dimanche 11 décembre 2016

Wayne Shorter Quartet (Philharmonie de Paris - 29 Novembre 2016)

wayne shorter quartet


Wayne Shorter, Danilo Perez, John Patitucci et Brian Blade : quand ce quartet joue, le temps se fige. Ils s'installent sur scène sans un mot vers le public, jouent, pendant une bonne heure, puis repartent. Ce n'est pas du Be-Bop, ce n'est pas du Free Jazz, c'est leur musique à eux, qu'ils répètent depuis plus d'une décennie et demi, et c'est assez miraculeux. 
Je ne connais pas assez les morceaux pour les reconnaître, mais ne saurais même dire quand finit l'un et commence le suivant. Je n'ai plus l'impression d'écouter de la musique, mais de regarder un spectacle de la nature, un beau paysage sous les effets d'une météo agitée. Les phrases musicales surgissent, certaines sont reprises et développées, d'autres sont ignorées et retombent dans le silence ; les énergies fusent puis refluent ; des ambiances passent, comme un souffle, comme un marée, comme un orage qui menace, qui peut-être éclate, qui s'en va. 
Et quand c'est fini, je repars comme lavé de l'intérieur par une bonne dose de beauté inédite.

wayne shorter quartet

Andy Emler Megaoctet - Mystery Bag (Le Triton - 25 Novembre 2016)

Le Megaoctet d'Andy Emler est un habitué du Triton, et semble-t-il revient-il toujours avec de nouveaux morceaux. Et c'est bien le cas aujourd'hui, un paquet de nouvelles compositions qui permettent de remplir les deux heures (avec quelques titres plus auciens pour conclure). Assez simples, bien carrées, elles permettent aux solistes de se distinguer admirablement. Je me souviens en particulier d'un passionnant et fébrile dialogue entre Laurent Blondiau à la trompette et François Thuillier au tuba, d'une longue intro à l'archet de Claude Tchamitchian sur sa contrebasse, de longues dérives de Laurent Dehors au saxophone (un des morceaux lui est dédicacé). Eric Echampard à la batterie est toujours aussi précis et efficace, imperturbable et élégant, et il est ici accompagné de François Verly au marimba et percussions, excellent et énergique coloriste. De surprenantes couleurs surgissent parfois, de la juxtaposition par exemple du tuba et de la contrebasse. Et puis, il y a l'humeur sur scène, si agréable. De violents éclats de rire surgissent des coulisses pendant l'entracte, Andy Emler conjugue son talent de compositeur avec celui de chef de troupe, qu'il mène avec humour et bonhomie. Une excellente soirée.

Beethoven On Line (Cité de la Musique - 20 Novembre 2016)

Ludwig van Beethoven - Symphonie n° 7

Lorsque la principale impression suscitée par l'écoute d'une telle oeuvre est qu'elle se répète beaucoup, c'est que soit mon écoute, soit l'interprétation, n'était pas à la hauteur. Ou bien les deux.

Bernard Cavanna - Geek Bagatelles

Une application à télécharger sur son smartphone permet à une partie du public d'agir au cours de l'exécution de l'oeuvre : voilà pour l'aspect "geek", assez anecdotique ; la participation la plus effective sera quand le public devra crier, debout, "Freude ! Freude Freude !" comme un ralliement de guerre.
Quant aux bagatelles (le titre serait-il un nouveau clin d'oeil à Céline ?), elles sont bien lugubres. En hommage à sa mère récemment disparue, et en pensant aux destructions effectuées par Daech, Cavanna transforme la neuvième symphonie de Beethoven en un champ de ruines. La beauté hante les lieux, mais en lambeaux, en souvenirs, en bouffées perdues parmi des chants de désolations. A l'influence de Kagel, j'ajoute ce soir celle de Lachenmann.
Et le ludisme de l'application, le burlesque de ces "Freude" hurlés, ne sont que des paravents devant la tragédie. Une grande oeuvre, à qui Arie van Beek et l'Orchestre de Picardie (et le Choeur de smartphones des élèves du Lycée Boucher !) rendent honneur.

beethoven on line