère déchausse avec une infinie délicatesse son fils tombé au sol, puis couvre d'un mouchoir les visages de tous ces hommes morts les uns après les autres, les femmes toutes debout se rejoignent, "il est l'heure d'y aller", dit la grand-mère jusqu'ici muette, et s'en vont vers les coulisses, magnifique final d'une pièce dont je n'ai pas du tout aimé le texte, mais sauvée en partie par la mise en scène de Patrice Chéreau, par le décor, par le travail sur les corps des comédiens.

Ailleurs: Luce, Trois coups

jeudi 16 décembre 2010

Donatoni Grisey Robin (Cité de la Musique - 14 Décembre 2010)

Franco Donatoni - Flag

De petites cellules mélodiquement simples et rythmiquement très marquées se superposent et se succèdent en faisant comme si elles racontaient une histoire, mais dans laquelle je n'entre pas. La virtuosité de l'EIC est bien exploitée (beaucoup de pupitres ont leur moment de gloire, façon concerto de chambre), mais je m'ennuie pas mal.

Gérard Grisey - Jour, Contre-jour

Susanna Mälkki laisse le silence s'installer longuement, puis d'un signe demande aux techniciens de lancer la bande, tandis que la lumière sur scène se réduit à un spot. Nous avons donc le voyage du soleil dans le ciel, de l'aube au crépuscule, avec le jeu des ombres traduit en compléments harmoniques. On commence par du violoncelle accompagné d'électronique aigüe, on passe à un zénith tout vibrant de couleurs et de transparences comme un mirage dans le désert, on retourne au soir vers un violoncelle accompagné d'électronique grave, c'est lent, une sorte de voyage mental plus introspectif que spectaculaire, sans doute pas un Grisey majeur, mais du Grisey quand même ...

Yann Robin - Vulcano

Je ne connaissais Yann Robin que par extraits et émissions radio, et l'avais identifié dans le secteur "bruitiste énervé". S'attaquer au thème Vulcain / volcans semblait donc assez naturel. De fait, beaucoup d'instruments dans les graves, beaucoup de percussions, et que ça vrombit, que ça gronde, que ça érupte et que ça explose ... Mais tout ça est un peu court, et ne suffit guère à peupler de façon intéressante la grosse demi-heure d'une oeuvre qui, en dehors de quelques passages plus surprenants, comme une rythmique pataude éclairée de saveurs exotiques, n'offre guère qu'un mélange peu original de Varèse et de Xenakis.

lundi 6 décembre 2010

Bach / Gardiner (Cité de la Musique - 4 et 5 Décembre 2010)

Quel Week-end ! Je ne devais assister qu'au concert du Dimanche, et puis l'occasion s'est présentée d'y être également le Samedi, et ce fut donc un festival.

Pour fêter les 10 ans de son Bach Cantata Pilgrimage, Sir John Eliot Gardiner tourne avec son époustouflant Monteverdi Choir et ses excellents English Baroque Soloists, et nous présente, fidèle à la philosophie du pèlerinage, quelques cantates de l'Avent, qu'il complète de quelques concerti.
Je m'aperçois grâce à ce blogue que j'ai déjà vu Gardiner il y a 3 ans, dans un programme Brahms. Je n'en avais guère de souvenirs. Cette fois, j'apprécie davantage son art de diriger, sans baguette, mais très différent de Boulez, plus souple disons, souvent presque chorégraphique, et très expressif, de tout le corps, pas seulement du doigt et de l'oeil !

BWV 61 - Cantate "Nun Komm, der Heiden Heiland"

Ca c'est de l'entrée en matière, magnifique choeur initial, rythmes et tuilages. L'orchestre est essentiellement composé de cordes, avec orgue et clavecin, et de rares et momentanés vents. Le violoncelle qui accompagne les récitatifs sera de bout en bout formidable, support souple et tout confort. Les solistes sortent simplement des rangs du Monteverdi Choir. Le plus formidable est la basse Jonathan Sells, qui dans un récitatif ténu à peine souligné de pizzicati impose un silence et une attention rare du public. Enfin, pour une fois, le choral final est complexe et tout effervescent !

BWV 1060a - Concerto pour violon et hautbois

Très belle prestation de Michael Niesemann, hautbois, et de Kati Debretzeni, premier violon soliste. Ce sont les mouvements allegro qui me séduisent le plus, échanges joyeux et fluides du premier, et rythme effréné du troisième, qui tricote sévère de l'archet ! Puis la violoniste rejoint paisiblement son siège pour reprendre ...

BWV 151 - Cantate "Süsser Trost, mein Jesus kömmt"

Si toutes les voix féminines ne m'emballent pas ce soir, celle de la soprano Zoe Brown fait exception, qui s'épanouit angéliquement dans les longues notes de l'air initial, ornée d'une flûte d'une exquise et douce volubilité. 10 minutes de berceuse d'une beauté confondante. Contraste saisissant quand la basse se précipite pour la remplacer, sautant théâtralement dans l'action, tant scéniquement que musicalement.

BWV 70 - Cantate "Wachet! Betet! Betet! Wachet!"

Voilà une cantate pleine de couleurs, qui démarre par un choeur haletant et l'ajout d'une trompette (baroque, bien sur, un instrument d'une surprenante sobriété d'aspect). L'autre point fort sera le récitatif et air de la basse, alternant entre éclats cataclysmiques à l'orchestration particulièrement furieuse (on parle du jour terrible de la fin du monde ...), et apaisements souverains ("lieu où la joie abonde") ; on est vraiment à l'opéra !

BWV 140 - Choeur "Wachet auf, ruft uns die Stimme"

Et puis, un bis. Et quel bis. Le sommet de la soirée. Comme une bouteille de vin de Cana. Gardiner fait venir sur scène quelques chanteurs qui l'avaient accompagné dans le Pélerinage en 2000, et tous entament ce choeur avec une somptuosité, une grandeur, un équilibre des lignes, un élan, une générosité, qui coupe le souffle et donne la chair de poule. Un moment rare, l'impression d'être transporté ailleurs, un air sublime sublimé par l'interprétation.
"Et voilà" conclut Gardiner dans le silence héberlué, avant le tonnerre d'applaudissement.

gardiner à la cité

BWV 1052 - Concerto pour clavecin

Le concert du dimanche s'équilibre entre cantates et concerti pour clavecin, dirigés depuis son clavecin par Robert Levin, ce qui nous prive de la gestuelle de Gardiner ... Dans ce premier concerto, je reconnais bien le premier mouvement, utilisé en sinfonia avec orgue en introduction de la cantate BWV 146, plus intimiste au clavecin, mais néanmoins très marquante, avec ces airs vigoureux et conquérants et ce solo brillant et incisif. Le troisième mouvement aussi sera repris en sinfonia, dans la cantate BWV 188.

BWV 146 - Choeur "Wir müssen durch viel Trübsal"

C'est la partie pédagogie du concert, qui sera plus bavard que la veille. Gardiner et Previn, tous deux en français, expliquent les reprises par Bach d'une pièce à une autre, et l'illustrent par ce choeur qui reprend le deuxième mouvement du concerto précédent. L'orchestration est effectivement plus différente que s'ils avaient choisi une des sinfonia, qui aurait plus été redondante. Mais je ne suis pas convaincu par cette pièce, qui a des difficultés à trouver son équilibre, entre le choeur lent, les cordes discrètes, et un orgue presque intempestif, et ce pour un air qui ne me touche pas.

BWV 243a - Laudes du Magnificat

Le bien connu Magnificat BWV 243 est issu d'un Magnificat de Noël BWV 243a, qui comprenait quatre courtes pièces spécialement écrites pour Noël, et que Bach a ensuite supprimées pour utiliser cet opus à d'autres occasions. Choix curieux que de nous donner ainsi ces quatre pièces isolées de leur contexte. C'est joli, soit, mais un peu court.

BWV 36 - Cantate "Schwingt freudig euch empor"

C'est une grande cantate en deux parties, qui seront ici séparées par le concerto pour clavecin 1053, et sans récitatifs. Le choeur initial est une petite merveille de vitalité, masquant la virtuosité acrobatique sous une limpidité très désaltérante (ça tombe bien, le bar était fermé pendant l'entracte ...). Si c'est bien un hautbois d'amour qui accompagnait le ténor dans son air, alors c'est la preuve que cet instrument peut jouer juste, et qu'alors c'est beau, un de ces airs tout simples, étagé entre les ponctuations de l'orgue et du violoncelle, la ligne déroulée par le chanteur, et les volutes ajoutées par le hautbois.
Dans la deuxième partie, j'attendais l'air de basse, mais c'est le choeur suivant, par les ténors seuls, en longues notes tenues au-dessus du tumulte bouillonnant de l'orchestre, qui m'emporte. La berceuse suivante, malgré le violon de Debretzeni, me fait moins d'effet que celle de la BWV 151.

BWV 1053 - Concerto pour clavecin

Cette fois-ci, c'est l'air lent du mouvement central, une sicilienne, que je préfère, et qu'on peut retrouver dans la cantate BWV 169.
Comme la veille, ils finiront par le choeur de la BWV 140, mais cette fois-ci sans les chanteurs supplémentaires, et l'effet est moindre. On s'habitue trop vite au prodigieux.

gardiner à la cité - final

Spotify: The Monteverdi Choir, The English Baroque Soloists, John Eliot Gardiner – Bach Cantatas Volume 13 (BWV 61, 62, 36, 70, 132, 147), Johann Sebastian Bach – Bach: Oboe Concertos, The Monteverdi Choir, The English Baroque Soloists, John Eliot Gardiner – Bach Cantatas Vol. 15 (BWV 64, 151, 57, 133), Nikolaus Harnoncourt – Bach: Cantatas BWV 29, 61 & 140, The Academy of Ancient Music & Christopher Hogwood – Bach: Harpsichord Concertos, Triple Concerto, Gächinger Kantorei Stuttgart – The Complete Bach Edition Vol. 140 - Sacred Vocal Works - Magnificat In E-Flat Major, Etc.

lundi 29 novembre 2010

Bach Cantata Pilgrimage : intégrale ou pas ?

Pour commémorer les 250 ans de la disparition de Johann Sebastian Bach, John Eliot Gardiner eut cette idée folle d'enregistrer pendant l'an 2000 toutes les cantates sacrées, en jouant chaque semaine dans une église différente les cantates écrites pour cette semaine-là. Le tout fut enregistré, puis diffusé par un label conçu à cette occasion, Soli Deo Gloria.
Les derniers volumes viennent de paraitre, accompagnés d'un dépliant permettant de retrouver quelle cantate est sur quel disque, et d'un site Web CantataFinder qui permet d'identifier une cantate à partir d'un extrait de texte.

On peut alors s'apercevoir que les 27 volumes de ce pèlerinage parus chez SDG ne contiennent que 165 cantates, sur un corpus de 200 numéros (BWV 1 à BWV 200). Où sont les autres ?

Il faut en fait compléter ces 27 volumes par 6 CD "Deutsche Grammophon Archiv" :
- Cantates pour le jour de l'Ascension (11, 37, 43, 128)
- Cantates pour le 3ème dimanche après l'Epiphanie (72, 73, 111, 156)
- Cantates pour la fête de la Purification de Marie (82, 83, 125, 200)
- Cantates pour le 9ème dimanche après la Trinité (94, 105, 168)
- Cantates funèbres (106, 118, 198)
- Cantates pour le 11ème dimanche après la Trinité (113, 179, 199)

Cela nous amène à 186 cantates. Il en manque encore 14. Mais ces dernières sont des erreurs de classification, des cantates qui soient ne sont pas de Bach, soit ne sont pas vraiment sacrées.
- BWV 15 : composition de Johann Ludwig Bach
- BWV 29 : élection du conseil municipal de Leipzig (1731)
- BWV 53 : composition de Georg Melchior Hoffmann
- BWV 119 : élection du conseil municipal de Leipzig (1723)
- BWV 120 : élection du conseil municipal de Leipzig (1728 ou 1729)
- BWV 141 : composition de Georg Philip Telemann
- BWV 142 : composition de Johann Kuhnau
- BWV 157 : cantate funèbre pour Johann Christoph von Ponickau (1726)
- BWV 160 : composition de Georg Philip Telemann
- BWV 189 : composition de Georg Melchior Hoffmann
- BWV 193 : élection du conseil municipal de Leipzig (1738)
- BWV 195 : cantate de mariage
- BWV 196 : cantate de mariage
- BWV 197 : cantate de mariage

Et si vous voulez d'autres intégrales de ces cantates sacrées de Bach, Ulyssestone en a sélectionné plusieurs disponibles sur Spotify.

Rihm Dufoury Kourliandski Mantovani (Cité de la Musique - 27 Novembre 2010)

Wolfgang Rihm - Gejagte Form (version 1995/1996)

J'aime bien tout ce cycle, il me semble, des "formes chassées" de Rihm. On retrouve cette course parfois trépidante, ici initiée par un quatuor de flûtes et de clarinettes, à peine souligné de harpe, puis rejoint par des bouffées orchestrales, qui s'organise ensuite en multi-couches. Différents climats se succèdent, plus étals cependant que dans d'autres pièces de ce cycle, on a le temps de s'installer, même si la pulsation rythmique nous entraine toujours. C'est vif, parfois cinématographique, avec même du suspense, et une fin en cliffhanger.

Hugues Dufourt - Les Chasseurs dans la neige

Comme il y a un écran au-dessus de la scène, ils y projettent en introduction l'image de la peinture de Bruegel. Le rythme est moins trépidant que chez Rihm (et c'est pourtant l'une des plus vives du cycle "Les Hivers" de Dufourt !). On ressent la fatigue des chasseurs, le froid, l'attente ponctuée de mini-événements dramatiques. Je ne sais pas si Mantovani ne s'ennuie pas un peu en dirigeant cette musique très éloignée de la sienne. Dans les nombreux musiciens venus compléter l'EIC, il y a une bien jolie violoniste russe, qui aide à faire passer les longueurs.

Dmitri Kourliandski - Objets impossibles I et II

Ce sont ces pièces qui justifient le mieux le thème "Art total" de ce concert, qui ont reçu le plus de publicité sur les réseaux sociaux (la salle est bien pleine, d'ailleurs ...), et qui s'avèrent les plus mauvaises de la soirée, et j'espère de l'année. Il faut près d'un quart d'heure pour changer le plateau, avec des loupiotes sur chaque pupitre, puisque l'orchestre sera dans l'obscurité, afin qu'on puisse passer de la vidéo sur le grand écran. La musique est en effet transcrite en temps réel en animation informatique : d'où l'aspect art total. Sauf que c'est d'une pauvreté qui fait pitié. La musique ne semble composée que de quelques éléments à peine variés pendant un bon quart d'heure (pour l'objet 1, des cordes qui claquent à vide, des vents qui vrombissent soufflent et hululent, et des percussions très métalliques ; pour l'objet 2, des trucs qui grincent et qui raclent, et des machins qui geignent et qui couinent), et que cela est traduit sur l'écran de manière simpliste (l'objet 1 est une scène d'architecture, avec des poutres qui s'illuminent quand claquent les cordes, et des murs qui se déstructurent quand vrombissent les vents ; l'objet 2 est une sculpture de planches de bois enchevêtrées qui bougent, avec des boules facettées qui se forment et évoluent aux points de convergence). Et c'est tout. On a l'impression d'une démonstration, peut-être d'un "proof of concept". Sauf que j'ai vu plus intéressant sous Winamp ... Utiliser les moyens de l'EIC pour un si piètre résultat, c'est vraiment du gâchis.
Et là, incroyable, presque inouï, à la Cité, une création de l'EIC, est huée par une partie du public ! Ouf.

Bruno Mantovani - Concerto de chambre n°1

Concerto pour orchestre de chambre, qui multiplie les interventions solistes virtuoses (bravo à Jérôme Comte pour le solo de clarinette), dans une structure où le compositeur dit tenter de renouveler sa manière d'écrire de la musique, et qui perd du coup en originalité et en identité, pour rejoindre le bataillon d'oeuvres en pleins et en déliés, avec des tutti et des soli, des moments d'attentes et des moments de frénésie, comme écrit un peu tout le monde. De beaux passages individuels, mais des alliages sonores moins intéressants que d'habitude.

Ailleurs: Le concert est disponible pendant quelques mois sur Cité de la Musique Live.
Spotify: Minguet Quartet – Rihm: 4 Studien Zu Einem Klarinettenquintett - 4 Male, Ensemble Modern – Hugues Dufourt: Les Hivers, Ensemble Alternance – Mantovani: D'un rêve parti

dimanche 28 novembre 2010

David Lescot - L'instrument à pression (Théâtre des Abbesses - 26 Novembre 2010)

Un spectacle flottant entre théâtre et Jazz, un affrontement entre Jacques Bonnaffé et Médéric Collignon, l'idée était fort séduisante, et a attiré suffisamment de monde pour que des séances supplémentaires à 18h soient rapidement proposées. Sauf que depuis, Collignon souffrant d'une hernie discale a déclaré forfait, et une telle personnalité n'est tout simplement pas remplaçable sur la piste.
Ce n'est pas que son remplaçant Virgile Vaugelade démérite particulièrement : on ne peut pas lui demander de posséder la même intensité charismatique, la même démesure extravertie, que Collignon. Mais du coup, le spectacle n'est certainement pas celui auquel avait pensé David Lescot et Véronique Bellegarde.
L'histoire : un "souffleur de biniou" qui veut se frotter au Jazz rencontre un professeur qui lui enseigne le souffle et quelques B A BA, se confronte à d'autres musiciens dans des clubs de Jam, s'éprend d'une contrebassiste qui fascinée un temps prend peur et s'enfuie, et se radicalise dans une recherche Free qui l'éloigne de tous.
La mise en scène consiste en une série de tableaux, parfois musicaux, fondus enchainés, commentés par les comédiens/musiciens (Philippe Gleizes habituel batteur de Collignon, David Lescot trompettiste et guitariste, Odja Llorca qui chante et mime la contrebasse) dans une sorte de voix off polyphonique. Il y a aussi de la vidéo, créée/manipulée en direct par Olivier Garouste.
Il y a de l'humour (le spectateur qui veut à tout prix qu'on lui joue "Le lion est mort ce soir"), de l'émotion (la première nuit entre le héros et la contrebassiste), de beaux moments (le club de Jam vu comme un ring de boxe), mais la folie Médéric manque, et le tout devient du coup un peu fade, pas vraiment raté, mais sans grand intérêt.

l'instrument à pression

Ailleurs: Amelie Blaustein Niddam
Spotify: Médéric Collignon – Shangri Tunkashi-La, Bruno Dumont – La Vie De Jésus

jeudi 25 novembre 2010

Sylvie Courvoisier Mark Feldman Quartet (Sunset - 21 Novembre 2010)

Dans ce concert, ceux que je venais voir étaient les meneurs, Sylvie Courvoisier et Mark Feldman. Leurs acolytes a priori ne m'intéressaient guère. Erreur ! C'est un vrai quartet hors-normes, où tous ont un impressionnant background, et savent créer une musique sans guère de pareille.

Vu le savoir-faire classique du viloniste et de la pianiste, on se dit qu'ils n'ont pas vraiment besoin d'une paire rythmique pour leur indiquer le tempo. Et de fait, ils s'en abstiennent. Le batteur Gerry Hemingway, qui a longtemps joué dans le fabuleux Quartet d'Anthony braxton avec Dresser et Crispell, exerce plus ses talents de percussionniste, proposant une sorte de brouillard coloré de brisures de rythmes, un halo flottant et scintillant, qu'il densifie quand il faut jusqu'au martellement d'une impressionnante compacité.
A ses cotés, le contrebasse Thomas Morgan, que j'avais déjà dans les Five Elements de Steve Coleman, joue les tous-terrains. Par moments complétant et charpentant le flou incandescent du batteur, puis doublant note à note les lignes du violoniste, puis se lançant dans des solos vigoureux ou en corde raide.

C'est Feldman qui se présente face au public, annonce en français les morceaux, et généralement mène la barque le plus souvent. Son jeu est toujours mélodique, limite post-romantique, avec des envolées où les cordes aigües pleurent des plaintes déchirantes, avec quelques effets de jeu, avec souvent des lignes répétées au-dessus du flux mouvant de ses partenaires.
Quand à Courvoisier, la voir jouer est un plaisir à chaque instant renouvelé, tant elle jongle avec tous les jeux possibles du piano, énonçant une suite d'accords plaqués gentiment, quand soudain la main droite part papillonner dans les aigus pour un pépiement étourdissant de rapidité, ou bien la main gauche part dans les cordes graves pour des pizzicati grondants, puis elle se lève et joue dans la caisse avec de grosses billes qui créent un rythme auquel le batteur répondra à sa manière, et tout cela avec une assurance et un naturel qui donnent le sentiment que chacune de ses interventions est juste nécessaire et adéquate.

Les morceaux sont longs, remplis d'espaces d'improvisations, avec des retours, des façons de couplets entre des sortes de refrains, des départs, vers on ne sait trop où, on est entre musique classique de chambre d'avant-garde et free-jazz sans son coté facilement agressif.
Deux sets pas très longs, mais intenses en émotions, en surprises, en écoute et en dons. Un grand grand concert.

courvoisier feldman quartet au sunset

Ailleurs: Native Dancer
Spotify: Sylvie Courvoisier & Mark Feldman – Oblivia, Sylvie Courvoisier & Mark Feldman & Erik Friedlander – Abaton, Steve Coleman & Five Elements – Weaving Symbolics, Anthony Braxton & Gerry Hemingway – Old Dogs (2007)

mardi 23 novembre 2010

Simon McBurney - Shun-kin (Théâtre de la Ville - 20 Novembre 2010)

De Simon McBurney et de sa troupe Complicité, j'avais déjà vu il y a quelques années The Elephant Vanishes, autour de nouvelles de Murakami. Cette fois, c'est une nouvelle de Tanizaki qui sert de matériel.
L'histoire est simple : la relation sado-masochiste entre une joueuse de Shamisen aveugle et son serviteur plus âgé de quelques années, lui la vénérant, elle le battant et l'humiliant à tous prétextes. Lorsqu'une nouvelle attaque criminelle la laisse défigurée, il se crève les yeux pour l'assurer ne jamais regarder son visage ravagé.
Simon McBurney aime les mises en scène spectaculaires. Ici, sur un plateau rempli d'ombres, il crée les lieux à l'aide de quelques planches et manches de bois, qui en constantes reconfigurations évoquent des portes, des arbres, des jardins. Des projections aident à l'envol des alouettes. Les diverses formes classiques de l'art théâtral japonais sont convoquées, du bunraku pour la marionnette figurant Shun-Kin enfant, du kabuki dans certaines modulations vocalisées, etc. Un joueur de Shamisen joue en arrière-plan. Certains moments sont absolument magiques, comme le passage de Shun-kin à l'age adulte, où simplement l'une des marionnettistes, dans une scène de colère contre son amant-serviteur Sasuke, se lève soudain, jette la poupée au loin, et voilà, c'est elle maintenant qu'il habille d'un magnifique kimono, et qui devient Shun-kin.
Simon McBurney entoure ce récit cruel et profond d'autres points de vue qui l'enrichissent. L'auteur Tanizaki est là, qui écrit ce texte après une blessure amoureuse et suit de près l'évolution de ses personnages ; Sasuke vieux les regarde aussi, attendri par l'évocation de cet amour qui aura été toute sa vie ; une actrice radio, invitée à réciter le texte pour la NHK, fournit la voix-off, ainsi que des pauses plus comiques, et un écho actuel à cette histoire, en téléphonant à son amant, qu'on comprend plus jeune qu'elle.
Le sous-titrage est excellent, doublé au-dessus de la scène et à hauteur du sol. Certaines particularités du spectacle ne sont clairement accessibles qu'au plus japonisants du public, comme cet affichage du texte à certains moments pour permettre de goûter aux subtilités des niveaux de langage utilisés. Ca tombe bien, il y a beaucoup d'asiatiques dans l'assistance !
Le seul bémol à ce spectacle magnifique est dans le choix de Yoshi Oida pour jouer le rôle de Sasuke vieux, qui est si emblématique de Peter Brook, que je ne peux m'empêcher d'essayer d'imaginer ce que lui aurait fait de cette pièce. Cela aurait sans doute été moins spectaculaire, mais peut-être encore plus profond ...

shun-kin

Ailleurs : Allégro Théâtre, Rue du Théâtre, Armelle Héliot, Palpatine ...

mercredi 17 novembre 2010

Einstürzende Neubauten - 30 ans (Cité de la Musique - 16 Novembre 2010)

C'est la troisième fois que je vois les Neubauten en concert, et la dernière fois remonte à pas mal de temps. Certains musiciens sont partis, les restants ont vieilli. La musique n'est plus cette coulée de bruit rageur et assourdissant, mais propose des ambiances plus calmes, apaisées serait peut-être insultant.
La première chanson est un excellent début : "The Garden", en montée lente d'émotion, la basse trop forte de Alexander Hacke (réglé au bout de 10 minutes), des cordes jouées au synthé, la voix toujours envoutante de Blixa Bargeld, des percussions presque légères, une entrée en matière en douceur. Le problème c'est qu'on restera un peu trop dans ces ambiances lentes. L'énergie reste latente, le son globalement très propre, la mise en place impeccable, et impressionnant le ballet des techniciens qui entre les morceaux déplacent quelques bidons tuyaux ou râteliers pour le compte de N.U. Unruh. Mais entre deux explosions du genre "Die Interimsliebenden", ou "Let's Do It A Dada" suivi de "Haus der Lüge" (magistral ! le clou de la soirée !), on s'ennuie un peu ...

Ailleurs: Good Karma
Le concert filmé est disponible pour quelques semaines sur ArteLiveWeb et sur CitéDeLaMusique, où on peut admirer plus facilement qu'au concert lui-même le disparate maitrisé des instruments assemblés ou fabriqués.
Spotify: Strategies Against Architecture Vol 1 80-83, Vol 3 1991-2001, Vol 4 2002-2010.

dimanche 14 novembre 2010

Alexandra Grimal - Adrien Mondot (Atelier du Plateau - 13 Novembre 2010)

Alexandra Grimal aime les rencontres. Comme Marc Ducret, je ne l'ai jamais vu deux fois dans la même formation. Invitée régulièrement à l'Atelier du Plateau (elle y sera de nouveau en Mars en compagnie de Bruno Chevillon), elle propose une collaboration originale avec Adrien Mondot, présenté comme "jongle / arts numériques".
Elle commence seule, solo de saxo soprano, musique sinueuse et lentement envoutante, très charmeuse de serpents. Il la rejoint avec une boule en verre dont il mime l'apesanteur ("l'upesanteur" préfèrent-ils évoquer dans ses textes de présentation, comme utopie), et une présence chorégraphique où se reflètent élégance, arabesques et contorsions.

alexandra grimal + adrien mondot à l'atelier du plateau

L'heure de prestation est clairement délimitée en morceaux successifs, où il change de matériel, une deux ou trois boules de verre, ou fugitivement balles de caoutchouc, mais que le sol trop inégal de la salle ne permet guère d'utiliser.
Entre deux numéros de jongle, il change de casquette et lance des programmes sur son ordinateur, qui projette des animations sur le grand mur, qui réagissent aux sons projetés par Grimal.

alexandra grimal + adrien mondot à l'atelier du plateau

C'est un arbre dont les branches se tordent, c'est un essaim de mots qui papillonnent, c'est un voile qui se déforme, c'est une fine pluie de lettres.

alexandra grimal + adrien mondot à l'atelier du plateau

Alternant entre ses deux saxophones, elle nous garde en haleine toute l'heure, faisant preuve d'une grande inventivité mélodique, exploratrice harmonique, un flux de longues phrases insinueuses et insistantes, une tension maintenue sans excès, qui épouse avec bonheur les grands gestes de Mondot, ses jeux d'équilibres et ses poses poétiques.
Dans le cirque dit-elle à la fin, on ne fait pas de bis. Mais ce soir la musique gagne, et ils nous en proposent un, où elle cite pour la première fois de la soirée un air connu (mais oublié). Même dans cette rencontre surprenante, elle fait montre de son habituelle intensité.

Ailleurs: Quelques photos.
Spotify: Alexandra Grimal se produit principalement dans de tous petits labels pas (encore) présents sur Spotify. Mais une première exception cette année : Birgitte Lyregaard – Blue Anemone (qui sera présenté au Sunside en Février)

samedi 13 novembre 2010

Lachenmann Bruckner (Salle Pleyel - 12 Novembre 2010)

Helmut Lachenmann - Nun

"Le Moi n'est pas une chose, mais un lieu" est une des réflexions de Kitaro Nishida qui a donné naissance à cette pièce. Pour cela, Lachenmann a conçu une musique qui n'est pas une trajectoire, mais un lieu traversé d'événements. Le rôle de soliste de la flûte et du trombone n'est pas vraiment primordial : ils génèrent juste des événements plus marqués que le reste de l'orchestre (SWR Sinfonieorchester Baden-Baden & Freiburg), traité comme un bloc producteur de sons étranges, halètements, crépitements, palpitations ... Il y a aussi 8 chanteurs (Schola Heidelberg), assis en cercle autour du chef d'orchestre (Sylvain Cambreling). Ils ne prononceront des mots que vers la fin, dont un "Mu - Si", et "K" en claquant la langue. Il y a aussi une légère manipulation acoustique, les voix pouvant être amplifiées, les sons des solistes projetés à l'intérieur des pianos à queue pour mieux y résonner, et peut-être d'autres peu discernables dans l'étrangeté des sonorités engendrées.
"D'une manière toujours autre, c'est toujours la même chose", explique Lachenmann dans le livret, et de fait, cette pièce est comme un jardin qui, sous divers circonstances météorologiques, reste le même tout en changeant beaucoup d'aspect. La flûte et le trombone y serait des éléments marquants, comme deux arbres, parfois essentiels à l'équilibre, parfois noyés dans le brouillard ou la pluie, parfois secoués par le vent. Le terme de répétition est inadéquat, parce qu'il ferait référence à un déroulement temporel, alors qu'on est plus dans un déploiement spatial.
Musique belle ? Ce n'est pas vraiment le sujet. C'est une expérience intéressante, ayant sa charge cérémonielle, ouvrant l'esprit à toutes sortes d'interrogations et parallèles.

lachenmann et cambreling à pleyel

Anton Bruckner - Symphonie n°3 "Wagner"

De la belle matière symphonique, roborative mais pas rébarbative (ne pas confondre), que Cambreling vivifie par une utilisation marquée de la dynamique. Un joli cor soliste.

Ailleurs: ConcertoNet
Spotify: Sylvain Cambreling & SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg & SWR Vokalensemble Stuttgart – Lachenmann: Das Mädchen mit den Schwefelhölzern, Anton Bruckner, Hans Knappertsbusch, Munich Philharmonic Orchestra, – Anton Bruckner: Symphony No. 3, Symphony No. 5

vendredi 12 novembre 2010

Francesco Bearzatti - Malcolm X Suite au Triton (Le Triton - 11 Novembre 2010)

J'avais découvert ce quatuor Tinissima il y a quelques mois par une vidéo ArteLiveWeb indisponible désormais. Ils tournent actuellement pour présenter leur deuxième album, consacré à Malcolm X, une suite en 10 tableaux (normal pour X ...), qu'ils jouent d'un bloc, comme Francesco Bearzatti nous l'indique en préambule dans un excellent français.

Danilo Gallo ne jouera que de la guitare basse, avec forces pédales d'effet, pour la transformer parfois en guitare très bluesy. Le batteur Zeno De Rossi peut jouer un peu libre et destructuré, mais la plupart du temps reste dans une rythmique très carrée, lorgnant ou plongeant dans un coté Funk/disco sans grande imagination. Cela donne une base solide, mais qu'on pourrait aimer plus légère et surprenante.

L'animation vient donc des deux souffleurs. Francesco Bearzatti est la tête pensante du groupe, compositeur de tous les morceaux, il alterne entre saxophone et clarinette, lyrisme sous contrôle, chorus généreux, beaucoup de présence sur scène. Giovanni Falzone assure une plus grande folie, trompettiste spectaculaire, techniques vocales "à la Collignon" mais plus rudimentaires. Les échanges ne sont pas encore télépathiques, comme on dit, mais leur interaction est prometteuse.

Originale fin de set : les musiciens se présentent face au public, tandis que l'épilogue de la suite pour malcolm X, où chante Napoléon Maddox, passe sur les enceintes, que tous écoutent en intégralité et sans broncher.
Un second court set leur permet de donner deux morceaux du premier album, dont un "Why" très énergique.

Un bon concert, mais où on sent un groupe qui peut devenir encore bien meilleur.

bearzatti au triton

Ailleurs: Alex Duthil.
Des extraits d'un concert de la même tournée sont disponibles sur Youtube :
Bearzatti; Malcolm X part 1, part 2, part 3, etc.

jeudi 11 novembre 2010

HK Gruber - Kurt Weill (Cité de la Musique - 10 Novembre 2010)

Kurt Weill - Vom Tod im Wald

Le concert commence en retard et dans une salle un peu vide, à cause d'un colis suspect dans la station de métro. Cette courte pièce vocale était supposée être intégrée au "Berliner Requiem" que nous entendrons en deuxième partie, mais finalement resta isolée. On y retrouve cependant le même groupe instrumental, à savoir la phalange des vents de l'Orchestre Philarmonique de Radio France, dirigée par HK Gruber. Qui malheureusement chante aussi, ou plutôt psalmodie et vocifère, opte pour un parlé-chanté qui convient à sa voix assez banale, mais ne m'enthousiasme guère. Reste la musique, balançant entre calmes glacés et rages éructantes, pour conter la mort d'un homme dans une forêt, que ses compagnons horrifiés voudraient voir disparaître comme un gentleman, alors qu'il crève comme une bête.

HK Gruber - Busking

C'est un concerto pour trompette et orchestre à cordes. Le soliste Hakan Hardenberger commence par jouer d'une embouchure détachée, comme un sifflet, puis change de trompette pour chacune des trois parties, mais globalement ne se tait jamais. Dans l'accompagnement des cordes, c'est le rôle exotique du banjo ou de l'accordéon qui m'intéresse le plus. Mais tout cela est long, répétitif, débordant de virtuosité gratuite, en somme, assommant.

Kurt Weill - Das Berliner Requiem

On reprend donc les cuivres et les bois du Philarmonique, accompagnés du choeur de Radio France et d'un percussionniste, et surtout de deux vrais chanteurs, le ténor Rainer Frost et le baryton Florian Boesch, ce dernier absolument remarquable d'intensité et d'engagement, à la limite d'en faire trop par moments, mais quel coffre, et quelle émotion ! La version donnée par Gruber ne suit pas le livret habituel, peut-être est-ce la version originale avant remaniement du à la censure. On commence directement par la "Ballade de la fille noyée", puis "Die rote Rosa" au lieu de "Marterl" ! Je ne connaissais pas ce cycle, mais on est d'emblée à la hauteur de mes Weill préférés : arrangements d'une fausse simplicité, comme ces accords à la guitare sous le choeur introductif, douceur désespérée de la clarinette pour Rosa, véhémence des poèmes de Brecht sur le soldat inconnu, massacré et défiguré par ses camarades et enterré sous une lourde plaque pour ne plus jamais revenir les accuser, parfois lentes montées en puissance avec entrée successives des instruments, parfois flamboyances soudaines, c'est à la fois d'une évidence lumineuse et rempli de surprises qui forcent l'attention. Captivant, magistral, féroce et bouleversant.

Ailleurs: Vous pouvez écouter pour quelques semaines le concert enregistré par France Musique (avec de beaux compléments, du Weill chanté par Nina Hagen ou Lotte Lenya).
Spotify: Paul Hillier – Weill: Das Berliner Requiem, Lotte Lenya – Lotte Lenya Sings Kurt Weill, Swedish Chamber Orchestra – Gruber, H.K.: Manhattan Broadcasts / Cello Concerto / Zeitfluren

mardi 9 novembre 2010

Ensemble Modern - Peter Eötvös (Salle Pleyel - 6 Novembre 2010)

Bruno Mantovani - Postludium

Ca commence par un fracas impressionnant, qui se calme peu à peu. De jolies couleurs comme d'habitude, avec un accordéon bien fondu dans l'orchestre. Qualifier la fin d'épure au discours raréfié me semble un peu exagéré, on n'est ni chez Ligeti statique, ni chez Nono ascétique.

Jens Joneleit - Dithyrambes

Le compositeur explique avoir en quelque sorte improvisé l'écriture, en proie à "une rage d'écrire". Du coup, ça part un peu dans tous les sens, et ça fait beaucoup de bruit. C'est d'ailleurs une constante ce soir : au premier rang du balcon, qui n'est pas une place très agréable pour les jambes, l'orchestre pléthorique requis par Schoenberg et utilisé pour les trois créations de la soirée (c'est le seul vrai concert de musique contemporaine à Pleyel cette année ...) est près de m'agresser par le volume sonore déployé. Trop de percussions, trop de cuivres, l'Ensemble Modern s'en donne à coeur joie, et Peter Eötvös ne le retient pas.

Arnold Schoenberg - 5 pièces opus 16

Schoenberg me reste toujours assez opaque et fascinant, tout en tension entre le langage qui tend vers l'abstrait, et le discours expressionniste encore gorgé de romantisme inavouable. J'essaie de repérer la Klangfarben melodie de la pièce 3, et échoue - mais apprécie l'atmosphère mystérieuse.

Johannes Maria Staud - Contrebande (On Comparative Meteorology II)

Toujours le même très gros effectif d'orchestre, mais de la musique moins agressive. Il y a quelque-chose de météorologique en effet, comme une transcription de phénomènes naturels, marée, vent, nuages. Mais toujours de grosses bouffées de violence orchestrale. Garder d'une pièce à l'autre le même instrumentarium permet de limiter considérablement les durées d'attente entre les morceaux, puisqu'il n'y a pas de changements à effectuer sur le plateau. Mais ça donne aussi un peu trop la même texture aux pièces successives. Sur la longueur, je décroche un peu.

Arnold Schoenberg - Variations opus 31

Pas de souvenirs.

Ailleurs: Joël, ConcertoNet.
Spotify: 20th Century Classics: Arnold Schoenberg, Siegfried Mauser – New Piano & Chamber Music

lundi 8 novembre 2010

Intersessions 6 (Le Triton - 5 Novembre 2010)

Le principe des "Intersessions", c'est de mélanger des musiciens de l'Ensemble InterContemporain avec des musiciens de Jazz, pour des improvisations. C'est la première fois que j'y assiste (ma découverte de cette salle étant récente).
Ce soir, nous avons coté Jazz la contrebassiste Joëlle Léandre et la pianiste Sophia Domancich, et coté EIC la flûtiste Emmanuelle Ophèle et le violoncelliste Eric-Maria Couturier. Un quartet peu fréquent, donc, "sans tambour ni trompette", et avec un doublement des cordes basses. Au gré des morceaux, ils se recombineront en trios et duos.

Ce qui me frappe surtout, c'est la différence dans l'approche de leurs instruments. Joëlle Léandre empoigne sa contrebasse dans un affrontement physique impressionnant, en extirpant toutes sortes de sons, claquements, vrombissements, grognements. Sophia Domancich attaque elle aussi son piano avec une pointe de véhémence, galopades et clusters, mais dans un discours très articulé, notes précisément énoncées. Les rôles sont distribués : Léandre en fondation, Domancich dans le décalage presque indépendant.
Entre elles deux, les membres de l'EIC, pour qui l'instrument semble, non pas un partenaire à affronter pour en tirer des étincelles, mais un prolongement de soi à travers lequel passe la musique. Eric-Maria Couturier n'est pas novice en Jazz, ayant déjà joué avec David Linx. Il se prête donc facilement aux approches bruitistes, ou bricole un contrepoint, ou s'épanche dans une belle mélodie. Emmanuelle Ophèle a plus de mal. J'ai l'impression qu'elle se refuse au spectaculaire, mais du coup reste un peu en arrière-plan ; bien sur, elle possède toutes les techniques, elle ose le cri, et les souffles, mais c'est plus en accompagnement qu'en force de proposition.

Entre les musiciens, le courant semble bien passer, et c'est essentiel. Il y a de la gaieté, de l'humour, de la complicité qui se crée. Léandre demande à Ophèle de se déplacer pour qu'elle puisse voir ses yeux, Domancich prolonge plus que nécessaire une coda à une superbe improvisation, expliquant en riant "Vous croyez que c'est terminé, mais pas du tout ! This is my concerto !", les musiciens se trompent dans les entrées/sorties ... Si bien que malgré la timidité d'Ophèle, et grâce à l'énergie de Léandre, la maitrise de Domancich, l'émotion de Couturier, c'est un très agréable moment musical qui se partage sur scène.

intersessions 6

Spotify: Flowers Trio (Ramon Lopez, Sophia Domancich, Joëlle Leandre) – Flowers Of Peace

mercredi 27 octobre 2010

Planning Novembre - Décembre 2010

Voilà une fin d'année assez chargée ... Surtout que j'aimerais bien y ajouter quelques concerts de Jazz !

lundi 25 octobre 2010

Diederik Wissels - Anne Paceo (La Dynamo - 22 Octobre 2010)

Diederik Wissels - piano solo

A sa façon d'égrener quelques notes à peine, puis d'en tirer des lignes et un discours, j'ai cru un moment que ce jeune homme timide, qui ne dira pas un mot au public, allait partir pour une improvisation totale. Mais non, ce sera une suite de morceaux bien définis. On sent les influences, Keith Jarrett d'une part, et la musique classique, française, d'autre part. Subtilité des couleurs tonales, qu'il sait soudain altérer comme d'un changement d'éclairage, beauté simple des mélodies, élégance des climats, nostalgie ici, mystère ensuite. Pas de martèlements spectaculaires, pas de cavalcades effrénées, pas de rythmiques endiablées, pas d'exploration bruitiste aux frontières du silence, mais des plages de musique posées, un peu trop sages sans doute, mais très agréables, poétiques sans esbroufe, délicates, doucement rayonnantes.

diederik wissels solo

Anne Paceo - trio Triphase

Comme Anne Paceo le dira entre deux chansons, les deux disques successifs de ce trio, "Triphase" enregistré en 2008 et le tout nouveau "Empreintes", ne se ressemblent guère. Ils s'élancent plus physiquement dans la musique, remplissent l'espace d'une matière plus dense. Mais reste primordiale la notion d'équilibre et d'échange. Les solos sont très partagés, entre la batteuse Anne Paceo, le contrebassiste Joan Eche-Puig, et le pianiste Leonardo Montana. Un trio bien triangulaire, donc, où ils se laissent bien des espaces, et s'y investissent sans peur ni reproche, s'amusant et nous emportant dans leurs voyages complices.

Dans cet équilibre, le jeu sans grande originalité de Montana, est un atout, qui l'empêche de monopoliser l'attention. La basse à la fois ronde et forte de Eche-Puig soutient efficacement les morceaux moins simples que sur le premier album, et les décore de courts solos bien réussis. Enfin, Anne Paceo est beaucoup plus présente que lors des derniers concerts où je l'avais vu, toujours aussi gourmande et extatique quand elle joue, et se lançant joyeusement dans de flamboyantes démonstrations, à la baguette, mailloche, main nue, ou balai (qui servira aussi de percussion, juste en fouettant l'air). Elle présente les morceaux, fait sa pub, le tout très naturel et spontanément charmant.

Et puis, une jolie surprise au cours du set. Si "empreintes" déjà précise "anne paceo - drums, voice", il ne s'agissait encore que d'un accompagnement à la voix, sans mots, et en arrière-plan. Rentrée de Birmanie, elle a cette fois écrit une vraie chanson, "Smile", un texte peut-être un peu trop direct et naïf, une voix qui n'est pas celle de Youn Sun Nah, mais c'est un beau moment, qui après la filiation Elvin Jones, donne celle d'Aldo Romano ...

anne paceo trioanne paceo trio

Spotify : Je ne comprends pas la politique du label Laborie par rapport à Spotify. Ils y ont un temps publié tous leurs albums, mais en ont retiré désormais quasiment tous le Jazz. C'est d'ailleurs également le cas pour "Plus Loin Music" ou "Yolks Records". J'espère que ce revirement n'est que temporaire.

samedi 23 octobre 2010

Bojan Z Tetraband (La Dynamo - 20 Octobre 2010)

Encore une salle de proche banlieue découverte, cette fois grâce à Klari. J'avis déjà vu le Tetraband de Bojan Z à Pleyel, mais j'étais trop fatigué pour apprécier. Le problème est que cette fois, quoiqu'en forme, je n'apprécie guère non plus. C'est indéniablement la formation la plus "rock" de Bojan Z. Et j'aimerais qu'il revienne à plus de Jazz ...

bojan z tetraband

L'espace sonore est quelque peu saturé par la basse de Ruth Goller, qui potard bien poussé vers le max, délivre une sacrée énergie alors même qu'elle ne fait qu'effleurer les cordes. Du coup, quand elle y ajoute des effets, cela fait beaucoup de bruit.
Le batteur Seb Rochford aussi cogne dur et fait feu de tous futs et cymbales. Non pas qu'il ne sache être calme, la plupart des morceaux commencent en température douce. Mais le tout s'échauffe rapidement, dans des déferlements de rythmes binaires bien nourris, ou dans des passages plus Free, où tous les protagonistes balancent leur musique partiellement désynchronisés.
Alternant ou le plus souvent jouant simultanément du piano et du synthétiseur, Bojan Z martèle, virevolte, lance et relance la machine. Mais pour dire quoi ? L'influence balkanique est devenue plus souterraine, et le groove Jazz presque absent. De l'énergie Rock, oui, mais guère d'émotions. Et le tromboniste Josh Roseman ne compense pas.
Du coup, on a des morceaux qui étalent leur architecture sur souvent plus d'un quart d'heure, mais en présentant un aspect très compact, sans aération, sans souffle, impressionnants plus qu'envoutants, qui me laissent dehors, ne m'emportent jamais.
Il y a de jolis dialogues entre piano et trombones, des solos intéressants aux claviers, mais il me manque cette sensation d'être absorbé et amené ailleurs ; là, je reste bien dans la salle à les regarder jouer, à admirer parfois, à m'ennuyer sinon, et à subir cet assaut sonore qu'ils partagent plus entre eux qu'avec le public.

Ailleurs : Klariscope
Spotify : Bojan Z en solo - Solobsession, en trio - Transpacifik, en Tetraband - Humus.

mardi 19 octobre 2010

Dmitri Chostakovitch - Les Joueurs, Le Grand Eclair (Cité de la Musique - 16 Octobre 2010)

Dmitri Chostakovitch - Les Joueurs

Cet opéra, écrit en 1941-1942 (juste après la 7ème symphonie) restera inachevé parce que promettant d'être trop monumental, Chostakovitch refusant d'effectuer des coupures dans le texte de Gogol. C'est agréable à écouter, mais pas inoubliable : un peu trop conventionnel d'un coté, pas suffisamment émouvant de l'autre. On n'est donc ni dans "Le Nez", ni dans "Lady Macbeth de Mzensk". Même la balalaïka s'avèrera moins pittoresque que dans "le Nez".
Peu de place pour la mise en scène, vue l'étendue de l'orchestre, mais les chanteurs (il n'y a pas de chanteuses) arrivent quand même à mettre une belle animation, impliquant le chef d'orchestre Dmitri Jurowski dans leur jeu. Dans les six solistes du centre Vischnevskaya, si les deux basses ne me touchent guère, les ténors (Oleg Dolgov, Maxim Sazhin) et les barytons (Yuri Salzman, Konstantin Brzhinsky) m'impressionnent par leur velouté et leur puissance bien dosés, et des moments de quatuor brillent splendidement. Et puis, il y a une sensation de plaisir sur la scène, partagé entre les chanteurs, le chef, et l'Orchestre du Conservatoire de Paris, qui envahit rapidement également la salle.

Dmitri Chostakovitch - Le Grand Eclair

Si le livret des Joueurs était trop lourd, celui du "Grand Eclair" est trop léger, une suite de scènes qui se veulent amusantes ou sarcastiques, mais ne possèdent aucune profondeur, ni lien. Du coup, là encore, Chostakovitch laissera l'ouvrage inachevé.
Pour agrémenter la musique elle aussi bien mince, on a droit à des extraits de films muets diffusés sur le grand écran tendu au-dessus de la scène. Plaisant, mais définitivement anecdotique.

sous le portrait du maître

samedi 16 octobre 2010

Prokofiev - Gennady Rozhdestvensky (Cité de la Musique - 14 Octobre 2010)

Si la salle est si pleine, ce qui en ce début de saison est plutôt rare, c'est bien pour le maestro Gennady Rozhdestvensky. Mais tout de même, un tel panégyrique introductif, avec extrait de film "Notes interdites" de Bruno Monsaingeon, puis longue présentation des oeuvres de la soirée par le chef d'orchestre lui-même, avec traduction un brin poussive, c'est un peu lourd. Au bout de 20 minutes, la Deutsche Radio Philharmonie Saarbrücken-Kaiserslautern s'installe enfin, et la musique commence.

Sergueï Prokofiev - Symphonie n°2

Voilà un concert qui aurait mieux eu sa place dans la salle philarmonique. L'orchestre plantureux déborde largement sur la salle. Et quand les cuivres se lancent, l'acoustique de la salle a du mal à les digérer. Les stridences violentes et les superpositions tonitruantes du premier mouvement écrasent tout sur leur passage. Ca ressemble à du Chostakovitch, mais sans la couche de désespoir. Le deuxième mouvement plus en douceur passe mieux. Certains passages de bois et cordes, qu'ils évoquent un paysage hivernal de forêts et de lacs plongés dans une brume neigeuse, ou se fondent dans les pages finales en une tendresse tranquille, sont très beaux.

Sergueï Prokofiev - Concerto pour violon n°2

Le père se met au service du fils, Sasha Rozhdestvensky, dont le violon reste bien en avant de l'orchestre. Belle technique. Musique gentiment virtuose pour le soliste, joliment colorée pour l'orchestre, mais un brin trop plaisante, et écrite pour être plaisante, pour pouvoir me plaire vraiment (y manque, sous le sucre, une nécessité plus impérieuse).

Sergueï Prokofiev - Le Pas d'Acier

Musique cinématographique, pleine de couleurs et de mouvements.

Ailleurs: ParisBroadway
Le concert (du moins son début, ça coupe brutalement en plein milieu du concerto !) est visible sur ArteLiveWeb.
Spotify: Les symphonies par LSO/Gergiev, par Berliner/Osawa ; les concertos.

mardi 12 octobre 2010

Brendel - Aimard (Théâtre des Champs-Elysées - 10 Octobre 2010)

écouter

Voilà un spectacle peu banal. Prenons Alfred Brendel, mais installons-le derrière une table, pour réciter des poèmes de sa composition. Pourtant, il y a bien un piano dans la salle. Mais c'est Pierre-Laurent Aimard qui s'y colle, pour y jouer du Ligeti et du Kurtag, entre les poèmes. Curieusement, le livret parle de deux recueils, l'un écrit en anglais, l'autre en allemand, et les textes qu'il présente en français sont indiqués comme traduits de l'allemand. Pourtant, Brendel les lira en anglais ! Et entre la version entendue et celle écrite existent de multiples différences, parfois assez surprenantes ! Pourquoi écrire "Charlemagne" quand il dit "Attila The Hun", parfois "sur le gazon" au lieu de "in the roses", quand ce n'est pas carrément des morceaux de phrases qui manquent, d'un coté ou de l'autre ! A se demander si Brendel n'improvise pas en partie ! Il faut dire que ses poèmes valent plus pour les histoires qu'ils racontent, entre humour cynique et surréalisme vachard, que pour leur qualité littéraire particulière. Il les récite, en anglais donc, avec un accent germanique assez prononcé, et une gourmandise distanciée de bon aloi.

L'accompagnement musical est assuré par Pierre-Laurent Aimard, non seulement dans les interprétations au piano elles-mêmes, mais j'en suis persuadé dans le choix aussi des morceaux et leurs agencements. On y sent sa passion de la pédagogie, son intelligence du propos ou du décalage. Pour commencer, quoi de mieux que le "Musica Ricercata 1" de Ligeti, cette note unique répétée sur tous les octaves, s'achevant en accords tonitruants pour accoucher d'une deuxième note ? Après un poème expliquant que c'est Beethoven qui, déguisé en Saliéri, a assassiné Mozart, parce que ce dernier avait percé le grand secret de Beethoven, qui est qu'il était noir, et qu'il en avait profité pour voler la tonalité de Do mineur, après ce poème donc, quoi de mieux que le "Prélude et Valse en Do" de Kurtag ? Je crois que je n'ai jamais autant apprécié Kurtag que ce matin, où les pièces extraites de "Jatekok" sonnaient insolentes et brillantes, épurées et grinçantes. C'est parfois entre les pièces qu'Aimard tisse des liens, en enchainant par exemple la "Colonna infinita (étude 14)" de Ligeti et le "Jeu avec l'infini" de Kurtag. Et certaines idées sont encore plus surprenantes, comme de faire naitre la deuxième partie des "Touches bloquées (étude 3)" de Ligeti à partir d'une trille de la sonate 111 de Beethoven.

Certaines pièces ne peuvent s'apprécier qu'en concert. Comme ce "Avec nonchalance", où le pianiste, qui avait précipitamment quitté la scène peu avant en claquant une porte, revient vers le clavier en minaudant, démarche lunaire, qui ose à peine frôler quelques touches de piano, avant de le parcourir en de bruyantes traversées de gammes. Ou cette "Pantomime (querelle 2)" qui ne comporte qu'une note, après laquelle les deux comparses se regardent fixement dans un dialogue muet genre "c'est tout ? ben oui".

Parmi les quelques centaines de personnes présentes dans la salle, certaines partent en cours de route, sans doute déroutées par la nature même du spectacle dont elles auraient mal lu la description. J'y ai pour ma part pris beaucoup de plaisir, à y entendre quelques études de Ligeti, qui jouées par Aimard sont toujours aussi formidablement lumineuses, à y découvrir les jeux de Kurtag, à me délecter de la complicité des deux pianistes et de leur humour.

Ailleurs: Musica Sola, grace à qui j'ai profité de ce concert de matinée
Spotify: Kurtág, Bach: Játékok, Ligeti: Études; Musica Ricercata, Beethoven: Sonates

lundi 11 octobre 2010

Robyn Orlin - Waiting Next to Our Shoes ... (Théâtre de la Ville - 7 Octobre 2010)

Le titre complet est la juxtaposition de trois propositions :
- "Waiting Next to Our Shoes" fait référence aux travailleurs noirs Sud-Africains qui devaient se déchausser pour entrer dans leurs hôtels
- "Intoxicated by Strawberries and Cream" fait allusion à l'excès de gourmandise sexuelle et au sida
- "We Enter Continents Without Knocking" parle des émigrés Sud-Africains qui ont du mal à se faire une place.

La pièce est écrite en collaboration avec le groupe zoulou "Phuphuma Love Minus", danseurs et chanteurs Sud-Africains qui perpétue la tradition du Isicathamiya, et se compose d'épisodes bien distincts, comme des sketches en partie improvisés :
- un spectateur se fait enlever ses chaussures, avec lesquelles toute la troupe s'amuse
- une diva plantureuse à la voix grave et un petit râblé à la voix androgyne se livre un duel vocal (que le gars gagne)
- on a droit à une coupure pub, où toujours le même gars raconte je ne sais plus trop quoi (entre autre que Orlyn se prend trop au sérieux)
- une chorégraphie où ils s'amusent avec des plumeaux roses
- etc.

Il y a une force vive très présente, et qui peu à peu gagne les rangs, forcés d'interagir, on trimballe des papiers de la scène à la régie, les danseurs montent et descendent au milieu des spectateurs, on se lève et on se rassoit sur ordre ...
Le salut final n'en finit pas, des spectateurs finissent par monter sur la scène pour danser avec la diva, c'est naturellement gai et entrainant.
Sous les chants rythmiques, on sent les allusions politiques, sans pouvoir tout décoder, une souffrance collective mais transformée en plaisir d'avoir survécu et de pouvoir le chanter et le danser. Aucune mièvrerie, donc, dans cette joie.

salut

Spotify : Ladysmith Black Mambazo - Shaka Zulu

samedi 9 octobre 2010

Borowski Kyburz Jarrell (Cité de la Musique - 5 Octobre 2010)

Johannes Boris Borowski - Mappe

Cette oeuvre d'un jeune compositeur (né en 1979) se découpe en grosso modo trois parties : une longue introduction pleine de vivacité et de couleurs contrastées, puis une suite de courts mouvements excellemment différenciés et caractérisés, comme des notes et des souvenirs réunis dans le carton évoqué par le titre, et une longue conclusion moins réussie.
Par le hasard d'un remplacement du à la disparition de quelques rangées de siège, je me retrouve au premier rang, presque central ; il y a du coup des effets de spatialisation très surprenants ! Belle pièce, donc, compositeur à suivre !

Hanspeter Kyburz - Concerto pour piano et orchestre

La mise en place de deux pianos, le soliste au centre, et un acolyte dans le cercle de musiciens l'entourant, donnera lieu à un ballet de techniciens particulièrement long et complexe.
Encore une très belle pièce de Kyburz, qui depuis qu'il s'approche d'une forme de classicisme revisité, me plait beaucoup. Il y a ici tout le matériel habituel du concerto pour piano, virtuosité, dialogues et confrontations, cadences, mais redistribué et manié de sorte à rester surprenant et accrocheur. Trois mouvements, vif/lent/vif. Pas mal de musiciens invités. Hideki Nagano brillant, enthousiaste et enthousiasmant.

Michael Jarrell - Music for a While

Cette pièce déploie lentement ses méandres paresseux. C'en est même un peu mou, surtout par rapport aux deux premières pièces.

Michael Jarrell - La Chambre aux échos (mouvements I et II)

Le compositeur explique dans le livret avoir "tenté d'effectuer un travail, d'un côté, sur la mémoire, et de l'autre, sur une introspection de ce que pourraient être les sentiments et leurs causalités." Ca ne m'a guère laissé de souvenirs, en tous cas, sinon une pièce contemporaine assez lambda, avec des moments forts en rythmes, des couleurs orchestrales intéressantes, mais rien qui ne me prenne vraiment l'oreille.

Spotify: Michael Jarrell - Music for a While

mardi 28 septembre 2010

Hofesh Shechter - Political Mother (Théâtre de la Ville - 25 Septembre 2010)

Ca commence par une musique rouleau-compresseur pendant 30 minutes, une boucle rythmique déferlante ravageuse, que Shechter, puisqu'il en est également le compositeur, relance périodiquement en variant l'épaisseur sonore, et en la mettant en scène, puisque des musiciens sont là, qu'il éclaire par moments, une rangée de tambours-majors en bas, une de guitaristes au-dessus, un chanteur au milieu d'eux, le tout éclairé de manière spectaculaire mais qui finit par créer une ambiance fascisante.
Les danseurs, toujours aussi physiques, réagissent à cette musique de diverses manières. Presque tout le temps en groupe, parfois totalement figé, parfois ondulant ou trépignant d'un seul bloc, parfois se divisant en lignes entrecroisées joliment complexes.
Puis tout change, quand la musique se fait plus discrète, que les tenues évoquent des prisonniers, que le fascisme de la mise en scène de la musique passe à un climat d'oppression, de camp de concentration avec des exécutions et des humiliations.
Le problème, c'est que Hofesh Shechter utilise des matériaux lourds, mais sans vraiment élaborer de discours. Ces éléments viennent d'un travail d'improvisation et d'élaboration collective par la troupe, qui auraient nécessité une construction plus stricte. D'ailleurs, certains épisodes restent bien énigmatiques, comme ce seppuku initial, ou un peu plus tard des tenues de samouraï. Vers la fin, un slogan est lentement révélé "when there is pressure ... there is ... folkdance", et de fait, certains mouvements y font penser. Mais c'est ça, la morale de cette pièce, à l'énergie si enthousiasmante, mais au discours si pauvre ? Beaucoup de bruit et de mouvements pour pas grand-chose. Mais n'empêche, on a passé un bon moment.

lundi 27 septembre 2010

Sequentia - L'Edda, la malédiction de l'or du Rhin (Cité de la Musique - 24 Septembre 2010)

L'Edda, c'est le récit mythologique islandais qui va de la création du monde à la prophétie de sa destruction, en passant par les luttes sanguinaires entre deux familles. Magie, trahison, amour, obsession, difficile de ne pas entendre partout les échos renversés de la tétralogie wagnérienne : Sigurdr, Fafnir, Brynhildr, etc. L'arrivée d'Attila surprend plus.
Pour interpréter ce texte, l'ensemble Sequentia a longuement réfléchi aux rares indices disponibles sur la manières dont bardes et chanteurs pouvaient le jouer à l'époque. On a des passages chantés par Benjamin Bagby, et d'autres par le duo Agnethe Christensen et Lena Susanne Norin, fascinantes de menus décalages et d'échos entre leur voix. Pour accompagner, une petite harpe, une vièle, une flûte, et un bref instant de tambourin.
Chaque chant est d'un ambitus très restreint, une sorte de modalité archaïque qui se ressent fortement.
A part ça, une journée de boulot particulièrement longue m'empêche en partie de bien profiter de la soirée. Les couleurs successives des épisodes me plaisent bien, mais je laisse bientôt tomber le récit rempli de meurtres et de vengeance.

dimanche 19 septembre 2010

Nina Hagen (Cité de la Musique - 17 Septembre 2010)

Même récemment baptisée et du coup quelque peu prosélyte, Nina Hagen reste une punk. Elle débarque sur scène avec bottes moulantes, jupette à froufrou, et un tee-shirt "Jesus - Highway To Heaven" parodiant AC/DC.

nina hagen à la cité de la musique

A l'image de son dernier album "Personal Jesus", le concert est principalement constitué de reprises, dont un grand nombre parle plus ou moins directement de religion. Les musiciens qui l'accompagnent passent sans encombre d'un gospel bluesy à une balade rock, d'un paysage technoïde à un punk furieux ; mais cela donne plus l'impression d'excellents musiciens de studio, façon orchestre de la Nouvelle Star, que d'un vrai groupe soudé avec sa propre identité.
Elle au milieu investit la scène avec exubérance et un brin de folie, discutant avec le public en anglais garni de mots français, se plaignant qu'on ne lui donne pas la guitare amenée exprès de Berlin (sketch préparé peut-être ?), parlant du danger des "atomic poubelles", ou expliquant qu'il y a certaines chansons qu'elle ne peut plus chanter à son âge, mais qu'elle peut par contre devenir grand-mère ... Elle n'est pas toujours bien en face du micro et sa voix du coup part un peu au hasard, elle réclame un pied pour accrocher son micro puis le balance par terre, bref, elle se débrouille pour qu'il y ait toujours une part de désordre sur la scène, une part d'anarchie, une part de vie.

nina hagen à la cité de la musique

Au milieu du spectacle, elle ouvre une longue parenthèse à la mode unplugged, pour un répertoire plus gospel et negro-spiritual. Dans cet environnement plus restreint, on peut mieux admirer sa voix caméléon, qui a sans doute perdu dans les aigus et dans la puissance brute, mais où flotte toujours ces éclats de sorcière, ces ombres mutantes, où s'ajoutent plus que dans le passé des échos de cabaret berlinois quand elle chante en allemand, et où elle s'implique avec une sincérité inébranlable.
Même si cette partie est un peu trop longue, cela l'installe définitivement dans la soirée. Et elle repart dans l'électrique avec encore plus de force et de présence, avec entre autres un magnifique "Killer".

nina hagen à la cité de la musique

Un premier "bis" avec le groupe, puis un deuxième seule à la guitare, avec entre autres un surprenant "We Shall Overcome", puis un dernier morceau avec le groupe, le concert aura duré près de deux heures, et elle y aura pulsé une énergie vitale pleine d'humour et de joie, où le discours religieux passe parce qu'elle y met le décalage nécessaire.

L'excellent et indispensable Arte Live Web était là et a enregistré le concert.

Ailleurs: MHF
Spotify: Nina Hagen - Personal Jesus, son dernier album en date qui passe bien mieux en concert ; les albums classique Unbehagen et Nina Hagen Band n'y sont pas. J'ajoute du coup Spliff - 85555 + Herzlichen Glückwunsch, qui est son ancien groupe ayant fait leur route de leur coté.

dimanche 12 septembre 2010

Stefano di Battista (Grande Halle de la Villette - 9 Septembre 2010)

Eric Legnini - Afrojazzbeat

Cela commence par un trio, Eric Legnini au piano, Thomas Bramerie à la contrebasse, Frank Agulhon à la batterie, accompagnés de Kiala Nzavotunga sur un petit clavier percussif. Mais ce dernier reste plutôt décoratif, sans apporter grand-chose à la musique. Cela devient plus grave quand s'ajoutent Julien Alour, trompette, Boris Pokora, saxophone, et Jerry Edwards, trombone, qui eux non plus n'apporteront pas grand-chose à la musique : pas un seul solo ! Quand Coltrane convoquait toute une bande prestigieuse de souffleurs pour "Africa/Brass" et les reléguait en arrière-plan, au moins bénéficiaient-ils des arrangements d'Eric Dolphy. Ici, tout se concentre sur le jeu de Legnini, fluide, joyeux, par moment tempétueux, très agréable ; mais qui vampirise tout le reste. Quand à l'élément "afrojazz", la présence du guitariste de Fela Kuti Kiala Nzavotunga ne suffit pas ; quelques jours après le passage de Tony Allen, Frank Agulhon n'essaie même pas d'impulser cet élan particulier, et se contente d'un drive swing précis mais plat. Après quelques morceaux arrive la chanteuse Krystle Warren, belle voix à la sensualité tamisée. On tombe dans du "jazz vocal" qui flirte avec la pop, idéal pour les lounges et les apéritifs.

éric legnini afrojazzbeat

Stefano di Battista

Tant qu'à être dans le mainstream, autant viser le haut du panier. L'équipe réunie autour de di Battista est de haute volée, Roberto Tarenzi au piano, Antonio Sanchez à la batterie, Rosario Bonaccorso à la contrebasse, et Jonathan Kreisberg à la guitare qui bénéficie de larges espaces, dans un style que je rapprocherais de Kenny Burrell. Si di Battiste fait penser parfois à Coltrane dans la rapidité de son jeu (et en citant un extrait de l'emblématique "Favorite Things"), il n'en possède pas la dimension mystique. On est plus dans l'entertainment, avec de très réussis petits discours introductifs, mi-italien mi-français plus des pointes d'anglais, très hableur, charmant, italien, quoi.
Du beau travail, tout ça, mais dans un genre si balisé que quelques jours après, tout souvenir a disparu.

stefano di battista

Spotify: Eric Legnini - Miss Soul, Stefano di Battista avec Elvin Jones, et Fabio Morgera - Need For Peace avec Krystle Warren.

lundi 6 septembre 2010

Ibrahim Maalouf invite Dave Douglas (Grande Halle de la Villette - 3 Septembre 2010)

Portico Quartet

Ce quatuor mélange diverses épices à son Jazz, dont un hang, qui vient compléter un instrumentarium plus classique, batterie, contrebasse, saxophone. Le point faible est de ce dernier coté, Jack Wyllie me laissant parfaitement indifférent. Le son du hang, joué par Nick Mulvey, est intriguant un moment, lassant un peu plus tard, puis on l'oublie. Reste le batteur Duncan Bellamy qui investit sans vergogne et en grande réussite dans des territoires plus drum'n'bass, rejoint par le contrebassiste Milo Fitzpatrick qui à l'aide de pédales d'effet élargit le son de son instrument de façon captivante. Le groupe évolue quelque part entre Cinematic Orchestra (la beauté des voix en moins) et Hadouk Trio (l'exotisme démonstratif des instruments en moins). Agréable, mais pas de quoi se relever la nuit.

Ibrahim Maalouf invite Dave Douglas

Ca commence en fanfare, avec le quintet de trompettes Trombania, la batucada Zalindé, guitare, basse, batterie, piano, et Ibrahim Maalouf qui commande tout ce monde de sa trompette à quarts de tons. Dès qu'il commence à jouer, un souffle nous emporte. Cette vaste suite pleine de climats, composée pour le concert de ce soir, est magnifique, d'une grande beauté de composition.

ibrahim maalouf invite dave douglas

Quand elle s'achève, tout le monde s'en va. Seul reste Frank Woeste, rejoint par son trio, Yoni Zelnick à la contrebasse et Matthieu Chazarenc à la batterie. Cet interlude tout en contraste est suivi d'un agrandissement du groupe, rejoint par Frank Tortiller au vibraphone, Thomas Savy à la clarinette basse, et Dave Douglas à la trompette, pour trois morceaux de ce dernier. Quel groupe ! Ils explorent les tortueux et mystérieux méandres en les parsemant de solos renversants, particulièrement Frank Tortiller, extraordinaire en variations fines de vitesse de frappe.

ibrahim maalouf invite dave douglas

Retour de Ibrahim Maalouf, qui a un contact très naturel avec le public, entre apostrophes tranquilles et anecdotes répétées. Si son jeu me ravit, riche des quarts de tons de la musique arabe, son accompagnement (guitariste Nenad Gajin, bassiste Benjamin Molinaro, batteur Julien Charlet) me séduit moins que le rassemblement précédent. Les morceaux proposés me plaisent moins aussi.
Mais une seconde suite vient (presque) clôturer la soirée, moins somptueuse, plus majesteuse, avec une introduction pour le quintet de trompettes un peu trop écrite.
Et en conclusion, descente des gradins d'un Médéric Collignon toujours aussi dingue, dialogue de virtuosité entre Douglas et Collignon, rejoints par Maalouf.

ibrahim maalouf invite dave douglas

Et ça fait plus de deux heures qu'ils jouent, c'est flamboyant, palpitant, varié, un grand plaisir, une assez folle générosité. Au final, les deux suites de Maalouf étaient splendides, les compositions de Douglas passionnantes, le jeu de Maalouf une excellente découverte, la scénographie particulièrement soignée, bref un concert hors norme, et une grande réussite.

Ailleurs : Alex Duthil
Spotify: Portico Quartet - Knee-Deep in the North Sea, Dave Douglas - Keystone, Frank Woeste Trio - Untold Stories.
Pas de Maalouf sur Spotify, du coup une vidéo à la place.

samedi 4 septembre 2010

Jimi Tenor & Kabu Kabu meet Tony Allen (Cabaret Sauvage - 1 Septembre 2010)

Get The Blessing

Un batteur qui a du métier, Clive Deamer ; un bassiste qui fait semblant de jouer de la guitare, Jim Barr ; un trompettiste lyrique aux solos fort réussis, Pete Judge ; un saxophoniste qui les accompagne pour cette tournée et qui me semble peu inspiré, Jake McMurchie. Les morceaux ne donnent pas des résultats à leur hauteur de leur ambition, ils sont inutilement compliqués en alternant des vitesses et des climats sans que la sauce ne prenne vraiment. Les prestations individuelles sont ok, mais c'est par la définition du groupe que je ne suis pas convaincu. Ce n'est pas désagréable, mais ce n'est guère palpitant non plus.

Jimi Tenor & Kabu Kabu meet Tony Allen

En 2008, le label Strut a lancé une série "Inspiration Information" où des artistes choisissent un "gourou" avec qui ils rêvaient d'enregistrer. Amp Fiddler a choisi Sly & Robbie pour le premier volume, et pour le quatrième, Jimi Tenor, qui avait déjà montré son amour de l'Afro-Jazz avec son groupe Kabu Kabu, collabora avec Tony Allen, légendaire batteur de Fela Kuti.
Sur scène, ça pulse sévère. Tony Allen, sur le coté, balance ses rythmiques irrésistibles d'énergie et de souplesse. Pour épaissir, deux percussionnistes (Akinola Famson, Ekow Alabi Savage), plus un troisième qui joue aussi de la trompette (Daniel Allen Oberto), et un chanteur qui parfois joue aussi des percussions (Allonymous). Un bassiste groovy (Rody Cereyron), et un guitariste qui s'amuse trop avec des sons bizarres (Kalle Kalima). Et enfin, de l'autre coté de la scène, Jimi Tenor alterne entre le chant, les claviers, le saxophone (où il est un peu fade) et la flûte (où il excelle).

jimi tenor & kabu kabu meet tony allen

Ils reprennent les morceaux créés pour "Inspiration Information", qui étaient déjà bien intenses, et qui accrochent bien le public, chauffé par la prestation scénique d'Allonymous qui saute et danse dans tous les sens (façon Prince, folie des fringues en moins), emporté par l'épaisseur de la couche rythmique qu'installe et maintient Tony Allen, sans presque prendre de solos. Le trompettiste est aussi excellent.
Et si le guitariste m'énerve par ses sons de canard ou de kora, si le saxophone de Tenor semble trop pauvrement "pop" dans ce contexte d'Afrobeat flambant, ce ne sont que broutilles qui s'envolent dans la joie par moment euphorique, par exemple dans le solo de flûte de "Darker Side of Night".

jimi tenor & kabu kabu meet tony allen

Spotify: Get The Blessing - Bugs in Amber, Jimi Tenor & Kabu Kabu - 4th Dimension, Jimi Tenor & Tony Allen - Inspiration Information 4, Tony Allen - Live.

jeudi 2 septembre 2010

Marc Ribot Meshell Ndegeocello "A Night of Improv" (Cité de la Musique - 31 Août 2010)

Black Diamond Heavies

John Wesley, chanteur à la voix râpée et caverneuse, entre Joe Cocker et Lemmy de Motörhead, qui secoue sa copieuse chevelure comme un muppet, beugle des insanités en plaquant accords et mélodies sur un Fender Rhodes au son crasseux et poisseux, suintant des odeurs vénéneuses d'un fond de tripot ; à la batterie, Van Campbell pilonne les fûts en citant Bonham (de Led Zep), et fait tournoyer ses baguettes comme Frank Beard (de ZZ Top). Toutes les chansons ressemblent à des reprises, blues graisseux, boogies brulants, hymnes sudistes, effluves New-Orleans.
Une grosse claque, qui pousse les potards de la sono près de la zone rouge, et qui est assez courte pour ne pas lasser. Ca s'avale comme un verre de bourbon, lourd et épais, façon bitume fondant. Je m'attendais à une reprise de ZZ Top, période "La Grange", mais ce fut du Van Halen, "Ain't Talk About Love".

Marc Ribot & Meshell Ndegeocello

Pour une "night of improv", le format reste assez conservateur. Ce sont des chansons, avec des couplets et des refrains, qu'interprètent à tour de rôle Meshell Ndegeocello, Marc Ribot et Marc Anthony (alias Chocolate Genius). Le terrain est assez vaste mais cohérent, entre Funk, Rock, Folk, Soul, le tout saupoudré des "nu-" "néo-" ou "post-" qui indiquent l'aspect avant-gardiste de leur jeu. Après la tumultueuse première partie, ils se lancent avec beaucoup d'énergie également, et un peu plus de subtilité. Marc Ribot nous la joue guitar hero à fond, lignes brisées féroces, gonflées de souvenirs de riffs et d'éclats venus d'on ne sait où. Le nuage islandais ne l'ayant pas cette fois chassé, je me régale de cette énergie généreuse aux cheminements toujours surprenants, qui est la corde que je préfère dans sa riche panoplie. Meshell Ndegeocello reste plus réservée, basse somptueusement rebondissante, voix chaude comme du velours, mais elle ne se met guère en avant. Marc Anthony apporte sa touche soul sur plusieurs chansons (et semble un peu ronger son frein quand il n'a pas à chanter !). Et les autres musiciens ne sont pas en reste : Keefus Ciancia jongle entre divers claviers, dont un impressionnant appareil plein de cadrans et de boutons, qui créent des effets spéciaux aux charmes psychédéliques très vintage ; Deantoni Parks est un excellent batteur, grosse caisse très tonique, des bras qui moulinent des rythmes multicouches aux complexes profondeurs, même s'il y est parfois à la limite de l'essoufflement, et qui excelle dans le funk robotique qu'il troue de silences bien trouvés.
Pas énormément de Jazz dans ce premier concert du Festival de Jazz de la Villette, mais une grosse dose de bonnes surprises, donc tout baigne.

foule

Ailleurs: Alex Duthil, Jazz Mag

Spotify: Black Diamond Heavies - Alive as Fuck, Meshell Ndegeocello - Plantation Lullabies, Marc Ribot - Yo! I killed your God.

mercredi 11 août 2010

Planning Septembre - Octobre 2010

2 concerts pour tout l'été ... Commençons à nous remettre dans le bain d'un rythme plus normal.

dimanche 1 août 2010

Yaron Herman Trio (Sunside - 31 Juillet 2010)

yaron herman trio au sunside

Dans un Sunside très plein et très chaud malgré les ventilateurs, Yaron Herman nous présente son nouveau trio, avec qui il a enregistré un nouvel album qui sortira chez Act en octobre. On savait, par le choix de ses reprises très pop/rock (Toxic, Army of Me, Message In a Bottle, Isobel ...) et par certaines collaborations ("November" de Dominic Miller) qu'il n'entendait pas se limiter à un Jazz dans sa définition classique.

Avec Tommy Crane, Herman a trouvé un batteur qui apporte bien l'énergie rock qu'il cherchait peut-être. Ca pulse beaucoup plus que ça ne swingue, franc et direct. A ses cotés, le contrebassiste Chris Tordini complète par un jeu volubile, très dense. Cela donne beaucoup d'énergie et de matière, même si on perd en subtilité. Les balades seront plus rares. Certains trios en Jazz sont dits équilatéraux, quand personne ne prédomine, et que l'échange prime. Ce n'est guère le cas ici, il y a un leader, et des accompagnateurs. Ainsi propulsé, Yaron Herman se lance avec son habituel lyrisme fougueux pimenté d'assez de décrochages rythmiques et de variations harmoniques pour que jamais son discours ne lasse. Sa présence scénique est aussi intense que son jeu, il se lève à moitié, grimace, chantonne, frappe sur le petit carillon caché dans le piano, et nous entraine dans des chevauchées pleines de surprises.
Le matériel exposé est nouveau, rien ne semble venir de son premier trio. Mon morceau préféré sera "Saturn Returns", où les accords martelés projettent des ombres singulières. Pas de reprises iconoclastes, en tous cas aucune décelée.

yaron herman trio au sunside

Ailleurs: Quelques photos
Spotify: Yaron Herman chez Laborie : Variations, A Time for Everything, Muse.
Vidéo: A Coutances, dans une formation alternative, avec déjà Tommy Crane à la batterie, et Stéphane Kerecky à la contrebasse.

mardi 27 juillet 2010

Christophe Marguet - Quartet "Résistance Poétique" (Arènes de Montmartre - 24 Juillet 2010)

Le break après le dernier concert a été un peu plus long que je ne pensais. Pour cette sorte de reprise, je retrouve les marches au confort spartiate des arènes de Montmartre, sous un ciel peu lumineux mais pour une fois sans menace de pluie.

24 juillet : résistance poétique aux arènes du jazz

Christophe Marguet, je le connais principalement comme batteur du Strada Sextet de Henri Texier, qui est d'ailleurs ce soir dans le public. On en sent l'héritage dans l'écriture des morceaux, des thèmes qui s'ancrent bien dans l'oreille, et qui respirent l'air des steppes et des grandes chevauchées à travers les plaines. Pourtant, des gros plans sur le cavalier le montrerait rêveur, plongé dans des souvenirs amoureux, ou même doucement pleurant d'une nostalgie vague.
Pour ses nombreux solos, Christophe Marguet se radicalise au long du concert, proposant d'abord de subtiles polyrythmies, puis laissant déborder son énergie naturelle, frappant de plus en plus violemment ses fûts.
A ses cotés, le contrebassiste Mauro Gargano apporte une belle douceur de touche. Quand lui et le pianiste Bruno Angelini prennent des duos, ils approchent du Free. Malheureusement, le pianiste laissé seul parfois patine longuement sans trouver son envol, débitant des torrents de notes qui tournent en rond. Et puis parfois, l'étincelle, et c'est la force de Cecil Taylor qui s'empare de son corps, danse comprise.

24 juillet : résistance poétique aux arènes du jazz

Enfin, devant, Sébastien Texier au clarinettes et saxophones, plus mesuré que parfois, d'un lyrisme toujours splendide, mais ce soir plus intérieur, plus secret.
Le répertoire se concentre sur le dernier album du quartet "Buscando La Luz" mais va aussi chercher des pépites plus anciennes ("Petite danse" de 1996). A chaque musicien est laissé un vaste espace, solos et duos abondent. Beau concert.

24 juillet : résistance poétique aux arènes du jazz

Ailleurs:Quelques photos sur Flickr, Signal/bruit
Spotify: Christophe Marguet Trio - Résistance Poétique, Quartet Résistance Poétique - Itrane, Quartet Résistance Poétique - Buscando La Luz