vendredi 13 juillet 2012

Yes is a pleasant country (L'Improviste - 1 Juillet 2012)

A l'heure théorique de début de concert, nous sommes deux dans la salle. Lorsqu'il débute une demi-heure plus tard, nous sommes une dizaine. A la fin, une grosse heure plus tard, nous sommes une cinquantaine. Je n'aime pas ces ambiances où les gens arrivent sans savoir ce qu'ils viennent voir, sont surtout là pour boire un verre en écoutant de la musique. C'est une forme de manque de respect pour les musiciens, et j'ai bien l'impression que cela influe aussi sur leur jeu, jouer devant une salle presque vide, puis se remplissant au petit bonheur la chance, ne doit pas aider à se concentrer pour sortir le meilleur d'eux-mêmes.
Toujours est-il que j'ai moins apprécié cette prestation que celle vue au Studio de l'Ermitage en Février dernier, où cela avait été un des meilleurs concerts de l'année. Plus que Jeanne Added, moins intense que d'habitude, et que Vincent Lê Quang, moins brûlant que la dernière fois, celui qui m'impressionne le plus ce soir est le pianiste Bruno Ruder, dans une veine proche d'improvisations en musique contemporaine, sombre et abstraite, assez violente, des éclats de silex qui provoquent des étincelles. Il me semble qu'il y a aussi plus de duos, dans les trois configurations possibles.
Quelques nouvelles compositions, mais qui restent dans le même creuset (un nouveau disque serait problématique, pour créer du pareil mais différent). Et à mon grand regret, pas de "I carry your heart". Décidément, une pointe de déception dans ce dernier concert de l'année.
yes is a pleasant country

samedi 7 juillet 2012

Carte Blanche à Anne Paceo (Péniche Anako - 27 Juin 2012)

C'est la dernière session d'Anne Paceo à la péniche Anako avant quelque temps, puisqu'après la pause estivale, elle est pratiquement interdite de concert avant celui donné en l'honneur de son nouveau disque en quintet le 26 octobre !
Ce soir, elle a réuni la trompettiste Airelle Besson, le guitariste Pierre Durand et le contrebassiste Bruno Schorp. La paire rythmique fonctionne très bien, dans un registre tempéré, avec quelques passages plus frénétiques, quelques solos de contrebasse, pas un seul véritable à la batterie, et donc un emplacement essentiellement au service des deux autres. J'ai bien aimé Airelle Besson, que je ne connaissais que dans le très calme et beau disque Filigrane, et qui habite un territoire beaucoup plus étendu (cf par exemple Rockingchair). Ses solos sont posés, assez courts, très maîtrisés, de la belle ouvrage. A la guitare, Pierre Durand, qui officiait également dans Rockingchair, prend plus son temps, parfois trop à mon goût, ce sont des voyages à la Pat Metheny, mais je me perds parfois en route.
L'ambiance est détendue et la musique globalement fort agréable, mais je n'est pas été plus enthousiasmé que ça, le mélange proposé ce soir ne dépasse pas vraiment la somme des talents individuels. Ca ne donne que plus de valeur aux soirs où ce petit miracle se produit !

Philharmonia / Salonen - Bartok (Théâtre des Champs-Elysées - 25 Juin 2012)

Ce concert est arrivé comme un cadeau imprévu, merci aux malheureux qui avaient acheté des places et n'ont pas pu en profiter, merci aux intermédiaires qui ont pensé à moi lors de la distribution des billets.

Bela Bartok - Le Prince des Bois

Quand commence la musique, une dame au rang supérieur glisse à son mari, en chuchotant très fort : "C'est la musique inspirée par Wagner, le début de l'or du Rhin !". De fait, elle n'a pas tort. Sous la baguette d'Esa-Pekka Salonen, la similitude est frappante. Et d'autres comparaisons s'imposent du coup par la suite, quand éclate un orage, ou quand s'amorce un grand voyage.
Les matières sont somptueuses, et le flux à la fois majestueux et limpide. Une interprétation très classe.

Bela Bartok - 3ème concerto pour piano

Je préfère nettement les deux premiers concerti, celui-ci est un peu trop américain, circonstances obligent. Je regarde passer les notes, et n'arrive pas vraiment à accrocher, ni à la musique, ni au jeu de Nikolaï Lugansky. Je lis que son interprétation était assez originale, voire "hors-sujet", soit.

Bela Bartok - Concerto pour orchestre

C'est bien sur l'occasion pour les musiciens de briller - et ils ne s'en privent pas ! Bien sur, les solistes successifs sont à l'honneur. Mais c'est peut-être les cordes de ce Philarmonia Orchestra qui m'ont le plus impressionné, par leur capacité à changer de couleur ou de sonorité en un instant, de l'obscur au lumineux, du soyeux au plus rêche, en fonction des épisodes d'une partition assez fragmentée mais que l'énergie du chef et des musiciens unit dans un élan très prenant. philarmonia / salonen / lugansky Ailleurs : Joël, Paris-Broadway, Corley, Zvezdo, etc.

dimanche 1 juillet 2012

Faustin Linyekula - Création du Monde (Théâtre de la Ville - 21 Juin 2012)

Ce spectacle est divisé en trois parties, de plus en plus courte : une heure de chorégraphie originale de Linyekula interprétée par la troupe du CCN Ballet de Lorraine, puis 20 minutes de reprise de la chorégraphie de 1923 de Jean Börlin, et enfin 10 minutes de monologue dansé par Linyekula.

C'est une immense troupe, plus de 30 personnes, tous jeunes, et tous à peu près blancs de peau, qui rapidement se retrouvent en justaucorps colorés ornés de motifs curvilignes noirs, assez jolis. La danse est ample, avec de beaux mouvements de bras, des poses, des défis, des affrontements, de nombreux moments qui opposent un individu à un groupe. Des critiques y ont vu naître des histoires d'amour, qui m'ont un peu échappé. La musique de Fabrizio Cassol est un formidable et splendide amalgame, depuis des rythmes africains jusqu'à des quatuors à cordes très classiques, contraposées et non juxtaposés, qui tout du long me semble fascinant. C'est peut-être un peu long, surtout quand je ne vois pas des lignes directrices claires, mais sans ennui pour autant.
Pendant ce temps, Djodjo Kazadi, en tenue de ville, s'affaire sur les bords du plateau à ranger et mettre en place le décor de la seconde partie.

En 1923 a été créé au Théâtre des Champs-Elysées le "premier ballet d'inspiration nègre", avec musique de Milhaud, "La Création du Monde", livret de Blaise Cendras (dont je n'ai rien compris), décor et costumes de Fernand Léger (décor OK, mais costumes trop contraignants), chorégraphie de de Jean Börlin (qui m'a plus semblé être un défilé des costumes de Léger dans les mouvements qu'ils permettaient), pour les Ballets Suédois, qui rivalisaient d'audace avec les Ballets Russes.
Je n'ai pas du tout été emporté. La musique est bien sur fort plaisante, mais les corps sont invisibles, et l'histoire incompréhensible.

C'est contre ce masquage des corps et des individualités, et cet effacement de la colonisation dans une histoire africaine inventée par des européens, que Faustin Linyekula s'insurge dans une courte troisième partie, où Djodjo Kazadi qui se fait son porte-parole crie un texte rageur et interrogatif sur la négritude, et la soumission des danseurs, et les images d'Epinal de l'Afrique vue par les blancs, etc.
Texte un brin confus, parce que ces questions n'ont pas de réponses, qu'il lance au public avec beaucoup de force, tout en tremblements hystériques et en occupant la scène avec une formidable présence.
faustin linyekula et le ccn ballet de lorraine Ailleurs: Chaudon, Guedouar, Bretault ...