dimanche 23 décembre 2012

John Cage, Olivia Grandville - Cinq Ryoanji (Cité de la Musique - 14 Décembre 2012)

Le Ryoanji est un jardin de pierres construit au XVème siècle à Kyoto. Il est dit qu'aucune perspective ne permet de voir l'intégralité des 15 pierres du jardin d'un coup, une étant masquée par d'autres quelque ce soit le point de vue. Ce jardin a suffisamment fasciné John Cage pour qu'il compose plusieurs oeuvres à partir de dessins de ces pierres. Cela de manière paradoxalement littérale : les lignes de la partition, fort peu conventionnelle, épousent les lignes du dessin des pierres semées dans le jardin.

john cage - cinq ryoanji

Et ça donne quoi ? Beaucoup de glissandi, quelque-chose de flottant, d'éthéré, qui invite à lâcher prise. Pour ces "Cinq Ryoanji", il y a 5 instruments : flûte, trombone, contrebasse, hautbois, voix. Pour rendre les choses encore plus confuses, les musiciens de l'ensemble ]h[iatus sont diffusés sur haut-parleurs, pour démultiplier les lignes et créer des échos distanciés. Et pour au contraire garder une attache, il y a un percussionniste, Lê Quan Ninh, qui répète imperturbablement la même boucle lente de coups réguliers, donnés avec 5 baguettes, chacune frappant une matière différente. Le tout est plein de résonances mystiques et philosophiques sur le zen, le temps, l'espace, et certainement aussi le chiffre 5.

john cage - cinq ryoanji


Il y a aussi de la mise en scène : tout se joue au centre de la grande salle de la Cité, les spectateurs s'installant sur les grands cotés et leurs gradins. Ce qui accentue l'aspect "rituel", presque de cérémonie religieuse. Après un peu de musique seule, cinq danseurs et danseuses de la troupe "La Spirale de Caroline" surgissent des rangs des spectateurs et courent trépigner dans la piscine dallée de plaques de métal miroirs du centre. Mais la chorégraphie d'Olivia Grandville privilégiera les soli, et les figures de groupe restent le plus souvent inabouties, des tentatives de constructions communes qui se figent ou se dispersent avant leur accomplissement. Il y a quelque-chose de velléitaire, mais volontairement : ne rien imposer, proposer seulement des mouvements, des pulsions, des ébauches, laisser le tout planer, se concrétiser ou pas, rencontrer parfois la musique, s'arrêter, reprendre ou passer le relais à un autre ...

La percussion qui dessine le temps comme des gouttes d'eau, la musique et les corps qui glissent, la notion de durée qui s'efface, on est bien, légèrement assoupi peut-être, dans un état mental particulier que j'imagine proche de certaines formes de médiation.

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