mardi 28 octobre 2014

Ensemble Pygmalion - Saint Michel et le Dragon (Cité de la Musique - 12 Octobre 2014)

Johann Christoph Bach - Cantate "Es erhub sich ein Streit"

Cette courte cantate du cousin germain du père de Johann Sebastian offre de formidables moments de puissance aux trompettes, qui resplendissent en éclats victorieux. Il y a quelque-chose d'un peu brut, une absence de peaufinage, des coupures parfois abruptes dans la conduite du choeur (divisé en 22 voix !) pour cette évocation du combat de Saint-Michel et du Dragon, mais cela n'est pas du tout désagréable, bien au contraire. Une fort sympathique découverte.

Johann Sebastian Bach - Cantate BWV 19 "Es erhub sich ein Streit"

Pour le même combat, le Cantor ouvre sa cantate par un superbe choral, soutenu par un orchestre foisonnant. L'Ensemble Pygmalion s'y révèle d'une grande fraîcheur, tous les pupitres pétillants et entraînants. Comme les voix solistes sont moins exceptionnelles, à l'exception de l'alto Damien Guillon mais qui ne chante pas dans cet opus, le reste de la cantate est plus plan-plan.

Carl Philipp Emmanuel Bach - Heilig Wq 217

Pour moi, ce fut le sommet de ce concert. Si l'Ariette est toute jolie et charmante dans ses mélodies naturelles, mais animées de rythmes cascadants surprenants, c'est l'irruption du choeur des anges, que Raphaël Pichon avait placé dans la galerie supérieure, qui crée de sidérants effets d'éternité blanche. Les oppositions et les ruptures se succèdent ensuite, entre sarabande vertigineuse et statismes éthérés, qui me laissent pantois et admiratif. Découverte d'un chef d'oeuvre qui éclaire un long chemin vers le futur, du romantisme à Charles Ives.

ensemble pygmalion

Johann Sebastian Bach - Cantates BWV 130 "Herr Gott, dich loben alle wir", BWV 149 "Man singet mit Freuden vom Sieg", BWV 50 "Nun ist das Heil und die Kraft"

Aucune de ces cantates ne figure dans ma liste des préférées, cela n'empêche pas de les écouter avec grand plaisir, il y a toujours des séquences formidables, ici un dialogue entre le choeur et l'orchestre, qui rivalisent de brillance inventive et de plasticité colorée, là un obbligato de flûte imposant, ailleurs le surprenant mélange des couleurs d'un clavecin et d'un hautbois accompagnant un duo vocal, etc.

Ailleurs : Le concert est disponible quelque temps encore sur France Musique.

SpotifyJohann Sebastian Bach – Bach, J.S.: Cantatas, Vol. 7 - Bwv 17, 19, 25, 50, 78, 130, 149 ; RIAS Kammerchor – C.P.E. Bach: Magnificat, Wq. 215


lundi 13 octobre 2014

Karine Saporta - Tam Taï (Cité de la Musique - 4 Octobre 2014)

Ça commence par de la percussion asiatique, façon Kodo (c'est le Ten Drum Art Percussion Group qui officie), et par un danseur à genoux qui ondule lentement des bras. Bon début, mais qui ne découlera pas sur grand-chose. Si la musique est parfaitement exécutée, elle n'en devient pas moins au bout d'un moment répétitive dans ses effets, malgré l'ajout ça et là d'instruments non percussifs bienvenus.
Quant à la danse ... Mélanger du hip-hop et des traditions martiales à du contemporain, je n'ai pas l'impression que ce soit bien original. Et lorsque la troupe fait montre d'un niveau technique moyen, avec des absences de synchronisation fort gênantes lorsque le rythme est censé être au cœur des préoccupations de la chorégraphe, et des postures parfois fragiles, c'est un peu une douche froide.
Ajoutons un texte récité par moments abscons et à d'autres lourdingue, et on obtient , malgré de temps en temps de jolis moments et des figures spectaculaires, un spectacle qui ne s'envole jamais, une suite de vignettes sans lien narratif, et sans grand intérêt. A oublier vite fait.

tam taï


samedi 11 octobre 2014

EIC - Senk Ratkje Mahler (Cité de la Musique - 23 Septembre 2014)

Nina Senk - Iris

En préambule au concert, un extrait du film "Voice - Sculpting Sound", consacré à Maja S. K. Ratkje, est diffusé, qui montre un pinceau traçant une ligne bleu sur diverses surfaces et contextes. Cela me fait fortement penser à Saariaho, décrivant une de ses oeuvres comme un pinceau au départ lourd et chargé puis de plus en plus léger et immatériel. Et cette référence reste forte au cours de ce concerto pour alto, où Odile Auboin trace sa route crânement, presque indifférente aux paysages contrastés et mutants proposés par l'orchestre, qui sonne très ... saariahien. La clarté de l'argument, la beauté des pages orchestrales, l'allant sans trop de virtuosités de la partie soliste, sont très convaincants.

iris, pour alto et ensemble

Maja S. K. Ratkje - Concerto for Voice (moods IIIb)

Nouvel extrait du même film - sans grand intérêt ; ça occupe pendant le changement de plateau. Ratjke est une performeuse vocale, qui se donne dans ce concerto une série de cadres précisément écrits pour l'orchestre, dans lesquels elle improvise, sans mots et avec un micro, entre sonorités très corporelles et abstractions frisant l'électronique. C'est parfois déroutant, souvent impressionnant et volontiers spectaculaire, et plutôt captivant de bout en bout. Le claviériste ajoute une machine à écrire au son très vintage et évocateur, pour parler du langage d'une autre manière.

Gustav Mahler - Le Chant de la terre (transcription Glen Cortese)

Je connaissais la transcription pour petit orchestre de Schoenberg / Riehn, en voici une autre, par le compositeur Glen Cortese, datant de 2010. Elle rend superbement, et l'EIC dirigé par Matthias Pintscher m'embarque dans les climats doux-amers, bucoliques, puis tragiques, de la suite. Belles voix : Steve Davislim, un peu en force dans "Das Trinklied" puis très bien (le rôle du chanteur dans "Le Chant de la terre" est toujours assez ingrat, qui doit affronter de grandes difficultés techniques et des mélodies parfois un peu abruptes, tout ça pour se faire voler systématiquement la vedette par la chanteuse, à cause de "Der Abschied" ...) ; Lilli Paasikivi, impériale.

le chant de la terre

Bref, pour le premier concert de l'EIC de la saison à la Cité, une excellente soirée !

Ailleurs : Michèle Tosi
SpotifyMahler: Das Lied von der Erde- transcription CorteseMahler: Das Lied von der Erde- transcription Schoenberg Riehn