lundi 28 avril 2014

Petite Moutarde (Ateler du Plateau - 18 Avril 2014)

Pour son quartet "Petite Moutarde", le violoniste et altiste Théo Ceccaldi a choisi de s'entourer d'Alexandra Grimal aux saxophones (avec qui il joue également dans la dernière mouture de l'Orchestre National de Jazz), d'Ivan Gélugne à la contrebasse, et de Florian Satche à la batterie.
A sa demande, l'Atelier du Plateau lui a passé commande et proposé un thème : Paris au cinéma. Cela a généré une mise en scène, qui fonctionne parfaitement, même si elle a été montée très rapidement : des courts-métrages en noir et blanc, d'essence plutôt surréaliste, sont projetés sur le mur, ou sur un gros ballon que le batteur finira par crever d'un violent coup de baguette. Il me semble avoir déjà vu au moins un de ces films, sans doute à Beaubourg : une procession funèbre accélère peu à peu et finit en course-poursuite à travers champs.
Quant à la musique, elle n'est pas simple à définir. Que j'ai laissé passer 10 jours n'aide pas, mais le soir même, j'avais du mal à la catégoriser. Elle est surtout très diverse, entre des moments Free où chacun fait du bruit dans son coin, et d'autres beaucoup plus intimistes. Le découpage même entre les morceaux n'est pas évident, le public hésitant plusieurs fois entre applaudir ou pas quand se présente un silence.
Alexandra Grimal a ajouté un saxophone, deuxième soprano ou sopranino ?, à sa panoplie. Mais la découverte de la soirée est Théo Ceccaldi lui-même, très impliqué dans ses interventions souvent fougueuses, qui joue parfois de ses cordes comme d'un banjo, une personnalité musicale à découvrir.

"petite moutarde" à l'atelier du plateau "petite moutarde" à l'atelier du plateau

Edit. La fiche de présentation de la soirée indique quel est le film projeté : il s'agit de "Entr'acte" de René Clair. Mais s'il y a une filiation entre Erik Satie et la musique jouée ce soir, elle n'est pas évidente !

dimanche 27 avril 2014

Amsterdam Baroque Orchestra - Passion selon Saint Matthieu (Salle Pleyel - 15 Avril 2014)

Après la déception de la Johannes Passion par le Bach Collegium Japan, cette Matthaus Passion menée par Ton Koopman me plait infiniment plus, parce qu'elle est à hauteur d'homme, et pleine de vie. Les moments qui me saisissent le plus ne sont pas les plus dramatiques (le "Ach Golgotha" par exemple) mais au contraire des moments de joie, des mélodies simples qui touchent en plein coeur, comme "Buss und Reu" ou "Ich will dir mein Herze schenken". L'Amsterdam Baroque Orchestra offre une belle souplesse, et les vents ont des couleurs toutes scintillantes et aimables. Le Choir est accompagné pour la première partie seulement du Jeune Choeur de Dordogne, sans que je perçoive vraiment son intérêt. Une leçon de cette Passion est que la polyphonie vocale virtuose, c'est le Mal : spectaculaires moments de chaos réglé au cordeau lorsque les prêtres se moquent de Jésus, ou quand la foule réclame la libération de Barrabas. Parmi les solistes, j'ai le plus aimé les voix aiguës : la soprano très solide Hana Blazikova, et l'alto Maarten Engeltjes, parfois à la limite d'être emporté par son émotion. Si les autres voix en font parfois trop ou ont de légers défauts, ce n'est pas bien grave : la musique de Bach est magnifiquement présente, infiniment consolatrice et réconfortante, source inextinguible et désaltérante, affirmation de vie même au moment du pire.



Spotify : Ton Koopman – Bach: Matthäus Passion - BWV 244Hana Blazikova – German Baroque Cantatas

mardi 22 avril 2014

Turbulences - Air Libre (Cité de la Musique - 12 Avril 2014)

Des trois concerts marathons "Grand Soir" proposés cette année par la Cité et l'EIC, c'est celui qui m'a le plus plu, dans son organisation : la deuxième partie obligeant à se déplacer, et la troisième partie se résumant à une seule oeuvre d'accès plus aisé, permettaient le mieux de ne pas craindre les effets de la fatigue.

Merci à Bruno Mantovani d'avoir ainsi évité l'effet d'overdose qui m'avait atteint lors des deux premières éditions.

On commence dans la grande salle.

Brian Ferneyhough - Cassandra's Dream Song

A mesure que le temps passe, le caractère virtuose hallucinant de la partition s'efface un peu au profit de l'aspect onirique, et presque de douceur dans la flûte d'Emmanuelle Ophèle. Splendide.

Raphaël Cendo - Badlands

Pièce pour percussionniste seul. Le livret indique que les instruments ont été largement préparés : feuilles d'aluminium, lamelles d'argent. A l'audition, ça ne s'entend guère, sans doute parce que le son de base de toutes ces percussions n'est pas suffisamment inscrit dans mon oreille pour que je sente la modification. C'est une pièce pour percussion comme il en existe tant d'autres, pas désagréable.

Johannes Boris Borowski - Concerto pour basson et ensemble

J'ai le souvenir, mais guère plus, d'avoir suivi avec plaisir cette pièce, pas particulièrement novatrice, mais intéressante, comme on dit ...


La deuxième partie du concert se déroule entre l'amphithéâtre et différents coins du musée de la musique ; il faut faire des choix, impossible d'assister à tout. Je choisis de rester dans le musée.

Isang Yun - Inventionen / Franco Donatoni - Luci II

"Inventionen" est pour 2 hautbois, "Luci II" est pour basson et cor. Les deux sont en plusieurs parties. Les solistes de l'EIC alternent du coup entre les deux. C'est toute une série de formes de duos qui est ainsi présentée, de lignes parallèles en échos, de tuilages en questions-réponses. Ca reste léger, très joli, et assez savoureux dans ce cadre très proche des musiciens.

Bruno Mantovani - Métal

Cette oeuvre, déjà entendue par ses commanditaires Meyer et Portal, ressort mieux ce soir. J'en apprécie surtout les mouvements rapides, où la rythmique est superbement vive et swinguante. Réjouissant.

Dai Fujikura - Calling

Ce compositeur était dans ma liste des "à suivre", là j'ai été très déçu. Ce solo pour basson utilise des modes de jeux qui ne me captivent absolument pas, et me semble du coup d'un ennui interminable et par moments pénible.

Thierry de Mey - Musiques de table

C'est une pièce assez courte, mais spectaculaire, qui relève autant de la musique que de la chorégraphie : trois percussionnistes sont assis devant une planche de bois qu'ils frappent, frottent, tapotent des doigts, du dos ou du plat de la main, dans des séries de gestes synchrones ou décalés. Le résultat est aussi minimal et varié qu'une pièce de Keersmaeker, avec l'humour presque absurde qu'il faut : cérémonial du tournage des pages, intensité exagérée de la concentration. A noter l'apparition en percussionniste de Grégoire Simon, habituellement altiste ... Curieusement, ils enchaînent sans laisser applaudir sur :

Bruno Mantovani - D'une seule voix

C'est un duo violon-violoncelle traité comme un instrument unique. L'écriture y est par moments presque "classique" (en hommage à ?), moins précipitée et rythmique que souvent chez Mantovani. Intéressant ...


On retourne dans la grande salle pour la troisième partie.

Steve Reich - Musique pour 18 musiciens

C'est une belle manière de clore la soirée : une musique pas trop exigeante, mais confortable et rassérénante. Ce sont (comme toujours ?) les Synergy Vocal qui tiennent les chants ; ils sont toujours aussi précis et parfaits dans l'utilisation des micros, même 'il faut un petit temps pour qu'à la table de mixage ils fondent correctement les voix dans le reste de la texture sonore. Il n'y a pas de chef, ce sont les percussionnistes qui à tour de rôle indiquent les changements de séquence, et se déplacent pour se faire en position centrale. Ces va-et-vient rajoutent une dimension de mise en scène propice à plus de concentration, et c'est bien. L'arrivée des maracas produit toujours son effet euphorisant, et dans l'ensemble, cela permet de sortir sur un petit nuage de jubilation tranquille.

Ailleurs: ResMusica

samedi 19 avril 2014

Turbulences - Air libre (Cité de la Musique - 11 Avril 2014)

Avant de prendre sa place de chef d'orchestre devant l'EIC, Bruno Mantovani place la soirée, dont il a conçu le déroulé, sous le triple signe de l'opposition soliste / ensemble, de la clarinette, et de Pierre Boulez.

Igor Stravinski - Trois pièces, pour clarinette

En apéritif, ces quelques minutes de clarinette, où j'apprécie particulièrement la fraîcheur vivifiante de la 2.

Bruno Mantovani - Concerto de chambre n°2

La durée de 17 minutes est dans le standard des pièces contemporaines, et l'effectif de 6 musiciens est également habituel. Mais l'art de Mantovani pour les alliages inédits, pour les contrastes instantanés, pour les ruptures finement négociées, donne beaucoup de charme à ce morceau, que j'aimerai bien réentendre.

Pierre Boulez - Anthèmes 1, pour violon

Ca reste un morceau de concours. Je préfère la version 2, avec électronique.

György Ligeti - Concerto de chambre

Je ne sais pas pourquoi ce morceau ne me touche pas plus que ça : on y retrouve pourtant bien des caractéristiques ligetiennes, du statisme semi-liquide aux horlogeries démoniaques. Mais quelque-chose me manque. Peut-être ce concerto reste-t-il trop abstrait et conceptuel.

Pierre Boulez - Dialogue de l'ombre double

Depuis quelques années, c'est Jérôme Comte qui s'est emparé de ce classique. Son interprétation ce soir m'émeut particulièrement. J'ai l'impression qu'elle est plus rapide, peut-être plus fragile, et du coup plus intense et captivante, un parcours entre joies et détresse. Grand effort de mise en scène, les 6 pupitres successifs sont dans les gradins de l'étage, et cette fois ça fonctionne parfaitement.

Bruno Mantovani - Concerto de chambre n°1

Je n'ai pas vraiment plus aimé que la première fois. Ce sont les tutti des 17 musiciens qui me déplaisent le plus ; un peu gavé de clarinette, du coup c'est le solo de violoncelle qui me plait le plus.

dimanche 13 avril 2014

Lemi Ponifasio - The Crimson House (Théâtre de la Ville - 4 Avril 2014)

Pour ce troisième spectacle vu de ce chorégraphe, il y a certains éléments que j'ai plaisir à retrouver, même si cela devient une sorte de radotage, comme ces sortes de moinillons aux gestes d'arts martiaux et à la démarche glissante : ils sont toujours aussi stupéfiants, mais c'est littéralement du déjà-vu.
Une autre caractéristique, c'est la beauté de la mise en scène, pleine d'obscurité, découpée par quelques lumières vives, de néons verticaux, ou plus diffuses, comme celles des écrans vidéos. La majeure partie de la scène est indiscernable, et les corps flottent dans un espace à la profondeur de champ très étudiée.
Malheureusement, à l'obscurité de la scène s'ajoute celle du propos. Il y a un sentiment d'oppression, de tension, des corps aux visages indéfinis, comme robotisés ou rendus androïdes, qui prennent de longues poses quasiment immobiles. C'est magnifique et glaçant, mais aussi très statique, à la limite du mort, et comme le sens de tout cela est peu clair, l'émotion a du mal à se concrétiser.
Elle le fera dans la dernière scène, où un homme, enfin au naturel, agonise allongé sur le sol dans son sang qui lentement s'étend.


mardi 8 avril 2014

Dal Sasso Belmondo Big Band - A Love Supreme Revisited (Cité de la Musique - 28 Mars 2014)

Célébrer le "Love Supreme" de John Coltrane à l'occasion de ses 50 ans, bonne idée, a priori, mais comment faire pour en régénérer l'énergie fiévreuse et la ferveur mystique ? Le Big Band réuni ce soir n'aura pas la réponse à cette question, malheureusement. Les couleurs de l'orchestre, 15 personnes où brillent nombre de gens connus et reconnus, me semblent trop plates, banales, sans surprises. Les solos s'y plaquent, souvent trop longs. Les thèmes coltraniens ("A Love Supreme" ne viendra qu'en deuxième partie mais sera traité de la même manière) n'en sortent pas ragaillardis mais au contraire comme édulcorés, sans audace particulière. La présentation des morceaux et des musiciens par Christophe Dal Sasso est assez fastidieuse. Il n'y aura guère que le solo de tuba de Bastien Stil qui me sort un peu de ma torpeur, parce que l'instrument est inhabituel. Bref, pas grand-chose à sauver. En fin de concert, Lionel Belmondo concède que le concert était assez "guindé". Le premier bis, "One Down, One Up", lâche un peu plus les brides, mais sans m'intéresser assez pour que je reste. J'espère que lors des concerts suivants, ils sauront mieux faire monter la sauce.

Spotify: Dal Sasso/Belmondo Big Band – John Coltrane: A Love Supreme