samedi 29 septembre 2012

Quatuor Keller - Kurtag Bach (Cité de la Musique - 21 Septembre 2012)

C'est un programme habituel du quatuor Keller, me dit Musica Sola, que de mélanger ainsi des oeuvres de Bach et de György Kurtag. Le concert se déroule en deux parties, la première plutôt orientée Bach, la seconde plutôt Kurtag. Dans les deux cas, il n'y a pas d'applaudissements entre les morceaux, ils ne retentissent qu'à la fin.
Ce qui me sidère le plus, c'est la différence de son que le quatuor adopte entre les deux compositeurs. Pour l'Art de la Fugue (8 contrepoints, à quatre voix, et 3 canons pour violon et violoncelle) du Cantor, les sonorités des instruments sont très différenciées, le second violon prenant par exemple un aspect un peu aigre qui ne plait guère en tant que tel ; mais cela permet une lisibilité parfaite de chaque voix à l'intérieur des contrepoints. La musique reste bien abstraite, mais jamais lourde, sauf pour l'inachevé dernier contrepoint, trop cérémoniel.
A Kurtag, je m"habitue peu à peu, après le concert du trio Ingres, je retrouve les mêmes caractéristiques ici : morceaux courts, donc concentrés, bâtis sur une idée souvent minimale mais qu'il exploite avec un grand sens de l'intensité. Les "Microludes", au milieu des contrepoints de la première partie, sont un excellent cycle. Et là, le son du quatuor Keller change radicalement, devenant beaucoup plus unifié, et prêt du coup à toutes les subtilités de jeu requises.
Dans la seconde partie, je loupe "Officium Breve" parce que j'ignorais qu'il s'agissait là aussi d'un cycle important, et n'étais plus assez concentré pour l'apprécier.
Dans le titre du dernier morceau proposé, "Ligatura - The Answered Unanswered Question", on perçoit l'aspect humoristique que peut prendre la musique de Kurtag, mais que le quatuor Keller n'a guère mis en avant, tout centrés qu'ils sont sur leur musique et pas vraiment communicatifs avec le public ...

quatuor keller

Ailleurs : Carnets sur sol

lundi 24 septembre 2012

Thierry Thieû Niang - ... du printemps ! (Théâtre de la Ville - 19 Septembre 2012)

Cela commence par Patrice Chéreau récitant des extraits des Carnets de Nijinski, journal intime où le danseur chorégraphe apparaît assez dérangé mentalement, un peu parano, et plutôt miséreux. Pénombre aidant, je somnole, ce texte ne me passionnant pas vraiment (contrairement à celui de Tatsumi Hijikata récité par Jeanne Balibar, qui reste un extraordinaire souvenir). Puis des personnes, jusque-là assises tout autour de la scène, viennent entourer le récitant, qui finit par disparaître. Retentissent alors dans les hauts-parleurs les premières notes du Sacre du Printemps, et la scène s'éclaire, un peu.
Ce sont des seniors, et danseurs amateurs, réunis par Thierry Thieû Niang et Jean-Pierre Moulères, pour travailler autour d'improvisations sur le Sacre. Le déclic s'est fait quand un des danseurs s'est mis à courir en rond, dans un rythme de marathonien, suivi peu à peu par ses collègues. Du coup, voilà ce qu'est ce spectacle : lui court continûment, les autres s'y mettent peu à peu, comme une matière mise lentement en mouvement, puis peu à peu abandonnent, happés par la fatigue. Quelques gestes, comme étirer les bras, viennent perturber modérément cette mécanique générale.
Le résultat ne m'a vraiment pas passionné. Je ne sais même pas quel est le message : une célébration de la vie, qui circule malgré l'âge et les marques que le temps trace sur les corps ? Mais la phase déclinante me faisait plus penser à "On achève bien les chevaux". C'est le marathonien qui gagne. Entre temps, nulle magie particulière, pas vraiment d'émotions ressenties, j'ai en fait continué de somnoler. En plus, la musique (version Boulez Cleveland 1969) était perturbée par le rythme inébranlable du coureur, et le système de sonorisation réussissait à l'affadir tant qu'elle ne parvint pas à me tenir en éveil.
Je ne comprends pas pourquoi ou à qui certains hurlaient des "Bravo" à la fin, et d'où venaient les 15 minutes de standing ovation indiquées dans le livret lors de la création.

jeudi 20 septembre 2012

Sébastien Ramirez / Honji Wang - Monchichi (Théâtre de la Ville - 14 Septembre 2012)

Sébastien Ramirez est issu de la culture hip-hop mais s'en échappe pour former son propre langage ; Honji Wang sort d'une formation de ballet académique pour s'initier aux techniques de bgirling, de la newstyle et de la house dance. Ensemble ils développent du Tanztheater urbain. Voilà ce que nous explique le livret.
De fait, on sent ces influences dans les tournoiements au sol, dans les rythmiques, dans les postures. Ils échappent à la standardisation en y mêlant des ingrédients très divers venus de leur parcours et de leurs cultures, et en y mettant de la danse de couple, ce qu'ils sont à la scène comme à la ville.
Cela donne de très beaux passages où dans leurs frénétiques contorsions jamais le contact du bout de leurs doigts ne se rompt, ou lorsque le corps de l'un se glisse entre les pas de l'autre qui l'enjambe.
Il y a aussi des séquences parlées, où ils se présentent, lui Français d'origine espagnole, elle Coréenne émigrée en Allemagne ("Monchichi" est son surnom), et la description de la rencontre très tour de Babel de leurs deux familles est hilarante.
Il y a de l'humour, de la générosité, plus de légèreté que de gravité, c'est fort sympathique, mais ça s'oublie assez vite.
monchichi

Voici une bande-annonce de ce spectacle, qu'ils ont pu monter parce qu'ils étaient connus dans le milieu de la danse grâce à ce clip Amor et Psyche.

lundi 17 septembre 2012

Algérie - France : Symphonie pour 2012 (Cité de la Musique - 11 Septembre 2012)

Camille Saint-Saëns - Suite algérienne op. 60

Pour ce long concert qui sera en grosso modo trois parties, on commence par une arrivée, celle d'un navire à Alger. Mais dans cette suite, c'est le deuxième mouvement que je vais préférer, une "rhapsodie mauresque" haute en couleurs et en rythmes. Le public n'est visiblement pas celui habituel de la musique classique : il applaudit systématiquement entre les morceaux, et même parfois au milieu d'un mouvement si une pause devient un peu longue. Et l'Orchestre Symphonique Divertimento, augmenté de solistes de l'Orchestre Symphonique National d'Algérie, le tout dirigé par Zahia Ziouani, n'est pas forcément non plus habitué à jouer dans un tel lieu : il y rayonne de plaisir ! Sourires des musiciens, complicité avec la chef d'orchestre, y a de la joie qui circule !

Louis Aubert - L'Adieu, Poème arabe pour chant et orchestre

Entre Amel Brahim-Djelloul, dans une superbe robe. Mais sa voix ne me plait guère, elle me semble forcée, et sans volume. Le charme ravélien de cette courte pièce en est bien amoindri.

Camille Saint-Saëns - Capriccio andalous op. 122 pour violon et orchestre

On reste dans l'exotisme, mais c'est plus un détour par l'Espagne, pour ce morceau de bravoure tranquille, comme il en existe tant.  Jean-Marc Phillips-Varjabédian n'en fait pas des tonnes, c'est bien. Mais pas de quoi se relever la nuit.

Camille Saint-Saëns - Bacchanale

Cet extrait de l'opéra "Samson et Dalila" ne me laisse aucun souvenir précis. A le réécouter sur Arte Live Web, j'en apprécie les mélodies faciles et les atmosphères orientalisantes et pleines de jolies tensions, mais le tout reste trop conventionnel à mon goût, c'est de l'exotisme de pacotille. Il était temps que vienne la pause.

Musique classique algérienne : Inqilab, Idir, Bakhta

Ah, là, ça change ! S'installent devant l'orchestre la soprano Amel Brahim-Djelloul, Rachid Brahim-Djelloul à l'alto traditionnel (et au chant), et les autres membres de l'ensemble Amedyez (percussions, cordes). Et dès l'introduction à la harpe, qui soutient et orne la voix de Amel Brahim-Djelloul, c'est superbe, proche du sublime en maints moments. Sa voix, qui ne convenait guère pour le poème d'Aubert, ici se révèle dans sa beauté envoûtante, pleine de la souplesse requise par les mélismes orientaux. Elle chante dans son arbre généalogique, et c'est magique.
Quand s'ajoutent les solistes, pour de longues improvisations introductives, j'ai des impressions de Dead Can Dance qui me viennent (voilà ce que devrait faire Lisa Gerrard pour progresser : prendre des leçons de chant arabe, et se lancer dans des textes). Si tout le concert avait été de cette teneur et à cette hauteur, ç'aurait été d'emblée un des plus beaux de l'année.
amel brahim-djelloul

Francisco Salvator-Daniel - Mélodie mauresque de Tunis

On retourne au français, mais les arrangements de Rachid Brahim-Djelloul, qui s'offre une partie chantée, sont suffisamment remplis de solos, et se rapprochent suffisamment de l'esprit des pièces précédentes, pour que la magie se prolonge, quoiqu'un peu diminuée.

Olivier Penard - Prélude au Livre des haltes

Par contre, là ... Le compositeur évoque dans le livret Szymanowski et Steve Reich. J'entends plutôt comme un compositeur de musique de film qui s'offre un orchestre symphonique, gonflant avec force amphétamines une partition pauvre en idées, le tout devenant rapidement boursouflé et bruyant, sans aucune invention de langage, qui reste tonal, ni en rythme, qui se contente de marteler, ni en couleurs orchestrales, que la puissance n’empêche pas d'être tristement conventionnelles.

Salim Dada - Tableaux d'une vie arabe

C'est pas mieux. Un peu moins bruyant. Mais plus long. Et je ne sens aucune réflexion sur le langage musical utilisé. Comme si le compositeur utilisait de la musique tonale, non pas parce que c'est ce qui convient le mieux à son projet, mais parce qu'il n'a même pas conscience qu'il pourrait utiliser autre-chose. Mais comment faire passer "une appréhension envers les changements affectant le monde arabe actuel" quand le plus actuel que puisse évoquer sa musique est le Bernstein de "West Side Story" ? C'est navrant.
En bis, une autre de ses pièces ne m'inspire pas plus.

Ailleurs: Le concert est disponible pour quelques mois sur Arte Live Web.

jeudi 13 septembre 2012

Manoury Harvey Schoenberg (Salle Pleyel - 9 Septembre 2012)

Philippe Manoury - Sound and Fury

Cette partition, que le compositeur décrit longuement sur son site, a été écrite pour les 75 ans de Pierre Boulez, qui aurait du la diriger ce soir, mais n'a pas pu suite à une inflammation oculaire, laissant la place à son assistant Clement Power, qui adopte le même type de gestuelle, quoique plus dynamique, privilège de l'age ... S'il y a un hommage de Manoury à Boulez dans cette musique, c'est peut-être dans l'opposition entre des passages en temps lisse, où j'entends des couches sonores lentement dériver les unes sur les autres dans une évocation mi-liquide mi-spatiale, et des passages en temps strié, beaucoup plus percussifs (abondance d'enclumes, entre autres). Une puissante énergie se dégage, potentielle ici dans les cuivres et les contrebasses, cinétique là, dans l'entremêlement des rythmes et des couleurs acides. 
Dans les musiques sans électronique de Manoury, c'est une des pièces les plus réussies (par la suite, elles seront souvent trop agressives à mon goût), avec de belles mélodies en surface et des alliages orchestraux dotés d'une grande profondeur. Etrange et dommage qu'elle n'ait pas encore été enregistrée sur disque ! (en fait, si, elle est disponible sur disque dans la série "Densité 21" ; du coup, zou, commandée).
lucerne festival academy orchestra / clement power

Jonathan Harvey - Speakings

Cette pièce est par contre disponible chez Aeon, donc je la connais (puisque je collectionne leur série blanche). Pendant l'habituel interminable changement de plateau (pour Manoury, l'Orchestre de l'Académie du Festival de Lucerne était disposé en blocs assemblés en miroir), Jean-Pierre Derrien et Arshia Cont viennent parler de l'aspect électronique de l'oeuvre. C'est une fort bonne idée pour remplir ce temps mort, même si je n'ai pas écouté grand-chose à leurs explications.
En fait, le programme est simple : faire parler les instruments, les faire adopter des sonorités et des phrasés qui imitent le langage humain. Une sorte de "Sprechgesang" instrumental ! Le premier mouvement est une sorte de mise en bouche, avec des gazouillis de bébé, et le troisième se concentre sur une mélodie comme d'un rituel apaisant. L'essentiel est donc dans le mouvement central et le plus long, où de nombreuses émotions sont évoquées et retranscrites, provoquant nombre de solos et duos, et le tout enrobé dans de l'électronique qui lisse un peu les transitions.
C'est intéressant, bien réalisé, mais pas vraiment prenant, peut-être parce que le projet de départ est lui-même d'une ambition assez limitée.

Arnold Schoenberg - Erwartung

Je pense que la dernière fois que j'ai entendu cette oeuvre en concert, c'était dirigé par Pierre Boulez, couplé avec le Pierrot Lunaire, et le tout avec une mise en scène ; grande soirée !
Ce soir, pas de mise en scène, mais une mise en place musicale impeccable, une grande chanteuse Deborah Polaski, et c'est parti pour cette exploration lugubre d'une scène de crime, où l'oreille n'arrête pas de découvrir de nouveaux détails, un ostinato aux harpes, un silence soudain de plusieurs secondes, des rythmes qui changent continuellement, il n'y a rien de stable dans cet univers-là, ni dans la musique où aucun thème n'unit les poussées fiévreuses, ni dans les paroles où le corps apparaît et disparaît, où l'amour, la haine, la jalousie se disputent, et c'est la première fois qu'il me semble presque évident que ce soit elle, la narratrice, qui aurait tué son amant infidèle.

Ailleurs : Benjamin Duvshani, guillaume ...

dimanche 2 septembre 2012

Planning Septembre - Octobre 2012

Contrairement à la tradition, je ne commence pas l'année avec "Jazz à la Villette", leur programme cette année n'a pas suscité assez d'envie pour que je m'y abonne. Du coup, ce sera à Pleyel qui j'inaugurerai la saison ...

Et le Jazz continue, avec par exemple :