lundi 31 mars 2014

Le Faiseur (Théâtre des Abbesses - 25 Mars 2014)

A coté de ses romans, Balzac a écrit quelques pièces de théâtre, "Le faiseur" en étant la plus célèbre. Cela raconte quelques jours dans la vie de Mercadet, un faiseur, c'est-à dire quelqu'un qui fait des affaires, ou dirait aujourd'hui un affairiste. Criblé de dettes, menacé de ruine, il menace, séduit, ment, complote, subjugue, invente mille ruses et astuces pour ne pas payer et se refaire une santé financière, quitte à y sacrifier sa fille, pour la marier à quelque riche héritier qui se révèle n'être qu'un autre faiseur. Tout rentre dans l'ordre à la fin grâce à un deus ex machina particulièrement improbable et ironique.

La mise en scène d'Emmanuel Demarcy-Mota utilise un décor très mouvant, où le plancher bascule en pente d'un coté ou de l'autre, créant une réalité fluctuante, soumise au jeu des montées et des baisses de la bourse, où tous tombent, à part Mercadet, qui s'y promène dans son élément. C'est spectaculaire, parfois trop, à la limite du gag, mais ça marche, avec un aspect boulevard et portes qui claquent, qui se prête bien à la farce qu'est cette histoire d'amour contrariée entre Julie et Adolphe.
Mais la plus grande force de ce spectacle, ce sont les comédiens, qui se lancent avec un évident bonheur dans ce texte aux échos fort modernes, où il est question de dette personnelle ou souveraine, de créances, de confiance, de manipulations et de scandales financiers : Serge Maggiani en tête, fascinant Mercadet, inquiétant et pathétique, dangereux et ridicule, sournois et fragile, son rêve semble une quête métaphysique : créer de la richesse à partir du vide, et pour cela vivre dans un déséquilibre constant, une fuite offensive qui ne laisse pas de prises à ses nombreux adversaires. Je retiendrai aussi le jeune couple, Sandra Faure en Julie, qui réussit brillamment à ne pas être nunuche dans un rôle d'innocente un peu chargée, et Jauris Casanova en Adolphe Minard, zozotant jeune premier dans la grande tradition (il finira "Adolphe Godeau", un nom devenu depuis extraordinaire pour un personnage !). Mais tous les comédiens sont excellents, qui font théâtre de toutes les situations.
Le point le plus contestable est l'utilisation de chansons entonnées en choeur, de "Money" à "The Man who sold the World", ça n'apporte pas grand-chose, et ce ne sont pas des reprises de belle qualité.




Aucun commentaire: