samedi 19 décembre 2015

Humair / Lê Quang / Kerecki (Le Triton - 17 Décembre 2015)

Daniel Humair a dit-il déjà souvent joué avec ses deux acolytes de ce soir, le saxophoniste Vincent Lê Quang et le contrebassiste Stéphane Kerecki. En fait, ils sont même en train de préparer un disque ensemble, dont les titres seront des hommages à des peintres, ce qui se reflète dans les titres de nombreux morceaux joués ce soir : Bram van Velde, Pierre Alechinsky, Jackson Pollock ... D'autres morceaux seront bien plus anciens, ramenés de la longue carrière du batteur, occasion d'évocation de souvenirs qui font rêver ("quand je jouais au Maroc avec Don Cherry ..."). Les morceaux sont souvent complexes, à épisodes et variations. Certains sont si nouveau qu'ils les jouent en public pour la première fois.

humair le quang kerechi

La batterie de Daniel Humair est assez minimale : peu d'effets spéciaux (un doigt mouillé sur une cymbale, un micro frotté sur une peau, ce doit être à peu près tout), pas du tout de percussion, un nombre réduit de baguettes ... Le son est minéral, comme brut de décoffrage, voire par moments brutal, comme caillouteux, plein d'arêtes vives et tranchantes, avec des plages statiques, et des rushs en avant toute ; peu de place pour le groove.

humair le quang kerechi

La direction rythmique est en fait plus l'affaire de Stéphane Kerecki, dont la contrebasse est toujours aussi bondissante et chantante, précise mais souple.

humair le quang kerechi

Vincent Lê Quang n'est pas que l'accompagnateur de Jeanne Added dans "Yes is a beautiful country". C'est un souffleur athlétique, parfois acrobatique, qui accompagne les méandres mélodiques d'effets bruitistes divers, souffles, saturations harmoniques, chant dans le bec seul ... Passant selon les morceaux d'un saxophone à l'autre (ténor ou soprano), il nourrit son discours d'assez d'idées et inventions pour ne jamais lasser.

Est-ce parce qu'on est un soir de semaine ? Il y aura un seul set, long. Les 90 minutes bien sonnées passent sans un instant d'ennui. Humair finit tout en sueur, les deux autres sont tout en sourires, c'était un chouette concert.

humair le quang kerechi


Solistes EIC - Le tourbillon du temps (Cité de la Musique - 15 Décembre 2015)

Fausto Romitelli - Domeniche alla periferia dell'impero

Cette oeuvre est scindée en deux parties (Prima domenica / Seconda domenica : Omaggio a Gérard Grisey) qui seront donnés en première et quatrième pièce de la soirée. Chaque dimanche fait quelques minutes. Le premier présente une boucle d'ennui ressassé d'un morne dimanche après-midi, ponctué de bruits de plus en plus présents et rapides. Le second utilise le même effectif, flûte basse, clarinette basse, violon, violoncelle, pour un bloc plus compact de sonorités râpeuses, entre le spectral apporté par l'hommage et l'exploration bruitiste des instruments. Intéressant.

Luciano Berio - Sequnza VIII, pour violon

Enchaîné sans applaudissements au premier dimanche, ce solo est splendidement interprété par Jeanne-Marie Conquer, qui utilise l'intensité pour structurer la polyphonie de la pièce, longs traits d'archer très puissants en scansion, tricotage plus rapide et modéré des mélodies, pizzicati légers comme des pépiements. L'héritage de la Chaconne de Bach en devient plus visible. Magnifique ; une leçon d'interprétation magistrale.

Pierre Boulez - Improvisé - pour le Dr. K.

Cette pèce de quelques minutes, écrite en 1969 pour flûte, clarinette, piano, alto et violoncelle, en hommage au Docteur Kalmus, est gentiment plaisante, mais pas vraiment remarquable.

Gérard Grisey - Vortex Temporum

Je commence à avoir vu assez souvent cette pièce, mais continue de beaucoup l'aimer. Ce soir, le pianiste Dimitri Vassilakis en offre une lecture splendide, très brillante dans les sonorités et très articulée dans les variations rythmiques. Emballant et vertigineux.

solistes de l'eic


Ibrahim Maalouf - Essentielles (Cité de la Musique - 14 Décembre 2015)

Je m'attendais à un petit concert de Jazz, plutôt tranquille, comme celui qu'il avait donné à Pleyel pour Winds. Mais Ibrahim Maalouf voulait au contraire un gros concert. Et ça commence avec un gros son, pour soutenir le public debout au parterre, et bien compact (1400 personnes annonce-t-il). Le disque "Red and Black Light" ne m'avait pas vraiment accroché, je subodore ce soir que c'est aussi parce que je ne l'écoutais pas avec le bon volume sonore : c'est de la musique qui se joue fort, pour bien ressentir la part de Rock qu'elle contient, venant de la guitare de François Delporte, des claviers d'Eric Legnini et que Maalouf souvent redouble, et de la batterie de Stéphane Galland, plus structuré et classique que Chez Aka Monn, mais bien énergique néanmoins.
Les morceaux à haut niveau d'énergie s'enchaînent, dont il explicite un peu plus tard les titres : "Elephant's tooth" est le nom du village natal de sa mère, "Escape" est sur ceux qui s'évadent physiquement ou spirituellement, réfugiés ou artistes, "Goodnight Kiss" parle des rêves que les enfants fabriquent à partir des histoires qu'on leur raconte (et qui n’appartiennent qu'à eux) ... Il y a beaucoup de joie dans cette musique, et de chaleur, et les musiciens visiblement se font grand plaisir à la jouer. Et la mise en scène, qui doit rentrer dans l'espace somme toute limité de la grande salle de la Cité, est inventive et variée, jouant entre autre avec de grands panneaux translucides supportant des projections, ou avec des vidéos projetés sur le mur du fond derrière les musiciens.

ibrahim maalouf - red & black light


"Se faire plaisir", semble avair guidé Ibrahim Maalouf dans la conception du concert. Il fait ainsi amener des percussions sur lesquelles le quartet joue (très bien) un morceau percussif spécialement écrit par Galland.

ibrahim maalouf - red & black light

Et puis, il invite d'autres artistes à le rejoindre. Impressionnant défilé : Yael Naïm, la Maîtrise de Radio-France, les soeurs Ibeyi, ses élèves d'un cours d'improvisation, Hiba Tawaji ... Chacun vient faire sont petit morceau, qu'il accompagne de la trompette, mais la cohérence de la première partie se délite peu à peu, et les changements de plateau finissent par gripper l'allant du spectacle, Maalouf lui-même finissant par avoir du mal à expliquer le pourquoi de cette liste d'invités un peu trop fournie dans un spectacle nommé "Essentielles".
C'est pas grave. Le plaisir a été abondant, et le public, et moi aussi, sommes ravis.

2015/12/14 red & black light

Spotify : Ibrahim Maalouf - Red and Black Light, Kalthoum

DV8 Physical Theatre - John (Grande Halle de la Villette - 11 Décembre 2015)

Le décor utilise quelques murs, portes et couloirs, montés sur un incessant manège, pour figurer diverses habitations, prisons, puis saunas gays. Une voix off, incessante elle aussi, nous raconte la vie de John, son enfance maltraitée, sa dérive délinquante, ses amours épisodiques, ses années de prison, sa découverte de l'homosexualité, ses interrogations. Pour tout dire, ça ne danse pas beaucoup ; quelques affrontements corporels ici et là, beaucoup de marche, pas grand-chose à voir. Pas beaucoup de théâtre non plus : personnages peu incarnés, pas de grands moments. En fait, principalement, ça cause, ça cause et ça cause. La vie de ce gars est aussi intéressante qu'une autre, mais Lloyd Newson et sa troupe du DV8 Physical Theatre n'en font rien de particulièrement marquant. Une pièce radiophonique aurait tout aussi bien fait l'affaire. Vraiment décevant.

Waltraud Meier - Orchestre du Conservatoire de Paris (Cité de la Musique - 8 Décembre 2015)

Richard Strauss - Le Chevalier à la rose (Suite)

Après l'exceptionnelle expérience sonore de la veille, ce Strauss joué dans la grande salle de la Cité est tout bonnement pénible aux oreilles : Jonathan Darlington dirige les musiciens encore non professionnels de l'Orchestre du Conservatoire de Paris avec un peu trop d'enthousiasme, ce qui produit un volume sonore bien trop élevé pour la salle. J'ai l'impression d'étouffer dans une boîte à chaussures. C'est pas ça qui va me réconcilier avec Richard Strauss.

Richard Wagner - Wesendock Lieder

L'effort pédagogique s'étend au livret, où Blandine Rouffignac, élève de la classe des métiers de la culture musicale, se charge de la présentation de cette oeuvre (et de la suivante) dans deux jolis textes, instructifs et détaillés.
Waltraud Meier est bien sur la vedette de ce concert. Si l'âge a jeté un léger voile sur les aigus, la technique vocale, et la maîtrise de la diction, sont époustouflantes. "Im Treibhaus" donne des frissons, mais tout le cycle est une merveille.

waltraud meier

Arnold Schönberg - Pelléas et Mélisande

Dans les oeuvres pré-dodécaphoniques de Schönberg, je préfère celle-ci à "La Nuit transfigurée". Je la suis sans déplaisir, mais à vrai dire, elle ne me laisse guère de souvenirs.

Luigi Nono - Prometeo (Philharmonie de Paris - 7 Décembre 2015)

Certaines des partitions tardives de Nono m'ont fait appréhender cette période, en particulier les "carminar" qui me semblent se perdre, ou du moins me perdre, en chemin. Ce "Prometeo" fait clairement exception, et offre une rare expérience, qui par ses dimensions, ses exigences, peut ressembler à une épreuve, dans tous les sens du terme.
Dès l'entrée dans la salle de la Philharmonie, le dispositif frappe. Les musiciens de l'Orchestre symphonique du SWR Baden-Baden et Freiburg, complétés par les solistes de l'ensemble recherche, et les choristes de la Schola Heidelberg, complétés par une petite dizaine de solistes et récitants, sont éparpillés sur plusieurs petites scènes tout en bas, et de nombreux îlots dans les gradins. Il y a deux chefs d'orchestre, Ingo Metzmacher et Matilda Hofman. Et à tout ce beau monde s'ajoute encore un vaste dispositif électroacoustique, géré par l'Experimentalstudio de la Radio SWR.
Pourtant, rares sont les moments où la puissance sonore s'impose. On est entourés de sons fuyants, de climats évanescents, de tensions furtives, où ce qu'on perçoit n'est jamais bien défini, est-ce un instrument ou de l'électronique, une chanteuse ou un écho, d'où vient cela, d'en haut ou d'en bas. Le livret donne une division de l'oeuvre en épisodes successifs, mais comme leur longueur, inégale, n'est pas indiquée, il ne permet de se situer que vaguement. On flotte, du coup, dans un océan infini de sensations sonores, qui au départ me semble une grotte, pour finir sous les étoiles. Entre les deux, deux heures et quart passent. Le public, saisi, cesse au bout d'un moment de tousser, mais bientôt se met à fuir, non agressivement comme au Théâtre de la Ville, mais par capitulation désolée, en petits groupes tentant de trouver les portes où se glisser le plus discrètement possible.
Dans cette vaste fresque, il y a des plages d'ennui, où l'oreille n'accroche pas à grand-chose, et puis soudain des moments de cristallisation, où l'alliance de quelques voix solistes et quelques instruments les soutenant en désaccord, où une déflagration orchestrale que l'électronique emporte, ouvre une porte vers l'extase, une possibilité de transcendance, une expérience mystique.
Ces moments sont fragiles, liés à la partition, mais aussi à l'attention des interprètes qui doivent énormément s'écouter pour se régler les uns sur les autres (les accords sont parfois en tempérament, et parfois purs), et aussi aux auditeurs, qui en fonction de leur aptitude à la concentration et au lâcher-prise simultanés peuvent ou non s'envoler dans la musique. Expérience qui ne peut vraiment se ressentir que dans la salle, au milieu du tournoiement des sons. La diffusion par France Musique, en son 3D binaural ou en 5.1, n'est qu'un pis-aller, aussi magnifique soit-elle.
Une autre composante est donc le lieu. En ce sens, c'est pour moi la véritable épreuve du feu pour la Grande Salle de la Philharmonie de Paris, et elle la passe avec un grand succès (même si l'effet de loupe sur les tousseurs est toujours aussi gênant). La spatialisation me semble plus subtile, et plus extraordinairement réussie, que pour Répons en septembre.

prometeo

Spotify : Claudio Abbado / Prometheus - The Myth in Music
Ailleurs : Carnets sur Sol, Michèle Tosi

samedi 12 décembre 2015

Unsuk Chin et autres compositeurs coréens (Cité de la Musique - 27 Novembre 2015)

Sun-young Pagh - Ich spreche dir nach

La compositrice utilise un texte poétique comme base musicale. Textures subtiles et oniriques, beaucoup de presque silence, c'est assez proche du chichiteux, et ne marque pas vraiment l'esprit.

Unsuk Chin - Doppelkonzet

Orchestration chatoyante, mélodies ondulantes, rythmiques souples et agiles, il y a du tigre dans cette musique. L'EIC, qui a déjà enregistré cette partition, nous la livre toute éblouissante de virtuosité et d'habileté.

Donghoon Shin - Yo

Le compositeur utilise cinq extraits de textes de Borgès, pour créer des thèmes musicaux, qu'il fait ensuite se succéder et se croiser comme dans un labyrinthe. Il est difficile de tout bien suivre à la première écoute, mais l'aspect ludique titille avantageusement l'oreille, et le sérieux du travail d'écriture suscite l'intérêt. Je réécouterais ça avec plaisir.

Unsuk Chin - Graffiti

Les trois mouvements sont bien différents, et offrent une magnifique palette de couleurs, d'allures et d'ambiances : rythmiques superposées ici, dérives sonores spectrales là, virtuosités un peu partout, c'est une excellente pièce qui procure un grand plaisir à l'écouter.

Ailleurs : Michèle TosiJérémie Bigorie
Spotify : Chin / EIC - Double concerto et autres, Chin / Chung : 3 concertos

vendredi 11 décembre 2015

Johann Sebastian Bach - Cantates de le Réforme (Cité de la Musique - 16 Novembre 2015)

Après un discours puis une minute de silence pour les victimes du 13 Novembre, Raphaël Pichon dirige son Ensemble Pygmalion dans une série de cantates et motets inspirés de textes luthériens :
- Cantate "Singet dem Herrn ein neues Lied" (BWV 190)
- Motet "Singet dem Herrn ein neues Lied" (BWV 225)
- Cantate "Nun danket alle Gott" (BWV 192)
- Motet "Lobet den Herrn, alle Heiden (BWV 203)
- Cantate "Ein'feiste Burg ist unser Gott" (BWV 80)
Mais malgré ce programme cohérent et intelligent, où se mêlent des morceaux pour moi inédits et d'autres que j'aime déjà beaucoup (en particulier la BWV 80), une interprétation d'un excellent niveau tant pour l'orchestre que le choeur, de bons solistes au chant, bref, rien qui n'aille pas, je reste un peu sur le bord, jamais vraiment emballé ni ému. Les circonstances, peut-être.

jeudi 26 novembre 2015

Dernières nouvelles de Frau Major (Cité de la Musique - 10 Novembre 2015)

Pour raconter la vie d'Alain Bashung, ce spectacle conjugue deux voix : celle d'un narrateur assez classique, genre journaliste biographe, et celle d'une femme chez qui Bashung aurait vécu avant d'être connu, et qui suivrait sa carrière de loin, le recroisant de temps en temps, et vivant sa vie entre temps.
Le scénario est connu : dix ans de galères, deux tubes dont le succès l'assomme, deux albums dingues pour s'en débarrasser, une lente progression vers le succès critique et public, le cancer. La part privée est aussi évoquée : mariages, dépressions, alcoolisme ... L'entrecroisement des deux voix, et les interventions du manager qui tente de suivre les hauts et bas de la carrière, rendent le tout très vivant et bien accrocheur.

dernières nouvelles de frau major

La musique est assurée pour plusieurs musiciens d'excellent niveau, qui ont participé aux dernières tournées de Bashung, gage de respect à l'univers du chanteur. autour du guitariste Yan Péchin, qui alterne entre guitares électriques et acoustiques, et délivre de puissants et captivants solos.
La part vocale est confiée à une belle brochette d'invités. Cela va du mauvais (Rachid Taha massacre allègrement "Gaby Oh Gaby" en balançant les phrases n'importe comment, hors temps la plupart du temps, une sorte d'exercice punk que je crois malheureusement involontaire) au bien (Kent pour "La nuit je mens", très élégant ; Alain Chamfort pour "Comme un légo", distancié puis pris peu à peu dans l'émotion) à l'excellent (Brigitte Fontaine, qu'on doit aider à arriver jusqu'au micro, récite plus qu'elle ne chante "Samuel Hall", dont les leitmotivs "allez au diable je vous déteste tous" et "continue comme ça" lui vont comme un gant ; sa présence rayonne et sa prestation est fascinante). Se confirme que la rythmique Bashungienne est particulièrement complexe et casse-gueule (et encore personne ne s'attaque à "Après d'âpres hostilités" ou "Faites monter" ...).

brigitte fontaine

Je ressors avec plein de chansons dans la tête qui tourneront en boucle pendant plusieurs jours (avant que "J'envisage" ne s'impose du coté du Bataclan).

Spotify : J'ai une liste des mes morceaux de Bashung préférés joués en concert.

jeudi 19 novembre 2015

Inauguration de l'orgue symphonique (Philharmonie de Paris - 28 octobre 2015)


orgue philharmonique

Thierry Escaich - Improvisation pour orgue

Quand Escaich commence à jouer sur les 4 claviers du pupitre au look étrangement rétro-SF, le son est sombre et presque ténu. Mais bientôt la paroi s'ouvre qui laisse voir les tuyaux rutilants et le son s'échapper à son aise. Cela devient du coup passablement tonitruant. Comme il reste d'un bout à l'autre sur un registre dramatique et impressionnant, dense au danger d'être lourd, fort au danger d'être assourdissant, sérieux au danger d'être pompier, martelant à l'envi quelques thèmes d'essences bien trop modales pour vraiment m'intéresser, je trouve l'exercice assez rasoir et brise-oreilles.

Jörg Widmann - Concerto pour alto

Antoine Tamestit se promène, sur le plateau, passant par de nombreux emplacements au milieu ou devant l'Orchestre de Paris, et également entre différents genres de jeux, percussion digitale et manuelle, pizzicati à foison, lyrisme, ironie, au long des épisodes très variés de ce concerto.
C'est amusant à suivre, souvent très surprenant, au point que la rupture d'une corde puisse sembler faire partie de la partition, mais au final ça reste une suite d'anecdotes plus ou moins spectaculaires, pas une grande oeuvre musicale.

jörh widmann - concerto pour alto

Camille Saint-Saëns - Symphonie n° 3 "Avec orgue"

J'apprécie dans cette symphonie le coté carré, solide, bien charpenté ; qui peut assez vite lasser si on l'entend trop souvent, ce qui n'est pas mon cas.
Par contre, je découvre par rapport à l'orgue un assez gros problème : dans ma position de coté, je n'ai aucune fusion entre l'orchestre qui s'étale à mes pieds et l'orgue qui plafonne à ma droite.
Comme la position directement sous l'orgue est encore moins agréable à cause du volume sonore dégagé par les tuyaux, cela crée de très nombreuses places où l'expérience n'est pas terrible. Je crois que je vais m'abstenir de venir dans cette salle pour profiter de l'orgue (ce qui n'est pas un gros sacrifice, cela dit).

Ailleurs : La souris, Palpatine, ResMusica ; le concert est disponible sur le site de la Philharmonie.

lundi 9 novembre 2015

Gergiev / Bartok - Stravinski (Philharmonie de Paris - 17 Octobre 2015)

Béla Bartok - Suite de danses

Composées pour le cinquantenaire de la naissance de la ville de Budapest, et d'inspirations diverses (hongroises bien sur mais aussi arabes et roumaines), ces 6 danses rythmiques et colorées forment un très agréable commencement de concert, même si je ne ressens guère en elles une urgence vitale (alors qu'elle peut surgir dans d'autres interprétations plus violentes - le LSO est ici un peu trop moelleux).

Béla Bartok - le Mandarin merveilleux

Les choses deviennent beaucoup plus sérieuses. Valery Gergiev privilégie la conduite du récit, sans forcer sur les effets terribles. Les pulsions brutales, sexe et mort, sont du coup un peu anesthésiées, mais on y gagne des couleurs orchestrales plus subtiles, que les stridences parfois masquent. Le LSO brille de tous les pupitres.

guergiev et lso

Igor Stravinski - L'Oiseau de feu

Conduite du récit, disais-je ? C'est encore plus vrai ici. Première fois que je "suis" intégralement l'histoire, et goûte autant les passages les plus calmes que les danses plus furieuses. C'est du coup passionnant de bout en bout, la variété des climats assurant une écoute constamment captivée.

Spotify : Bartok - Orchestral Music (Budapest Festival Orchestra - Ivan Fischer), Bartok - Concerto pour Orchestre & Suite de danses (Koninklijk Concertgebouworkest - Bernard Haitink)Stravinsky: The Firebird (Mariinsky Orchestra - Valery Gergiev)

samedi 7 novembre 2015

Planning Novembre-Décembre 2015

Autant de spectacles en 10 jours que dans les deux mois précédents, la presque fin d'année sera bien dense ...


dimanche 18 octobre 2015

Maelström (Cité de la Musique - 9 Octobre 2015)

Insecte à [pwal]

Il s'agit d'un trio de musiciens de l'EIC : Eric-Maria Couturier au violoncelle, Nicolas Crosse à la contrebasse, et Victor Hanna aux percussions et électroniques. Leur musique est fortement improvisée, et ils joueront également lors des entractes de ce soir et du lendemain. Les deux instruments à cordes sont reliées à des nombreuses pédales d'effet, ce qui permet par exemple à Crosse de jouer dans des tessitures très aiguës, fort surprenantes, alliant la hauteur de son du violon à la profondeur et amplitude d'archet de la contrebasse. Dans cette première intervention, le rythme ne surgit vraiment qu'à mi-parcours. L'atmosphère générée est très intéressante. J'aimerais beaucoup les entendre de nouveau, ils seraient parfait pour une session au Triton.

George Crumb - Black Angels

Cette musique nécessite un certain type d'engagement, plus spirituel que technique, peut-être un certain type de risque, que le quatuor de l'EIC ne prend pas. Sans mise en danger, c'est une sorte d'anesthésie qui domine, ça ne fonctionne pas. Le quatuor Béla avait su faire vibrer cette pièce bien davantage.

Kurt Hentschläger / Edmund Campion - Cluster-X

Sur l'écran, des abstractions de corps humains qui se superposent, s'agglutinent, flottent et défilent. Sur la scène, Jayce Ogren dirige l'EIC au long de pages instrumentales sans grande originalité. Le tout dure 25 minutes, c'est une création mondiale, et ça n'offre guère d'intérêt.

Matthias Pintscher - beyond (a system of passing)

Sophie Cherrier interprète cette pièce pour flûte seule, où se succèdent diverses techniques, mais l'ensemble me semble assez anecdotique.

Frank Vigroux / Antoine Schmitt - Tempest

Sur l'écran, des particules qui tourbillonnent, s'agglutinent, forment des courants, des structures, des formes par moments spectaculaires, mais finissent par lasser, par leur répétitivité et l'absence de logique de succession (sans demander un scénario, peut-être une gradation dans la complexité ou autre ?). Pour la partie sonore (pas de musicien sur scène), une musique électronique d'essence bruitiste, épisodes de saturation, pas désagréable mais là encore qui ne marque pas.
L'interdisciplinarité artistique, c'est un joli concept, mais coller des images quelconques qui bougent,  et des sons quelconques, ça ne suffit pas à faire un truc intéressant. Au final, dans les deux pièces de ce soir, je ne sais pas qui, de la vidéo ou de l'audio, était censé accompagner l'autre, car aucune des deux parties ne dépassait le niveau d'illustration pour atteindre celui d'oeuvre artistique autonome.

Ailleurs : Michèle Tosi (qui fait l'impasse sur la plupart des morceaux, elle n'aime sans doute pas dire du mal).

Bach in India (Cité de la Musique - 4 Octobre 2015)

Johann Sebastian Bach - Concerto pour violon en ré mineur BWV 1052

Pour débuter ce curieux concert, Amandine Beyer dirige l'Orchestre de chambre de Paris dans ce concerto (reconstitution de l'original perdu, le concerto BWV 1052 connu pour clavecin étant une transcription) où les choses ne se mettent en place qu'au deuxième mouvement ; la suite est jolie mais ne me laisse guère de souvenirs.

Dr. Lakshminarayana Subramaniam - Carnatic Classical

Longue séance d'accordage du percussionniste Vankayala Venkata Ramana Murthy avant une pièce carnatique classique, où Lakshminarayana Subramaniam se fait accompagner par son fils Ambi Subramaniam. Virtuosité et tournoiement des lignes, techniques flamboyantes qui ne font pas étalage, c'est beau (mais cette musique est définitivement trop tonale pour moi, et le drone de tampura finit par m'insupporter).

Johann Sebastian Bach - Chaconne, extrait de la partita BWV 1004

Après un petit discours tentant d'expliquer l'unité des pièces présentées ce soir (la note Ré, l'aspect cyclique ...), Amandine Beyer nous donne une interprétation assez intense et belle de la Chaconne, où ce sont les passages les plus calmes que je préfère (les bariolages laissent une impression d'approximatif).

Dr. Lakshminarayana Subramaniam - Paris Concerto

Je ne suis pas fan de ce genre de pièce, où le compositeur travaille avec un orchestre symphonique sans que ce soit son instrument habituel. Souvent, et ce soir ne fait pas exception, les sonorités sont banales, et les pupitres utilisés de façon mécanique, comme dans de la mauvaise musique de film. Au-dessus de ce paysage symphonique sans intérêt, les trois musiciens carnatiques multiplient les envolées. Je ne suis pas emballé.

Dr. Lakshminarayana Subramaniam - Tribute to Bach

Cette courte pièce est en fait plus captivante, où le violon indien et le violon baroque se répondent sur une rythmique impaire  et rapide.

bach in india

Ailleurs : Stéphane Reecht

Korngold - Mahler (Philharmonie de Paris - 25 Septembre 2015)

Erich Wolfgang Korngold - Concerto pour violon

Ecrit entre 1937 et 1945, ce concerto ne cherche pas à impressionner l'avant-garde, et se situe dans une stylistique assez hollywoodienne, mais n'est pas du tout désagréable : du travail bien fait, climats variés, orchestrations belles et efficaces, dont l'enjeu est de mettre en avant le soliste.
En l’occurrence, il s'agit de la violoniste Vilde Frang, au son d'une belle pureté, généreuse, lumineuse, extra, tant dans la fougue que dans l'apaisement.

vilde frang

Gustav Mahler - Le Chant de la terre

Je découvre ce soir la Philharmonie après les travaux d'été, et me trouve sur les bords de scène, surplombant l'orchestre. Vues les expériences de l'an dernier, je craignais de mal entendre la mezzo-soprano Alisa Kolosova. Ce fut au contraire le ténor Christian Elsner qui eut parfois du mal à passer. Ce qui est moins dommageable.
L'ascension vers l'Adieu est somme toute assez tranquille, Mikko Franck dirigeant l'Orchestre Philharmonique de Radio-France avec assurance mais sans chercher l'effet. Et la tension s'installe dès les premières notes de cet Abschied merveilleux, sommet malhérien, remarquablement servi, tant par Alisa Kolosova que par les solistes du Philhar, en particulier la hautboïste Hélène de Villeneuve et la flûtiste (Magali Mosnier je suppose).

alisa kolosova, christian elsner

Ailleurs : Michèle Tosi, Palpatine

dimanche 27 septembre 2015

Résistance et exil (Cité de la Musique - 20 Septembre 2015)

Sous ce nom se cache un concert de musique de chambre, par le récemment formé quatuor Off, composé de quatre musiciens de l'Orchestre de Paris : Elsa Benabdallah et Fabien Boudot aux violons, Cédric Robin à l'alto, Florian Miller au violoncelle.
Ils commencent par un petit discours de circonstance en expliquant que résistance et exil ne s'opposent pas mais bien souvent se conjuguent, que l'exil soit physique ou par le biais de la création, le compositeur s'évadant dans sa musique (je résume et déforme).

Arvo Pärt - Fratres

Ce concert s'inscrit dans un week-end consacré à Arvo Pärt. "Fratres" est une de ses oeuvres emblématiques (il en a écrit huit versions différentes pour configurations orchestrales variées ...). En formation quatuor, violoncelle et alto tiennent une note tout du long, les deux violons répètent une mélodie en la transposant sur des notes d'attaque différentes à chaque fois. C'est d'un ennui assez profond.

György Ligeti - Quatuor à cordes n°1 "Métamorphoses nocturnes"

Cela faisait longtemps que je n'avais pas écouté ce morceau, et je le redécouvre avec bonheur. Ascension infinie du départ, éclats de violence ou de désespoir, le quatuor Off privilégie la vitesse à l'émotion. La fausse valse, qu'ils jouent titubante, provoque des sourires. Mais un peu après, les pizzicati de violoncelle me semblent un peu faibles, quand on a goûté à ceux du Quatuor Béla ...

Arvo Pärt - Summa

C'est encore pire que "Fratres". Une mélodie qui tourne en rond interminablement. Alors que ça ne dure guère plus de 5 minutes. Ce n'est pas ce concert qui me donnera la moindre envie de m'intéresser à ce compositeur.

Dmitri Chostakovitch - Quatuor à cordes n°8

Excellente idée que de coupler le Ligeti et ce Chostakovitch : des effets d'écho se font ressentir, dans certaines manières de rendre le désespoir ou la rage. Je suis content de reconnaître au passage quelques citations (mais pas toutes, loin s'en faut ...). Bonne interprétation, dans le tragique des Largo comme dans l'acidité des Allegr(ett)o.

off

Ailleurs : Julien Hanck
Spotify : Arvo Pärt - Stabat Mater / Fratres / Summa, György Ligeti - Clear or Cloudy, Hagen Quartett - Shostakovich String Quartets 3 7 8

Robert Lepage - 887 (Théâtre de la Ville - 16 Septembre 2015)

Robert Lepage arrive sur scène presque incognito, demandant d'éteindre nos portables, ces compléments de nos mémoires où s'engrangent numéros, coordonnées, plannings, et souvenirs. Et de fil en aiguille, il en vient à nous raconter son enfance, dans l'immeuble portant numéro 887, à Québec, dont surgit une maquette vite illuminée de vidéos pour illustrer les vies de chaque appartement. Humour et émotion, intelligence du propos, magie des dispositifs théâtraux, le spectacle est exceptionnel.
Il nous parle de lui, élève brillant, de son père, chauffeur de taxi inculte et humble, du Québec des années 70, qui se découvre des volontés d'émancipation, le tout raconté dans le désordre, un noël chez un oncle riche, la visite du général De Gaulle, les disputes dans l'appartement d'à coté, le personnel et l'historique s’entremêlent dans le flux des souvenirs.
Comme souvent chez Lepage, l'appareillage scénique est fabuleux.La maquette de l'immeuble se plie et se déplie, un smartphone en filme les mini décors merveilleux projetés sur grand écran, la voiture du père absent de par son travail traverse la scène, travail de précision qui ravit, et qui fait sens (le passage de De Gaulle, à vitesse ressentie puis à vitesse réelle).
Au passage, Lepage ne se donne pas que le beau rôle : il traite le journaliste déchu qui l'aide à mémoriser "Speak White" avec un violent manque d'humanisme, épisodes férocement drôles. Parfois, il en fait un peu trop, par exemple le parallèle entre cerveau droit / cerveau gauche, et les deux appartements, ne débouche sur rien. Mais généralement, tout est d'une maîtrise admirable ; même l'utilisation de "Bang bang" de Nancy Sinatra, si souvent entendue et utilisée, limite cliché, fait sens quand il en diffuse plus tard la version francisée par Claire Lepage, signe d'une bâtardisation culturelle.
Tout le spectacle s'articule autour d'un poème, "Speak White", qu'on lui a demandé de réciter lors d'une remémoration de la Nuit de la Poésie en 1970 où l'auteure Michèle Lalonde l'avait récité avec un énorme retentissement présent et futur, et qu'il ne parvient pas à mémoriser. Il en donne, en fin de spectacle, une interprétation à la hauteur de son modèle, utilisant d'ailleurs à peu près les mêmes modalités, ironie, colère, montée en puissance. Moment intense qui me coupe le souffle.

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Ailleurs : Paris-Broadway, Palpatine, La sourisArmelle Héliot, Fabienne Pascaud ...
La récitation de "Speak White" par Michèle Lalonde en 1970 est disponible sur Youtube.

Orioxy / Yaron Herman (Grande Halle de la Villette - 10 Septembre 2015)

Orioxy

Je ne connaissais pas ce groupe, n'ayant écouté ni Tales en 2010 ni Lost Children en 2015. Je découvre donc cette formation atypique qui réunit une chanteuse, Yaem Miller, une harpiste, Julie Campiche, et une paire rythmique, un contrebassiste et un batteur, plus en arrière-plan. Les univers générés sont variés, dans leurs couleurs, les atmosphères, les intensités, entre rêves et fièvres. Mais je n'entre pas totalement ; j'y sens constamment comme une volonté de démonstration, de montrer tout ce qu'elles savent faire, qui me laisse sur le quai. De jolis moments, j'admire le jeu de Campiche, mais mangés par des maniérismes, musicaux et scéniques, et quand l'émotion commence à me saisir, elles passent souvent à tout à fait autre chose, ce qui me fait retomber (être assis à coté d'un couple qui passe tout le concert à échanger des regards ironiques et à souffler d'exaspération n'aide pas). Une salle plus petite, favorisant l'intimité, aurait peut-être mieux convenue. Là, je n'ai ressenti ni la sincérité ni la nécessité de leur musique.

orioxy

Yaron Herman, Ziv Ravitz

Sorti fin Août, l'album Everyday m'avait un peu déçu, trop joli et propre. Mais en concert, c'est autre chose. Commençant en douceur, Herman affiche une technique classique irréprochable, les deux mains dialoguant à égalité. Mais c'est quand le batteur Ziv Ravitz le rejoint que les choses sérieuses commencent. Ravitz convient parfaitement à Herman : sa frappe vive, extrêmement précise, énergique et sans un poil de gras, s'accorde à merveille avec les cavalcades lyriques du pianiste, et les morceaux trouvent sur scène leurs véritables dimensions. Virtuosité, plaisir du jeu, élégance des grandes lignes, Et bien sur, énergie, complicité, fusion. Ce n'est pas révolutionnaire, mais c'est souvent jubilatoire : la complémentarité dans "Point of view", les résonances de Ravitz dans la caisse du piano pour "Retrograde" (l'habituelle reprise iconoclaste de Herman, après "Toxic" et autre "Army of Me"), l'exceptionnel solo de batterie en intro à "Nettish", le pointillisme à la fin de "Heart Shaped Box" ...
Quand entrent sur scène le chanteur Sage et un quatuor à cordes, c'est une sorte d'interlude, avec "Volcano" de Herman, puis une chanson de Sage, agréable, mais sans plus. Une fois le duo resté seul on en arrive rapidement aux bis, un délicat "No Surprises" (certains diront mièvre), et une autre jolie berceuse. On ressort du concert tout débordant de joie.

yaron herman, ziv ravitz

Spotify : Orioxy - Lost ChildrenYaron Herman - Everyday
Ailleurs : Les deux parties sont sur Arte Concert, Orioxy et Yaron Herman.

samedi 26 septembre 2015

Fonction {MA} / Steve Coleman's Natal Eclipse (Cité de la Musique - 6 Septembre 2015)

Fonction {MA}

De ce sextet formé d'élèves du CNSMDP, je n'ai pas grand chose à dire ; le premier morceau m'a semblé sous forte influence Henri Texier, mais les suivants pas du tout. Pas grand souvenir, en fait. Je regretterai mon manque d'attention quand un ou plusieurs membres se révéleront prodigieux musiciens dans quelques années ...

fonction {ma}

Steve Coleman's Natal Eclipse

Ce groupe est comme un condensé de la troupe présentée la veille, puisque les 8 musiciens présents sur scène l'étaient déjà hier, mais noyés parmi 17. Et point important, il n'y ni batterie, ni percussion, juste une contrebasse pour établir l'assise rythmique : ça oblige tout le monde à y contribuer, et c'est un aspect que j'adore dans la musique récente de Steve Coleman.
A la fin du concert, soudain enfin détendu, riant et plaisantant, comme libéré d'un grand poids (la semaine a été très chargée, et semée d'insomnie), il nous explique que la musique jouée ce soir l'est pour la première fois worldwide, et s'inspire de mouvements de boxe, sport que lui et son fidèle compagnon et trompettiste Jonathan Finlayson adorent. Il faudra la réentendre pour en goûter pleinement les attaques et les feintes, les pas chassés et les tentatives d'uppercut, elle est en tous cas vive et complexe, réactive et insaisie.
En écrémant l'effectif, Steve Coleman a pu s'entourer d'un ensemble splendide, où brillent autant les piliers, comparses de longue date (Jonatha Finlayson trompette, Jen Shyu chant, David Bryant piano, Greg Chudzic), que des nouveaux venus qui savent apporter leurs couleurs (Maria Grand saxophone, Rane Moore clarinettes, Kristin Lee violon).
Une excellente prestation, du Steve Coleman inventif à son meilleur niveau, si ses trois concerts pour ce Jazz à la Villette n'ont pas tous été totalement convaincants, il a gardé le meilleur pour la fin.

steve coleman's natal eclipse

Ailleurs : Franck Bergerot

mercredi 23 septembre 2015

Magic Malik Orchestra / Steve Coleman & The Council of Balance (Grande Halle de la Villette - 5 Septembre 2015)

Magic Malik Orchestra

A la tête de son quartet augmenté du saxophoniste Denis Guivarch', Magic Malik propose un set de quatre morceaux, aux structures très fortes et différentes. Le premier est basé sur une ritournelle minimaliste et dansante énoncée et répétée par Vincent Lafont au synthé, et sur laquelle Malik Mezzadri improvise longuement et somptueusement en boucles, courbes et circonvolutions. Il attaque le deuxième morceau, plus nerveux, par un jeu de percussions sur le corps et de chants gutturaux, avant de passer à la flûte, rejoint bientôt par Denis Guivarch'. C'est dense, riche, sombre. Le troisième morceau est piloté par Jean-Luc Lehr qui lance une boucle de guitare basse (une six cordes au son épais) au rythme instable, sur laquelle les autres musiciens l'un après l'autre s'accrochent, comme une construction de guingois, et pourtant inébranlable. Maxime Zampieri en particulier s'amuse à la batterie à flotter, accélère, décélère, brode. Je suis moins emballé par le morceau final, qui commence par un duo guitare sèche + EWI4000s (instrument à vent midi) au son de canard, qui gâche quelque peu même le solo combatif de Guivarch', y compris par des citations énervantes. Mais c'est une belle démonstration de puissance et d'invention que ce court concert (première partie oblige), j'en aurais bien pris une dose plus grande, avec peut-être un peu plus de chant ...

magic malik orchestra

Steve Coleman - Balance of Council

Ca en fait du monde sur la scène : ils sont 17, des cuivres, des cordes, des doublons étonnants genre contrebasse et basse électrique, batterie et percussions, des habitués genre Jonathan Finlayson, Miles Okazaki ou Jen Shyu, et d'autres qu'on entendra quasiment pas. Etonnamment, Steve Coleman s'installe non devant mais au milieu des musiciens, que personne ne dirige du coup (très différent du système Zorn !). Pendant une bonne demi-heure, il ne se passe pas grand-chose : des bouts de musique surgissent d'un coté ou de l'autre, avant de s'éteindre, rien ne s'enchaîne, ça manque de liens, de communications, de communion. Et puis ça finit par prendre, ou par démarrer, selon la métaphore que vous préférez. Et la dernière demi-heure est d'une belle intensité, avec les prises de relais que j'aime tant chez Coleman, quand les solos se fondent et s'enchaînent de façon à la fois naturelle et surprenante. Particulièrement appréciées : les interventions courtes mais toujours opportunes de Jen Shyu, et les envolées très colemaniennes de la saxophoniste Maria Grand. Mais globalement, le dispositif est trop lourd, je préfère les formations plus simples et plus dynamiques.

steve coleman & the council of balance

Ailleurs : Franck Bergerot, et réponse de Malik Mezzadri
Les deux parties sont disponibles en vidéo sur France TV Culture Box : Magic Malik orchestra, Steve Coleman and The Council of Balance.


dimanche 20 septembre 2015

Anne Teresa De Keersmaeker - Golden Hours (As you like it) (Théâtre de la Ville - 21 Juin 2015)

Comme son titre l'indique, cette pièce utilise deux sources d'inspiration fort différentes : "Golden Hours"est un des titres de l'album "Another Green World", composé par Brian Eno en 1975 ; et "As you like it" est une pièce de théâtre de William Shakespeare.
Cela commence par l'arrivée des danseurs et danseuses, tous plutôt jeunes, une troupe renouvelée donc il semble, qui défilent lentement sur la chanson "Golden Hours" qui passe en boucle. C'est lent, mais curieusement pas lassant.
Ensuite s'enclenche la pièce de théâtre. Sans paroles, et sans sous-titres, exceptés de courts extraits projetés en fond de scène, mais sans indication de qui parle. L'appariement entre les interprètes et les rôles n'est jamais non plus explicité. Au spectateur de recoller les morceaux. Ce qui est loin d'être évident, lorsqu'on ne connait pas la pièce (le résumé fourni ne suffit pas vraiment à s'y retrouver).
Il reste une danse très intéressante, nouvelle pour Keersmaeker, qui approche par moment du mime ou de la pantomime, puisqu'elle seule traduit les sentiments et les actions des personnages. Et finalement, c'est ce que j'aime chez cette chorégraphe, son besoin irrépressible de relancer les dés pour trouver de nouveaux terrains d'investigation, et sa certitude de pouvoir compter sur l'intelligence de ses spectateurs. Même si cette fois, j'ai eu le sentiment d'avoir été quelque peu surestimé ...

golden hours

Ailleurs : Danse avec la plume, Danse aujourd'hui ...
Spotify : Brian Eno - Another Green World

mardi 8 septembre 2015

Jarrell Lachenmann Boulez (Philharmonie de Paris - 11 Juin 2015)

Michael Jarrell - Assonance VII

Une bien mauvaise organisation fait que les lumières s'éteignent et révèlent Victor Hanna debout devant ses percussions, alors que le public continue de s'installer, désormais dans le noir, ce qui rallonge d'autant l'épisode embarrassant.
Quand enfin surgissent les premières notes, c'est pour dessiner une oeuvre toute de poésie sonore, de résonnances et de temps suspendus. Au bord du silence, dans une obscurité zébrée d'éclairs sonores, rarement agitée, elle déploie lentement ses magnifiques mystères.
L'interprétation de Victor Hanna est pleine de délicatesse et de virtuosité souple et élégante. Bravo.

assonance vii

Helmut Lachenmann Mouvement (- vor der Erstarrung)

Pour l'EIC que dirige Matthias Pintscher, c'est un grand classique, et aucun des effets sonores, gratouillis, chuchotis, souffletis, ou plus tard les effets plus orchestraux, fusions improbables et scantions nerveuses, ne leur posent problème. On se promène donc presque joyeusement dans cette forêt de presque sons, où glissent d'étranges animaux entre des végétaux tout aussi peu conformes, épars puis plus touffus, puis disparaissants. Joli.

Pierre Boulez - Répons

On est tous là ce soir pour essentiellement ça : écouter "Répons" dans la grande salle de la Philharmonie, comme une sorte de baptême du feu. Comment la spatialisation électronique sera-t-elle perçue ? Saurons-nous localiser les musiciens détachés tout autour de la salle ? Mais en fait, je ne saurais trop dire. J'ai été happé par l'oeuvre, et étourdi par la musique et la vitesse, grisé par tout l'oxygène que dégage l'orchestre, je n'ai rien détaillé, même pas ressenti les épisodes successifs, j'ai tout pris d'un coup, je me suis régalé, mais impossible d'analyser quoi que ce soit. Enivrant.

répons

Ailleurs : Michèle Tosi
Le concert est disponible sur Arte Concert.



samedi 5 septembre 2015

Planning Septembre-Octobre 2015

Une fois n'est pas coutume, j'écris mon planning de rentrée avant le premier concert (de justesse, soit ...).


Et si j'y pense et en ait l'énergie, optionnellement :

mercredi 29 juillet 2015

Ciné-concert "2001 : L'Odyssée de l'espace" (Philharmonie de Paris - 31 Mai 2015)

Sous la vaste toile tendue en hauteur pour la projection du film "2001 : L'Odyssée de l'espace" s'étalent l'Orchestre de Paris et le Choeur Accentus, dirigés par André de Ridder, qui jouent les pièces de musique symphonique choisies par Stanley Kubrick lorsque celles-ci se présentent (je n'avais pas remarqué jusqu'ici que les dites pièces ne servent jamais de fonds sonores au-dessus desquels des dialogues auraient lieu : lorsque la musique survient, les acteurs font silence).
Le film lui-même, vu sans doute pour la troisième ou quatrième fois, m'apparaît un tantinet plus clair, dans son rythme en longues plages, dans sa noirceur sur la nature humaine aussi : sous l'impulsion du monolithe,  la naissance de l'intelligence humaine se manifeste par l'invention de l'outil-arme qui aussitôt sert à la guerre et au meurtre ; la naissance de l'intelligence artificielle sera aussi révélée par un meurtre prémédité ; ce que commettra le fœtus spatial final est laissé à l'imagination des spectateurs ... Mais le séjour dans la chambre finale garde son mystère, dans son contenu décoratif, dans son relais de vieillissements brutaux, etc.
Quant à la musique, j'ai apprécié la gravité de l'interprétation du "Beau Danube bleu", lent, altier, presque sombre, et les pièces de Ligeti étaient d'un excellent niveau. Même si la grande salle de la Philharmonie n'est pas idéale pour le passage de films (le son résonne un peu trop, ce qui rend tous les dialogues un peu irréels, flottants), l'expérience était très intéressante. Je ne sais pas combien d'autres films peuvent se prêter à un pareil exercice ...

Ailleurs : Palpatine, La souris ...

mercredi 17 juin 2015

John Niekrasz, Alexandra Grimal (Jazz@Home, 22 Mai 2015)

Cette session de Jazz@Home, la 69ème, se déroule dans l'appartement habituel, où s'entassent quelques dizaines de spectateurs, entre les bibliothèques, les plantes, et le mini-bar où sont rangés les CD des artistes, et où j'en trouve 2 de Grimal que je n'avais pas encore !

jazz@home 69

A la batterie, John Niekrasz propose une jolie palette de climats différents : des effets percussifs avec de drôles de baguettes ou à main nue ; des pluies fines de petites frappes sur tous tomes et cymbales, un matelas sonore où la pulsion n'est pas prédominante ; des passages plus directifs et violents.
Quant à Alexandra Grimal, elle alterne toujours entre ténor et soprano, mais y ajoute ... la voix. Elle chante de plus en plus, interrompant le flux serré de notes jouées par des bribes de notes chantées qui en prolongent les lignes mélodiques enfouies, le plus souvent sans paroles, parfois chantant dans les saxophones pour ajouter des harmoniques et des richesses de textures.
Mais le plus beau passage est sans doute le dernier morceau, où John Niekrasz fait tourner une cymbale sur le sol, et Alexandra Grimal chante une berceuse tzigane. Simple, direct, droit au coeur, imparable.

jazz@home 69

Debussy Mahler Moussorcski (Philharmonie de Paris - 20 Mai 2015)

Claude Debussy - La Mer, trois esquisses symphoniques

Paavo Järvi entraîne l'Orchestre de Paris sur une mer pleine d'intensité et parfois de fureur. Les envolées des cordes qui montent vers les hauts plafonds réflecteurs sont magnifiques. De beau travail.

Gustav Mahler - Lieder orchestrés

Matthias Goerne, qui est la raison pour laquelle beaucoup sont venus ce soir, et qui devait initialement créer un concerto qui était la raison de ma venue à moi, enchaîne quelques lieder malhériens de divers cycles : "Knaben Wunderhorn", "Kindertotenlieder", et "Lieder und Gesänge", ces derniers arrangés par Luciano Berio ! L'alternance de chants connus et d'autres pas du tout me perd un peu ; j'apprécie de réentendre "Urlicht", et "Revelge" où il donne du mordant avec une délectation toujours renouvelée.
Et puis me voilà rassuré : ce genre de voix passe excellemment dans la salle. Seules les sopranos seraient pour l'instant en souffrance ?

goerne chante mahler

Modest Moussorcski - Tableaux d'une exposition

Agréable redécouverte, je connais certaines pages par coeur, d'autres moins.

Ailleurs : Palpatine, La Souris, Stéphane Blemus
Spotify : Les Tableaux, je crois les avoir découverts par cette version Emerson Lake and Palmer ... qui a un peu vieillie ...

mercredi 10 juin 2015

Hofesh Shechter - deGeneration (Théâtre des Abbesses - 15 Mai 2015)

Hofesh Shechter reprend deux de ses premières chorégraphies ("Cult" de 2004 et "Fragments" de 2003), y adjoint une création qui reste dans le même esprit ("Disappearing Act"), et donne le tout à interpréter par de jeunes danseurs et danseuses, aux gabarits variés et à la fougue communicative.
En fait, les éléments de son langage sont déjà là : une danse physique qui mélange grands mouvements et gestes quotidiens, sauts allongés et trépignements ; une scénographie où la lumière est très travaillée, qui découpe l'espace, entre parties claires et celles plongées dans l'ombre, et le temps, en épisodes successifs.
C'est court, dense, fort sympathique, mais sans vraiment m'emballer.

degeneration

Ailleurs : Rick

Antigone - Sophocle / Ivo Van Hove (Théâtre de la Ville - 3 Mai 2015)

L'affrontement entre Antigone et Créon, je le connaissais de mes années scolaires dans la version d'Anouilh, et alors qu'on nous expliquait doctement qu'en tant qu'adolescent et donc rebelle nous étions forcément du coté de la révoltée Antigone, moi je comprenais bien mieux le raisonnement politique de Créon ...
Mais ici c'est la version de Sophocle qui nous est proposée, dans une mise en scène assez simple d'Ivo Van Hove : un décor unique avec un grand mur en fond où sont projetées de nombreuses vidéos, pas toutes utiles d'ailleurs, et un décrochage de niveau qui crée des banquettes.
La plupart des acteurs forment le choeur, s'en détachent le temps de leur scène puis y replonge. Sont épargnés bien évidemment le couple vedette, Patrick O'Kane en Créon, imbu d'autorité, qui a la raison d'état pour lui mais manque cruellement de subtilité, et Juliette Binoche en Antigone, qui joue comme à coté de tous les autres, dans une autre tonalité, beaucoup plus émotionnelle, proche des cris et des pleurs ; mais comme elle dit, sa naissance déjà (d'Oedipe et de Jocaste) avait fait d'elle un monstre, placée en dehors de l'humanité commune.
Que le texte soit dit en anglais s'oublie rapidement, les sous-titres sont bien visibles de ma place. Et je me laisse happer par l'émotion, plus que par les questionnements philosophiques ou politiques. La fin me surprend en larmes, c'est donc que le spectacle était suffisamment réussi dans sa logique.

antigone

lundi 11 mai 2015

Marc Ribot - The docks of New-York (Cité de la Musique - 24 Avril 2015)

C'est une soirée ciné-concert. Dans l'amphithéâtre est projeté le film "The Docks of New-York", un drame de Josef von Sternberg de 1928, sur lequel Marc Ribot improvise de la musique en direct.
J'aime particulièrement le début du film, avec une suite de gueules et d'éclairages expressionnistes et impressionnants dans la soute du bateau qui fait escale. La suite est un beau mélodrame social, où un marin sauve une prostituée du suicide, l'amène dans un bouge et l'y épouse, avant de repartir le lendemain sur les mers, mais finalement la rejoint, pour finir par un séjour en prison.
La musique de Ribot reste en arrière-plan, laissant l'attention principale sur le film. Il rend très bien l'atmosphère poisseuse du bar où la violence éclate régulièrement ; il a plus de mal à rendre intéressantes certaines des scènes du couple.
Je m'attendais sans doute à quelque-chose de plus spectaculaire, mais en fait l'optique choisie est la bonne : cela reste un accompagnement musical.

Berlin Années Folles - Orchestre de Paris, Ute Lemper (Salle Philharmonique - 18 Avril 2015)

Paul Hindemith - Nouvelles du Jour

Courte pièce apéritive, agréable, mais que l'Orchestre de Paris joue je pense un peu trop mollement.

Kurt Weill - Les Sept Péchés Capitaux


La vedette, c'est Ute Lemper. Elle opte pour une version Cabaret, avec micro et gestuelle, sans partition. Dans ce choix, elle est parfaite. Le reste suit.
En bis, elle interprète plusieurs chansons de Kurt Weill. Le chef d'orchestre Thomas Hengelbrock tue tout suspense en déployant en avance la partition de la chanson suivante. Lemper explique le contexte historique des créations, et donne en quelques étapes une idée du parcours du compositeur. La dernière chanson choisie illustre la déception de l'étape américaine de sa carrière.

berlin années folles

Kurt Weill - Suite de l'Opéra de Quat'Sous

Je m'y fais à cette suite, je l'ai préférée à la dernière fois.

Eduard Künneke - Suite dansante

Si le reste du catalogue de ce compositeur est plus marqué "musique légère" que cette pièce, je comprends qu'il soit tombé dans l'oubli. C'est pas désagréable, mais c'est vraiment anecdotique. Sous les mélodies gentilles de Weill, il y a (presque) toujours de l'acidité, qui donne du relief. Ici, je n'entends aucune profondeur particulière derrière les rythmes entraînants et les architectures simples.


Ailleurs : La souris
Spotify : Die 7 Todsunden (Lotte Lenya 1956), Ute Lemper sings Kurt Weill, Musique d'Eduard Künneke (dirigée par lui-même)

Wim Vandekeybus - What the Body does not Remember (Le Centquatre - 13 Avril 2015)

Wim Vandekeybus et sa troupe Ultima Vez reprennent régulièrement cette pièce, leur première, et qui d'emblée frappait fort. Je l'ai déjà vue donnée dans de meilleures conditions que cette salle temporaire construite à l'intérieur du 104, aux rangs serrés, et au public agité, dont de nombreux lycéens à qui seront confisqués préventivement et à leur grande protestation les portables, et qui réagiront bien bruyamment à l'apparition d'une poitrine féminine dénudée. Bref.
C'est une chorégraphie conçue en épisodes successifs, et la plupart d'entre eux partent d'une idée simple qui est variée, ramifiée, détournée. Je me souvenais principalement des briques, qui servent de pavés pour se déplacer, qu'on se jette les uns aux autres parfois sans même se regarder, qui soulèvent une poussière blanche très belle ; et des vêtements, qu'on se chipe, qu'on s'échange, qui changent de pôles et d'épaules, avec des habillages déshabillages en marge du plateau, et beaucoup de traversées en diagonales. D'autres séquences marquent le territoire très physique de la troupe, qui sera sa marque de fabrique les premières années : comme cette section inaugurale en "musique de table", où aux frottements glissements claquements du musicien répondent deux corps de danseurs, comme télécommandés, qui roulent, sautent allongés horizontalement, tout un travail au sol qui était à l'époque révolutionnaire et qui reste impressionnant. Et la séquence finale, en piétinement furieux, armés des chaussures emblématiques, et qui comprend sa part de risque de blessure physique. J'avais par contre oublié une séquence qui préfigure une évolution future, où la violence de physique devient plus mentale : une séance de palpation, qui devient clairement une agression sexuelle.
La pièce est toujours aussi formidable, la troupe actuelle la reprend avec toute la fougue voulue, j'espère la revoir dans 10 ou 15 ans dans une meilleure salle et avec un meilleur public.

ultima vez

Ailleurs : ResMusica


dimanche 19 avril 2015

Johann Sebastian Bach - Messe en Si mineur (Philharmonie de Paris - 3 Avril 2015)

Les English Baroque Soloists sont un orchestre remarquable de vivacité et de luminosité malléable, le Monteverdi Choir un choeur admirable de tenue et de beauté, Sir John Eliot Gardiner un chef extraordinaire. Si les voix solistes avaient été à la hauteur, cela aurait donné un concert exceptionnel. Ce n'était pas le cas, chaque intervention soliste étant à la limite de la déception. Du coup ce ne fut qu'un bon concert.

messe en si

Ailleurs : Le concert est disponible jusqu'en Octobre 2015 sur Live.Philharmonie.

jeudi 16 avril 2015

Stravinski Dusapin (Philharmonie de Paris - 29 Mars 2015)

Claude Debussy - Printemps

La description de cette oeuvre dans le livret est curieusement peu louangeuse (une idée banale, pour une pièce qui "sacrifie à l'esthétique dominante", peut-être vouée à disparaître, avant d'être transcrite ; une fin "d'une surcharge typiquement 1890" ...) mais c'est honnête : la pièce n'est pas inoubliable.

Pascal Duspain - Wenn du dem Wind ...

La soprano Karen Vourc'h rejoint l'Orchestre National des Pays de Loire, dirigé par Pascal Rophé, pour le grand moment de ce concert, et un des grands moments de cette saison : cette suite lyrique de trois scène tirées de l'opéra "Penthesilea" est un petit chef d'oeuvre.
Cela commence par un air de harpe, hésitant, que Dusapin explicite dans le livret comme un chant d'enfant. Le soutiennent des contrebasses fort sombres. Le chant est énonciation prophétique. Dans la deuxième partie retentit un cymbalum, sur des vociférations de cuivre. Le drame se noue, théâtral. Troisième partie, stridence des cordes, déchirure de l'orchestre en tous sens. La reine Penthesilea, dans ses si douloureuses contradictions ("Lâchez les chiens sur lui, A bas cette brute intolérable / Qu'il pose son pied sur ma nuque, Tout, plutôt qu'être une femme pour laquelle un homme ne s'enflamme pas") passe par tous les états, solitude de l'accapella, fureur, folie, douceur, avant que ne revienne l'air de harpe initial.
Un tour de force, vécu intensément par Karen Vourc'h, et excellemment interprété et dirigé.

wenn du dem wind...

Igor Stravinski - L'Oiseau de feu

Pas grand-chose à dire par contre ici, la tension étant retombée, les différents épisodes se succèdent sans ennui ni frisson particulier.

Ailleurs : MimyLaSouris, Palpatine

dimanche 5 avril 2015

Nhaoul - Habka (Le Triton - 28 Mars 2015)

La contrebassiste Sarah Murcia et la oudiste et chanteuse Kamylia Jubran avaient créé il y a deux ans le groupe "Nhaoul". C'était essentiellement un duo, qu'accompagnait par moments un trio à cordes. Elles reprennent aujourd'hui cette collaboration, mais en renforçant le rôle du trio, et en le confiant à des improvisateurs chevronnés : Régis Huby (violon), Guillaume Roy (alto), Atsushi Sakaï (violoncelle).
L'équilibre de l'ensemble en est grandement modifié, avec deux pôles (le trio à cordes d'un coté, Kamylia Jubran de l'autre) et un pont (Sarah Murcia).
Les trois musiciens du trio sont d'une certaine manière sous-employés : leur capacité d'improvisateurs n'est quasiment voire pas du tout utilisée. Ils jouent sur partition une musique très occidentale, tonale à vue d'oreille, aux rythmes en boucle, me faisant par moments penser à du Steve Reich.
Kamylia Jubran est elle toute entière plongée dans son langage de musique classique arabe revisitée, où le chant frôle le parlé-chanté, s'envole dans des quarts de ton, se fait déclamation poétique (les textes nous sont distribués en livret - mais la traduction n'en rend pas la force qu'on perçoit dans la voix très évocatrice de Jubran, pour qui ces textes ont des résonances culturelles mais aussi éthiques et politiques - son combat est sous-jacent à chacune de ses présentations), et le oud l'accompagne dans des rythmes très souples et ornés de figures libres, très loin des esthétiques un peu anesthésiées des oudistes ECM, disons ...
Entre ces deux mondes, qui chacun parle pleinement sa langue, il y a Sarah Murcia et sa contrebasse, qui permet la jointure, non par fusion, mais par juxtaposition, ce qui est beaucoup plus difficile. Ses solos, qui volent au-dessus de la frontière, sont remarquables de parcimonie tranchante et de justesse poétique.
Le répertoire est tout frais, le concert marquant la fin de l'atelier de travail qui lui a donné naissance. On retrouve la "Suite Nomade", mais réécrite, et dans ses parties 1 2 et 4 (une nouvelle conclusion donc). On ressort tout imprégné de désert, de vent, de la perception d'un combat pour la survie et la liberté.

nhaoul / habka

Spotify : Kamilya Jubran, Sarah Murcia - Nhaoul'

Jeanne Added au Festival "Les Femmes S'en Mêlent" (Divan du Monde - 26 Mars 2015)

Cela fait presque 10 ans que Jeanne Added se faisait un nom dans le domaine du Jazz au sens large, et je l'ai vu en solo, en duo, plusieurs fois en trio, en quatuor ;mais aussi dans des domaines plus éloignés du monde du Jazz, chantant du Verlaine, ou du Bowie. Un grand tournant a cependant eu lieu il y a quelques mois, avec cette nouvelle formule en trio, accompagnée de Anne Paceo à la batterie (elle aussi une habituée de ce blogue dans des formations très diverses !), et de Narumi Herisson aux claviers, qui ne s'apparente plus du tout au Jazz, mais à une forme de pop/rock/techno, plus précisément empreinte de post-punk, de cold-wave, et de transe dance. Si le cocktail est puissant sur disque (l'EP buzze bien, le LP est prévu pour début Juin), il devient redoutable sur scène.

jeanne added

Si Narumi Herisson, à qui revient de produire l'essentiel de la musique, reste d'une discrétion totale derrière ses quelques claviers, si Anne Paceo, derrière une batterie agrémentée d'un pad électronique obligatoire, ne se lâche qu'à peine plus que sur le disque, agrémentant sa frappe économe et bondissante de quelques embrasements progressifs et embardées sous contrôle, c'est pour laisser toute la place centrale à Jeanne Added, qui s'empare de l'espace avec facilité, avec ou sans basse, dansant, hurlant par moments, dialoguant et plaisantant avec le public, et bien sur chantant.
Cette voix longtemps travaillée dans une subtilité étudiée qui me donnait des frissons, elle lui donne des aspérités beaucoup plus directes et brutales, une âpreté et une force qui vient de la gorge et du ventre, qui la renouvelle totalement. Sur scène pourtant, parfois reviennent des dérapages en voix de tête, et le temps d'une balade, on entend cette autre voix, qui n'est donc pas oubliée, juste mise de coté, parce qu'elle ne convenait pas à ce projet, à son urgence, à son immédiateté.
La playlist place presque en début de concert les trois chansons connues de l'EP, puis part dans celles encore inédites du disque à venir. Il y a entre autre une balade, une pochade joyeuse "Back to Summer" (les titres sont donnés sans garantie !), et puis, pour finir avant la reprise en bis du "Five Years" de Bowie, ce titre qui me stupéfie, avec ces "I love you" transperçants de sincérite blessée d'écorchée vive.


Jeanne Added # I Love You par Laurent_Gautier_7

Si l'an dernier fut celui de Christine and the Queens, il se pourrait bien que cette année soit celle de Jeanne Added.

Spotify : Jeanne Added - EP, Melissa Laveaux - Dying is a Wild Night (où Anne Paceo tape aussi de la pop), Tristesse Contemporaine (où joue Narumi Herisson).

Post-scriptum : En deuxième partie de concert jouait Robi, mais qui après le choc éprouvé, m'a semblé bien plus conventionnel ; je quitte les lieux après que les  quelques premières chansons m'aient laissé totalement indifférent.

mardi 31 mars 2015

Youn Sun Nah Quartet (Théâtre du Châtelet - 23 Mars 2015)

Le théâtre est bien plein et le public enthousiaste (un peu trop, se laissant piéger et applaudissant plusieurs fois lors de baisses d'intensité au milieu de chansons), lorsque, après une rapide mais pertinente présentation par l'hôte des lieux, Youn Sun Nah entre sur le plateau chichement décoré de quelques lampes sur pied, toujours aussi humble, et accompagnée de Vincent Peirani, pieds nus et accordéon en bandoulière. Premier morceau : "Voyage". Et c'est bien ce qu'elle va nous proposer, de voyager à travers des émotions contrastées, soufflant alternativement chaud et froid. Les deux autres compagnons les rejoignent, Ulf Wakenius à la guitare et Simon Tailleu à la contrebasse, pour "Uncertain Weather" et sa tension douloureuse. Ulf Wakenius prend un solo hésitant ; au cours de la soirée, il me semblera plusieurs fois un peu flotter, rattrapé par un Vincent Peirani par contre absolument impérial. Puis vient le premier inédit (sur disque) de la soirée, "A Sailor's Life", Folk song anglais. Suivi de "Mistral", l'occasion d'un jubilatoire exercice de souffle, en souvenir d'un Avignon trop venteux. Mais le premier choc de la soirée c'est "Empty Dream". Vincent Peirani y déploie un solo prodigieux, tout en émotion rentrée, accompagné d'un Simon Tailleu minimaliste et essentiel, qui semble guider note à note, pas à pas, l'accordéon, à travers l'obscurité et le silence, vers la sortie d'un labyrinthe. Les respirations s'arrêtent dans la salle, de peur d'être trop bruyantes, jusqu'à ce que la contrebasse, en simplement reprenant un tempo plus vif, marque la fin de l'épreuve. Et comme la soirée joue sur les contrastes, Youn Sun Nah enchaîne avec "Pancake", une version totalement déconstruite et un peu trop foutraque à mon gout, où un extrait de bal musette se voit adossé à un passage très rock, et où la gourmandise joyeuse se perd. "Lament", ses "I am not ready" et sa sensibilité à nue, remet l'émotion au centre, apaisée par l'autre inédit, un autre Folk song (indication pour le prochain album ?), suédois cette fois ("Vem kan segla förutan vind?" je recopie de la playlist d'un autre concert). Le coté lumineux et joyeux revient avec "Ghost Riders in the Sky"et son accent de cow-boy au coin du feu racontant son histoire héroïque et invraisemblable, puis "Memento Magico" et ses virtuosités estomaquantes. De là, retour à l'émotion : c'est "Arirand", chanté en Coréen, après qu'elle nous ait indiqué que ses parents ont fait le voyage ce soir pour la voir à Paris ; et ils saluent, et on les applaudit.
En bis, elle revient en solo, et propose "Calypso Blues", démonstration formidable et magnifique de re-recording en direct, où elle superpose des boucles en les chantant sur un micro séparé (le mieux, c'est de regarder la vidéo).
Enfin, en vrai dernier morceau, elle ne brise plus le coeur des spectateurs comme à une époque en terminant par "Avec le temps", mais au contraire nous laisse sortir tout enivrés et joyeux d'un "Jockey full of Bourbon".
Et bien sur, est-il utile de le préciser, tout au long du concert, la voix magique de Youn Sun Nah, sa capacité à lui faire prendre tant de couleurs différentes, à chaque fois au service de la chanson, et sa gestuelle amusante de Sound Painting, mimant pour elle-même les mouvements de la musique.

youn sun nah quartet

Ailleurs : J'ai cru comprendre que la vidéo de la soirée sera disponible sur Arte Concert. Attendons un peu donc ...
Spotify : "Lento" de Youn Sun Nah, "Vagabond" de Ulf Wakenius

vendredi 27 mars 2015

Le Grand Soir - A Pierre (Cité de la Musique - 21 Mars 2015)

Maurice Ravel - Frontispice (orchestration de Pierre Boulez)

La pièce d'origine est pour deux pianos et cinq mains, et c'est du Ravel très avant-gardiste. Pierre Boulez a transcrit cette pièce étonnante pour orchestre en disséminant les boucles décalées initiales en mélodies de timbres. L'aspect exotique et aquatique en est splendidement renforcé, dans un fascinant jeu de textures et de transparences. Cela se conclut par une impériale montée de marches harmoniques, comme l'ascension d'un temple au milieu de la jungle. En à peine deux minutes, quel voyage et suite de sensations !

Christophe Bertrand - Scales

Le titre le laisse deviner : ça va monter et descendre au gré d'échelles de notes diverses. J'y entends beaucoup de Ligeti (du faux statisme, des prolongations sur-aigus - basses ...), c'est par moments très agressif, mais c'est surtout répétitif. Le compositeur explique dans le livret avoir voulu traiter l'exhaustivité de son matériel, mais ce qu'il épuise encore plus rapidement, c'est ma capacité d'attention. La pièce me semble en fait interminable, alors qu'elle ne dure que 15 minutes.

Olga Neuwirth - torsion: transparent variation

C'est une sorte de concerto pour basson ; celui-ci y sonne lourd, sombre, épais. Les réponses de l'orchestre semblent émaner directement de cette masse sonore. Cette pièce est d'inspiration sculpturale, avec des pleins et des creux, de la matière et du vide, des ruptures et des excroissances répétées. Mais je n'ai en fait pas vu grand-chose, et si le jeu de Pascal Gallois est bien évidemment impressionnant de techniques et d'implication, je n'ai guère été passionné.

Benjamin Attahir - Tadikma

Pour conclure cette première partie, voici une pièce écrite spécialement pour les 90 ans de Pierre Boulez par un jeune compositeur prometteur. Musique de chambre, pour hautbois d'amour, trombone, piano, harpe et alto, entourés de quelques percussions (qui demandent un réglage assez précis des gestes, Odile Auboin s'en souviendra ...), structurée autour de quatre séries qui sont la traduction note à note de "joyeux anniversaire pierre boulez", elle offre un aspect quasi-pop, joyeux et entraînant, embarque son lot de délicieuses surprises, dont l'intervention en fond de salle du compositeur lui-même, qui est également violoniste. Une découverte très agréable, et un compositeur à suivre.

takdima

Luigi Nono - A Pierre. Dell'azzuro silenzio, inquietum

Sophie Cherrier d'un coté de la scène, armée d'une flûte contrebasse, Alain Billard de l'autre coté, muni d'une non moins impressionnante clarinette contrebasse. Entre eux, un espace dont se saisit une bande magnétique. Les instruments murmurent de mystérieux vrombissements, entre souffle et son, dans une alchimie avec la bande qui ne présente pas d'évolution ou de scénario, c'est une tranche de temps, nocturne, doucement palpitante, très belle.

Die Hochstapler - Improvisations

Voilà qui surprend : du Free Jazz, ni plus ni moins, avec batterie non swinguante, contrebasse énergique, trompette et saxophone, le tout jouant des improvisations à partir de fragments d'oeuvres de Pierre Boulez. Franchement, je ne reconnais aucune oeuvre de départ. Et le résultat n'est pas vraiment concluant, ni dans le cadre "hommage à Pierre Boulez", ni dans un cadre "Free Jazz". Essai non transformé.

Enno Poppe - Zug

Sept cuivres, cela donne une sorte de fanfare, qui plongerait dans de l'exploration micro-tonale. Mais je perds le fil, et sur la longueur, je m'ennuie pas mal.

démultiplié

Pierre Boulez - ... explosante-fixe ...


En troisième partie, cette grande pièce pour flûte, accompagnée de deux flûtes, d'un ensemble d'instrumentistes, et d'une partition électronique, nous est brièvement présentée par le chef d'orchestre Matthias Pintscher comme l'une des plus intimes de Pierre Boulez. Je préfère pour ma part "Répons" ou "Dialogue de l'ombre double", mais on trouve effectivement ici la luxuriance des timbres et des rythmes, les jeux entre la source et ses échos successifs, la maîtrise de l'habillage électronique, qui font les grandes oeuvres de Pierre Boulez dans sa période Ircam.

... explosante - fixe ...

Ailleurs : Michèle Tosi
Spotify : Pascal Gallois Solo ; Neuwirth, Boulez, BerioBoulez : ... explosante - fixe ...

Le Sacre et ses révolutions (Philharmonie de Paris - 15 Mars 2015)

Iannis Xenakis - Jonchaies

Cette partition fantastique emporte l'orchestre pupitre par pupitre, cordes, percussions, vents, dans un déchaînement climatique impressionnant de puissance cataclysmique et pourtant toujours ordonnée. Étrangement, l'orchestre du Brussels Philarmonic, dirigé par Michel Tabachnik, semble clairsemé pour mener pareil tapage. C'est que la scène a été agrandie pour permettre aux danseurs du groupe Emile Dubois, chorégraphiés par Jean-Claude Gallotta, d'évoluer devant lui. Beaucoup de parcours, marche ou course, de positionnements, de rapprochements et oppositions hommes/femmes, avec une force d'êtres debout, au milieu de la tempête. C'est assez simple, direct, sans fioritures, et ça fonctionne bien.

le sacre et ses révolutions

Anton Webern - Six Pièces op. 6

En contraste, Tabachnik entraîne ces 6 pièces vers la nuit, le mystère, l'opacité de timbres mêlés. Devant, la danseuse Ximena Figueroa rend hommage à Angela Davis. Là aussi, se tenir debout, résister, finir par brandir le poing. Le collage musique/danse cependant est moins organique ou évident.

Igor Stravinski - Le Sacre du Printemps

La version du Brussels Philharmonics est d'une belle rondeur, plus voluptueuse que violente, même si la puissance est là quand il le faut (et c'est souvent ...). Ce sont ces oeuvres-là qui pour l'instant m'ont le plus plu à la Philharmonie : la puissance orchestrale peut se déchaïner à loisir, sans qu'on perde une once d'information musicale, aucune saturation, et une lisibilité totale des pupitres. Un vrai régal.
C'est Gallotta qui a choisi de rapprocher Jonchaies du Sacre. Normal que les chorégraphies se ressemblent aussi, du coup. Pas de sacrifice d'Elue, mais beaucoup,de trajectoires, et des couples éphémères, et de la force vitale du désir et des attractions. Dans l'interminable liste des traductions chorégraphiques du Sacre, celle-ci ne sera pas en tête de liste, mais elle est très agréable à suivre.

Ailleurs Delphine Goater
Spotify : Iannis Xenakis - Orchestral Works vol 1, Igor Stravinski - Le Sacre du Printemps

dimanche 15 mars 2015

Mélanie Leray - La Mégère apprivoisée (Théâtre de la Ville - 11 Mars 2015)

Voilà une pièce de William Shakespeare qui pose problème : comment monter une comédie qui parle d'une femme à la parole libre, mais qui se fait marier de force à un homme qui, en la privant de nourriture et de sommeil, en l'humiliant, en la coupant de sa famille, finit par l'abrutir en épouse modèle ? En opposant d'un coté les hommes, tribu mafieuse ridicule au point d'en être pathétique, aux deux femmes, la cadette qui joue le jeu et l’aînée qui s'y refuse et lutte, crie, pleure et souffre, Mélanie Leray essaie d'orienter la pièce vers une dénonciation de la situation de bien des femmes victimes d'un mari abusif, aujourd'hui comme hier. Cela ne marche que très partiellement. Parce que Vincent Winterhalter propose un Petruccio haut en couleurs, fourbe, brutal, mais très charismatique, et complètement en phase avec le texte, face à Laetitia Dosch qui joue la Catherine maltraitée, mais qui a bien du mal à faire passer de l'émotion à travers un texte qui n'est pas là pour ça. Les grandes scènes de confrontation ne fonctionnent pas, et quand le discours final ("nous femmes de faible constitution devons obéissance à nos maris qui nous fournissent protection et support") est applaudi par quelqu'un dans la salle qui visiblement le prend totalement pour argent comptant, c'est qu'il y a malaise : on ne perçoit pas ce qu'explique le livret, que ce discours serait prononcé uniquement pour faire semblant, par une Catherine manipulatrice (mais y gagnant quelle liberté, de toute façon ?). Des scènes de nudité (masculine et féminine) pas toujours indispensables, des projections vidéo de regards larmoyants un peu trop nombreuses, n'arrangent pas l'affaire. Restent de jolies chansons interprétées en intermèdes par Ludmilla Dabo, et une troupe masculine amusante, où brillent Winterhalter, donc, et également Jean-Benoît Ugeux, qui joue son serviteur âme damnée, avec un accent terrible.

Ailleurs : Mélissa Leclerc

Philippe Decouflé - Wiebo (Cité de la Musique - 6 Mars 2015)

A l'occasion de l'exposition consacrée à David Bowie à la Philharmonie, ce spectacle lui rend hommage, qui mêle chansons, chorégraphies et arts du cirque. Les chansons, où alternent les tubes ("Space Oddity", "Let's Dance", "Ashes to Ashes" ...) et chansons moins connues ("Queen Bitch", "Andy Warhol", "Five Years" ...) sont interprétées par un groupe de bonne composition (où je retiens principalement Peter Corser dans un solo de saxophone aux techniques "Colin Stetson-esques") devant lequel se succèdent trois invitées de choix : Sophie Hunger, très solide, presque terre à terre ; Jehnny Beth (chanteuse des Savages), toujours aussi Siouxie, et ondulante ; et enfin et surtout, Jeanne Added, dans sa nouvelle voie/voix rock, et Thin White elfe bondissante.
Comme Découflé veut nous proposer un spectacle et non simplement un concert, il remplit l'espace scénique : acrobates, mât chinois, corde, cerceau, ça grimpe et ça tournoie, sans qu'il n'y ait vraiment lien avec l'univers Bowien. Ca danse aussi, plutôt simplement, le but étant d'entraîner le public, qui debout au parterre n'a pas trop la place pour ça. Un grand écran vidéo passe des images de la scène travaillées en direct, ou des images de Bowie, projetées également tout autour de la salle. La part la plus réussie d'évocation sont les costumes de Laurence Chalou, qui avait une forte source d'inspiration il est vrai ! Mais d'autres tentatives tombent pour moi à plat, comme la reconstitution des pochettes d'album, amusant mais anecdotique.
Ce sera d'ailleurs le constat général de la soirée : agréable, mais superficiel.

wiebo

Ailleurs : Le spectacle est disponible sur Arte Concert.