lundi 31 mai 2010

Diptyque 5.4.b : Jardin commun

Dans mon jardinvague, il n’y a rien de tout cela : la terre est basse et l’herbe pousse à une vitesse folle. Et puis, je vais vous dire un secret : je crois bien que je n’aime pas jardiner ! C’est fatigant et pas aussi drôle que dans mes souvenirs d’enfant.
Ce que j’aime surtout, c’est m’amuser dans mon jardin, me coucher dans l’herbe, regarder les coquelicots et les boutons d’or pousser dans les herbes hautes et m’imaginer des histoires le nez au ras des taupinières.
Vues de là, Nini et Minette sont de gros félins et nous sommes des aventurières dans la jungle.

Au jardin, je ne suis plus du tout sûre d’être devenue une adulte.
Samantdi



jardin commun

Si je voulais jardiner, voilà où j'aurais peut-être droit à quelques chiches mètres carrés. Mais comme même enfant, je n'ai jamais trouvé ça amusant, ne pas pouvoir jardiner en m'installant à Paris était un renoncement facile !

Ceci est ma participation à la session 5.4 du diptyque d'Akynou.

Diptyque 5.4.a : Game over


Speak Skin - Plus Rien À Dire
Originally uploaded by michel clair.

Sur ses bras repliés il a posé la tête.
Il rumine, à l'écart, son amère défaite.
Il ne parle à personne, et ses amis s'inquiètent.
Il ne veut plus partir pour de nouvelles quêtes.

Son neveu l'a vaincu à Red Dead Redemption.
Il ne s'est pas remis de cette humiliation.
Et depuis hier soir, il boude la fête.



Ceci est ma participation à la session 5.4 du diptyque d'Akynou.

dimanche 30 mai 2010

Alexandra Grimal / Marc Ducret (L'Age d'Or - 29 Mai 2010)

En ayant découvert le concert au Sunside au dernier moment, je passe sur le site d'Alexandra Grimal et découvre qu'elle conclut une série de concerts en Avril et mai par un duo avec Marc Ducret, lui aussi vu fort récemment.
L'Age d'Or est un restaurant un peu trop cher, avec à l'étage une salle toute simple, quelques tables, chaises de jardins, tabourets, où on peut donner des petits concerts. Le gros problème étant l'isolation sonore, ou plutôt son absence. Le bruit du restaurant perturbe gravement l'espace du concert, surtout qu'ils n'ont même pas la décence d'y couper la sonorisation ! Donc, dès que les musiciens s'approchent un tout petit peu du silence, on a droit à la musak venant d'en bas. Détestable.
alexandra grimal / marc ducret alexandra grimal / marc ducret alexandra grimal / marc ducret
Cela ne semble guère gêner Marc Ducret, qui se lance dans ses habituelles aventures sonores, où prédominent les petites phrase mélodiques dont il distord les notes finales qui semblent se fondre dans l'inconnu, comme un réseau de chemins qui se perdent dans la brume. Alexandra Grimal se contente de répondre, alternant d'un saxophone à l'autre, hésitante, et ne prenant pas l'initiative, même quand le guitariste lui passe clairement la main. Cela donne une musique un peu à sens unique, où on admire la dextérité de Ducret, mais où manque l'intensité de Grimal.
alexandra grimal / marc ducretalexandra grimal / marc ducret
Après une pause, le concert revient plus équilibré. Grimal lance périodiquement des déferlements de notes qui débordent impétueusement, et Ducret devient plus bruitiste, avec bottleneck et autres gadgets électroniques. Les idées s'échangent plus, et la musique devient splendide par moments. Mais dès qu'ils baissent le volume, dès qu'ils approchent des gammes de sonorités plus subtilement poétiques, le bruit du restaurant vient les couvrir, quel dommage.
J'aurais vraiment préféré voir ce duo à l'Atelier du Plateau, par exemple, où on aurait eu la même excitante proximité avec les musiciens, mais dans une salle bien plus propice à l'éclosion de la musique.

Ailleurs : quelques photos.

Sophie Alour Trio - J4zz (Maire du 4ème - 27 Mai 2010)

Cet avant-dernier concert du cycle J4zz ne correspond pas vraiment au concept du projet, qui est censé provoquer des rencontres inédites, ou inviter des formations en cours de cristallisation, alors que le trio de Sophie Alour fonctionne depuis des années, et est en pleine tournée de promotion pour l'album "Opus 3".

sophie alour trio au j4zz
Cette fois, les musiciens ne sont pas grimpés sur la scène en fond de salle, mais installés à même le sol, entourés des chaises en demi-cercles, ce qui est une excellente idée, pour créer tout de suite une connivence accrue, une présence plus vive et humaine.
Sophie Alour ajoute à sa tenue pimpante des sourires radieux, s'empare du micro pour présenter chaque chanson, s'essaie aux anecdotes avec ses comparses qui semblent tout autant joyeux d'être là, bref, l'atmosphère est à la sympathie et au plaisir communicatif de jouer et écouter la musique.
Yoni Zelnik virevolte rondement autour de sa contrebasse, Karl Jannuska, qui en quelques années s'est grandement amélioré, frappe sec et précis, tous deux créent une belle base de départ pour la saxophoniste. Son son est velouté même quand il est puissant, rond et harmonieux, c'est sa force mais aussi sa limite. La musique semble un peu trop "jolie" quand les intentions qu'elle a énoncées au micro demanderait un engagement plus profond, plus intime. Tout ça est bien beau et fort agréable, mais reste un peu superficiel. Un spectacle bien rodé, mais qui ne bouleverse pas.
sophie alour trio au j4zz

Ailleurs : quelques photos
Spotify : Ses deux derniers disques chez Plus Loin Music, Uncaged et Opus 3. Et un disque de Jannuska, Liberating Vines.

samedi 29 mai 2010

Alexandra Grimal - Seminare Vento Quartet (Sunside - 26 Mai 2010)

C'est vraiment par hasard et au dernier moment que je découvre ce concert, et m'y précipite, pour voir ce quartet sudiste d'Alexandra Grimal, auteur d'un fort joli disque qui, bien noté par Télérama, fleurit chez les diquaires, et où sont gravées pour la première fois des compositions de la saxophoniste déjà entendues plusieurs fois dans d'autres formations, comme "Passage" ou "Elks Around".
alexandra grimal quartet au sunside

Pour entrée en matière, ils choisissent du Ornette Coleman. Mais le rendu me semble confus, la mécanique du groupe ne me semble pas suffisamment rodée pour un tel démarrage, qui du coup patine un peu. Le reste de la soirée sera consacrée essentiellement (voire exclusivement ? mais je ne suis pas resté pour le troisième set) à leurs compositions, puisqu'ils sont trois à écrire dans ce groupe.
Le caractère de chaque morceau est plus affirmé sur scène que sur disque. "Elks Around" très décontracté à la limite du débonnaire foutraque, "Eh!" énergique proche du Free, "Saudidas Correspondidas" poignant de nostalgie. Et puis bien sur "Passage", qui m'impressionne toujours autant en concert, elle lançant son appel (sa prière ?), obstinée, obsessionnelle, et ses collègues montant en puissance autour, comme des éléments peu à peu se déchainant, jusqu'à ce qu'elle soit comme un phare au milieu de la tempête.

alexandra grimal quartet au sunside alexandra grimal quartet au sunside alexandra grimal quartet au sunside
Qui sont-ils ses compagnons ? Giovanni Di Domenico au piano est du genre sobre, choisissant soigneusement ses accords, cherchant toujours le petit décalage harmonique ou mélodique qui donnera de l'épaisseur ou une couleur intéressante, et expérimentant volontiers, comme des petites trilles sur une seule note. Du bassiste Manolo Cabras, pas grand-chose à dire. Le batteur Joao Lobo dispose d'une large palette de techniques qu'il utilise avec parcimonie, en fonction du climat à installer (dont des sacs en plastiques utilisés pour frotter les peaux, original). Je préfère cette paire rythmique dans ses passages plus doux, tous deux jouant de l'archet, ou, plus surprenant, tous deux tapant sur leur instrument à mains nues (percussion sur contrebasse impeccable et spectaculaire !).
Et mieux vaut profiter de ce spectaculaire, car il est rare. Jouant tous la plupart du temps les yeux fermés, ça manque quand même un peu de chaleur et de communication (de communion), avec le public et même entre eux. Les échanges de sourires sont même rares ! C'est qu'ils tous très concentrés sur la musique qu'ils jouent. Et particulièrement Grimal, toujours dans une quête de transcendance Coltranienne (ouais, lâchons le mot), chaque note et chaque souffle gorgé de ferveur mystique. Musique souvent intense en énergie spirituelle, même dans ses silences.
alexandra grimal quartet au sunside

Ailleurs : quelques photos (dans la lumière difficile du Sunside !)

lundi 24 mai 2010

Ballet de l'Opéra de Lyon - Programme Américain (Théâtre de la Ville - 22 Mai 2010)

Ralph Lemon - Rescuing the Princess

Le livret est accompagné d'un feuillet complémentaire, et les deux livrent des analyses de la pièce légèrement différentes, même si elles ne sont pas forcément incompatibles : d'un coté on nous dit qu'elle fait référence à "Solaris" et "Alphaville", de l'autre qu'elle est issue des répétitions improvisées de la troupe, autour de la fin de vie de son amie danseuse. Il y a des duos, et des solos en parallèle. Il y a un film qu'on ne voit quasiment pas, où passent des animaux, et un lapin étendu sur le sol. Comme la troupe qui a créé cette pièce est européenne, les danseurs sont dans des habits "normaux". Ca dure 45 minutes. Et c'est très long, parce que très répétitif, sans rien qui ressorte, sans rien qui accroche. De la danse tiédasse, diluée, somnifère.

Merce Cunningham - Beach Birds

De Cunningham, je n'ai pas toujours tout aimé. Mais cette pièce est fascinante. La musique, de John Cage, quelle surprise, est constituée de notes espacées de piano sur un fond de bâtons de pluie. Relaxant et mystérieux. Sur la scène, les danseurs déguisés dans des costumes noirs et blancs qui ne laissent que le visage et les pieds à nu, se déplacent, se regroupent, se dispersent, forment des figures géométriques, des gestes peu spectaculaires mais constamment renouvelés, dans des jeux de miroir, de décalages, de graphismes, qui enchantent de bout en bout par leur variété, singularité, économie et efficacité. L'émotion nait de la beauté, qui nait de la géométrie. La discipline des danseurs me semble stupéfiante, pour mémoriser une telle chorégraphie, où la musique ne peut servir de repère, et où tous les déplacements doivent être coordonnés avec précision pour que les figures prennent corps. Résultat splendide. Seul regret : Caelyn Knight, qui m'avait tant impressionné il y a deux ans, ne pouvait pas autant briller, la pièce étant une performance de troupe plus que de ses membres.

Trisha Brown - Set and Reset/ Reset

Une sculpture de Robert Rauschenberg capte d'abord l'attention : deux cercles reliés par des cordes, qui se déroulant créent une image de sablier. Spectaculaire. Les danseurs arrivent ensuite, envahissent la scène par les bords, des sortes de flux et reflux. Danse athlétique et sinueuse, où le torse ondule et les membres s'étirent. Sensuel à sa manière. La musique de Laurie Anderson complète le plaisir.

Ailleurs : Palpatine (texte, images), Mimylasouris (tiens, l'un et l'autre ont Caelyn Knight en photo, je dis ça je dis rien ...) ; Dansomanie.

samedi 22 mai 2010

Médéric Collignon Jus de Bocse - Bitches Brew Project (Le Triton - 21 Mai 2010)

Quand on précise en réservant une place qu'on mangera au restaurant attenant, on a droit à un siège marqué à son nom dans la salle. Bon à savoir. Me voilà donc au premier rang, bien au centre, pile en face de la batterie et de la trompette. L'endroit exact où, une affichette le précise, si on est sensible au niveau auditif, il convient de ne pas se mettre (mais ils distribuent des bouchons d'oreille gratuitement au bar au cas où). Et de fait, ça bastonne. La première partie est marquée par la batterie de Philippe Gleizes en sur-régime, et la trompette de Médéric Collignon en grande force. Les deux autres comparses restent en arrière-plan. Dans le cas du Fender Rhodes de Frank Woeste, c'est un peu trompeur, car son rôle est essentiel même dans les morceaux rapides, en force de cohésion du groupe, il cimente harmoniquement, et permet à Collignon de mieux partir à l'aventure. Le cas du bassiste est plus problématique ce soir, parce que ce n'est pas l'habituel Frédéric Chiffoleau à la contrebasse, mais Emmanuel Harang à la basse électrique. Collignon le présente comme un copain-ami de longue date, témoin de ses premiers pas dans le Jazz. Son statut, remplaçant d'un soir ou plus définitif, n'est pas précisé. Mais il ne fait pas (encore) partie de la dynamique du groupe. Il assure sa partie, un brin intimidé par la puissance que dégagent les autres, et reste en retrait.
Cette première partie est donc toute en puissance. Gleizes surtourt frappe fort. Il ne laisse aucun répit à ses cymbales, qui flamboient longuement et bruyamment. Et comme il est dès le départ dans un haut registre d'énergie, quand il monte en puissance au cours du morceau, on frôle vite le surdosage. Sans doute s'en rendent-ils compte, ou en ont-ils écho pendant la pause, car la seconde partie sera plus raffinée. "On joue fort pour s'empêcher de penser", explique Collignon toujours en verve d'aphorismes et remarques plus ou moins délirantes, et spécialement contre celui autour duquel il brode les contrepèteries "si connard qu'il osa" et le moins parfait "il nique sa cause aux races". La seconde partie voit plus de morceaux lents, qui permettent à Woeste de partir dans des ballades rêveuses, parfois debussystes. Collignon abandonne plus souvent la trompette pour passer à la voix, imaginant des mains une sorte de guitare, et pestant contre son micro qui connait des ratés, mais qui lui permet de trafiquer suffisamment sa voix pour qu'il semble parfois pouvoir chanter avec l'exact son de sa trompette !

Ailleurs : un set de photos

Diptyque 5.3.b : La vitesse de mes transports

Ado, je n’ai jamais eu de mobylette, scooter ou moto. Je n’ai pas le permis mais ai possédé pendant quelques années une voiture. Je sais, c’est débile.

Bref, la vitesse ne m’a jamais fait bander
brol


trop grande vitesse

Une fois n'est pas coutume, j'ai choisi une photo d'archive pour la session 5.3 du diptyque d'Akynou.

Diptyque 5.3.a : Empoisonnement hebdomadaire

géométrie de l'alcool

Chaque semaine, et ce depuis bien des années
Ils buvaient un cocktail dans ce bar suranné.
C'était comme un rituel où eux deux, condamnés,
Regardaient cette vie peu à peu se faner.

Et encore aujourd'hui, en approchant l'hiver
Ils cherchent vainement, et pourtant persévèrent,
A noyer leur angoisse au fond d'un verre.

Ceci est ma participation à la session 5.3 du diptyque d'Akynou.

La voix est libre - Les indomptables (Bouffes du Nord - 20 Mai 2010)

Etre en vacances est aussi l'occasion d'aller à des concerts un peu au hasard, juste pour le lieu ou quelques noms, et de se laisser du coup surprendre.
Chaque soir de ce festival de trois jours se rencontrent des gens après plus ou moins de préparations, pour de la musique essentiellement improvisée, mais qui refuse de se limiter au terrain du Jazz, ou à quelque terrain que ce soit d'ailleurs. Certaines séquences sont une réussite magnifique, d'autres moins, et c'est ça qui est bien.

Miguel Benasayag

la voix est libre - les indomptablesOn commence par un peu de parlotte théorique, d'abord une présentation du festival, sa prise de risque, sa nécessité, ses sponsors, etc., puis un entretien avec Miguel Benasaysag, pour son livre "Résister c'est créer Créer c'est résister" ; résister à l'asservissement des passions tristes est une nécessité vitale dans nos sociétés qui ne se nourrissent plus que de peur et de défiance, et pour cela il faut non pas simplement s'opposer à un ennemi guère discernable, mais créer, proposer, inventer, se placer sous le signe de la joie. Bon programme !

Akosh S., Jörg Müller

Du fond du théâtre plongé dans le noir surgissent deux sons qui peu à peu se rejoignent au centre de la piste, le saxophone âpre, rustique, presque primitif, de Akosh S., et une réponse en conque marine par Jörg Müller qui l'abandonne pour détacher cinq tubes suspendus qu'il fait parfois sonner puis tournoyer. Magnifique rencontre, de nature circacienne. L'effet produit par ses tubes accrochés très haut, et qu'il fait tourner autour du saxophoniste immobile et improvisant calmement, ressemble à ceux d'une jonglerie, complexité croissante des figures, prise de risque qui semble même physique, ébahissement progressif devant la simplicité du matériel et la variété des variations obtenues. Il peut, tout en les relançant encore et encore, les rendre silencieux, ou les faire résonner (une bague métallique je suppose), pour donner un substrat harmonique, que Akosh S utilise, ou pas. Cette rencontre me fait penser aux "Chinoiseries" de Mathilde Monnier autour de Louis Sclavis, un de mes premiers chocs chorégraphiques. Magique.

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Décrochés brutalement, les tubes se fracassent sur le sol puis sont trainés en coulisses dans un chaos bruitiste tout aussi réjouissant.

Serge Pey Solo

C'est le gros point faible de la soirée. Ce poète vient lire quelques pages, en les accompagnement sommairement de bruitage percussif. Je n'ai aimé ni le texte répétitif et prétentieux ni le ton déclamatoire et forcé ni l'accompagnement trop rudimentaire pour être qualifié de musical, et ces litanies m'ont semblées interminables. Je n'ai même pas pris de photos, c'est dire.

Elise Caron, Edward Perraud

la voix est libre - les indomptablesLa rencontre de deux pyrotechniciens. Lui est autant batteur que percussionniste, et ajoute encore des effets électroniques. Elle passe par toutes les voix, fillette geignarde, chamane exotique, diva d'opéra, elle yaourtise en français anglais ou allemand, et elle joue aussi de la flute. Mais de tout cela jaillissent de belles gerbes d'étincelles sans que pourtant ne naisse un incendie. Les discours sont trop hachés, ils ne prennent pas le temps de trouver un terrain commun, et lui surtout balance continuellement de nouveaux sons, de nouvelles idées, de nouveaux défis, qu'elle relève souvent avec bonheur, mais cassant du coup ce qui était en train de s'installer. Ce zapping tue l'émotion, dommage.

Eric Elmosnino, Serge Teyssot-Gay

la voix est libre - les indomptablesL'acteur interprète de Gainsbourg au cinéma, et le guitariste de "Noir Désir" : nous ne sommes plus dans le Jazz. Elmosnino nous lit des pages de Maïakovski. Mais sa voix est constamment menacée d'être submergée, et l'est souvent, par la guitare de Teyssot-Gay, qui commence par frotter les cordes avec une bouteille ou une baguette, mais d'autres guitaristes improvisateurs sont incomparablement plus intéressants dans ce domaine, et il me convainc plus quand il passe à un jeu plus "classique", quoique toujours saturé de bruits. Au-dessus de cette lourde pâte sonore éclatent par moments les tourments amoureux et métaphysiques de Maïakovski, crachés par un Elmosnino enfiévré. L'équilibre permettant de comprendre le texte n'est que rarement trouvé, mais cela fait peut-être partie du concept.

Labyala Nosfell, Médéric Collignon, Peter Corser, Edward Perraud, Grégory Feurté

Après l'entracte, l'attraction principale de la soirée, avec de gros clients. On sent que ce groupe là, même éphémère, s'est plus préparé : tout est de nature improvisée, mais les climats se mettent en place puis évoluent à une allure correcte, il y a des points de convergence, un accord général sur le type de musique à produire.
la voix est libre - les indomptables
Edward Perraud s'est un peu calmé. Il laisse plus les choses s'installer, et utilise son appareillage de batterie synthétiseur pour mettre en place des couches de basse. Le saxophoniste Peter Corser apporte le plus de stabilité à la réunion, restant dans un registre mélodique, sans pourtant sembler hors du coup, par rapport à des camarades plus Free. En effet, Médéric Collignon se déchaine, à la trompette et à la voix. Et trouve avec Nosfell un partenaire pour lui répondre dans les scats délirants, où ils jouent et rivalisent dans des joutes spectaculaires. Quand il ne produit pas de musique, Nosfell saisit l'espace scénique, dansant, rampant, seul ou en duo avec le dernier lascar, Grégory Feurté, artiste circacien là encore, sur mât chinois, planté au milieu pendant l'entracte.
C'est intense. Ambiances souterraines, grondantes d'énergie. Beauté du type convulsif. C'est du lourd qui fait du bien. Au salut final, Feurté a disparu, du coup c'est Collignon qui s'empare du mât chinois, bientôt suivi de ses camarades. Ce type est fou, mais c'est pas nouveau !
la voix est libre - les indomptables

Ailleurs : Un set de photos
Spotify : Akosh S Unit - Nap Mint Nap, Return of the New Thing où joue Perraud, Serge Teyssot-Gay - On Croit Qu'On En Est Sorti ...

vendredi 21 mai 2010

Gregory Maqoma - Beautiful Me (Théâtre des Abbesses - 19 Mai 2010)

Habitué du Centre National de la Danse, c'est la première apparition de ce Sud-Africain au Théâtre de la Ville ou des Abbesses. Gageons que ce ne sera pas la dernière.
C'est un solo, quoiqu'il soit bien accompagné : par des musiciens sur scène (violon, violoncelle, percussion, cithare indienne) qui après une inquiétante introduction au violon seul qui tient une note immuable plusieurs minutes, donne de l'excellente musique, rythmée et colorée, très dynamique quand le percussionniste se lance, et variée dans ses couleurs par les instruments qui n'ont pas peur de changer de rôle, violon et cithare étant parfois utilisés comme des guitares ; par des collaborateurs dans la création plusieurs fois évoqués dans les discours du danseur, Vincent Mantsoe qui semble très proche des préoccupations et de la démarche de Maqoma, Faustin Linyekula, Congolais, qui élargit la vision de l'Afrique, et Akram Khan, dont le seul nom a certainement contribué à remplir la salle.
Comme dans le cas de Khan, il s'agit de concilier "une danse traditionnelle à des influences contemporaines" (dixit le livret à propos de Mantsoe). Cela donne un langage très structuré, précis et rapide, où dominent la verticalité du corps, les bras arrondis et les pieds tambourinants.
Le spectacle d'une heure est divisé en "dialogues" successifs, sur-titrés ; un appel à son père, en xhosa, où il explique qu'il est un paon, et qu'il vole ; puis le reste en anglais, des considérations sur la difficulté de nouer avec ses racines historiques, quand elles sont marquées par des noms honnis du colonialisme ou de l'apartheid.
Ces discours, parce qu'ils sont bien écrits, et qu'ils ne négligent pas l'humour, voire le cynisme, se marient tout à fait bien avec les séquences de danse. De la bonne musique, de la belle danse, et des paroles pour faire réfléchir, c'est un spectacle rondement mené, et de la belle ouvrage. En final, il demande au public de répéter avec lui la lettre "r", qui lui donnait tant de mal sous les injonctions paternelles, ce qui fait qu'il ne pouvait prononcer correctement son propre prénom ...

gregory maqoma

mardi 18 mai 2010

Marc Ducret Quintet (Le Triton - 15 Mai 2010)

Grande première, je découvre que cette salle n'est presque pas "de banlieue" puisque sur le métro, et facilement accessible depuis chez moi ... Dire que la veille, il y avait Portal avec Codjia, bref ...

Ce soir donc, Marc Ducret, que j'ai déjà vu en duo, en trio, et en big band, et à chaque fois dans un lieu différent, joue avec un nouveau quintet à moitié français et à moitié scandinave.

La première chose qui marque, c'est l'absence de contrebasse. Ce sera le saxophone basse de Fred Gastard qui en fera office. Armé d'une batterie de pédales d'effets bien plus importante que celle de Ducret, il balance des lignes rythmiques d'une énergie redoutable, dans une impressionnante démonstration de puissance et de souffle.
A ses cotés, le batteur Peter Bruun, bien dans la même tradition que l'habituel comparse Eric Echampard, hargne et technicité, moins rock et parfois un brin maladroit (il perd des baguettes à plusieurs reprises, quand il ne doit pas réparer ses cymbales ou son pied de grosse caisse !).
Tous deux s'apaisent par moments dans des explorations plus bruitistes, avec des techniques de souffle continu et des sons plus caverneux pour Gastard, et un jeu d'archet sur les bords des futs ou des cymbales pour Bruun.
Du coté des soufflants, on a Kasper Tranberg au cornet, très incisif, et Matthias Mahler au trombone, excellent également.
Et enfin, Marc Ducret, presque minimaliste dans son équipement, puisqu'il n'a qu'un seule guitare et deux pédales. Son jeu est toujours incandescent, chevauchées pleines de rages mais pas saturées.

marc ducret quintet au triton marc ducret quintet au triton marc ducret quintet au triton
Les morceaux sont complexes, comme souvent chez Ducret, dépassant allégrement les 15 ou 20 minutes, avec des épisodes variés, duos, trios, changements de tempi et de textures, thèmes repris dans d'autres morceaux, etc. Mais les moments les plus prodigieux sont les chorus, où les quatre lignes (saxophone basse, trombone, cornet, guitare) se superposent et s'entrecroisent dans une course haletante alimentée par la batterie, des boucles mutantes d'où fuse une énergie extraordinaire. On approche d'une sensation de transe. C'est fort et c'est bon.
Ce groupe n'existe que de quelques semaines de répétition et c'est son deuxième concert. Ils enregistrent très bientôt. Il y a dans cette manière de procéder un retour à du fondamental du Jazz qui ravit.
Deux sets, et quelques prolongements, qui s'achèvent par une berceuse, une grande soirée.

Ailleurs : Jean-Jacques Birgé, mes photos, des photos par Christophe Alary
Je découvre ici que des vidéos ont été faites ! Au Triton, et surtout (plus propres) à Genève : partie 1, partie 2, partie 3

dimanche 16 mai 2010

Benjamin Britten - Billy Budd (Opéra Bastille - 13 Mai 2010)

Mon rythme semble se stabiliser autour d'un opéra vu à Bastille par an (le précédent c'était Lady Macbeth de Mzensk en janvier 2009). Et comme l'an prochain seul le Mantovani m'intéresse, ça ne croitra sans doute guère.
Les prosélytes lyriques m'avaient vanté la mise en scène de Francesca Zambello, et à juste titre. Elle permet à la forte histoire de Herman Melville de nous embarquer sur ce navire concentré d'humanité, pour une lutte de la perversité et de l'innocence.

billy budd à bastille

Un simple rectangle incliné planté d'une croix suffit à créer le navire, espace réduit cerné par des flots inhospitaliers, et où la chute peut être fatale. Peu à peu Zambello déploie ses surprises dans ce décor en fonction des besoins de l'histoire, réduisant un morceau du pont par les lumières pour figurer la réunion des officiers, descendant des rideaux pour isoler Claggart dans son monologue haineux, puis au cours du deuxième acte activant des vérins pour soulever la partie avant et dégager l'espace des soutes.

billy budd à bastille

L'histoire du marin Billy Budd se déploie donc, homme sans malice mais aux poings violents, confronté à l'esprit retors de Claggart, qui ne peut supporter de voir remise en cause par la simple bonté du nouvel arrivant sa main-mise de l'équipage, obtenue par le chantage et la manipulation. Tous deux y laissent leur peau.
En sous-texte, il y a l'attirance érotique qu'exerce Billy Budd sur tout l'équipage et Claggart en particulier, et le parallèle christique, Budd se laissant pendre pour sauver l'équipage, qu'une mutinerie aurait condamné.

L'opéra est ponctué de "grandes scènes", avec l'orchestre dirigé par Jeffrey Tate déployant tous ses fastes, ainsi que le choeur très présent sur scène bien sur : une suite de chansons reprises par tous les marins, quand Budd fait régner la bonne humeur dans les chambrées par son amabilité et son enthousiasme ; et l'attaque avortée du bateau français qui s'échappe dans la brume. Mais on frole la saturation un brin chaotique, ce ne sont pas mes moments préférés ... Heureusement, le plus souvent, l'orchestre est plus discret, et si on n'obtient pas la subtilité aérienne du Tour d'écrou, les interventions solistes pullulent. De manière générale, les extrémités du spectre sonore sont privilégiées. Ca gronde dans les basses, et ça siffle dans les aigus, à me faire penser par moments à du Bartok (antérieur à Britten bien sur, mais bien plus audacieux en terme de langage).

Dans le large éventail de voix masculines, il n'y en a pas qui m'ait particulièrement marqué, ni dans un sens ni dans l'autre. J'étais plus pris par l'intensité de l'histoire, et par la beauté de la mise en scène, que par la performance des chanteurs ou par la musique.

Quelques détails en vrac :
- bonne caractérisation des personnages et direction des acteurs
- subtilité des jeux d'ombres, qui donne par exemple une belle force aux scènes de procès, où les officiers arrivent en ombres chinoises ce qui les rend plus anonymes et implacables forces du destin en marche
- la musique lors de ces scènes de procès est presque parodique de musique de cour, joliment ronflante et solennelle
- l'équipage à la fin astiquant les planches exactement comme au début, avec juste un cadavre se balançant au-dessus d'eux en plus.

Spotify : par le Royal Opera House dirigé par Britten, par le LSO dirigé par Hickox, par le LSO dirigé par Harding.
Ailleurs : Joël Riou, Palpatine, ConcertoNet ...

samedi 15 mai 2010

Diptyque 5.2.b : Un clown au petit déjeuner

Encore maintenant, quand je le croise le matin, qu’il se lave les dents ou prend son petit déjeuner, je ne peux pas m’empêcher de le faire rire. Une grimace, une imitation, une posture ridicule. Ses gloussements me réchauffent le cœur. Alors, je pars travailler avec le son de son rire dans un coin de ma tête.
Marloute


un clown au petit déjeuner

Ceci est ma participation à la session 5.2 du diptyque d'Akynou.

Diptyque 5.2.a : Ferme les yeux


Photo originale de Jonas Cuénin

"Je ne supporte plus la ville et sa grimace,
La laideur de la rue, sa constante menace.
Alors, de temps en temps, je me ferme les yeux,
Et m'élance, défiant les hommes et les dieux.

Enfin libre, dans ma folie, faute de mieux,
Je traverse les rues, les foules et les places,
Et j'attends que quelque-chose se passe."

Ceci est ma participation à la session 5.2 du diptyque d'Akynou.

vendredi 14 mai 2010

Jan Lauwers Needcompany - La Maison des Cerfs (Théâtre de laVille - 10 Mai 2010)

La dernière fois que j'ai vu la Needcompany, c'était pour La Chambre d'Isabella. Je ne sais pas si c'était déjà à l'époque le premier épisode d'une trilogie, ou si cette idée est venue plus tard, peut-être avec le deuxième, que je n'ai pas vu, "Le Bazar du homard". En tous cas voici le dernier volet de "Sad Face | Happy Face", une trilogie de l'humanité. Ouais, rien que ça.

Cette pièce est basée sur un événement réel : le frère d'une des danseuses de la compagnie est un photographe de guerre qui s'est fait assassiner au Kosovo. A partir de là, c'est un enchevêtrement de faits réels plus ou moins décalés, de mise en scène d'une pièce de théâtre en train de se construire, et de mythes revisités. Le premier acte est comme un prologue qui se passe dans les coulisses d'un théâtre, où la danseuse rentre du Kosovo, où elle n'a pas bien su reconnaitre le cadavre de son frère, et a récupéré un journal où il décrit ses photos, et des indices sur ses derniers jours (journal qu'on nous précise être fictif).
Tout le reste se passe dans la "Maison des Cerfs", un refuge dans un pays en guerre pour une famille recomposée et quelques étrangers de passage prolongé, un lieu incertain, une métaphore peut-être du cerveau d'un écrivain, qui tente vainement de se protéger de la fureur du monde. Je ne suis pas sur que tous les morceaux s'emboîtent correctement, dans le puzzle de leurs relations, déjà mises à mal par d'anciens meurtres plus ou moins accidentels, et exacerbées par la pression de la guerre au dehors et de la nécessité de survivre ensemble dans cet îlot qu'ils espèrent épargné.

Il y a toujours ce mélange d'éléments, pour une expérience de théâtre élargie à la danse, aux arts plastiques, à la chanson parfois. Mais la couleur générale est très sombre. Les morts se succèdent, même s'ils se relèvent souvent et continuent de discuter avec les pas encore morts. Et de nombreuses scènes confrontent les spectateurs avec l'obscène, particulièrement lors de longs hurlements individuels ou collectifs à la découverte d'un cadavre, séquences éprouvantes.
Dans "La Chambre d'Isabella" déjà il y avait cette question du bonheur à fabriquer malgré les malheurs du monde et de la vie, mais la force vitale de l'actrice Viviane De Muynck emportait tout. Ici, c'est plus Grace Ellen Barkey qui joue le premier rôle, un personnage de handicapée mentale qui s'occupe de l'élevage des cerfs, et elle ne possède pas la même force. On s'englue du coup plus dans le sordide (le déshabillage d'une japonaise évanouie), dans l'atroce (le cadavre d'un enfant suicidé transporté dans une valise), ou dans l'anecdotique.

Outre ce climat où règne Thanatos (Eros n'est guère convoqué que lors du prologue, où les acteurs s'échauffent en mimant des actes pornographiques, ce qui fera fuir, avec raison, quelques familles avec enfants qui n'avaient rien à apprendre ici), la pièce pâtit de certaines contre-performances, dont je n'arrive pas à déterminer si elles sont volontaires, particulièrement de Eléonore Valère, qui joue le rôle de Tijen Lawton, la soeur du photographe, et qui lache son texte avec une froideur distante qui coupe toute émotion, alors qu'elle rayonne dès qu'elle se met à danser.

La fin a du être compliquée à trouver. Il y a un récitatif laborieux pour expliquer comment Grace a sauvé les cerfs d'une tempête de glace, puis une conclusion chantée et dansée où la troupe semble retrouver de l'énergie positive, mais d'une manière incohérente par rapport à tout le reste de la pièce, ce qui fait qu'elle sonne faux.

Restent le dialogue entre les formes artistiques conjuguées, entre les vivants et les morts, entre le réel l'imaginé et le représenté théâtral, mais tout cela la Needcompany l'avait déjà mieux fait avant ailleurs. Ca n'empêche qu'il s'agit d'une troupe au travail exceptionnel, que j'espère revoir dans des sujets plus enthousiasmants.

Ailleurs : BelelleThéâtre, Libération

mardi 11 mai 2010

Shantala Shivalingappa - Swayambhu (Théâtre des Abbesses - 7 Mai 2010)

Récital de kuchipudi par Shantala Shivalingappa. En fait, ça pourrait suffire. En effet, d'une fois sur l'autre, le contenu reste sensiblement équivalent. Et la qualité aussi haute. Structure absolument classique et immuable, avec le même intermède musical uniquement rythmique, même si cette fois le public ne participe pas. Même beauté, élégance, raffinement, dans les gestes d'une rapidité aveuglante, et les poses d'un hiératisme éblouissant, même sérieux dans la prise en compte de l'héritage culturel inclus dans la danse classique indienne, et même espièglerie dans les mimiques, enthousiasme dans les sauts, joie de danser dans tous les instants.

shantala shivalingappa et ses musiciens

Ce qui change, quand même, c'est la mise en scène. Le plateau est un peu moins nu que d'habitude. Les musiciens sont toujours installés sur un espace dédié à gauche, mais à droite sont suspendus de petits paniers de fleurs, en hauteurs étagées. Des draps tendus permettent de beaux effets d'ombre projetées, ou de transparences. Et comme le titre signifie ce "moment de lucidité absolue où se révèle la nature essentielle du Réel : un champ infini d'Unité, Fluidité, Energie", qui ne peut être atteint qu'en faisant tomber "le voile de l'illusion", à la fin Shantala Shivalingappa arrache le rideau de fond de scène.
Si le moment préféré par Joël est le Tarangam consacré à Shiva (l'épisode le plus abstrait), je lui ai peut-être encore préféré le Kirtanam, morceau de danse narrative, très romantique, touchant et enjoué.

shantala shivalingappa et ses musiciens

Ailleurs : Joël Riou, et une playlist Youtube

samedi 8 mai 2010

Diptyque 5.1.b : des journaux gratuits

J’ai toujours eu un tropisme particulier pour l’écrit, et cela depuis tout petit. Si tout est bon dans le cochon, toutes les occasions sont également bonnes pour lire, ainsi que tous les supports. Bande-dessinées, romans, journaux. J’ai pris l’habitude de lire le journal quotidiennement bien avant mes dix-huit ans. Étudiant à la faculté, Je bénéficiait des distributions gratuites du figaro tous les matin avant de me rendre en cours. J’avais déjà acheté Libération en sortant de chez moi et rachetait le Monde en quittant l’université. On appelle cela une addiction à l’information. Le soir, après avoir passé des heures à lire mes bouquins de cours, je me replongeais dans des textes bien plus distrayants avant de m’endormir, le nez entre deux pages.
Chondre


les journaux d'information à l'heure du gratuit

Lorsque la solidarité corporatiste est mise à mal par les griffes du capitalisme, les journaux peu à peu plongent dans les caniveaux.
(cette photo a été prise à la station Pigalle, mais je n'en tirerai aucune conclusion)

Ceci est ma participation à la session 5.1 du diptyque d'Akynou.

Sorensen, Saariaho, Benjamin (Cité de la Musique - 6 Mai 2010)

Kaija Saariaho - Solar

C'est un objet brillamment lumineux, autour duquel on tourne lentement depuis notre pénombre pour en découvrir les différents aspects. Joli et très agréable, même si la lumière évoquée est un peu trop uniforme.

Bent Sorensen - Tunnels de lumière

Cela commence formidablement, par des miaulements de trombones, entourés par l'orchestre tout en glissandi dans tous les sens. D'autres passages sont remarquables, comme quand seules jouent les cordes spatialisées au-dessus des tribunes latérales. Mais je ne vois pas de schéma directeur entre les différents épisodes, dont certains sont trop faibles pour que l'ensemble ne finisse pas par me lasser.

Kaija Saariaho - Lichtbogen

C'est le sommet de ce concert. On plonge dans une matière orchestrale mi-aérienne, mi-liquide, une fusion de nuit obscure et d'océan, où les courants et les flux et reflux nous promènent dans un espace empli de couleurs étranges et irréelles. Formidable évocation d'aurore boréale. Emmanuelle Ophèle est particulièrement au top, d'un solo tranchant au piccolo à un autre rêveur à la flûte alto.

George Benjamin - At First Light

Après tant de lumière nordique, ce lever de soleil est brutal. J'ai été beaucoup moins réceptif qu'à la première audition, par l'EIC comme ce soir, pourtant (mais dirigé par Susanna Mälkki). Question de contexte de concert, sans doute. La dynamique de ce morceau est redoutable, entre des passages solistes impressionnistes, et des chorus d'ensemble qui vise l'énergie du Sacre. Mais l'impression ce soir est au catalogue d'effets contemporains, qui n'emportent pas l'adhésion.

Spotify: un peu de Saariaho ? Par exemple Private Gardens, et Verblendungen.

Diptyque 5.1.a : La sortie éducative


April 11, 2006 - 15:39
Originally uploaded by Hughes Léglise-Bataille.

Les enfants ébahis contemplent tout ce vide.
Était-ce ainsi, avant le Grand Naturicide,
Chaque humain disposait d'un aussi vaste espace ?
Ça les effraie. Comment y trouvaient-ils leur place ?

Avant de repartir s'agglutiner en classe,
Ils prennent des photos pour garder une trace
Du temps d'avant les cendres et l'acide.

Ceci est ma participation à la session 5.1 du diptyque d'Akynou.

mardi 4 mai 2010

Padmini Chettur - Beautiful Thing 1 (Théâtre des Abbesses - 3 Mai 2010)

Minimalisme sauce indienne. Scène nue, ornée de 5 tee-shirts à manches longues alignés en premier plan. 5 danseuses, qui mettront longtemps à être toutes ensemble sur la scène. Robes courtes et colorées. Vocabulaire réduit à quelques gestes, monter l'épaule, tendre la jambe, tourner le bras, appuyer la main sous le menton. Pourtant, les variations dans les enchainements et dans les vitesses d'exécution (de très lent à presque modéré) suffisent à m'intéresser. Belle occupation de l'espace. Elles énoncent les parties du corps qu'elles meuvent ("right shoulder, left hip"). Redondance ok. L'accompagnement sonore (terme plus adéquat que musique) de Maarten Visser joue sur un rythme fluctuant. A distance, l'héritage culturel indien est là.
Et puis elles décident de parler. Les platitudes s'enfilent sur fond de silence, alors que la danse n'existe quasiment plus, les danseuses fort peu actrices consacrant leur effort à débiter leur texte. Mais pourquoi ce désir chez les chorégraphes qui veulent sonner moderne de faire des phrases ? Cela aujourd'hui est tout à fait contre-productif, tendance daté, limite obsolète. Il y a peut-être du second degré, lorsque le texte parle de sourire, qui est depuis le départ absent de leur visage. Mais cela n'empêche pas tout cet épisode d'être laborieux et insipide.
Et puis soudain, choc : une danseuse passe sa main sur le cou d'une autre. Premier contact entre elles depuis le début ! L'accompagnement sonore reprend, un cliquetis mécanique de ressorts grippés. Elles jouent des automates, se manipulent les unes les autres. A un moment, alignées face au public, elles enchainent des signes de main, tout ce riche vocabulaire contre lequel lutte Padmini Chettur.
Elles enfilent ensuite les tee-shirts, dont la matière extensible permettra différents types de déformations amusantes, jusqu'à des chutes au ralenti.
Et enfin, en une fin presque provocante, elles orientent très très lentement leurs corps allongés, alors que la musique hésite entre moustique et ronflement.

Ailleurs : Joël

samedi 1 mai 2010

Planning Mai - Juin 2010

Beaucoup de danse, pour ce denier rush avant la pause d'été.

Sankai Juku - Kara Mi (Théâtre de la Ville - 27 Avril 2010)

sankai juku

Le décor : quelques plaques de verre décorées de réseaux capillaires (sang, végétal, fleuve ...). Les costumes : le blanc habituel bien sur, avec des pointes de rouge vers la fin. La structure du spectacle : sept tableaux en 1h25, c'est j'ai cru comprendre la norme depuis des années.
Que dire de plus ? Les corps se tordent lentement et tombent, les bouches s'ouvrent sur des obscurités, les regards se perdent vers des cieux peu bavards, l'atmosphère est ritualiste, esthétisante, avec de magnifiques tableaux jouant sur les reflets et les transparences dans les plaques de verre.
Et encore ? Pas grand-chose. Je suis très peu réceptif à la mystique de Ushio Amagatsu. Je n'embarque pas dans un voyage spirituel. Je regarde le temps passer avec un certain plaisir, mais conjugué d'une assez forte indifférence.

sankai juku

Ailleurs : Armelle Héliot, Trois coups (ces deux critiques ne disent ni l'une ni l'autre quoi que ce soit de spécifique à ce spectacle-ci ; elles sont suffisamment génériques pour coller tout aussi bien aux précédents spectacles précédents de Sankai Juku), Palpatine