lundi 11 mai 2015

Marc Ribot - The docks of New-York (Cité de la Musique - 24 Avril 2015)

C'est une soirée ciné-concert. Dans l'amphithéâtre est projeté le film "The Docks of New-York", un drame de Josef von Sternberg de 1928, sur lequel Marc Ribot improvise de la musique en direct.
J'aime particulièrement le début du film, avec une suite de gueules et d'éclairages expressionnistes et impressionnants dans la soute du bateau qui fait escale. La suite est un beau mélodrame social, où un marin sauve une prostituée du suicide, l'amène dans un bouge et l'y épouse, avant de repartir le lendemain sur les mers, mais finalement la rejoint, pour finir par un séjour en prison.
La musique de Ribot reste en arrière-plan, laissant l'attention principale sur le film. Il rend très bien l'atmosphère poisseuse du bar où la violence éclate régulièrement ; il a plus de mal à rendre intéressantes certaines des scènes du couple.
Je m'attendais sans doute à quelque-chose de plus spectaculaire, mais en fait l'optique choisie est la bonne : cela reste un accompagnement musical.

Berlin Années Folles - Orchestre de Paris, Ute Lemper (Salle Philharmonique - 18 Avril 2015)

Paul Hindemith - Nouvelles du Jour

Courte pièce apéritive, agréable, mais que l'Orchestre de Paris joue je pense un peu trop mollement.

Kurt Weill - Les Sept Péchés Capitaux


La vedette, c'est Ute Lemper. Elle opte pour une version Cabaret, avec micro et gestuelle, sans partition. Dans ce choix, elle est parfaite. Le reste suit.
En bis, elle interprète plusieurs chansons de Kurt Weill. Le chef d'orchestre Thomas Hengelbrock tue tout suspense en déployant en avance la partition de la chanson suivante. Lemper explique le contexte historique des créations, et donne en quelques étapes une idée du parcours du compositeur. La dernière chanson choisie illustre la déception de l'étape américaine de sa carrière.

berlin années folles

Kurt Weill - Suite de l'Opéra de Quat'Sous

Je m'y fais à cette suite, je l'ai préférée à la dernière fois.

Eduard Künneke - Suite dansante

Si le reste du catalogue de ce compositeur est plus marqué "musique légère" que cette pièce, je comprends qu'il soit tombé dans l'oubli. C'est pas désagréable, mais c'est vraiment anecdotique. Sous les mélodies gentilles de Weill, il y a (presque) toujours de l'acidité, qui donne du relief. Ici, je n'entends aucune profondeur particulière derrière les rythmes entraînants et les architectures simples.


Ailleurs : La souris
Spotify : Die 7 Todsunden (Lotte Lenya 1956), Ute Lemper sings Kurt Weill, Musique d'Eduard Künneke (dirigée par lui-même)

Wim Vandekeybus - What the Body does not Remember (Le Centquatre - 13 Avril 2015)

Wim Vandekeybus et sa troupe Ultima Vez reprennent régulièrement cette pièce, leur première, et qui d'emblée frappait fort. Je l'ai déjà vue donnée dans de meilleures conditions que cette salle temporaire construite à l'intérieur du 104, aux rangs serrés, et au public agité, dont de nombreux lycéens à qui seront confisqués préventivement et à leur grande protestation les portables, et qui réagiront bien bruyamment à l'apparition d'une poitrine féminine dénudée. Bref.
C'est une chorégraphie conçue en épisodes successifs, et la plupart d'entre eux partent d'une idée simple qui est variée, ramifiée, détournée. Je me souvenais principalement des briques, qui servent de pavés pour se déplacer, qu'on se jette les uns aux autres parfois sans même se regarder, qui soulèvent une poussière blanche très belle ; et des vêtements, qu'on se chipe, qu'on s'échange, qui changent de pôles et d'épaules, avec des habillages déshabillages en marge du plateau, et beaucoup de traversées en diagonales. D'autres séquences marquent le territoire très physique de la troupe, qui sera sa marque de fabrique les premières années : comme cette section inaugurale en "musique de table", où aux frottements glissements claquements du musicien répondent deux corps de danseurs, comme télécommandés, qui roulent, sautent allongés horizontalement, tout un travail au sol qui était à l'époque révolutionnaire et qui reste impressionnant. Et la séquence finale, en piétinement furieux, armés des chaussures emblématiques, et qui comprend sa part de risque de blessure physique. J'avais par contre oublié une séquence qui préfigure une évolution future, où la violence de physique devient plus mentale : une séance de palpation, qui devient clairement une agression sexuelle.
La pièce est toujours aussi formidable, la troupe actuelle la reprend avec toute la fougue voulue, j'espère la revoir dans 10 ou 15 ans dans une meilleure salle et avec un meilleur public.

ultima vez

Ailleurs : ResMusica