samedi 21 mai 2011

Le Balcon - New York Monsters (Eglise Saint Merri - 20 Mai 2011)

C'est en discutant à la fin du concert précédent que j'apprends l'existence de celui-ci, donné par un ensemble très jeune et atypique, Le Balcon, amateur de nouvelles technologies (théâtralisations, concerts spatialisés, enregistrements vidéos ...).

Phill Niblock - Three Orchids

Nous entrons dans l'église avec du retard sur l'horaire prévu, mais c'est parce que les musiciens ont déjà pris place pour nous submerger dans le son de ce morceau assez typique de Phill Niblock, compositeur très connu d'un certain New-York, mais fort peu en Europe. Quelques flutes et quelques cordes jouent une seule et même note, tenue le plus longuement possible puis reprise, mais en multipliant les micros-intervalles (de ce que je comprends, on leur demande de jouer subtilement faux ...). Le son obtenu, une note unique mais remplie de sous-couches harmoniques en constants renouvellements, est très fortement amplifié. Certains habitués des concerts classiques n’apprécient vraiment pas l'intensité du son, et ne considèrent pas cela comme de la musique. En est-ce, d'ailleurs ? Cela ressemble plus à une installation / performance, et pour les spectateurs à une expérience sonore. C'est comme regarder un instant de son au microscope, d'en scruter les variations comme d'une couleur huileuse. C'est intéressant, comme on dit, mais j'ai l'impression que cet artiste fait toujours un peu la même pièce, changeant juste d'instruments d'une fois sur l'autre, mais obtenant à peu près le même effet. Cela dit, on pourrait dire pareil des peintures de Rothko ...

Alex Minceck - Pendulum 7 (version 1)

C'est comme une suite d'épisodes de musique statique, mais où le statisme serait à chaque fois obtenu par une méthode différente. Tout l'ensemble peut être pris comme un gros appareil mécanique répétant une phrase cliquetante, ou on peut avoir une superposition de boucles plus classiques, etc. Ca m'a fait penser à plusieurs moments à "Vortex Temporum", ce qui n'est pas rien. D'ailleurs, c'est sans doute l'oeuvre de "jeune compositeur" qui m'a le plus plu de ces quelques dernières années. Il y a l'aspect bruitiste, mais allié à de l'étude rythmique et à une pensée compositionnelle entre évidence et mystère, qui donne fortement envie de réécouter et de découvrir d'autres pièces. Seule la fin de la pièce est moins captivante, trop longue à s'arrêter (une recontextualisation du problème de l'hydravion).

Aaron Einbond - Cabinet des Signes II

Une bande sonore diffuse des chants d'oiseaux, des bruits de rivière, plus tard des échos d'altercations (à moins que ceux-ci ne soient réels, quelques personnes dans la rue à coté de l'église mènent grand tapage). Les musiciens commencent par souffler dans des bouteilles de bière. Le point d'orgue de la pièce est un solo de saxophone, qui se souvient de Jazz Free, intense. Le déroulé laisse deviner un scénario, avec à la fin retour à la case départ, une sorte de voyage peut-être, de la campagne à la campagne en traversant une ville.

Morton Feldman / Samuel Beckett - Words and Music

"Words and Music" est une pièce radiophonique écrite par Beckett en 1961. Elle oppose deux personnages "Words" (joué par un comédien) et "Music" (joué par un petit ensemble instrumental) qui tentent vainement de répondre aux commandes d'un certain "Croak", qui leur demande de réagir aux mots "amour", "vieillesse" et "le visage". Déçu par les réponses trop automatiques ou tournant à vide, le despote disparait, et "Words" essaie peut-être de prendre sa place. En 1987, Morton Feldman compose la partie "Music" à partir des indications laissées par Beckett (du genre : "Humble muted adsum; Soft music worthy of foregoing; Irrepressible burst of spreading and subsiding music").
Le Balcon met en scène cette pièce radiophonique, dans un esprit minimaliste (le décor est fourni par l'église) et débrouillard (les acteurs lisent leur texte). C'est la création de la version française (je ne sais pas qui a traduit, et quand). L'alliage Beckett / Feldman fonctionne bien, mais je pourrais imaginer une musique plus ironique peut-être, par Kagel par exemple. Avec les moyens limités de cet ensemble, le résultat est très réussi, et on sent l'enthousiasme de la troupe à nous présenter cet opus un peu ovni.

words and music

Spotify: Phill Niblock – Young Person's Guide to Phill Niblock (YPGPN), Alex Mincek – Nucleus, Morton Feldman – Last Pieces

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